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Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernà¡ndez (Chili)

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par Julien Vanhulst
Université Libre de Bruxelles - Master en sciences et gestion de l'environnement 2009
  

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2.1. Diversité végétale

2.1.1. Fondations de connaissances botaniques

Les îles sont reconnues comme étant des écosystèmes de grande qualité biologique. Sur l'archipel Juan Fernández, plus de 60% des espèces de plantes indigènes sont endémiques. Sa faible superficie terrestre (environ 100 km2) en fait un des lieux où les taux d'endémisme végétal par unité de surface sont les plus hauts au niveau planétaire. En effet, la densité d'espèces et la densité des endémiques est plus élevée que sur toute autre île océanique : on y trouve respectivement 2,08 espèces/km2 et 0,98 endémiques/km2 (Bernardillo et Stuessy, 2001).

Les inventaires et les caractérisations botaniques de l'archipel sont le résultat de presque 200 ans de collections et de visites sporadiques d'une multitude de scientifiques. Si la première expédition scientifique en 1743 est l'oeuvre de Jorge Juan et Antonia de Ulloa sous l'autorité du vice-roi du Pérou, Villagarcia (Orrellana et al., 1974), la flore des îles de Juan Fernández commencera à attirer l'attention au début du XIXe siècle et les premiers prélèvements et inventaires renseignés sont l'oeuvre de Mary Graham qui accompagnait Lord Cochrane (alors engagé comme commandant général de la Marine au Chili).

Le premier botaniste qui a séjourné sur l'île Robinson Crusoe est David Douglas. En 1824, avec le géologue John Scouler, il collecta 70 espèces qui se trouvent dans les herbiers de Kew en Angleterre. En 1830, Carlo G. Bertero (botaniste italien), restera plusieurs mois sur l'île Robinson Crusoe et récoltera une grande collection de plantes. A la même période, Hugh Cuming visitera pour la première fois l'île Alejandro Selkirk.

A partir de 1830, le gouvernement chilien engagera Claudio Gay (botaniste français) pour étudier l'histoire naturelle du pays. Il écrira un ouvrage en 8 volumes sur la flore chilienne et un atlas. Il transitera par l'archipel Juan Fernández en 1832 et relatera le grand intérêt biologique de l'île pour la science et pour le pays.34

Philibert Germain (entomologiste) prélève en 1854 une précieuse collection qui sera étudiée par R.A. Philippi (botaniste allemand professeur d'histoire naturelle à l'Université du Chili et directeur du musée national d'histoire naturelle) en 1856 et qui met en évidence la détermination de 28 nouvelles espèces dont Podophorus bromoides (Gramineae), qui n'a jamais été retrouvée depuis (Matthei, Marticorena et Stuessy, 1993).

Suivent Edwyn C. Reed et José Guajardo en 1869, puis en 1872, qui rassemblent une importante
collection conservée dans les herbiers du Musée National d'Histoire Naturelle à Santiago du Chili. Ils

34 Voir Partie 2 - Chapitre I - point 3. De la découverte de l'île Robinson Crusoe à nos jours.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

ont été les premiers à recueillir l'Anthoxanthum odoratum ou pasto oloroso, une graminée exogène actuellement présente dans une zone assez large des îles Robinson Crusoe et Alejandro Selkirk.

En 1875, le navire anglais Challenger fait escale dans l'île avec à son bord le naturaliste H. Moseley qui rassemblera une grande collection. Ce matériel a permis à William B. Hemsley (conservateur à Aberdeen et Kew) d'écrire le premier rapport important sur la botanique de l'archipel Juan Fernández. << En 1891 et ultérieurement en 1892, Federico Johow (botaniste allemand engagé au Chili pour participer à la construction du nouveau système pédagogique), et Juan Söhrens vont séjourner sur Robinson Crusoe. Johow fait une vaste analyse de la flore introduite, citant plusieurs espèces (indigènes et introduites) pour la première fois, notamment la murtilla (Ugni molinae), espèce du Chili continental, qui, dans l'île Masatierra a déplacé une surface considérable de la flore indigène. » (Matthei, Marticorena et Stuessy, 1993) Federico Johow publiera ses résultats en 1896 dans son oeuvre << Estudios sobre la flora de las islas Juan Fernández ».

Le botaniste qui a le plus contribué à former les bases référentielles de la caractérisation végétale a été Carl Skottsberg. Ce botaniste suédois a réalisé une intense étude de la flore des îles de l'archipel. << En 1908, puis de 1916 à 1917 et de 1953 à 1954, Skottsberg a collecté non seulement des plantes vasculaires, mais aussi des algues, des champignons et des lichens. Son oeuvre est le travail le plus complet qui a été réalisé jusqu'à présent. Skottsberg a été le dernier à trouver un exemplaire vivant de Santal, en 1908. On n'a jamais retrouvé d'autre spécimen depuis et son extinction est désormais considérée définitive. » (Matthei, Marticorena et Stuessy, 1993) Il a distingué 7 communautés végétales dans l'île Robinson Crusoe à la fois selon l'altitude et selon la composition. Très vite, Carl Skottsberg a manifesté une grande inquiétude devant la situation préoccupante de la flore native.

A partir de 1980, vu l'intérêt de l'archipel Juan Fernández pour l'étude de processus de l'évolution et de la systématique, le département de botanique de l'université de l'Ohio (USA) et l'université de Concepción (Chili) ont effectué 6 expéditions avec pour objectifs d'examiner les espèces natives (leur identité, et leur valeur chimique, médicale et thérapeutique), de comprendre les processus d'évolution des espèces endémiques et finalement de réaliser un nouveau cadastre des plantes vasculaires (Stuessy et al., 1998). Les résultats de ces observations rendront compte des différentes zones végétales et des espèces endémiques qu'elles hébergent mais aussi de la destruction progressive de la flore des îles. Tod Stuessy utilisera les secteurs définis par Skottsberg pour réaliser une étude sur l'évolution botanique de l'île Robinson Crusoe. Ces travaux mettront en évidence une importante coexistence d'espèces introduites avec les espèces indigènes et la dangerosité d'une multitude d'espèces exogènes dont plusieurs sont très difficiles à contrôler et/ou à éradiquer. Parmi celles-ci, la Zarzamora (Rubus ulmifolius), le Maqui (Aristotelia chilensis), la Murtilla (Ugni Molinae), le Trun (Acaena argentea) et le Cardo blanco (Eryngium Bourgatii) sont considérées comme les pires.

En 1997 et jusqu'en 1999, Philippe Danton (botaniste attaché au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris) effectuera un premier travail d'exploration, d'inventaire botanique et de préservation des espèces végétales menacées de l'archipel Juan Fernández. Une synthèse des premiers voyages a été publiée en 1999. En 2001, il créera l'association Robinsonia dont l'objectif est de compléter les connaissances naturalistes scientifiques disponibles sur l'archipel Juan Fernández. Pour ce faire, Philippe Danton continue son travail d'inventaire et de conseil pour la gestion conservatoire sur place en collaboration avec le Parque Nacional Archipiélago Juan Fernández, la CONAF, le Muséum de Santiago et diverses universités chiliennes. Désormais accompagné par Christophe Perrier (assesseur du présent mémoire), Philippe Danton prévoit l'édition d'une synthèse sur l'Histoire Naturelle de l'archipel, mettant à jour, pour la flore, le remarquable ouvrage de Carl Skottsberg publié entre 1920 et 1956. Parallèlement, l'association Robinsonia << tente de sauvegarder la flore des îles de l'archipel au travers de projets de conservation in situ et ex situ des espèces les plus menacées. » (Georget, 2009)

Plusieurs voyages scientifiques ont permis de retrouver des espèces considérées disparues, engager des actions de sauvegarde sur place et ex-situ, et découvrir quelques nouveautés botaniques.

L'ensemble de ces travaux converge dans le même sens et appuie l'intérêt non seulement botanique mais surtout écologique des îles de l'archipel.

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