Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernà¡ndez (Chili)( Télécharger le fichier original )par Julien Vanhulst Université Libre de Bruxelles - Master en sciences et gestion de l'environnement 2009 |
Université Libre de
Bruxelles «MENACES ET PERSPECTIVES POUR LA
PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ DE « L'île au trésor » (c) René Magritte, peinture, 1942. Mémoire de Fin
d'Etudes présenté par Directrice : Prof. Marie-Françoise Godart Codirecteur : Prof. Pierre-Louis Kunsch Assesseurs : Prof. Bernard Godden Prof. Véronique Joiris Prof. Jean Lejoly Mr. Christophe Perrier (Robinsonia - France) Contact auteur : julienvanhulst@ yahoo.fr Remerciements : Je remercie tout d'abord les professeurs qui ont encadré ce mémoire : Marie-Françoise Godart pour avoir accepté de diriger ce mémoire et m'avoir lancé dans la rédaction au moment opportun (sans quoi je n'aurais jamais fini aujourd'hui...). Pierre Louis Kunsch pour son soutien et nos échanges riches d'enseignements et d'humanité. Bernard Godden, Véronique Joiris et Jean Lejoly pour leur lecture et évaluation. Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Christophe Perrier pour sa disponibilité, sa franchise, pour les réponses qu'il m'a apportées et pour ses commentaires toujours instructifs. Je remercie également toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire : Celles et ceux qui ont amenuisé la distance qui me sépare de l'archipel Juan Fernández : Claudia Galleguillos (CONAMA - Encargada Àrea de Recursos Naturales y Biodiversidad), Juan Torres de Rodt (Sindicato de pescadores Juan Fernández y associé Fundación archipiélago Juan Fernández), Juan C. Torres-Mura (MNHN Santiago de Chile), Juanita Diaz, Julio Chamorro Solis (Sindicato de pescadores Juan Fernández), Julio Leiva (CONAF - Parque Juan Fernandez), Karen Lara Tognio (CONAMA - Unidad educación ambiental y participación Ciudadana), Liliana Maritano Jeria (Sernapesca), Miguel Diaz (CONAF - Jefe del Departamento de Áreas Protegidas y Comunidades), Patricio M. Arana (Escuela de Ciencias del Mar - Pontificia Universidad Católica de Valparaíso), Pedro Araya (CONAF - MaB Chile), Raimundo Bilbao (Presidente Fundación archipiélago Juan Fernández), Victorio Bertullo Mancilla (Director Casa de la Cultura Isla Robinson Crusoe). Celles et ceux qui m'ont orienté et conseillé : Alejandro Leon (RENARE Universidad de Chile), Alvaro Palma Benkhe (Departament de Ecologia, Facultad de Ciencas Biologicas P.U.C. de Chile), Bérengère Marques-Pereira (Université Libre de Bruxelles), Christine Favart (Directrice Relations bilatérales pays du Sud - WBI), Cornelia Nauen (Commission européenne - DG Recherche), Guy Bajoit (Université Catholique de Louvain-la-Neuve), Juan Soto Godoy (Universidad Académia Humanismo Cristiano, Santiago de Chili), Pablo Sepúlveda (Asociación El Canelo de nos), Philippe Willenz (Department of Invertebrates - Royal Belgian Institute of Natural Sciences), Thais Pons (ULB - IGEAT, pour toutes nos discussions discontinues) Celles et ceux qui m'ont aidé à obtenir de la documentation et des informations précieuses : Alicia Marticorena (Departamento de Botánica - Universidad de Concepción), Ana Abarzúa (Universidad de Chile), Angelica Escalona, Carlos Baeza (Universidad de Concepción), Carlos Sato Varas (Illustre Municipalidad Juan Fernández - depto Turismo, Cultura y Relaciones publica), Claudia Santiago Karez (UNESCO Montevideo), Cristina Rojas A (Biblioteca Especializada de Agronomía - P.U.C. de Valparaíso), Cristian Sánchez (CEDOC-CIREN), Enrique Aliste (Universidad de Chile), Enrique Leff (Coordinador - Red de Formacion Ambiental - PNUMA), Erin N. Hagen, Ernst R. Hajek (ECOLYMA), Eyleen Angulo C. (Biblioteca Conmemorativa Orton IICA/CATIE - Costa Rica), Fabian Jaksic (Center for Advanced Studies in Ecology & Biodiversity - P.U.C. de Chile), Fernando Retamal Illanes (CONAMA - Programa Sendero de Chile), Francis Hallé (ancien professeur de botanique à l'Université de Montpellier), Francisco Bozinovic (Center for Advanced Studies in Ecology & Biodiversity - P.U.C. de Chile), Ignacio Letelier, Ingo Hahn (Institut für Landschaftsökologie - Westfälische Wilhelms-Universität Münster), Jackie Van Goethem (ancien responsable du Point focal Biodiversité pour la Belgique), James Thorsell (Senior Advisor for Natural Heritage, World Conservation Union (IUCN)), José Yañez (MNHN Santiago de Chile), Marcela Pulgar, Mariana Acosta Serey (Universidad Academia Humanismo Cristiano), Patrick Sylvestre-Baron (GATE - CNRS), Peter Hodum (University of Puget Sounds), Peter Hulm, Ricardo Letelier, Rodolfo Gajardo (Universidad de Chile), Salvatore Arico (Division of Ecological and Earth Sciences - UNESCO), Sebastian Tramon da Fonseca (Fundación Biodiversa), Stephane Gelcich (Center for Advanced Studies in Ecology & Biodiversity - P.U.C. de Chile), Tod Stuessy (Institut für Botanik, Universität Wien - Vienne), Victor H. Ruiz R (Universidad de Concepción). Celles et ceux qui ont exprimé leur intérêt et leur soutien à mon projet. Celles qui m'ont aidé a parachever ma rédaction dans les derniers instants: Fabienne Roynet pour sa lecture critique et sa générosité dans nos échanges autour de ce travail, Flore Vanhulst pour sa lecture philologique et critique ainsi que Claire Vanherenthals pour sa lecture concernée et minutieuse. Et finalement, ma femme, Marcela Letelier et ma fille, Likán, pour leur patience, leur aide et leurs encouragements.
Table des Matières Table des Figures 1 Abréviations 3 INTRODUCTION 5 PREMIÈRE PARTIE - THÉORIE LIMINAIRE CHAPITRE I - La BIODIVERSITÉ 7
3.1. Nature des liens entre l'homme et la nature 10 3.2. Les "services rendus par les écosystèmes" 11 CHAPITRE II - La PERTE DE BIODIVERSITÉ 11
CHAPITRE III - SPÉCIFICITÉS INSULAIRES 17
4.2.1 Perturbation des habitats 20 4.2.2. Introduction d'espèces envahissantes 20 4.2.3. Surexploitation 21 4.2.4. Combinaison de facteurs 21 4.2.5. Danger surdimensionné dans un contexte insulaire 21 DEUXIÉME PARTIE : CAS DE L'ARCHIPEL JUAN FERNÁNDEZ CHAPITRE I - PERSPECTIVE HISTORIQUE 23
CHAPITRE II - La BIODIVERSITÉ sur l'archipel Juan Fernández 35
2.1. Diversité végétale 38 2.1.1. Fondations de connaissances botaniques 38 2.1.2. Caractérisation des zones végétales 40 2.1.3. Caractérisation des espèces végétales 41 2.2. Diversité animale 42 2.2.1. Les mammifères 42 2.2.2. L'avifaune 42 2.2.3. La faune aquatique 43 2.2.4. Les invertébrés 43 2.2.5. Faune animale introduite 43 CHAPITRE III - PERTE DE BIODIVERSITÉ sur l'archipel Juan Fernández 44
2.1. Introduction d'espèces 46 2.1.1. Espèces animales 48 2.1.2. Arbres exotiques 50 2.1.3. Autres espèces végétales 50 2.1.4. Interactions espèces végétales - espèces végétales 53 2.1.5. Interactions espèces végétales - espèces animales 53 2.2. Perturbation des habitats 54 2.3. Surexploitation 56 2.4. Combinaison de facteurs 57 CHAPITRE IV - PERSPECTIVE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE 59
2.1. Démographie 63 2.2. Alphabétisation 65 2.3. Relations avec le continent et identité 65 2.3.1. Le syndrome d'insularité 66 2.3.2. La pêche : socle identitaire 67 2.4. Ambivalence du statut de protection de l'archipel 67 2.5. Economie 68 2.5.1. Caractéristiques actuelles 68 2.5.2. L'option touristique 69 CHAPITRE V-PERSPECTIVE POLITICO-JURIDIQUE 71
CHAPITRE VI - PERSPECTIVES FUTURES 86
3.1. Eradication des espèces problématiques 87 3.2. Récupération des espèces natives et des sols 87 3.3. Contrôle des entrées 87 3.4. Conservation in situ et ex situ 88 3.5. Monitoring 88 3.6. Formations et informations 88
CONCLUSION 91 Bibliographie 92 Annexes 99 «Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» Table des Figures: Fig. 01 : « L'île au trésor » 0 René Magritte, 1942. Fig. 02 : Index Planète vivante (WWF, UNEP-WCMC) 12 Greenfacts, 2005. Fig. 03 : Les 3 grands facteurs de perte de biodiversité et leurs relations 14 Vanhulst, 2009 d'après MEA, 2005, Fig. 5 et Barbault, 2002, Fig. 3. Fig. 04 : Archipel Juan Fernández 22 H. Correa Cepeda (Director del jardín botánico nacional), 2009. Fig. 05 : Baie Cumberland et village San Juan Bautista 22
Fig. 22 : Quantité de langoustes pêchées entre 1930 et 2000 en tonnes 56 Arana, 1983 et Arana, 2006. Fig. 23 : Quantité de langoustes pêchées entre 1968 et 2001 par unité 57 Arana, 2006 et www.fao.org/fishery Fig. 24 : Diagramme global du problème de perte de biodiversité 58 Vanhulst et Kunsch, 2009. Fig. 25 : Structure de la population par âge et par sexe (Chiffres Municipalité) 63 Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005. Fig. 26 : Structure de la population par âge et par sexe (Chiffres INE) 64 Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005. Fig. 27 : Pyramide d'âges de la population de l'archipel (Chiffres INE) 64 Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005. Fig. 28 : Nombre de visiteurs du parc Juan Fernández entre 1990 et 2002 69 CONAF, 2004. Fig. 29 : Les risques du tourisme 70 Vanhulst et Kunsch, 2009. Fig. 30 : Entités publiques responsables du contrôle des normes environnementales 73 Vanhulst, 2009, d'après OCDE ET CEPAL, 2005. Fig. 31 : Zones protégées et écosystèmes terrestres incorporés au SNASPE en décennies 77 Vanhulst, 2009 d'après IUCN, 2007. Fig. 32 : Zones protégées du réseau SNASPE au Chili 77 Vanhulst, 2009 d'après CONAMA, 2005 ; www.conaf.cl ; TERRAM, 2005. Fig. 33 : Corrélation entre le budget et la bonne gestion d'une zone protégée 78 WWF, 2004. Fig. 34 : Corrélation entre l'éducation et la bonne gestion d'une zone protégée 78 WWF, 2004. Fig. 35 : Localisation, nombre et superficie des zones protégées privées en 1999 79 Vanhulst, 2009 d'après TERRAM, 2005. Fig. 36 : La décharge municipale de l'archipel Juan Fernández 89 Christophe Perrier, 2009. Abréviations : CDB : Convention sur la Diversité Biologique CEPAL : Comisión Económica Para América Latina y el Caribe (Commission Economique Pour l'Amérique Latine et les Caraïbes) CIDEZE : Comité Interministerial para el DEsarrollo de Zonas Extremas (Comité Interministériel pour le Développement de Zones Extrêmes) CITES: Convention on International Trade in Endangered Species (Convention sur le Commerce International des Espèces Menacées d'Extinction) CONAF : Corporación Nacional Forestal (Agence Nationale Forestière) CONAMA : Corporación Nacional del Medio Ambiente (Agence Nationale de l'Environnement) CONICYT : Comisión Nacional de Investigación Científica Y Tecnológica (Commission Nationale de Recherche Scientifique Et Technologique) COREMA : Corporación Regional del Medio Ambiente (Agence Régionale de l'Environnement) CORFO : Corporación de Fomento de la Producción (Agence de Développement Economique) DIRECTMAR : Dirección General del Territorio Marítimo y Marina Mercante (Direction Générale du Territoire Marin et de la Marine Marchande) GIEC : Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat INE: Instituto Nacional de Estadísticas (Institut National de Statistiques) INIA : Instituto de Investigación Agropecuarias (Institut de Recherche pour l'Agriculture et l'Elevage) IREN : Instituto Nacional de Investigación de Recursos Naturales (Institut National de Recherche sur les Ressources Naturelles) MaB : Man and Biosphere (programme « L'homme et la biosphère » de l'UNESCO) OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique ONG : Organisation Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations unies PNUD : Programme des Nations unies pour le Développement PNUE : Programme des Nations unies pour l'Environnement PNUMA : Programa de las Naciones unidas para el Medio Ambiente (Programme des Nations unies pour l'Environnement) SAG: Servicio Agrícola y Ganadero (Service pour l'Agriculture et l'Elevage) «Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» SCOPE: Scientific Committee On Problems of the Environment (Comité scientifique sur les problèmes de l'environnement) SEIA : Sistema de Evaluación de Impacto Ambiental (Système d'Evaluation d'Impact Environnemental) SERNAPESCA : Servicio Nacional de Pesca (Service National de la Pêche) SESA : Servicio Ecuatoriano de Sanidad Agropecuaria (Service Equatorien Sanitaire pour l'Agriculture et l'Elevage) SICGAL : Sistema de Inspección y Cuarentena para Galápagos (Système d'Inspection et de Quarantaine pour les Galápagos) SINIA : Sistema Nacional de Información Ambiental (Système National d'Information Environnementale) SNASPE : Sistema Nacional de Areas Silvestres Protegidas por el Estado (Système National d'Aires Sauvages Protégées par l'Etat) SUBSECMAR : Subsecretaria de Marina (Sous secrétariat de la Marine) UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature UNESCO: United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des Nations unies pour l'Education, la Science et la Culture) UNORCH : Union de Ornitólogos de Chile (Union des Ornithologues du Chili) WCMC : World Conservation Monitoring Center (Centre de Surveillance de la Conservation de la Nature) WDPA : World Database on Protected Area (Base de donnée Mondiale des Aires Protégées) WWF : World Wild Fund (Organisation mondiale de protection de l'environnement) «Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» INTRODUCTION Au début des années 1980, l'inquiétude de nombreux scientifiques face au rythme sans précédent de disparition d'espèces lance le débat sur la biodiversité. A cette époque, ce terme de "biodiversité" est encore synonyme de diversité des espèces. Progressivement, la biodiversité ne se limitera plus aux seuls inventaires d'espèces et sera abordée de façon dynamique. Elle devient « l'ensemble des relations entre toutes les composantes du vivant qui permet le jeu de l'évolution. » (Aubertin et al., 1998) Désormais métissée, la notion de biodiversité associe aujourd'hui la compréhension des systèmes écologiques et des systèmes sociaux. Cette conception permet d'aborder un problème environnemental en intégrant plusieurs disciplines généralement disjointes. Dans ses limites bibliographiques et méthodologiques, le présent travail, sur le cas de l'archipel Juan Fernández, propose d'appliquer un cadre d'analyse contextuel et global à partir du concept de biodiversité afin de mieux considérer les actions futures pour sa préservation. Soit, une façon de penser un problème environnemental qui n'isole pas un phénomène mais le contextualise (au travers de diverses disciplines); qui n'aborde pas le problème strictement localement mais le situe dans une logique globale ; et qui ne restreint pas le problème à une temporalité immédiate mais qui prend en considération les effets futurs des actions entreprises. En effet, si les problèmes environnementaux peuvent être expliqués par les sciences dites naturelles (physique, chimie, biologie), la compréhension de leurs causes et leur gestion doivent intégrer les sciences dites humaines (historiques, socio-anthropologiques, économiques et politico-juridiques). L'archipel Juan Fernández (composé de 3 îles et quelques îlots au large des côtes chiliennes) est un précieux berceau de biodiversité. Apparu il y a environ 4 millions d'années, cet archipel a lentement été colonisé par des espèces végétales et animales qui se sont adaptées et ont évolué singulièrement dans ce biotope isolé. Cette lente adaptation et évolution biocénotique a préservé et fait naître des espèces désormais uniques au monde. L'archipel est classé Parc National chilien et Réserve de Biosphère par l'UNESCO. Ces statuts sont liés à sa nature écologique (endémisme important, paysages singuliers, patrimoine génétique et biochimique unique), culturelle, mais aussi aux évènements historiques qui l'ont marqué. Malgré cela, les conditions nécessaires pour assurer son intégrité à long terme, tant du côté environnemental que culturel, s'éloignent de jour en jour au rythme des exploitations, des envahissements d'espèces exotiques et de son inclusion dans la sociétémonde. L'exploitation des ressources physiques (dans un premier temps sur les îles Robinson Crusoe et Santa Clara et ensuite sur Alejandro Selkirk) remonte au jour de la découverte de l'archipel en 1574. Au début, l'exploitation (principalement des ressources marines) était discontinue au même titre que les occupations de l'île. Finalement, une population permanente s'est installée à la fin du XIXe siècle, développant des activités économiques attrayantes (toujours basées essentiellement sur les ressources halieutiques). Les différentes étapes d'installations historiques ont laissé des traces profondes sur l'archipel. Face à cette situation, certaines mesures de protection ont été appliquées suite à la création du Parc National en 1935. Ces bonnes intentions ne seront traduites dans la pratique qu'à la fin des années 1960 dans une logique préservationniste classique (c.-à-d. sans inclure la dimension participative). Malgré l'intégration de l'archipel au réseau de Réserves de Biosphère en 1977, les modes de gestion sont restés sensiblement intacts et ne parviennent pas vraiment à répondre à l'ensemble des processus de dégradation qui menacent l'archipel. L'archipel Juan Fernández offre donc une remarquable illustration (archétypique) des théories sur la biodiversité et la perte de biodiversité articulant les dimensions naturelles et humaines. Une vue à la fois microscopique et macroscopique permet d'appréhender non seulement la "nature" et les particularités du phénomène de perte de biodiversité mais aussi l'étiologie de ce problème et les possibilités de le résoudre. Si, au départ, l'adoption de cette vue générale était plus le résultat des possibilités méthodologiques autour de ce mémoire, elle s'est construite, ensuite, comme proposition de dépasser les vues claires et distinctes des travaux de spécialistes pour recadrer la gestion de l'archipel en tant que zone protégée et lieu de vie dans son contexte global. <<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» Note méthodologique : Ce travail inclus quelques << diagrammes d'influence )) issus de la dynamique des systèmes. Le recours à ces diagrammes est un choix méthodologique. Il souligne l'intérêt de penser l'environnement de manière systémique en opposition à une perspective linéaire. Les quelques diagrammes présentés ici sont qualitatifs et servent surtout de support à la compréhension. Les problèmes environnementaux ne se limitent évidemment pas à un modèle virtuel et ces modèles ne sont pas assimilables à la réalité. Cependant, les diagrammes permettent de mettre en évidence un système (c.-à-d. un ensemble d'éléments qui interagissent continuellement dans le temps) qui comprend des interrelations parfois complexes dans une structure schématique qui "simplifie la réalité". La figure du système ainsi obtenue permettra de visualiser les << chaînes de relations qui lient des causes à leurs effets, les équilibres et déséquilibres et leurs régulations, l'ensemble débouchant sur des effets involontaires, imprévus ou pervers [...]. )) (Godard, 1996) La dynamique des systèmes peut également être utilisée pour analyser comment un changement structurel qui affecte une partie du système peut influencer le comportement de l'ensemble du système. D'autre part, ces diagrammes qualitatifs considèrent l'espèce humaine et le reste des espèces vivantes sous un même statut << à la fois comme opérateurs élémentaires de flux matériels et énergétiques et comme composants soumis aux déterminations du système de relations.)) (Godard, 1996). En sus de << son intérêt propre pour comprendre et résoudre certains problèmes, le recours à la modélisation devient de plus en plus un moyen de dialogue entre les disciplines)) (Schmidt-Lainé et Pavé, 2002) et entre les acteurs. Ainsi, les apports de la modélisation sont utiles à des fins de compréhension mais aussi comme outil d'aide à la décision. Lors des recherches effectuées pour ce travail, la lecture de notes techniques (Bouamrane et al., 2006) des Réserves de biosphère du programme MaB a inopinément fait le lien entre le sujet de recherche et le choix de l'utilisation des diagrammes d'influence pour rendre compte des phénomènes complexes de façon synthétique et lisible. Dans le cadre des stratégies de conservation des Réserves de biosphère, le programme MaB propose le recours aux modèles en tant qu'instruments de gestion. << L'intégration de modèles de simulation dans l'aide à la décision collective pour la gestion de ressources naturelles est une des particularités de la gestion adaptative (Holling, 1978 ; Walters, 1986). Il y a trois façons [...] d'utiliser des modèles [...] en tant que support pédagogique : pour faire prendre conscience des interactions entre acteurs et ressources, en tant qu'outil de médiation entre les usagers d'une Réserve de biosphère et en tant qu'outil d'aide à la décision pour la mise en place d'un plan d'aménagement concerté. )) (Bouamrane et al., 2006). La mise en place de tels outils dans le cadre de la gestion d'un espace protégé suscite le dialogue et la concertation. Ainsi, dans la "modélisation d'accompagnement", << le modèle joue le rôle d'un objet intermédiaire convivial et dynamique. Il est à la fois un outil de partage de représentations et un outil d'évaluation des scénarios [...]. Dans la mesure où il aide à se mettre à la place de l'autre, il assure une bonne lisibilité des rôles de chacun des acteurs et stimule la synergie entre connaissances pratiques et expertise technique et entre savoirs profanes et savoirs scientifiques. )) (Bouamrane et al., 2006) Lecture des diagrammes d'influence : Les diagrammes d'influence contiennent des "variables" (éléments du système) et des flèches de relation entre ces variables. Les flèches indiquent le sens de la relation et une polarité. Un signe "+" désigne une relation positive (si une variable réagit en augmentant, l'autre variable réagira analogiquement, soit : si la première variable augmente, elle influencera l'autre variable dans un sens d'augmentation), un signe "-" indique une relation négative (c.-à-d. une relation inversement proportionnelle entre deux variables, soit : si la première variable augmente, elle influencera l'autre variable dans un sens de diminution). A partir d'un ensemble d'interrelations, on peut distinguer des "rétroactions". Les rétroactions sont des boucles de relations entre les variables. La rétroaction la plus simple est une interrelation entre deux variables qui s'influencent l'une l'autre. Si les deux variables s'influencent chacune positivement ou négativement, il s'agira d'une rétroaction dite "positive" (c.-à-d. une rétroaction qui s'autoalimente et peut éventuellement générer un effet boule de neige). En revanche, si la polarité des deux variables est différente, il s'agira d'une rétroaction dite "négative" (boucles d'auto-stabilisation qui peut éventuellement créer un équilibre). Dans les diagrammes d'influence, les boucles ne se limitent pas à deux variables et leur nature dépend de l'enchaînement des relations et de leur polarité. <<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» PREMIÈRE PARTIE - THÉORIE LIMINAIRE CHAPITRE I - La BIODIVERSITÉ 1. Qu'est-ce que la biodiversité ? << Que la vie se manifeste sous des formes très diverses est un fait bien connu, et de longue date. La diversité du vivant est un fait. J'aimerais que l'on réserve l'emploi du néologisme biodiversité - qui certes dit la même chose au premier degré - au concept qui s'est dessiné dans les coulisses de Rio de Janeiro et qui donne corps à la Convention sur la diversité biologique. » (Barbault, 2002) Communément, la biodiversité est subdivisée en 3 niveaux :
L'écosystème est une subdivision de la biosphère. Il fait référence à une unité qui comprend une biocénose (association d'êtres vivants) et son biotope (environnement physico-chimique). La diversité des écosystèmes, ou biodiversité structurale, s'exprime par le nombre et la diversité des espèces qui peuplent un milieu naturel. Cependant, la biodiversité ne se limite pas à la distinction et à l'énumération de variations à différentes échelles. Elle recouvre aussi les interactions qui existent au sein des différents niveaux évoqués et entre ces niveaux. Ainsi, la biodiversité recouvre non seulement l'ensemble des formes de vie sur Terre (y compris l'être humain) mais aussi les relations que ces formes de vie tissent entre elles et avec leur environnement depuis les origines de la vie. Elle comprend donc de façon indissociable à la fois la richesse de l'ensemble des formes du vivant, et la complexité des interactions entre toutes les espèces ainsi qu'entre ces espèces et leurs milieux naturels. << La disparition d'une espèce, par delà son caractère dramatique en soi, a moins d'importance pour le monde vivant (dont les humains) que les multiples interactions qui disparaissent avec elle. [...] La biodiversité n'est pas réductible à la somme des espèces ; et quand toutes les espèces seraient identifiées et conservées dans des boîtes séparées, la diversité aurait disparu. » (Weber et Latelin, 2004) D'autre part, en tant que champ de recherche, la biodiversité ne se limite pas aux seules sciences de la nature. Dans le contexte du début des années 1980 et en parallèle avec la construction de la biologie de la conservation, la notion de biodiversité éclate le cadre `sciences de la vie' où la diversité du vivant était confinée jusque-là, pour se mettre au carrefour des sciences de la nature, des sciences de l'homme et de la société, et des sciences de l'ingénierie et de la décision (Barbault, 2003). Cette transition suppose de nouvelles synergies intra disciplinaires et interdisciplinaires. <<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 2. Origine et développement du concept de "Biodiversité" Etymologiquement, le terme biodiversité est le résultat de la contraction du mot biologique (dont l'élément -bio vient du grec bios << vie ») et diversité (du latin diversitas de diversus << divers »). Alors que l'écologie entre dans le champ scientifique dans le courant du XVIIIe siècle, l'intérêt pour la conservation de la nature est relativement récent. << Si l'on adopte comme critère la mise en place d'aires protégées, réserves naturelles ou parcs naturels, on en relève les premiers signes à la fin du XIXe siècle avec la création aux Etats-Unis, en 1872, du premier parc national du monde, celui de Yellowstone. On peut faire remonter plus loin les origines des pratiques conservatrices en évoquant les croyances philosophiques et religieuses qui reconnaissent une valeur sacrée à des paysages exceptionnels, ou aux animaux et à la vie. [...] L'Union internationale pour la protection de la nature est créée en 1948. Sa transformation 8 ans plus tard en UICN entérine l'idée que la préservation de la nature doit s'inscrire dans une perspective plus large d'utilisation sage de celle-ci et de ses fruits pour le bénéfice des hommes. » (Barbault, 2002) En 1971, L'UNESCO lance son programme de recherche appelé Man and Biosphere (MaB)1 avec pour objectif d'accroître les connaissances sur les relations entre l'homme et la nature. Quelques années plus tard, << en 1974, un groupe de travail du programme MaB lance l'idée de Réserve de biosphère. L'originalité du concept, par rapport à la perception classique des réserves et à la philosophie qui prévalait à l'époque en matière de protection de la nature, est de prendre en compte simultanément les objectifs de conservation et de développement. Les réserves classiques sont définies par rapport à la nature; les Réserves de biosphère partent d'interrogations et de réflexions sur les relations entre les sociétés humaines et leur environnement naturel. » (Barbault, 2002) La Stratégie mondiale de la conservation, dont une première version fut publiée en 1980, deux ans avant la conférence de Stockholm, est un événement important dans la prise de conscience internationale. Publiée par l'UICN, le WWF et le PNUE, cette stratégie adopte une vision globale de la dynamique de la biodiversité dans ses relations aux sociétés. Elle indique clairement que la conservation de la nature a pour finalité la satisfaction des besoins humains et doit donc tenir compte des contraintes économiques et sociales. Il s'agit d'une étape fondamentale de la pensée conservationniste, jusque-là entendue surtout comme destinée à mettre des morceaux de nature hors d'atteinte des pressions anthropiques. La Stratégie mondiale donnait raison à l'approche de l'UNESCO à partir du concept de << Réserve de biosphère », qui considère que les humains font partie de l'écosystème, qu'il s'agit de conserver (Weber, 2002). Plus tard, en 1985, le biologiste Walter G. Rosen propose le néologisme << Biodiversity » (contraction de l'expression Biological Diversity apparentée au tropicaliste Tomas Lovejoy, 1980) qui sera repris lors du << 1st National Forum on Biological Diversity » en 1986. Le nouveau mot ainsi introduit sera popularisé par l'entomologiste Edward O. Wilson qui, en 1988, en fait le titre du compte rendu du forum de 1986. Ce dernier en donne la définition suivante : << la totalité de toutes les variations de tout le vivant ». En 1988, l'Assemblée générale de l'UICN adopte la définition suivante : << La diversité biologique, ou biodiversité, est la variété et la variabilité de tous les organismes vivants. Ceci inclut la variabilité génétique à l'intérieur des espèces et de leurs populations, la variabilité des espèces et de leurs formes de vie, la diversité des complexes d'espèces associées et de leurs interactions, et celle des processus écologiques qu'ils influencent ou dont ils sont les acteurs, dite diversité écosystémique (18e Assemblée Générale de l'UICN, Costa Rica, 1988). » (Ministère délégué à la recherche [F], 2005) Depuis 1986, l'utilisation du terme et du concept a coïncidé avec la prise de conscience de l'extinction d'espèces qui frappe la planète depuis les dernières décennies du XXème siècle (Ministère délégué à la recherche [F], 2005). L'objectif principal de ces textes fondateurs était de stigmatiser l'érosion de la biodiversité biologique, de dénoncer les menaces qui pèsent sur elle et de souligner l'impérieuse nécessité d'inverser cette tendance (Blondel, 2003). 1 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1.2.1. UNESCO «Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» Ces plaidoyers ont joué un rôle important dans la prise de conscience qui s'est faite lors de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement à Rio de Janeiro au Brésil du 3 au 14 juin 1992 (Sommet de la Terre de 1992). Cette conférence (dans le sillage du 1er sommet de la Terre en 1972 à Stockholm) signe l'acte de naissance de la Convention sur la biodiversité2. Avec ce traité, Rio a unifié, mis en cohérence et renforcé des processus qui étaient engagés depuis des décennies (voir les différentes conventions de la 2e moitié du XXe siècle et ayant pour objectif la protection de la faune et de la flore à différentes échelles). L'article 2 ("Emploi des termes") de cette convention définit la diversité biologique comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein de espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. » (CDB, 1992) L'événement que fut Rio fit faire au mot « biodiversité » un saut épistémologique majeur puisqu'il quitta définitivement la seule sphère des biologistes pour envahir celle des sciences de l'homme et de la société. A partir de cette date, et plus encore à la suite du sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable d'août 2002, la biodiversité a quitté le seul champ de la biologie pour devenir un concept associant résolument et explicitement le champ des sciences de la nature et celui des sciences de l'homme et de la société (Bondel, 2003). Ce glissement sémantique fait que la biodiversité ne se réduit plus à son sens littéral (diversité du vivant) et invoque dès lors une approche interdisciplinaire. Le concept de biodiversité devient alors porteur d'une nouvelle manière de considérer les relations entre sciences de la nature et sciences de l'homme et de la société. En 1992, un nouveau saut est franchi avec la publication de la Stratégie mondiale de la conservation par le World Resources Institute, l'UICN et le PNUE. Ce texte majeur souligne une nouvelle fois la nécessité de croiser les approches de développement avec la sauvegarde des processus écologiques. Il relance la dynamique post-Rio et contribuera à relancer le dispositif mondial des Réserves de biosphère dans le cadre de la Stratégie de Séville en 1995. En avril 2002, lors de la sixième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui est administrée sous l'égide du PNUE, les gouvernements se sont engagés « à assurer, d'ici 2010, une forte réduction du rythme actuel de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national, à titre de contribution à l'atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur la planète ». Après les avancées rhétoriques et superficielles qui prédominaient depuis 1972, cet engagement marque un premier objectif délimité dans le temps. Objectif certainement trop ambitieux et peut-être volontairement naïf (adage de tout consensus international ?), à l'aube de l'échéance fixée, force est de constater que les enjeux restent sensiblement les mêmes. Toujours en 2002, l'UNESCO, l'Union Internationale des Sciences Biologiques et le SCOPE, lancent un grand programme international baptisé Diversitas qui vient confirmer l'idée d'approche scientifique intégrée de la biodiversité. En 2005, est publié le rapport de l'Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire commandité en 2000 par Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU. Les questions soulevées par ce rapport vont fédérer les initiatives internationales dans le domaine de la biodiversité. Ce rapport mettra en évidence la responsabilité de l'homme dans la dégradation de l'environnement et les services écologiques rendus par les écosystèmes avec des résultats chiffrés et une légitimité internationale. Pour être influent et crédible, peut-être que ce type de dispositif devrait être de nature intergouvernementale (de type GIEC) plutôt que non gouvernementale. Ensuite, l'Évaluation du Millénaire, si elle étudiait les impacts des transformations des écosystèmes sur le bien-être des populations humaines, ne portait pas spécifiquement sur la diversité biologique. Au fil du temps, la biodiversité s'est construite, au delà du concept d'origine, comme champ de recherche qui propose une autre manière de regarder et d'aborder des champs traditionnels relevant des sciences de la nature ou des sciences de l'homme. 2 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1.2.2. Accords et conventions internationales <<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 3. La place de l'homme dans la biodiversité 3.1. Nature des liens entre l'homme et la natureDepuis le Sommet de la Terre, organisé en 1992 par l'ONU à Rio de Janeiro, la biodiversité suscite un intérêt croissant des scientifiques, des pouvoirs publics et de l'opinion dans le monde entier. De plus en plus de personnes reconnaissent que du gène à l'espèce et à l'écosystème, la diversité de la vie sur Terre constitue un patrimoine naturel irremplaçable et indispensable au bien-être des hommes et au développement durable. Cependant, la représentation de la nature actuellement dominante dans les sociétés "occidentales" repose sur le dualisme Société - Nature. Elle tire ses racines de l'histoire des relations entre l'homme et la nature marquée par une croyance en la domination de la nature. Historiquement, l'homme est perçu comme séparé de la nature et capable de la maîtriser. Ce n'est que récemment que les effets des processus humains sur la nature ont été mis en évidence et resitués. D'autre part, aujourd'hui, la biodiversité est un concept souvent réduit au nombre d'espèces existant sur la planète. Les considérations de la dépendance des sociétés humaines vis-à-vis de cette diversité biologique sont limitées alors qu'elle se retrouve pourtant dans une multitude d'activités humaines (agriculture, élevage, pêche, sylviculture, cueillette, pharmacie, cosmétiques, alimentation et industrie agro-alimentaire, bois, fibres,...) depuis les temps préhistoriques. << Comme toute espèce vivante et depuis notre apparition sur Terre, nous dépendons de ce qui nous entoure de manière plus ou moins évidente, donc plus ou moins consciente. Nous sommes en effet en interaction permanente avec les milieux terrestres ou aquatiques et la grande diversité d'animaux, de végétaux et de micro-organismes qui les compose. De notre naissance à notre mort, nous consommons de la biodiversité, nous rejetons des déchets qui alimentent la biodiversité et nous abritons de la biodiversité. En cela, l'espèce humaine est l'égale de n'importe quel être vivant, de l'érable au termite. » (CNRS/sagascience - dossier biodiversité) Les fondements de la notion de biodiversité mettent en évidence deux notions essentielles :
L'homme fait partie intégrante de la biodiversité au même titre que les autres espèces. Si cette affirmation peut sembler banale, elle abrite un nouveau paradigme qui allie sciences naturelles et humaines. Ce nouveau paradigme, intrinsèquement lié aux concepts de biodiversité et de développement durable (nés dans le même berceau) est en soi un nouvel enjeu scientifique incarné par une forte volonté d'intégration. Il est effectivement essentiel de dépasser le cadre moderne dominant et ne plus considérer l'humain comme extérieur à la nature. Certains courants proposent une alternative non dualiste et non utilitariste (l'écologie « arcadienne » de Worster, l'anthropologie écologique ou le communalisme de Pálsson). Les courants de recherches sur la biodiversité devraient converger vers les mêmes horizons (Hufty, 2006). << La perception de la place des humains dans la << nature » a évolué en profondeur. La division classique entre "nature" et "culture" est remise en cause en de multiples lieux. [...] La "nature", considérée comme extérieure aux humains, vouée à l'exploitation et la mise en valeur, tend à laisser place à une conception selon laquelle les humains font partie intégrante des écosystèmes dans lesquels ils vivent, et interagissent avec le reste du monde vivant comme avec les milieux supports de cette vie. La << nature », autrefois dangereuse autant que merveilleuse, et qu'il revenait aux humains d'ordonner, de socialiser, tend à devenir << patrimoine », fragile, à protéger contre ces mêmes humains. [...] Il eut été difficile d'imaginer il y a seulement une vingtaine d'années, que la modification du genre Homo soit demandée pour y inclure les chimpanzés. Il eut été tout aussi difficile d'admettre l'existence de quasi-rites funéraires chez les éléphants ou de cultures locales chez les grands singes... » (Weber et Latelin, 2004). Ces consensus que sont le développement durable et la biodiversité restent malheureusement trop rhétoriques et superficiels. << Au cours des 30 dernières années, une littérature abondante s'est penchée sur le développement durable en tant que concept normatif (// biodiversité). Il n'en fut pas de même pour la mise en route du processus de développement durable, qui demande des décisions politiques et des aménagements institutionnels précédés d'un vaste débat sociétal sur les projets de civilisation, une planification stratégique performante et la mobilisation des moyens financiers et techniques... » (Sachs, 2002) |
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