La résolution des conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité au Burundi( Télécharger le fichier original )par Emmanuel KAGISYE Université du Burundi - DESS 2006 |
UNIVERSITE DU BURUNDI CHAIRE UNESCO EN EDUCATION A LA PAIX ET LA RESOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS DESS EN DROITS DE L'HOMME ET RESOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS LA RESOLUTION DES CONFLITS DE COMPETENCE ENTRE LES ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE AU BURUNDI Par Emmanuel KAGISYE DIRECTEUR : Pr. Julien NIMUBONA Travail de fin d'études (TFE) présenté en vue de l'obtention du DESS en Droits de l'homme et résolution pacifique des conflits Bujumbura, mars 2009 DEDICACE A Anny Lorry REMERCIEMENTS Nos remerciements s'adressent à toute personne qui, de près ou de loin a contribué à la réalisation de ce travail. Nous pensons particulièrement au professeur Julien NIMUBONA, qui a spontanément accepté la direction de ce travail. Que Monsieur Egide IRAMBONA ainsi que toutes les personnes qui ont accepté un entretien voient au travers de ce mémoire un édifice auquel chacun aura apporté une pierre. Enfin, que notre épouse et nos enfants trouvent ici l'expression de notre profonde gratitude pour toute l'affection et la compréhension dont ils nous entourent. L'auteur LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS Art. : article C.N.B. : Conseil National des Bashingantahe DESS : Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées ICG : International crisis group OAG : Observatoire de l'Action Gouvernementale OPJ : Officier de police judiciaire Op.cit. : opere citato (déjà cité) RCN : Réseau des citoyens network V. : voir T.R. : Tribunal de résidence & : et INTRODUCTION GENERALELe mot «Justice» présente de multiples facettes avec une gamme très riche de significations. Ainsi, la justice sociale tend à résoudre les inégalités entre les groupes sociaux ; la justice individuelle permet de procurer à chacun ce qui lui est dû ; etc. Le mot «Justice» est également utilisé pour désigner l'ensemble des institutions qui ont comme mission légale de rendre la justice, c'est-à-dire de juger, conformément à la loi, les différends opposant de simples citoyens entre eux ou alors entre particuliers et l'Etat. C'est ainsi qu'on parle de la « Justice burundaise », « Justice congolaise », etc., pour désigner l'ensemble des institutions judiciaires du pays. Dans une société qui a rejeté tout recours à la vengeance privée, les institutions traditionnelles ou modernes sont le garant de la justice. Pour le citoyen, l'action en justice est le moyen d'exiger de l'Etat que justice lui soit faite. La possibilité de recourir à un juge, mieux encore le droit à la justice, permet de protéger les plus défavorisés en leur accordant un libre accès aux tribunaux. C'est dans cette optique que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme proclame, en son article 8, le droit de toute personne à recourir devant les juridictions nationales compétentes contre les violations de ses droits1. Ce droit à la justice est par ailleurs consacré par la loi no1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi2. L'article 38 de la dite Constitution stipule en effet que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et à être jugé dans un délai raisonnable. Cette disposition montre bien que c'est un véritable droit de créance que les citoyens ont sur l'Etat en matière d'accès à la justice. Or, l'administration de la justice au Burundi ne permet pas aujourd'hui une réelle satisfaction du citoyen quant à son droit à la justice. Trois principales raisons expliquent cette insatisfaction. Tout d'abord, les juridictions sont éloignées du citoyen tant sur le plan géographique que sur le plan psychologique. Or, la proximité spatiale des juridictions est une condition essentielle à l'accessibilité à la justice, mieux encore au rapprochement de la justice des justiciables. Tant il est vrai qu'au Burundi, chaque commune administrative possède un tribunal de résidence (à l'exception de la commune Rusaka et de certaines communes urbaines de Bujumbura qui dispose de 2 tribunaux de résidence) ; néanmoins beaucoup de 1 V. http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm. 2 V. BOB n°3 TER /2005, pp.1-35. citoyens sont contraints de parcourir de longues distances pour saisir le juge en première instance ou en 2ème instance. Dans ces conditions, il suffit que l'on procède à un ou deux renvois de l'affaire pour que le justiciable le délaisse parce que découragé et épuisé par les longues distances. L'éloignement psychologique, relève quant à lui de l'ignorance du citoyen burundais de la loi et de sa méfiance à l'égard du juge. Ensuite, la lenteur de la justice est connue, déplorée et condamnée par tous ; même par les juges. Le fait est aggravé par la pauvreté, le sous-équipement, l`insuffisance du personnel judiciaire, la corruption, l'absence de sens civique des agents de l'Etat, etc. Le phénomène se remarque par l'existence des délais anormalement longs entre la date de la saisine et la date où la décision définitive est rendue, entre le prononcé de la décision et la date à laquelle cette décision est exécutée. Enfin, le coût du procès éloigne dans une certaine mesure le justiciable du juge. L'on a l'habitude d'affirmer que la justice est gratuite, mais la réalité est toute autre et cette réalité nous pousse à affirmer le contraire : « la justice est chère ». Les différents frais tel que les frais de consignation, les frais de déplacement du justiciable et de ses témoins, etc., les servitudes que la procédure lui impose produisent chez le citoyen un sentiment de frustration et dissuade à s'engager dans les procédures judiciaires. Ainsi, le justiciable se tourne souvent vers les autres acteurs de la justice dans la revendication de ses droits. En effet, à coté la justice formelle, de nombreux opérateurs « rendent la justice » au Burundi. Il s'agit des notables (abashingantahe), des élus collinaires, des administrateurs communaux, des chefs de zone, des officiers de la police judiciaire, du Conseil de famille, des juristes et animateurs d'associations de la société civile, etc., et qui sont plus proches de la population locale. Ces différents acteurs qui « disent le droit » et « rendent la justice » sont issus des sphères différentes (publique ou privé) et ne disposent pas des mêmes pouvoirs d'intervention dans l'espace judiciaire.3 De même, les pratiques de ces acteurs de la justice de proximité se fondent généralement sur des logiques différentes. Il s'agit soit de la coutume, des droits humains, de la hiérarchie administrative, etc. La réalité n'est pas homogène, elle n'est pas unique4. 3 RCN Justice & Démocratie, La justice de proximité au Burundi : réalités et perspectives, Bujumbura, décembre 2006, p.12 ; http://www.rcn ong.be/pdf/LajusticedeproximiteauBurundi.pdf. 4 Idem, p.8. Impérativement, il doit y avoir des conflits de compétence entre ces différents acteurs étant donné que les enjeux sont multiples : enjeux de pouvoir, enjeux culturels, enjeux sociaux voire politiques, etc. Nous n'allons nullement préjuger des demandes et des réponses de ces acteurs de la justice de proximité5, toutefois, il s'avère important d'étudier comment fonctionnent ces institutions « juxtaposées » afin d'apporter quelques solutions aux conflits de compétence entre elles dans leur mission de régler les litiges de proximité. Après avoir tenté de définir la notion de
justice de proximité (chapitre 1er ), nous compétence (chapitre 3), pour enfin proposer certaines solutions aux conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité(chapitre 4). 5 Les différents acteurs répondent de diverses manières aux sollicitations des justiciables. |
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