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La résolution des conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité au Burundi

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par Emmanuel KAGISYE
Université du Burundi - DESS 2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DU BURUNDI

CHAIRE UNESCO EN EDUCATION A LA PAIX ET LA RESOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS

DESS EN DROITS DE L'HOMME ET RESOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS

LA RESOLUTION DES CONFLITS DE COMPETENCE ENTRE LES ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE AU BURUNDI

Par Emmanuel KAGISYE

DIRECTEUR :

Pr. Julien NIMUBONA Travail de fin d'études (TFE) présenté en

vue de l'obtention du DESS en Droits de l'homme et résolution pacifique des conflits

Bujumbura, mars 2009

DEDICACE

A Anny Lorry

REMERCIEMENTS

Nos remerciements s'adressent à toute personne qui, de près ou de loin a contribué à la réalisation de ce travail.

Nous pensons particulièrement au professeur Julien NIMUBONA, qui a spontanément accepté la direction de ce travail.

Que Monsieur Egide IRAMBONA ainsi que toutes les personnes qui ont accepté un entretien voient au travers de ce mémoire un édifice auquel chacun aura apporté une pierre.

Enfin, que notre épouse et nos enfants trouvent ici l'expression de notre profonde gratitude pour toute l'affection et la compréhension dont ils nous entourent.

L'auteur

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

Art. : article

C.N.B. : Conseil National des Bashingantahe

DESS : Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées ICG : International crisis group

OAG : Observatoire de l'Action Gouvernementale OPJ : Officier de police judiciaire

Op.cit. : opere citato (déjà cité)

RCN : Réseau des citoyens network

V. : voir

T.R. : Tribunal de résidence

& : et

INTRODUCTION GENERALE

Le mot «Justice» présente de multiples facettes avec une gamme très riche de significations. Ainsi, la justice sociale tend à résoudre les inégalités entre les groupes sociaux ; la justice individuelle permet de procurer à chacun ce qui lui est dû ; etc.

Le mot «Justice» est également utilisé pour désigner l'ensemble des institutions qui ont comme mission légale de rendre la justice, c'est-à-dire de juger, conformément à la loi, les différends opposant de simples citoyens entre eux ou alors entre particuliers et l'Etat. C'est ainsi qu'on parle de la « Justice burundaise », « Justice congolaise », etc., pour désigner l'ensemble des institutions judiciaires du pays.

Dans une société qui a rejeté tout recours à la vengeance privée, les institutions traditionnelles ou modernes sont le garant de la justice. Pour le citoyen, l'action en justice est le moyen d'exiger de l'Etat que justice lui soit faite. La possibilité de recourir à un juge, mieux encore le droit à la justice, permet de protéger les plus défavorisés en leur accordant un libre accès aux tribunaux.

C'est dans cette optique que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme proclame, en son article 8, le droit de toute personne à recourir devant les juridictions nationales compétentes contre les violations de ses droits1. Ce droit à la justice est par ailleurs consacré par la loi no1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi2. L'article 38 de la dite Constitution stipule en effet que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et à être jugé dans un délai raisonnable.

Cette disposition montre bien que c'est un véritable droit de créance que les citoyens ont sur l'Etat en matière d'accès à la justice. Or, l'administration de la justice au Burundi ne permet pas aujourd'hui une réelle satisfaction du citoyen quant à son droit à la justice. Trois principales raisons expliquent cette insatisfaction.

Tout d'abord, les juridictions sont éloignées du citoyen tant sur le plan géographique que sur le plan psychologique. Or, la proximité spatiale des juridictions est une condition essentielle à l'accessibilité à la justice, mieux encore au rapprochement de la justice des justiciables. Tant il est vrai qu'au Burundi, chaque commune administrative possède un tribunal de résidence (à l'exception de la commune Rusaka et de certaines communes urbaines de Bujumbura qui dispose de 2 tribunaux de résidence) ; néanmoins beaucoup de

1 V. http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm.

2 V. BOB n°3 TER /2005, pp.1-35.

citoyens sont contraints de parcourir de longues distances pour saisir le juge en première instance ou en 2ème instance. Dans ces conditions, il suffit que l'on procède à un ou deux renvois de l'affaire pour que le justiciable le délaisse parce que découragé et épuisé par les longues distances. L'éloignement psychologique, relève quant à lui de l'ignorance du citoyen burundais de la loi et de sa méfiance à l'égard du juge.

Ensuite, la lenteur de la justice est connue, déplorée et condamnée par tous ; même par les juges. Le fait est aggravé par la pauvreté, le sous-équipement, l`insuffisance du personnel judiciaire, la corruption, l'absence de sens civique des agents de l'Etat, etc. Le phénomène se remarque par l'existence des délais anormalement longs entre la date de la saisine et la date où la décision définitive est rendue, entre le prononcé de la décision et la date à laquelle cette décision est exécutée.

Enfin, le coût du procès éloigne dans une certaine mesure le justiciable du juge. L'on a l'habitude d'affirmer que la justice est gratuite, mais la réalité est toute autre et cette réalité nous pousse à affirmer le contraire : « la justice est chère ». Les différents frais tel que les frais de consignation, les frais de déplacement du justiciable et de ses témoins, etc., les servitudes que la procédure lui impose produisent chez le citoyen un sentiment de frustration et dissuade à s'engager dans les procédures judiciaires.

Ainsi, le justiciable se tourne souvent vers les autres acteurs de la justice dans la revendication de ses droits. En effet, à coté la justice formelle, de nombreux opérateurs « rendent la justice » au Burundi. Il s'agit des notables (abashingantahe), des élus collinaires, des administrateurs communaux, des chefs de zone, des officiers de la police judiciaire, du Conseil de famille, des juristes et animateurs d'associations de la société civile, etc., et qui sont plus proches de la population locale.

Ces différents acteurs qui « disent le droit » et « rendent la justice » sont issus des sphères différentes (publique ou privé) et ne disposent pas des mêmes pouvoirs d'intervention dans l'espace judiciaire.3 De même, les pratiques de ces acteurs de la justice de proximité se fondent généralement sur des logiques différentes. Il s'agit soit de la coutume, des droits humains, de la hiérarchie administrative, etc. La réalité n'est pas homogène, elle n'est pas unique4.

3 RCN Justice & Démocratie, La justice de proximité au Burundi : réalités et perspectives, Bujumbura, décembre 2006, p.12 ;

http://www.rcn ong.be/pdf/LajusticedeproximiteauBurundi.pdf.

4 Idem, p.8.

Impérativement, il doit y avoir des conflits de compétence entre ces différents acteurs étant donné que les enjeux sont multiples : enjeux de pouvoir, enjeux culturels, enjeux sociaux voire politiques, etc.

Nous n'allons nullement préjuger des demandes et des réponses de ces acteurs de la justice de proximité5, toutefois, il s'avère important d'étudier comment fonctionnent ces institutions « juxtaposées » afin d'apporter quelques solutions aux conflits de compétence entre elles dans leur mission de régler les litiges de proximité.

Après avoir tenté de définir la notion de justice de proximité (chapitre 1er ), nous
aurons à identifier les différents acteurs de la justice de proximité au Burundi(chapitre 2). Nous examinerons ensuite les différentes typologies de conflits de

compétence (chapitre 3), pour enfin proposer certaines solutions aux conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité(chapitre 4).

5 Les différents acteurs répondent de diverses manières aux sollicitations des justiciables.

CHAPITRE Ier . GENERALITES SUR LA JUSTICE DE PROXIMITE

La notion de « justice de proximité » est relativement récente6 et s'inscrit au coeur de la problématique de l'accès au droit7. Notre société se caractérise par une « judiciarisation » de plus en plus grande des rapports sociaux, qui s'exprime par une forte demande de droit et justice.

Mais alors que « nul n'est sensé ignorer la loi », l'inflation des textes à caractère législatif et réglementaire, qui forment un maquis dont les juristes eux-mêmes critiquent l'abondance, rend cet adage largement inopérant. L'effectivité du droit n'est donc pas désormais plus perçue au travers du prisme de la proclamation législative, mais elle est jugée en fonction de son effectivité sociale. Celle-ci s'incarne aux diverses institutions parmi lesquelles figure au premier plan la justice de proximité8.

Après avoir tenté de cerner la notion de justice de proximité (section 1ère), nous analyserons le contexte « bi-normatif » (droit écrit et coutume) dans lequel fonctionne la justice de proximité au Burundi (section 2), pour régler des litiges de proximité présentant certaines particularités (section 3).

Section 1ère. Notion de Justice de proximité

§ 1er. Quelques éléments pour définir la justice de proximité

La justice de proximité est constituée par l'ensemble des dispositifs de régulation des conflits auxquels le justiciable peut avoir recours dans son environnement le plus immédiat. Pour une bonne administration de la justice, celle-ci doit absolument se rapprocher du justiciable tant sur le plan géographique que sur le plan moral. Ce rapprochement vise à ce que le citoyen sache que la justice est facile à actionner et toujours prompte à enquêter, à arbitrer, à juger ou à punir en cas de besoin9.

6 Elle est apparue pour la 1ère fois en France après la disparition des juges de paix en 1957.

7 V. Proximité, justice (de), Sympatic msn encarta, http://fr.ca.encarta.msn.com/encyclopedia/article.html.

8 Ibidem

9 C. (De) LESPINAY, « Valeurs traditionnelles, justice de proximité et institutions (Rwanda et Burundi) » in LESPINAY C. (De), MWOROHA E. (dir.), Construire l'Etat de droit. Le Burundi et la région des grands lacs, Paris, L'harmattan, 2000, p.196.

Dans la pratique, la question d'accessibilité à la justice qui se pose au justiciable est tout d'abord géographique parce que ce dernier souffre de parcourir de longues distances pour saisir le juge. Elle est ensuite psychologique parce qu'enfin de compte, ce que désire le justiciable, ce n'est pas tant d'avoir un juge, un tribunal à deux mètres de chez lui, mais d'avoir un juge à qui il peut s'adresser avec confiance, sans crainte de partialité, un juge susceptible de l'aider compte tenu de ses bonnes connaissances en matières juridiques et de l'environnement du litige donné10.

En définitive, la justice de proximité se veut être une réponse aux préoccupations du justiciable. Quelle distance doit-il parcourir pour exposer son litige à un acteur crédible de la justice ? Parmi la multitude d'autorités, laquelle doit-il saisir ? A quel prix et dans combien de temps obtiendra-t-il justice ? Bénéficie-t-il d'un traitement équitable (impartial) de son affaire ? Le droit lui paraît-t-il bien appliqué ? Sans être exhaustif telles sont les certaines questions auxquelles la justice de proximité devrait trouver des réponses adéquates.

§2. La justice de proximité au Burundi1. Les institutions et leur environnement

Le citoyen burundais est, dans sa vie quotidienne, entouré par une multitude d'acteurs qui disent le droit ou rendent la justice. Il s'agit en l'occurrence des bashingantahe, des membres des conseils de colline, des chefs de zone ou de quartier, des administrateurs communaux, des magistrats des tribunaux de résidence, des officiers de police judiciaire, du conseil de famille, des associations de la société civile, etc.

Ces acteurs de justice bien qu'intervenant tous en matière de droit ou de justice ont des origines et des compétences différentes. Certaines sont issues de la sphère publique. Tel est le cas des administrateurs communaux, chefs de zone, du juge, des officiers de police judiciaire, qui sont des fonctionnaires de l'Etat.

D'autres sont d'origine coutumière, comme les Bashingantahe investis par leurs pairs selon la coutume. D'autres encore sont issues de la sphère privée comme les associations qui militent en faveur des droits de l'homme. Par ailleurs, de même qu'ils sont issus d'origines différentes, ces acteurs n'ont pas les mêmes pouvoirs d'intervention dans l'espace judiciaire. Certains travaillent pour la promotion des droits de l'homme, d'autres ont la mission de juger les situations conflictuelles, d'autres encore assurent l'administration ou la prévention de la délinquance...

10 RCN Justice & Démocratie, op.cit., p.11.

2. Le cadre juridique

Dans le prolongement des réformes préconisées par l'Accord d'Arusha11, certains textes législatifs et réglementaires ont été promulgués et intéressent la justice de proximité.

Tout d'abord, la Constitution du 18 mars 2005 consacre les articles 21 à 61 aux droits de la personne humaine. En outre, l'art 19 de ladite Constitution dispose que « Les droits et les devoirs proclamés et garantis entre autres par la Déclaration universelle des droits de l'homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme... font partie intégrante de la Constitution de la République du Burundi ». Elle dispose également en son article 205 que « la justice est rendue par les cours et tribunaux sur tout le territoire de la République du Burundi au nom du peuple burundais ».

Ainsi, le pouvoir judiciaire, en tant que gardien des droits et libertés publiques, a le devoir de garantir leur respect intégral. Ils ne doivent faire objet d'aucune restriction ou dérogation sauf pour des causes d'intérêt général12.

Ensuite, la loi no 1/0 8 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires a apporté certaines innovations par rapport à celui du 14 janvier 1987 : accroissement des compétences des tribunaux de résidence ; disparition de l'obligation de recours aux « Bashingantahe » avant la saisine du tribunal de résidence en matière civile ; représentation du ministère public par les officiers de la police judiciaire auprès des tribunaux de résidence, etc.

Enfin, une série de textes contiennent des dispositions qui intéressent la justice de proximité. Ces textes sont notamment la loi no 1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale (article 37), la loi no 1/009 du 4 juillet 2003 portant transfert des recettes des tribunaux de résidence aux communes, le Décret-loi no 1/024 du 28 avril 1993 portant Code des Personnes et de la Famille, la loi no 1/23 du 31 décembre 2004 portant création, organisation, missions, composition et fonctionnement de la Police Nationale.

11 L'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi a été signé le 28 août 2000 à la suite des négociations entre les différents acteurs politiques du pays sous l'égide de la médiation conduit par le Président Nelson Mandela.

12 V. paragraphe 2 de l'art. 19 de la Constitution. Cette disposition est critiquable dans la mesure où elle confond le régime de dérogation et le régime de restriction.

Section 2. La coexistence du droit écrit et de la coutume dans la justice de proximité

Au Burundi comme presque partout en Afrique, la législation et l'organisation judiciaire modernes ont été un apport de la colonisation. Elles ont été transposées sur un ordre normatif traditionnel déjà existant de type monarchique. Aujourd'hui, la coexistence de la justice moderne c'est-à-dire de type occidental et la justice traditionnelle perturbe l'efficacité, de l'une et de l'autre13. Faudrait-il opérer un choix judicieux entre l'une des deux ?

Choisir le droit coutumier c'est-à-dire les modes traditionnels de résolution des conflits aboutirait à enfermer la société dans une tradition dépassée. Mais également, choisir le droit écrit uniquement, occidental, conduirait à imposer aux citoyens un système juridique moderne, étranger, importé, qui manquerait d'un terrain d'accueil favorable.

Nous nous proposons dans cette section de montrer la possibilité d'une coexistence positive entre le droit écrit, la coutume ou les pratiques traditionnelles.

§1. Le droit écrit

Malgré tant d'efforts pour l'harmonisation du système juridique burundais, deux formes de règles de droit restent d'application. Il s'agit du droit écrit d'inspiration européenne et le droit traditionnel. Théoriquement, les conflits entre ces deux catégories de règles ont été résolus par l'imposition du principe de la suprématie du droit écrit sur le droit coutumier.

En effet, le droit écrit s'est imposé avec la colonisation. Les puissances coloniales en général, malgré qu'elles eussent eu des politiques législatives différentes, reconnaissaient l'application des règles autochtones seulement dans les cas où elles n'étaient pas contraires aux lois, aux règlements, à l'ordre public et aux bonnes moeurs, bref au droit écrit14.

Ce principe a été confirmé par l'article 1er de l'ordonnance du 14 mai 1886, elle-même approuvée par le décret du 12 novembre 188615. Il stipule que :

13 V. en ce sens E. LE ROY, Les africains et l'institution de la justice, Paris, Dalloz, 2004, p.48 ; V. également RCN Justice et Démocratie, op.cit.,p.97.

14 C. NTAMPAKA, Introduction aux systèmes Judiciaires africains, Presses Universitaires de Namur, 2005, p. 101.

15 R., BELLON et DELFOSSE, P., Codes et lois du Burundi, Bruxelles, Ferdinand Larcier, 1970, p.55.

« Quand la matière n'est pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées d'après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l'équité. »

Ainsi, la coutume apparaît comme une source de droit subsidiaire qui ne s'applique qu'en l'absence du droit écrit. Aujourd'hui, le droit écrit d'inspiration européenne a envahi presque tous les domaines de la vie sociale. Seul le régime des successions et des libéralités reste l'importante matière régie par le droit coutumier.

Cependant, il arrive que les acteurs de la justice fassent recours à la coutume lorsque la loi n'est suffisamment claire ou complète. Dans ce cas, la coutume vient combler les lacunes de la loi. C'est la coutume « praeter legen » ou « secundum legen »16.

§ 2. La coutume

La coutume peut être définie comme un usage implanté dans une collectivité sociale donnée et considérée par cette dernière comme juridiquement obligatoire. La coutume constitue ainsi un droit créé par les moeurs.

Dans les sociétés primitives, sans législation moderne, le droit s'établit et se consolide par l'habitude que prennent les hommes à se conduire selon la même règle chaque fois que les mêmes situations se répètent. Cette habitude finit par s'ériger en une règle coutumière. Ainsi donc, contrairement à la loi, la coutume ne se forme pas par un acte unique du législateur. Elle se forme progressivement et insensiblement par la répétition d'actes semblables par la foule anonyme du groupe social. Adoptée au premier moment par quelques uns, elle se généralise ensuite pour enfin se faire accepter par tous ceux entre qui les mêmes situations se reproduisent.

A l'état actuel du droit moderne, la coutume ne peut primer sur le droit écrit. Elle occupe une place secondaire comme source du droit ; son rôle étant de compléter le droit écrit dans les matières que celui-ci ne réglemente pas ou réglemente d'une manière incomplète. En réalité, ce n'est pas cette place que mérite la coutume. A y voir de près, la coutume provient des sources les plus

16 Cette affirmation n'est valable que pour les acteurs intervenants dans le cadre du droit écrit. En effet, les Bashingantahe et les élus collinaires utilisent principalement la coutume pour régler les différends.

profondes des aspirations d'un peuple. C'est donc une place que lui a imposé le droit écrit. Elle est invoquée à titre supplétif ou complémentaire du droit écrit17.

A ce titre, malgré la prévalence du droit écrit dans le système juridique burundais, l'on retrouve quelques îlots de matières qui restent sous l'empire du droit coutumier. Il en est ainsi de la matière des successions et l'institution d'ubushingantahe, de la dot, etc.

1. Avantage de la coutume

Le côté avantageux de la coutume est qu'elle correspond aux besoins et aux sentiments réels du groupe social qui l'a adoptée. Un usage ne peut devenir général, il ne peut acquérir une certaine permanence, il ne peut revêtir un caractère obligatoire que parce qu'il répond aux aspirations du groupe social donné. Lorsque les besoins qui l'ont fait naître changent, la coutume se modifie simultanément. La coutume est à la fois réaliste et souple. De même, elle accessible à beaucoup d'usagers.

2. Inconvénients de la coutume

La coutume présente souvent un caractère incertain18. Pour connaître la loi écrite, il suffit de consulter le code. Il n'en est pas ainsi de la coutume. Il peut y avoir doute sur l'existence d'une coutume. Pour la prouver, il faut généralement réunir un certain nombre de données observables ou non, difficiles à déceler.

Par ailleurs, la coutume ne permet pas des transformations rapides qui s'avèrent souvent nécessaires à certains moments de l'histoire. Elle est essentiellement statique et favorable aux évolutions lentes19.

Section 3. Les principaux litiges de proximité au Burundi

Au Burundi, les questions foncières, le mariage et ses variantes, la criminalité,
ainsi que la sorcellerie et les pratiques occultes sont les principaux litiges qui
sont soumis aux acteurs de la justice de proximité20. D'aucuns pourraient

17 Cette hiérarchie des sources du droit ne vaut que dans la justice formelle. Comme déjà dit plus haut, les Bashingantahe et les élus locaux règlent les différends par l'application de la coutume.

18 Lors de nos entretiens, nous avons voulu savoir l'état de la coutume successorale. Nous avons remarqué des disparités entre les différentes régions du pays. Même dans une même région, toutes les personnes rencontrées ne connaissaient pas la coutume de la même manière.

19 C'est ainsi par exemple que la coutume burundaise en matière successorale bloque l'adoption de la loi sur les successions tenant compte de l'égalité de l'homme et de la femme.

20 Il résulte de notre enquête que 90 % des litiges portés devant les acteurs de la justice de proximité relèvent des matières sus- mentionnées.

s'imaginer le point commun de ces matières pour être les plus fréquemment traitées par les acteurs de la justice de proximité. En réalité, à l'exception de la criminalité, les autres sont des matières où le droit coutumier a le plus résisté aux conquêtes du droit écrit. Quant à la criminalité, elle est le résultat des années de guerre qu'a connues le Burundi.

§ 1. Les conflits fonciers entre voisins

Au Burundi, la question des terres pose de sérieux problèmes. La terre est un précieux trésor pour une population aussi rurale que celle du Burundi. Plus de

90 % de la population tirent leur revenu presque exclusivement de la terre. En outre, même les exportations du pays ne sont qu'essentiellement agricoles21.

Les conflits fonciers entre voisins sont essentiellement dûs aux problèmes de délimitation entre les propriétés contiguës, de servitudes de passage, de l'appropriation des marrais... Le fait que la plupart des propriétés rurales ne sont pas enregistrées aggrave la situation.

Des enquêtes réalisées ont montré que 80 % des affaires pendantes devant les tribunaux sont des conflits fonciers22. Impressionnant par leurs volumes dans les juridictions, ils le sont également par leur impact négatif sur la paix sociale et le développement économique.

Sur le plan social, les litiges fonciers enveniment les relations sociales entre les parties au procès par les frustrations qu'ils engendrent. Cette pollution des relations sociales n'épargne guère les témoins qui eux aussi participent au procès. En tout état de cause, les conflits fonciers atteignent aujourd'hui une telle ampleur qu'il est souvent à l'origine de beaucoup d'assassinats et règlements de compte sous formes de chasse aux sorciers23.

Sur le plan économique, « time is money » nous dit un adage anglais. Le temps
passé au tribunal est un temps d'inactivité économique et pour les parties au
procès et pour les témoins. Les lenteurs que manifestent les tribunaux dans le

21 Le Burundi exporte essentiellement le Café et le thé.

22 V. les nombreux rapports qui ont été publiés sur la question : RCN Justice et Démocratie, Etude sur les problématiques foncières -Essai d'harmonisation, Bujumbura, décembre 2004 ,99p. ; OAG, Etude sur les conflits sociaux liés à la gestion des parcelles et des propriétés foncières dans les localités de Kinyankonge, Nyabugete et Kamenge, Bujumbura, avril 2005,52p. ; CARE Burundi, Etude du cadre légal et institutionnel de gestion des terres et autres ressources naturelles, Ngozi, décembre 2003,50p.

23 Plusieurs cas d'assassinat sont recensés où des familles sont massacrées en prétendant qu'ils sont des sorciers. Les cas les plus récents sont ceux des provinces Cibitoke et Ruyigi.

traitement des dossiers, les frais que nécessite la procédure judiciaire,...sont des facteurs qui concourent à l'appauvrissement des justiciables et des témoins.24

§ 2. Les problèmes des terres des rapatriés et des déplacés

Le contexte politique depuis quelques années favorise le retour de tous les réfugiés et déplacés dans leurs terroirs. Par là même, le problème foncier qui était déjà très sensible acquiert un accent particulier. Les rapatriés trouvent leurs anciennes propriétés occupées soit par leurs anciens voisins ou alors par des gens qui affirment les avoir achetées. Un problème de preuve se pose. L'on trouve par exemple que plusieurs occupants se sont succédés sur la même propriété et à des titres divers. Certains d'entre eux sont déjà morts, les rapatriés se retrouvent sans titres de propriété parce que les papiers ont été perdus ou brûlés pendant la guerre, ou alors on trouve des occupants illégaux des terres des réfugiés qui possèdent des papiers signés par des autorités administratives,...25 S'agissant des terres des déplacés, le principal problème est leur vente illégale et les empiètements faits de mauvaise foi par leurs voisins26. Aujourd'hui l'administration est confrontée à une multiplication galopante de litiges fonciers et le système judiciaire risque d'être débordé.

§ 3. Les conflits de succession

Succéder c'est acquérir les biens du défunt. La succession est une importante matière en droit burundais mais qui demeure exclusivement sous l'empire du droit coutumier. Etant donné l'exiguïté des propriétés foncières, leur partage successoral est très difficile et la moindre erreur peut engendrer des procès interminables. C'est précisément dans cette matière que se vérifie l'adage kirundi qui dit : « Abasangiye ubusa bitana ibisambo » ; ce qui signifie littéralement : « Ceux qui ont peu à se partager s'accusent mutuellement de gourmandise ».

Comme dans d'autres régions où l'organisation familiale est patriarcale, la coutume burundaise exclue les filles de la succession de leurs auteurs au profit du privilège de la masculinité. Seuls les enfants mâles peuvent prétendre à une part successorale. Généralement, même dans les cas où il n'y avait aucun mâle successible, les biens devaient passer aux enfants de la ligne parallèle27.

24 Lors de nos entretiens, on nous affirmé qu'il y a des familles qui vendent jusqu'à 3 vaches pour poursuivre un procès.

25 V. à ce sujet spécialement ICG, Réfugiés et déplacés au Burundi : désamorcer la bombe foncière, Rapport Afrique N° 70, Nairobi/Bruxelles, 28p.

26 RCN Justice & Démocratie, op.cit., p.84.

27 C. NTAMPAKA, op.cit., p.18.

La pratique est que la fille mariée reçoit une parcelle appelée « Igiseke » ou « Igisimbo » qu'elle peut exploiter tout au long de son existence mais qu'elle ne peut ni vendre ni léguer. Ce qui suscite pas mal de contestations.

Tant il est vrai que le problème de succession des filles se pose actuellement avec beaucoup d'acuité mais il n'est pas le seul. De nombreux litiges fonciers pendant devant les tribunaux résultent des disputes qui opposent des frères pour le partage de la propriété familiale.

Par ailleurs, la question de l'héritage des enfants naturels et celle de la succession de la veuve sont aussi controversées. Dans la plupart des cas, le conseil de famille qui, selon le droit coutumier, est l'autorité compétente en matière de succession se trouve souvent dépassé.

En définitive, le problème successoral nécessite une analyse délicate du moment qu'il touche deux problèmes extrêmement sensibles dans la société burundaise : la terre et la famille.

§ 4. Le mariage et ses variantes

Au Burundi, c'est la loi qui réglemente l'institution du mariage. Au-delà des conditions de fond, les futurs mariés doivent satisfaire à un certain nombre de conditions de forme prévues par la loi.

D'une part, le mariage en tant qu'une union libre entre l'homme et la femme est monogamique. Par conséquent, la polygamie est prohibée28. D'autre part, même l'union entre un seul homme et une seule femme ne suffit pas pour constituer un mariage aux yeux de la loi. Moins encore le versement de la dot ou le consentement des deux familles respectives. Il faut en plus que l'union ait été célébrée devant l'officier de l'état civil compétent territorialement dans les formes et délais prévus par le Code des personnes et de la famille29.

Néanmoins, dans beaucoup de régions du Burundi, la réalité est toute autre. Dans les provinces comme Muyinga, Rutana, Bubanza et Cibitoke, l'on trouve beaucoup d'unions illégales. A titre illustratif, dans la commune de Giteranyi en province de Muyinga, la généralisation de la polygamie est telle que les hommes monogames sont marginalisés30. Dans la province de Bubanza, et particulièrement après la récolté du riz, les hommes prennent volontiers de jeunes épouses.

28 Article 366 de la loi no1/06 du 4 avril 1981 portant reforme du Code pénal burundais in BOB no 6/81, p. 274.

29 Articles 88-119 du Code des personnes et de la famille in BOB no 6/93, p.228.

30 RCN Justice & Démocratie, op.cit, p.87.

D'aucuns pourraient s'imaginer les conflits familiaux qui découlent de la polygamie ou de l'entretien d'une concubine. Qu'il suffise de citer l'inégalité de traitement entre enfants issus d'un même père mais de mères différentes, les conflits de succession, dilapidation des biens du foyer légal au profit de la concubine, querelles entre la femme légale et la concubine, etc.

En outre, il existe dans certaines régions du pays une pratique de rapt de jeunes filles. Il s'agit d'une pratique qu'adoptent les jeunes garçons éconduits. Ils s'organisent en bande et enlève une jeune fille que l'un d'entre eux aurait choisie. Une fois à la maison du prétendant, la fille est violée. Dans la plupart des cas, l'on constate que ni la victime, ni sa famille n'osent porter plainte. Le viol de la fille étant considéré comme une souillure qui l'empêche de trouver un autre mari, l'on se contentera plutôt à négocier la régularisation de l'union par le versement d'une dot et un dédommagement moral. Le viol planifié en bande est ainsi converti en un mariage socialement accepté. Il s'agit d'une légalisation de l'infraction.

Toutefois, il ne faut jamais perdre de vue que ni les unions libres, ni le simple concubinage ne sont protégés par la loi. Il en résulte qu'en cas de dislocation d'une telle union ni la femme ni l'homme ne pourra prétendre à aucun dédommagement devant le tribunal.

§ 5. La sorcellerie et les pratiques occultes

La sorcellerie ou la magie, dirait-on, est une spécialité africaine ou en tout cas c'est en Afrique où on croit beaucoup aux forces surnaturelles et aux pratiques occultes.

Au Burundi, la sorcellerie et les pratiques occultes peuvent être trouvées partout dans le pays. Dans beaucoup de régions, on croit à l'existence effective d'un pouvoir surnaturel qui confère à celui qui le possède une capacité de nuisance incontrôlable et qui échappe à toute démonstration ou à toute description. Nous relatons dans les lignes qui suivent quelques cas qui font preuve de la diversité des pratiques occultes et de leur généralisation à travers tout le pays.

Selon un extrait du rapport de l'ONUB31, de nombreuses personnes soupçonnées d'être des sorciers sont lynchées par la population particulièrement dans les provinces de Muyinga, Karuzi, Cankuzo, Ngozi, Kayanza et Kirundo. Les cas de lynchage déjà nombreux ont augmenté en raison des perturbations climatiques. Beaucoup de soi-disant faiseurs de pluie ont été lynchés.

31 ONUB, Division des droits de l'homme, rapport trimestriel juillet-septembre 2005, p.3.

Selon les informations diffusées à la radio Insanganiro en date du 21 avril 2007 à 12 heures 25 minutes, 5 personnes ont été retrouvées dans leurs maisons décapitées parce que soupçonnées de sorcellerie. Tout de même, ces personnes étaient des réfugiés récemment rapatriés de la Tanzanie.

Quel que soit le lieu où la sorcellerie et l'occultisme se pratiquent, le grand défi qu'ils soulèvent est leur répression. D'une part, sur le plan pénal, le principe de la légalité des peines et des infractions assure une impunité totale aux sorciers. En effet, les actes de sorcellerie ne constituent pas une infraction pénale aux yeux de la loi. Certaines autorités administratives et judiciaires pourraient emprisonner les présumés sorciers pour trouble à l'ordre public, d'autres les emprisonneraient pour les protéger contre la vindicte populaire.

D'autre part, le problème que soulève la répression de la sorcellerie est celui de la preuve de l'infraction étant donné que la sorcellerie échappe à toute démonstration. Il devient dès lors difficile de prouver la culpabilité du présumé sorcier.

Il résulte de ce légalisme une incompréhension totale entre les autorités administratives et judiciaires d'une part et la population d'autre part. Aux yeux de la population en général et des supposées victimes en particulier, ne pas sanctionner de manière exemplaire les présumés sorciers est une complicité des pouvoirs publics. La culpabilité des sorciers est évidente selon la population : il s'agit de cette réputation de sorcellerie et des pratiques divinatoires.

Ainsi, le lynchage des présumés sorciers est une alternative à la justice. Faute d'obtenir la justice des tribunaux, la population fait recourt à la justice privée. Les auteurs des lynchages bénéficient souvent du soutien et de la protection de la population et ainsi l'impunité perdure.

Toutefois, l'on constate actuellement que dans certaines régions, les accusations de sorcellerie suivies de lynchage, cacheraient souvent des conflits fonciers et des règlements de compte entre voisins ou familles en conflits en milieu rural.

Bref, les litiges de proximité sont assez nombreux et variés. Ils impliquent par conséquent, pour leur résolution, l'intervention de différents acteurs de la justice de proximité.

CHAPITRE II. LES ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE AU BURUNDI

Au Burundi, il n'y a pas de texte juridique instituant la justice de proximité en tant que telle. Dans le passé, la loi n°1/004 du 14 janvier 1987 portant réforme du Code de l'organisation et de la compétence judiciaires avait institué le Conseil des notables bashingantahe comme une instance juridictionnelle en matière civile. Actuellement, la loi n°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires qui l'a remplacée ne contient pas un article similaire. Le seul texte qui y fait expressément allusion est la Loi communale en son article 37.

En pratique, plusieurs acteurs interviennent dans la justice de proximité. Ces acteurs peuvent être classés dans deux principales catégories : les acteurs étatiques et les acteurs non étatiques.32

Section 1ère. Les acteurs étatiques

La catégorie des acteurs étatiques comprend les juges des tribunaux de résidence, les autorités administratives à la base et les officiers de la police judicaire.

§1. Les juges des tribunaux de résidence

D'après la loi n°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires, les tribunaux de résidence sont les institutions judiciaires les plus proches de la population. A ce titre, ils figurent parmi les acteurs de la justice de proximité les plus importants.

Les tribunaux de résidence possèdent une compétence en matière civile et en matière pénale. Toutefois, le Code d'organisation et de la compétence judiciaires du 17 mars 2005 a apporté une innovation. Il s'agit de la distinction entre l'institution d'un juge unique et les juges siégeant en formation collégiale. Cela étant, le siège en collège demeure la règle et le siège à juge unique l'exception. Les cas où un juge unique assisté d'un greffier peut siéger sont limitativement énumérés par la loi.

32 Dans certaines provinces comme Cibitoke, Bubanza et Bujumbura rural, les membres du mouvement FNL Palipehutu s'improvisent parfois dans le règlement des différends. Nous n'allons pas retenir cette catégorie d'acteurs qui travaillent dans l'illégalité et la clandestinité. De même, les cas des positons militaires et des chefs de poste qui interviennent dans le règlement des différends ne seront pas retenus.

En matière civile, il s'agit des contestations ou demandes dont le montant ne dépasse pas 300.000 francs burundais, des matières gracieuses et des litiges découlant de l'exécution des jugements qu'ils ont rendus.33 En matière pénale, il s'agit des contraventions ou des infractions au code de la route sauf si, compte tenu de la complexité des faits, le président du tribunal, d'office ou à la demande de l'une des parties au procès, décide de renvoyer l'affaire devant une formation collégiale. Le président statue par ordonnance non susceptible de recours.34

L'institution du juge unique n'est pas bien reçue par le justiciable. L'on craint, en effet, qu'un jugement soit mal rendu par un juge unique selon l'adage « un juge unique est un juge inique ». Il pourrait avoir un parti pris et n'avoir personne pour le contredire.

A côté des innovations du Code de mars 2005, les tribunaux de résidence sont compétents en matière civile pour connaître :

a. des contestations entre personnes privées dont la valeur du litige n'excède pas 1.000.000 de francs burundais ;

b. des actions relatives aux propriétés foncières non enregistrées ;

c. des actions relatives à la liquidation des successions sous réserve des dispositions du litera a ;

d. des questions relatives au droit des personnes et de la famille dont la connaissance n'est pas attribuée à une autre juridiction ;

e. des actions relatives à l'expulsion du locataire défaillant et de tous ceux qui occupent les lieux sans titre ni droit.

Toutefois, le tribunal n'est pas compétent si l'action en déguerpissement est relative à un bail commercial35.

En matière pénale, les tribunaux de résidence connaissent des infractions punissables au maximum de 2 ans de servitude pénale indépendamment du montant de l'amende. Ils statuent par un seul et même jugement sur les intérêts civils quel que soit le montant des dommages et intérêts à allouer d'office ou après constitution de la partie civile.36

33 Article 13 du Code de l'organisation et de la compétence judiciaires in BOB no 3 quater/2005, p.21.

34 Article 9 du COCJ, précité, p.20.

35 Article 12 du COCJ, précité, p.20.

36 Article 4 du COCJ, précité, p.19.

§ 2. Les autorités administratives à la base

1. Qui sont les autorités administratives à la base?

Le terme d'autorité administrative peut prêter à confusion et une autorité administrative doit être différenciée d'une autorité politique. Dans la conduite des affaires de l'Etat, il est très difficile d'établir les frontières nettes entre la sphère politique et la sphère administrative. Certains auteurs37 essayent de se référer à la fonction de « gouverner » qui serait dévolue aux autorités politiques par opposition à celle d' « administrer » qui serait la tâche des autorités administratives.

Ainsi, la fonction de gouverner consisterait à prendre des décisions de principe et à orienter la politique générale de l'Etat. Elle est exercée par les organes supérieurs de l'Etat tel que le Président de la République, les vice-présidents, le gouvernement, le parlement, etc. La fonction d'administrer quant à elle, consisterait dans la mise en oeuvre, dans l'exécution quotidienne des décisions de principe prises par les autorités politiques et leur adaptation aux cas particuliers.

Cela étant, nous allons parler des autorités administratives au niveau communal comme acteurs de justice de proximité. La loi n°1/010 du 18 mars portant promulgation de la Constitution du Burundi nous définit la commune comme une entité administrative décentralisée38. Elle est administrée par le conseil communal et l'administrateur communal. La commune est subdivisée en zones et en collines de recensement ou en zones et en quartiers selon qu'elle est urbaine ou rurale. La zone est une circonscription administrative déconcentrée de la commune, intermédiaire entre celle-ci et la colline de recensement ou le quartier39. Elle est administrée par un chef de zone. Quant à la colline ou quartier, ils constituent les cellules de base de l'administration territoriale. Ils sont administrés par un conseil de colline et un chef de colline ou de quartier selon les cas.

A l'exception du chef de zone qui figure parmi le personnel de la commune et qui est nommé par le conseil communal40, le chef de colline ou de quartier et l'administrateur communal sont élus au suffrage universel.

37 Z. NTAMBWIRIZA, Cours de Droit administratif, U.B., Fac. de Droit, 1ère licence, 1997- 1998, p.86.

38 Article 263 de la Constitution de la République du Burundi, précité.

39 Article 4 de la Loi n° 1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale in BOB n°4 bis/2005, pp.1-13.

40 Article 46 de la Loi communale, précitée.

2. Les compétences des autorités administratives à la base

Nous allons passer en revue les compétences juridiques, successivement de l'administrateur communal, du chef de zone et du chef de colline.

A. L'administrateur communal

La commune est administrée par un conseil communal. Celui-ci, au cours de sa première réunion, élit en son sein le président du conseil communal et l'administrateur communal41.

Représentant de l'Etat dans sa commune, l'administrateur communal est chargé de l'application des lois et règlements. Il exerce, dans les limites territoriales de son ressort, un pouvoir général de police. A ce titre et en vue du maintien de l'ordre et de la sécurité publics, il peut prendre toute mesure de police qu'il juge nécessaire. C'est ainsi qu'il peut instaurer un couvre-feu dans sa commune, contrôler l'exactitude des prix institué par l'Etat et prendre des mesures de lutte contre la délinquance42.

Toutefois, la loi n°1/06 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale se démarque nettement du décret-loi n°1/011 du 8 avril 1989 portant réorganisation de l'administration communale quant au pouvoir de police de l'administrateur communal. En effet, ce dernier en son article 20 stipulait que l'administrateur communal pouvait emprisonner une personne pendant une période maximale de 7 jours. Actuellement, la loi portant organisation de la loi communale n'accorde pas de tels pouvoirs à l'administrateur communal. Il doit dès lors se comporter en bon citoyen. Il pourra remettre les auteurs des infractions dont il prend connaissance, de quelque manière que se soit à un officier de police judiciaire ou à un officier du ministère public chargé de l'enquête et de l'instruction des dossiers pénaux.

Par contre, le Code de procédure civile semble attribuer à l'administrateur communal un rôle d'huissier de justice. En effet, l'article 40 de ce Code stipule que la notification des actes judiciaires aux intéressés peut se faire par l'administrateur ou le chef de zone. Par ailleurs, l'article 43 du même Code enjoint l'administrateur à faire une notification à domicile d'un exploit de justice au destinataire qui refuse de recevoir la copie. L'administrateur est tenu de le faire le plus tôt. Sa négligence lui vaudrait des dommages et intérêts au destinataire qui serait lésé suite à sa négligence.

41 Article 11 de la Loi communale. L'article 28 de la même loi prévoit que pour les prochaines élections, l'administrateur sera élu au suffrage universel direct.

42 RCN-Justice &Démocratie, Guteza imbere ubutungane ku nzego zegereye abanyagihugu, Bujumbura, p.4.

En définitive, l'administrateur communal n'a aucune compétence judiciaire, ni sur le plan pénal ni sur le plan civil. Il ne peut donc s'établir en juge mais doit plutôt orienter les justiciables vers les tribunaux et les officiers de police judiciaire. Par ailleurs, comme tout bon citoyen, il peut aider des personnes en conflits à régler leurs différends par la conciliation.

B. Le chef de zone

Parmi les autorités administratives de base, les chefs de zones ont cette particularité qu'ils sont nommés et non élus. Le chef de zone figure parmi le personnel communal et il est le représentant de l'administrateur communal dans sa circonscription. Ce dernier lui délègue une partie de ses compétences dans l'intérêt d'une bonne administration. C'est une autorité administrative déconcentrée.

Comme l'administrateur communal ou le chef de colline ou de quartier, le chef de zone ne dispose d'aucune compétence pour connaître des dossiers pénaux ou civils. Il a la latitude de jouer la médiation, l'arbitrage ou la médiation lorsqu'il est sollicité par les parties au conflit. En outre, le code de procédure civil lui confie, au même titre que l'administrateur communal, le rôle de faire parvenir à certains justiciables de sa circonscription, les citations judiciaires.

C. Le chef de colline ou de quartier

Selon l'article 35 de la Loi communale, la colline ou le quartier sont administrés par un conseil de colline ou de quartier composé de 5 membres élus au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans. Le conseiller qui a obtenu le plus grand nombre de voix devient chef de colline ou de quartier.

En tant qu'animateur de la paix sociale dans sa circonscription, le chef de colline supervise la médiation, la conciliation et l'arbitrage des personnes en litiges qui recourent librement aux Bashingantahe ou à lui. Il ne peut ni instruire une affaire pénale ou la juger, ni juger des litiges civils. Il n'a aucune compétence judiciaire. Toutefois, comme tout autre citoyen honnête, le chef de colline ou de quartier peut arrêter tout délinquant attrapé en flagrant délit et le conduire à l'O.P.J. ou à l'officier du ministère public le plus proche.

§3. Les officiers de la police judiciaire

ministère public43. Les officiers de police judiciaire constatent les infractions qu'ils ont mission de rechercher. Ils reçoivent les dénonciations, les plaintes et les rapports relatifs à ces infractions et dressent un procès-verbal y relatif.

Les officiers de police judiciaire peuvent procéder à des saisies des objets sur lesquels pourrait porter la confiscation prévue par la loi et de tous autres objets qui pourraient servir à conviction ou à décharge44. Ils peuvent également, lorsque l'infraction est punissable d'un an de servitude pénale au moins au moins ou lorsqu'il existe des raisons sérieuses de craindre la fuite de l'auteur présumé de l'infraction, se saisir de sa personne après avoir interpellé l'intéressé et de le conduire immédiatement devant l'autorité judiciaire compétente.

Globalement, les officiers de police judiciaire ont une compétence générale pour toutes les infractions pénales. Leur compétence territoriale se confond avec celle de parquet du même ressort. Ils peuvent accomplir tous les actes de la police judiciaire tel que la convocation, la rétention, la saisie, la conservation des preuves, la perquisition, la garde à vue, la transaction des amendes, etc. Par ailleurs, ils peuvent, sur délégation du ministère public, effectuer des enquêtes ou représenter le ministère public devant les tribunaux de résidence45.

Malgré cette nette distinction des compétences de la police de sécurité intérieure d'une part et de la police judiciaire d'autre part, le citoyen ne sait pas toujours exactement à quel corps s'adresser lorsqu'il est victime d'une infraction. Par ailleurs, il se remarque des conflits de compétence entre ces deux corps de police. Il n'est pas rare d'entendre que la police de sécurité intérieure, après avoir procédé à une arrestation, déclare être entrain de mener une enquête, tâche qui est dévolue normalement à la police judiciaire.

Section 2 Les acteurs non étatiques

La catégorie des acteurs non étatiques comprend les Bashingantahe, les associations de la société civile et le conseil de famille.

43 Loi no 1/023, précitée, article 27.

44 Article 5 de la Loi n° 1/015 du 20 juillet 1999 portant réforme du Code de procédure

pénale in BOB n°1/2000, pp.1-54.

45 Article 146 du Code de procédure pénale, précité.

§1. Les Bashingantahe

1. Notion de « mushingantahe »

A. Etymologie du terme

Le terme « abashingantahe » est le pluriel de « umushingantahe » qui vient luimême de l'association du verbe « Gushinga » (planter, fixer solidement ou établir) et du substantif « intahe » qui veut dire « baguette de la sagesse ». Dans le contexte d'umushingantahe, le substantif « intahe » est utilisé dans un sens symbolique. Ce sens peut être exprimé par le terme « ingingo » qui se traduit littéralement « équité » ou « justice ». Dès lors, « umushingantahe » veut dire un homme de justice et d'équité. C'est ici le sens traditionnel du terme. Un autre concept qui véhicule le mot « umushingantahe » est celui de « ubushingantahe » qui peut être entendu comme une valeur incarnée par des hommes intègres et sages.

Selon Juvénal NGORWANUBUSA46, le mushingantahe est cet homme complet, de préférence âgé et chevronné en matières traditionnelles, qui tient lieu de garde-fou de la société burundaise, tranchant toutes les palabres sans état d'âme et faiblesse, plus en conciliateur qu'en justicier.

B. Les conditions pour devenir mushingantahe

Tout le monde ne peut pas être mushingantahe. A côté des conditions de fond, l'individu doit également observer et respecter certaines formalités relatives notamment à l'investiture. L'énumération exhaustive des conditions de fonds serait difficile, mais il s'agissait principalement de :

- la maturité humaine (ugutandukana n'ubwana) ;

- le sens de la vérité (ukuba imvugakuri) ;

- l'intelligence lucide (ubwenge butazindwa) ;

- le sens de l'honneur et de la dignité (ukugira iteka mu bandi) ;

- l'amour du travail et la capacité de subvenir à ses besoins (ubwira mukwimara ubukene) ;

- le sens de la justice (ukuba intungane) ;

- le sens de la responsabilité sociale47.

S'agissant des conditions de forme, nul ne peut devenir mushingantahe s'il n'est
pas investi conformément à la coutume. La procédure commence par une

46J. NGORWANUBUSA, cité par RCN-Justice&Démocratie, op.cit., p.33.

47 A. NTABONA, « Les fondements anthropologiques de l'institution d'ubushingantahe dans la tradition » in Les valeurs traditionnelles et le développement, p.8.

formation soignée et une longue période d'approbation avec différentes étapes. Tout cela a pour objectif d'influencer la personne au niveau de son devenir. Dans la suite, la candidature est reconnue par le conseil des bashingantahe qui choisit un parrain pour le postulant. C'est le même conseil, mais au niveau de la colline ou, qui délibère sur la candidature.

Lors de l'investiture, le leader moral du collège local des bashingantahe déjà investis commence par présenter le candidat à la population et rappelle les devoirs d'umushingantahe.

Après que la population présente se prononce sur le candidat, celui-ci prête serment d'observer les devoirs d'un mushingantahe et reçoit la baguette de la sagesse « intahe ». Il la frappe par terre pour invoquer la sagesse de ses ancêtres qui ont été enterrés. Il devient mushingantahe.

De tout ce qui précède, il ressort que le mushingantahe est investi d'une responsabilité sociale suite à un contrat passé entre lui et la société.

2. Les techniques et les procédures judiciaires des Bashingantahe

Le fonctionnement de l'institution des bashingantahe sur le plan judiciaire repose sur 3 techniques à savoir : la médiation, la conciliation et l'arbitrage. Ces techniques sont actuellement valorisées dans la résolution pacifique des conflits.

A. La médiation

La médiation est un processus, le plus souvent formel, par lequel un tiers neutre tente, à travers l'organisation d'échanges entre les parties, de permettre à cellesci de confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide une solution au conflit qui les oppose48. Cette pratique était et reste encore utilisée au Burundi. En effet, en cas de litige entre 2 personnes, on envoie un mushingantahe auprès d'elles pour obtenir entente et réparation. En cas d'échec, on renvoie l'affaire aux notables.

48 J. P. BONAFE SCHMIDT, La médiation : une justice douce, Paris, Syros-Alternatives, 1992, p.16.

B. La conciliation

C'est un mode de règlement des différends grâce auquel les parties en présence s'entendent directement pour mettre fin à leur litige, au besoin à l'aide d'un tiers49.

Par de multiples et sages conseils « Guhanura », les « bashingantahe » essayent d'amener les parties en conflits à un règlement amiable. Dans cette technique, c'est le pardon et la réconciliation qui sont privilégiés au lieu de l'octroi des dommages et intérêts. Généralement, lorsque les deux parties étaient conciliées, les « bashingantahe » les invitaient à partager un pot de vin de bananes.

C. L'arbitrage.

En cas d'échec de la médiation et de la conciliation, on recourait à l'arbitrage. Celui-ci est une technique bien différente des deux précédentes. Ici, les « bashingantahe » sont considérés comme de véritables juges et leurs décisions sont exécutoires à l'égard des parties. Des peines sont appliquées sous diverses formes : amendes, exclusion, etc. Dans tous les cas, il ne faut pas perdre de vue que l'esprit qui présidait aux activités des « bashingantahe » était la sauvegarde de la cohésion sociale.

S'agissant de la procédure, il faut dire qu'une fois saisi, le conseil des bashingantahe se doit de statuer sur l'affaire et de veiller à l'exécution du jugement rendu. La procédure est accusatoire, contradictoire et publique.

3. La compétence actuelle des Bashingantahe dans la résolution des conflits

La loi n°1/004 du 14 janvier 1987 portant réforme du Code de l'organisation et de la compétence judiciaires mentionnait des compétences non moins importantes des « bashingantahe ». Selon l'article 209, le recours au conseil des « bashingantahe » au niveau de la colline de recensement était obligatoire avant de saisir le juge judiciaire. Les parties au conflit devaient en premier lieu porter leur affaire devant les « bashingantahe » qui analysaient le litige. S'ils ne parvenaient pas à le régler, ils devaient remettre aux deux parties un procès- verbal de conciliation qui pouvaient cette fois aller devant le tribunal de résidence.

Par contre, la loi n°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires réduit considérablement le rôle de l'institution des « bashingantahe ». Selon cette loi, les parties à un conflits ne sont plus obligés de porter leur affaire devant le conseil des « bashingantahe » avant de saisir le tribunal de résidence tout comme, une fois devant le juge, elles ne sont pas tenues de présenter le procès verbal de conciliation. Toutefois, l'article 78 stipule qu'en matière de propriétés foncières non enregistrées situées en milieu rural, l'exécution des jugements est assurée par les juges des tribunaux de résidence assistés d'un greffier avec le concours des notables bashingantahe.

La loi n°1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale fait, elle aussi, mention de l'institution des bashingantahe. Elle stipule en son article 37 que « sous la supervision du chef de colline ou de quartier, le conseil de colline ou de quartier a pour mission d'assurer sur la colline ou au sein du quartier, avec les bashingantahe de l'entité, l'arbitrage, la conciliation, la médiation Ainsi que le règlement des conflits du voisinage ».

Il n'empêche que malgré l'absence d'un cadre juridique bien défini, l'institution des « bashingantahe » est un organe très actif dans le règlement des litiges de proximité.

§2. Les associations de la société civile

Les organisations de la société civile qui interviennent dans le secteur de la justice ont comme rôle l'orientation des justiciables, la sensibilisation, l'assistance judiciaire, la formation des acteurs de la justice, la dénonciation des violations du droit, etc.

Nous nous limiterons ici aux principaux intervenants à savoir les ONG à travers les cliniques juridiques, les ligues des droits de l'homme, les médias et les confessions religieuses50.

1. Les Cliniques Juridiques

La crise qu'a connue le pays depuis 1993 a créé de nombreux nouveaux problèmes. Les conflits locaux liés à la conjoncture dépassent aussitôt les capacités du conseil des notables. C'est ainsi que les Organisations Non Gouvernementales internationales et d'autres associations sans but lucratif ont mis en place des « Cliniques Juridiques » qui offrent des services gratuits d'écoute, d'orientation et de médiation aux personnes défavorisées.

50 Lors de notre enquête, nous avons identifié d'autres associations locales qui oeuvrent dans le secteur de la justice. Cependant, leur champ d'intervention se trouve limité par le manque de moyens matériels et financiers.

Certaines ont des avocats-conseils. La plupart travaillent avec des « para - juristes », choisis par la communauté locale parmi les résidents. Ils sont périodiquement formés sur les lois usuelles au Burundi : le Code Foncier, le Code de Procédure Pénale, le Code des Personnes et de la Famille et le Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires.

Ces Organisations Non Gouvernementales et Associations assurent un suivi et une assistance réguliers de ces para-juristes dans leur rôle de médiateurs locaux. Bon nombre de parties en conflit se tournent vers le mécanisme des « cliniques juridiques » pour trouver des voies de sortie à leurs problèmes, surtout fonciers et familiaux.51

Ces cliniques visent à promouvoir, au niveau local, surtout en milieu rural, des mécanismes extrajudiciaires de résolution des conflits qui soient accessibles aux démunis. Les cas sont traités à l'amiable soit par les animateurs de ces « Cliniques», soit par les « para-juristes » formés et assistés par les associations et Organisations Non Gouvernementales initiatrices du système.

Lorsque l'arrangement ne peut être atteint, le cas est orienté devant les juridictions compétentes. Il a été constaté que bon nombre de gens surtout les parties en litiges confondent les Cliniques Juridiques à un organe judiciaire ou une commission étatique dépêchée dans le pays surtout pour résoudre les conflits de terre. Il serait souhaitable dès le départ que les animateurs ou parajuristes clarifient leur rôle et le cadre de travail pour que les justiciables ne soient pas déroutés.

2. Les ligues des droits de l'homme

Au Burundi, différentes ligues des droits de l'Homme existent. Mais l'une des associations de défense des droits de l'homme les plus actives dans la résolution des conflits de proximité au Burundi est la ligue ITEKA. Actuellement, les activités de la ligue ne se limitent plus à exprimer ses objections sur la violation des droits de l'homme. Mais elles englobent également des actions concrètes de promotion et de protection des droits de l'homme et des libertés. Parmi ces actions concrètes, la ligue ITEKA a entamé la réalisation d'un projet d'écoute, de conseils et d'orientation des victimes des violations des droits de l'homme.

Au cours de l'année 2006, les bureaux chargés d'écoute et d'orientation des
victimes des violations des droits de l'homme ont reçu 5293 cas. Parmi ces cas,

51 Dans les provinces de Ngozi, Kirundo et Muyinga 56% des personnes interrogées nous ont affirmé avoir été consulté les avocats ou les juristes de l'ONG « Avocat sans frontières » et de l' « Association des femmes juristes ».

plus de 1997 se rapportaient aux conflits fonciers, plus de 337 cas concernaient la torture et les mauvais traitements, 618 étaient des plaintes relatives à la lenteur des jugements, 483 concernaient les détentions arbitraires et plus de 324 étaient des victimes des viols et violences sexuelles. D'autres cas étaient en rapport avec le divorce et l'abandon des femmes52.

La ligue ITEKA n'est pas une instance judiciaire. Loin s'en faut. Elle joue plutôt un rôle d'informateur, de médiateur et en cas de besoin, elle oriente les parties au conflit vers le juge, les corps de police, les responsables administratifs, les Bashingantahe ou même vers le conseil de famille. Les bureaux d'écoute de la ligue ITEKA sont présents dans presque toutes les provinces du Burundi.

3. Les médias

De nos jours, les médias sont devenus des acteurs incontournables dans la promotion des droits de l'Homme au Burundi. Qu'elle soit écrite ou audiovisuelle, la presse médiatique joue un rôle très important comme acteur de justice de proximité.

En effet, les médias jouent un rôle considérable d'informateur juridique. Avec les émissions de droit, les lumières juridiques se répandent. Des émissions radiophoniques tel que « NTUNGANIRIZA », « ICIBARE CACU » de la Radio ISANGANIRO, « IKIGANIRO C'UBUTUNGANE » de la Radio Télévision Nationale, des bulletins d'information des organisations de la société civile, sont des instruments d'information juridique très efficaces53.

4. Les confessions religieuses

Aujourd'hui, les confessions religieuses se sont investies dans la promotion des droits de l'homme. Plus particulièrement dans l'Eglise Catholique Romaine, chaque diocèse est dotée d'une commission « Justice et Paix ». Celle-ci a comme objectif principal la sensibilisation et la promotion des droits de l'homme dans le diocèse concerné.

Les commissions « Justice et Paix » sont actives aussi dans la promotion de la
résolution pacifique des conflits. Elles ont cet atout d'avoir des structures qui
sont très proches de la population du moment que même au niveau de chaque

52 Ligue ITEKA, Rapport du projet « Ecoute, orientation et médiation des victimes des violations des droits de l'homme », Bujumbura, le 7 janvier 2007.

53 Nous avons nous- même été consultant pour l'émission ntunganiriza de la radio Isanganiro. A l'occasion de chaque émission, des auditeurs posaient des questions ou exposaient leurs problèmes pour demander conseils.

paroisse, il se trouve une commission paroissiale « Justice et Paix ». Ces dernières sont donc à juste titre des acteurs de justice de proximité.

Selon le rapport trimestriel54 de la commission « Justice et Paix » du diocèse catholique de Bujumbura dans le projet d'Identification des Terres à Problèmes (ITAP), beaucoup de problèmes fonciers ont été résolus par des médiateurs basés dans les paroisses. En effet, le projet couvre 5 paroisses et dans chacune de ces paroisses, des médiateurs ont été formés pour aider les parties aux conflits fonciers impliquant des rapatriés de les résoudre pacifiquement.

En guise d'illustration et toujours selon le même rapport, dans la seule paroisse de Magara, commune Bugarama en province de Bujumbura rural, 78 cas de conflits fonciers impliquant des rapatriés ont déjà été écoutés et parmi eux, 33 ont été déjà résolus depuis le mois d'octobre 2006 jusqu'à mars 2007. La population de cette paroisse s'intéresse beaucoup à ces médiateurs parce qu'ainsi, elle échappe aux longues procédures judiciaires et aux frais y relatives.

§3. Le Conseil de Famille

Le Conseil de Famille est une institution créée au sein de la famille pour veiller à la sauvegarde des intérêts de chacun de ses membres dans les cas prévus par la loi.

Il est composé des père et mère de l'intéressé, de ses frères et soeurs majeurs, d'au moins deux de ses parents choisis soit dans la lignée maternelle suivant l'ordre de proximité, d'au moins deux personnes connues pour leur esprit d'équité.55

Si le Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires ne fait nulle part allusion au Conseil de Famille parmi les institutions judiciaires, le Code des Personnes et de la Famille lui réserve par contre une place importante dans certaines matières, plus particulièrement en ce qui concerne la procédure en divorce ainsi que l'administration de la tutelle des mineurs ou de l'interdit.

54 Commission Diocésaine « Justice et Paix » (CDJP) ; Bujumbura, Rapport trimestriel du projet ITAP ( janvier-février-mars).

55 L'institution du conseil de famille est prévue par les articles 371 et suivants du Décret-loi

n° 1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du Code des Personnes et de la Famille in BOB no 6/93.

En matière de divorce, l'époux demandeur doit provoquer une réunion de conciliation groupant les époux et leurs Conseils de Familles respectifs avant d'introduire l'action en divorce. En ce qui concerne la tutelle, le Conseil de Famille est investi d'une mission générale de surveillance et de contrôle quant à l'exercice et l'administration de la tutelle. Lorsque le tuteur se soustrait à la surveillance et au contrôle du Conseil de Famille, celui-ci est tenu de lui adresser, sans retard et par écrit, les remarques nécessaires. Si le tuteur demeure fautif, le Conseil de Famille met fin à ses fonctions et pourvoit à son remplacement.

L'institution du conseil de famille est fort connue de la population. Toutes les personnes interrogées reconnaissent que le conseil de famille joue un grand rôle dans la résolution des litiges de proximité particulièrement ceux impliquant la famille restreinte.

Le conseil de famille présente également l'avantage de ne pas entrer en conflit de compétence avec les autres acteurs de la justice de proximité comme on va le voir dans le chapitre suivant.

CHAPITRE III. LES CONFLITS DE COMPENTENCES ENTRE LES ACTEURS DE JUSTICE DE PROXIMITE

Dans l'ensemble du pays et particulièrement en milieu rural, les justiciables s'adressent successivement ou en même temps à plusieurs acteurs de la justice de proximité.56 Dans leur entendement, tout notable, toute personnalité officielle ou importante « umutegetsi »ou « umukuru » est habilité à rendre justice57.

De surcroît, ils ont tendance à saisir plusieurs acteurs dans l'espoir d'obtenir une solution rapide58.

Dès lors, les parties au conflit sollicitent les Bashingantahe, les élus collinaires, l'administrateur communal, le tribunal de résidence ou recourent aux associations de la société civile intervenant en matière de justice.

Cette situation désoriente les justiciables, pérennise les litiges et fait naître des conflits de compétence sur fond de lutte de pouvoir entre les différentes autorités consultées59.

Ainsi l'identification des causes ou origines des conflits de compétence s'avère nécessaire (section 1ère) avant de présenter la typologie des conflits de compétence entre les différents acteurs de la justice de proximité (section 2).

Section 1ère . Les origines des conflits de compétence entre les acteurs de justice de proximité

Les conflits de compétence entre les acteurs de justice de proximité trouvent origine dans diverses causes. Le constat général est que la population rurale vit dans l'ignorance de la loi, qui elle-même suscite des problèmes d'interprétation et juxtapose parfois des structures relevant de philosophies différentes.

56 RCN Justice et Démocratie, op.cit., p.67.

57 Cela est d'autant plus vrai qu'au cours des entretiens, certaines personnes restaient à croire que nous même, pouvions régler leurs problèmes malgré les précisions données sur notre identité et le but de notre entretien.

58 RCN Justice et Démocratie, compte rendu des enquêtes sur la promotion de la justice auprès des autorités de base, Ngozi, Kirundo et Muyinga du 5 au 22 avril 2004.

59 RCN Justice et Démocratie, idem, p.68.

§1. L'ignorance de la loi

La population burundaise est, dans sa grande majorité, rurale et analphabète. Les chiffres récents indiquent que plus de 62% de la population est analphabète.60 Avec un tel niveau d'alphabétisation, la population reste dans l'ignorance de la loi du moment que les textes de loi sont promulgués en français. Ainsi, la population rurale croit que toute autorité (umutegetsi), qu'elle soit traditionnelle, administrative ou judiciaire, a des compétences judiciaires.

En outre, il y a des acteurs de justice de proximité qui, eux-mêmes, ne sont pas formés en matière juridique. Il s'agit des administrateurs communaux, des bashingantahe et des élus collinaires. En effet, il se révèle que le niveau intellectuel de la plupart des administrateurs communaux est très faible. Parmi eux, très peu ont le niveau licence et beaucoup ont le diplôme D4, A3 ou A2. Ainsi, ils ont du mal à appliquer une loi communale qu'ils ne maîtrisent pas.

§2. La problématique de la mise en application de l'article 37 de la Loicommunale

Cette disposition en apparence claire n'a pas néanmoins manqué de poser sur terrain des difficultés d'application aboutissant par endroits à un conflit ouvert entre les élus collinaires et les Bashingantahe traditionnellement investis. C'est que justement le problème se pose en termes de collaboration ou en d'autres termes les types de relations qui doivent exister entre les deux structures61.

Cette disposition, rappelons - le, dispose comme suit :

« Sous la supervision du chef de colline ou de quartier, le conseil de colline ou de quartier a pour mission : ...

2° D'assurer, sur la colline ou au sein du quartier, avec les Bashingantahe de l'entité, l'arbitrage, la médiation, la conciliation ainsi que le règlement des conflits de voisinage ».

Tel qu'elle est libellée, cette disposition suscite plusieurs interprétations de nature à paralyser le fonctionnement régulier de la Justice à la base.

Ainsi par exemple une certaine opinion avance, partant du groupe de mots
«Sous la supervision du chef de colline ... », que toutes les activités décrites par

60 Information publiée par le centre national d'alphabétisation à l'occasion de la journée mondiale de l'alphabétisation, V. hppt:// www.abp.info.bi htm.

61 OAG,Analyse critique du fonctionnement de la justice de proximité au Burundi ,Bujumbura ,mars 2007, p.44,hppt:// www.oag.bi/IMG/pdf/Analyse-justicedeproximite-pdf.

cette disposition (arbitrage, médiation, conciliation) doivent se faire en présence du chef de colline ou de quartier.

Bien plus, comme il est dit que le conseil de colline ou de quartier accomplit ces activités « avec les Bashingantahe de l'entité », certains pensent que, ni les élus locaux, ni les Bashingantahe, ne peuvent siéger seuls, que les deux catégories doivent être représentées.

D'autres donnent un rôle facultatif aux Bashingantahe au motif que l'article 37 décrit les attributions du conseil de colline ou de quartier et n'évoquerait les Bashingantahe que de façon incidente au point 2 et en apposition.

Ils en concluent que les élus locaux sont les plus concernés par ces missions et peuvent donc siéger seuls ; ce qui n'est pas permis aux Bashingantahe.

Il y en a d'autres qui partent de ce que ces missions concernent essentiellement les élus pour conclure que « l'esprit de l'article 37,2° est d'obliger les élus collinaires saisis pour l'arbitrage, la médiation, la conciliation ou le règlement d'un litige de voisinage, de chercher ensemble avec les Bashingantahe la solution à apporter au litige. Les défenseurs de cette hypothèse renchérissent en prêchant que quand ils statuent sur les conflits de voisinage, les élus collinaires ne peuvent pas, sans violer la Loi communale, se passer de cette collaboration des Bashingantahe ; que par contre du point de vue législatif, rien n'empêcherait les Bashingantahe de statuer seuls sur les litiges portés à leur connaissance.

En tout état de cause, l'analyse profonde de l'article 37,2° de la Loi communale indique que toutes ces interprétations sont erronées. En effet, cette disposition devrait s'interpréter non pas dans le sens de la rigidité mais plutôt de la souplesse. Il serait étonnant de croire que le législateur ait voulu soumettre le règlement des conflits sur les collines ou dans les quartiers à la présence obligatoire du chef de colline ou de quartier.

Les situations conflictuelles qui se présentent requièrent souvent l'urgence alors que le chef de colline ou de quartier peut être par moment empêché encore que, vu l'étendue de la colline et la multiplicité des cas litigieux, le chef ne peut pas être physiquement présent partout. Il faut donc entendre la supervision énoncée par la disposition en ce sens que le chef de colline ou de quartier est le premier responsable dans son entité.

adviendrait pour les collines qui ne disposent d'aucun Mushingantahe traditionnellement investi ?62

Les élus locaux peuvent donc siéger seuls tout comme, en cas d'empêchement de ces derniers, rien n'empêcherait les Bashingantahe de siéger seuls. Ceci n'accrédite pas bien entendu l'hypothèse comme quoi l'obligation de collaborer ne concerne pas les deux catégories sans distinction. L'article 37,2° s'impose aux élus comme aux Bashingantahe. Là où les deux partenaires existent, il est souhaitable qu'ils se mettent ensemble, dans l'esprit du législateur auquel nous adhérons, pour assurer les missions décrites dans la disposition.

Quant à dire que les Bashingantahe auraient un rôle facultatif, nous pensons que cela n'est pas non plus l'intention du législateur

Il faudra par ailleurs remarquer que le législateur n'a pas précisé le nombre d'élus ou de Bashingantahe qui doivent faire partie de ce collège. Par souci de souplesse du système, il a laissé aux intéressés le soin de s'organiser, évidemment sous la supervision du chef de colline ou de quartier, étant entendu que chaque colline ou quartier a ses spécificités particulières.

§3. La juxtaposition de deux structures qui procèdent de deux philosophies différentes

L'article 37,2° de la Loi communale attribue une même mission (arbitrage, médiation, conciliation) à deux structures qui manifestement procèdent de deux philosophies différentes : d'une part, les élus locaux nantis d'une légitimité populaire pour avoir été élus par la population au suffrage universel direct, et d'autre part les Bashingantahe traditionnellement investis, nantis de l'autorité morale traditionnelle attachée à l'institution, qui croient avoir de leur côté la maturité, l'expérience, la sagesse, l'intelligence face aux élus locaux à majorité jeunes et inexpérimentés.

Ainsi, d'un côté comme de l'autre, il y a de quoi s'enorgueillir, ou se prévaloir comme autorité.

Cette situation est de nature à générer un conflit de légitimité. L'adage en Kirundi rendrait mieux cette situation : « inkuba zibiri ntizisangira igicu ». La méfiance est grande entre les deux partenaires.

En effet, le conseil des bashingantahe est une institution qui s'appuie sur la tradition et qui n'a qu'une légitimité traditionnelle. Seuls les initiés conformément à la coutume peuvent devenir bashingantahe.

S'appuyant sur la tradition, les bashingantahe refusent de siéger avec les élus collinaires qui ne sont pas investis bashingantahe. Ils les considèrent comme des non initiés et craignent qu'ils ne révèlent le secret de délibération de procès.

Plusieurs déclarations du Conseil National des Bashingantahe reviennent sur ces conflits de compétences entre les notables et les autorités administratives. En son article 44, la charte des bashingantahe stipule qu'aucun administratif, quel que soit son rang, ne peut siéger pour juger une affaire au niveau de la colline s'il n'est investi mushingantahe.

Par ailleurs, une déclaration du Conseil National des Bashingantahe du 8 février 2006 précise l'étendue des prérogatives des élus locaux aux yeux des bashingantahe. Selon cette déclaration, les élus collinaires ont été élus pour administrer et coordonner les activités sociopolitiques sur la colline. Ils font donc partie de l'appareil administratif. Or, l'indépendance de la magistrature est reconnue par la Constitution burundaise. C'est pourquoi les élus collinaires n'ont pas été élus pour trancher les palabres dévolus aux bashingantahe. Ils ne doivent donc jamais s'immiscer dans les affaires des bashingantahe de rendre justice63.

D'un autre côté, les élus collinaires contestent la légitimité des bashingantahe. Les premiers tirent leur légitimité dans le suffrage universel tandis que les seconds s'appuient sur un système traditionnel de cooptation initiatique. La principale accusation portée contre les bashingantahe est que ceux-ci en tranchant les palabres exige un versement de la bière (agatutu k'abagabo). Certains élus collinaires refusent d'ailleurs qu'on les appelle bashingantahe et préfèrent le vocable d'umugabo. Ils considèrent que le temps des bashingantahe est révolu et que la loi a supplanté la tradition.

Au cours des divers séminaires organisés par RCN, Justice & Démocratie, la collaboration entre les bashingantahe et les élus collinaires a suscité des débats houleux. Les premiers qualifient les seconds d'enfants tandis que les derniers qualifient la baguette (intahe) d'un simple bâtonnet64.

§4 Les contingences politiques

Au lendemain des récentes élections de l'an 2005, il semble que les
Bashingantahe ont perdu de terrain, selon une certaine opinion, pour céder la
place aux autres dit « Abagabo» (au singulier on dit : « Umugabo »). Sous cet

63 Il faut avouer que ces déclarations du C.N.B. ne sont pas de nature à favoriser la coopération entre les Bashingantahe et les élus collinaires non investis.

64 RCN Justice et Démocratie, op.cit, p.70.

angle, les Bashingantahe procéderaient d'un ordre ancien, vieux et corrompu qui a démérité à telle enseigne qu'il n'est plus prestigieux, si pas honteux de s'appeler Umushingantahe.

Ces considérations, qui, au départ étaient énoncées à des fins de campagne électorale, ont eu pour conséquence fatale de décrédibiliser l'institution des Bashingantahe aux yeux d'une bonne partie de la population qui ne voulait guère se confier aux Bashingantahe, considérant que ces derniers n'ont plus de rôle à jouer, n'étant pas élus par le peuple. Il convient néanmoins de signaler que petit à petit, suite aux séminaires dits ci- haut, les rangs commencent à se resserrer, la confiance se rétablit entre la population et les Bashingantahe.

§5. Les enjeux de pouvoir et d'intérêt

Dans la plupart des cas, il arrive que des différents acteurs entrent en conflit de lutte de pouvoir. Il en est ainsi des différents administrateurs communaux qui veulent exercer une emprise sur les juges des tribunaux de résidence et sur les officiers de la police judiciaire.

De même, certains officiers de la police judiciaire abusent sciemment de leur pouvoir pour satisfaire à leurs intérêts personnels. C'est souvent le cas quand ils emprisonnent une personne pour le paiement d'une dette civile. Ils espèrent une récompense de la part du créancier.

Section 2. Typologie des conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité

Sur le terrain, plusieurs scénarios se présentent. Nous évoquons ici les quatre principales catégories combinant les différents acteurs de la justice de proximité.

§1. Les bashingantahe et les administratifs à la base.

Nous avons déjà évoqué les difficultés d'interprétation que suscite l'article 37,2 de la Loi communale qui prévoit une collaboration entre les bashingantahe et les élus collinaires dans le règlement des conflits de voisinage par l'arbitrage, la médiation et la conciliation65. Dans la pratique, cette collaboration s'avère être difficile à mettre en oeuvre et les situations sont variables d'un milieu à l'autre.

A certains endroits, les élus locaux qui se disent détenir un mandat populaire
sont les maîtres de terrain et associent rarement ou pas les Bashingantahe mais
préfèrent s'appuyer sur les représentants des structures administratives

informelles, à savoir les sous-collines. Si par extraordinaire les Bashingantahe sont associés, il ne leur est pas permis d'utiliser leur baguette (intahe) qui est détesté dans ces milieux.66

Dans d'autres milieux par contre, les Bashingantahe dominent le terrain, associent les élus locaux dans le règlement des conflits mais ces derniers ne participent pas à la séance de délibération (umwiherero). Généralement ici, la majorité d'élus locaux et surtout de chefs de colline ou de quartier sont les Bashingantahe traditionnellement investis. On rapporte même que le reste des élus locaux non investis commencent, à le demander. Les premiers demandeurs ont été investis.67

La troisième situation est celle où les deux catégories s'associent pour trancher les litiges le plus naturellement du monde. Mais ici aussi les élus locaux qui ne sont pas encore investis Bashingantahe ne touchent pas l'intahe. Ils participent néanmoins à la séance de délibération et même lorsque le chef de colline ou de quartier est là, c'est lui le maître de la séance. Cette dernière situation est conforme, à notre avis, à l'esprit et la lettre de l'article 37,2° de la loi communale. Elle commence à se généraliser suite aux différents séminaires organisés par certaines Organisations Non Gouvernementales locales notamment l'Observatoire de l'Action Gouvernementale (OAG) et RCN-Justice et Démocratie, dans tout le pays à l'endroit des élus locaux et des Bashingantahe.

§2. Les bashingantahe, les officiers de police judiciaire, et les magistrats des tribunaux de résidence

Les conflits de compétences entre ces acteurs de justice de proximité sont plus prononcés dans les affaires pénales que dans les affaires civiles. A toute fin utile, nous rappelons que la loi n°1/08 du 17 mars 2005 portant Code d'organisation et de compétences judiciaires n'accorde aucune compétence aux bashingantahe ni en matière civile ni en matière pénale. Dans les faits, les bashingantahe se considèrent comme des gardiens traditionnels de la cohésion sociale et de l'harmonie et à ce titre se sentent interpellés pour faire cesser toute violence tant idéologique que physique68. C'est ainsi qu'ils interviennent souvent dans des situations constitutives d'infraction. Les cas les plus fréquents sont les coups et blessures, le viol, le vol des récoltes sur pieds.

66 C'est notamment le cas en commune Gihanga.

67 Le cas des communes Muramya, Gisozi et Mugamba.

68 P. NTAHOMBAYE, op cit., p.35.

En matière judiciaire, le fonctionnement de l'institution des bashingantahe diffère de celui des instances judiciaires modernes. Les bashingantahe usent de la conciliation, de l'arbitrage et de la médiation alors que les autres privilégient l'identification et la répression de l'infraction.

En cas de viol d'une jeune fille par exemple, les bashingantahe privilégient un arrangement à l'amiable en obligeant le jeune garçon à prendre en mariage sa victime moyennant versement de la dot et dédommagement moral de la famille humiliée. Le dédommagement consiste en fourniture de cruche de vin de bananes. D'après les bashingantahe, cette façon de faire se justifierait par le souci de préserver ou de rétablir le plus rapidement possible les bonnes relations entre les deux familles selon l'adage « Intahe irunga ntivuna ».

Dans tous les cas, en réglant des situations constitutives d'infractions, les bashingantahe empiètent sur les compétences légalement réservées aux officiers de police judiciaire et aux juridictions respectivement en ce qui concerne les enquêtes69 et le jugement de l'auteur de l'infraction70.

Par ailleurs, la manière de procéder des bashingantahe consacre l'impunité et risque de favoriser la récidive. La multiplication des cas de violence sexuelle est due en partie à ce qu'elles sont devenues un moyen d'obtenir la main de sa victime71.

§3. Les autorités administratives et les officiers de police judiciaire.

Il arrive que les autorités administratives et les officiers de police judiciaire entrent en conflits quant à leurs compétences. L'on se rappellera que le décretloi n° 1/011 du 8 avril 1989 portant réorganisation de l'administration communale accordait à l'administrateur communal le pouvoir d'emprisonner une personne pendant une période maximale de 7 jours.

Or, l'actuelle Loi communale n'accorde pas un tel pouvoir à l'administrateur communal. Dans la pratique cependant, certains administrateurs sont restés dans la logique du décret-loi précité et croient détenir encore le droit et le pouvoir d'emprisonner les gens. Ils s'appuient sur les articles 26 et 27 de la loi n° 1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale.

69 Articles 3 à 21 du Code de procédure pénale.

70 Articles 22 à 28 du Code de procédure pénale.

71 Dans certaines régions du pays, il existe une pratique de « guterura » qui signifie enlever une fille. Si ces cas ne sont pas réprimés, d'autres garçons sont tentés de faire de même pour avoir des filles qui avaient refusé le mariage.

Dans sa substance, l'article 26 stipule que l'administrateur communal exerce un pouvoir général de police. Quant à l'article 27, il stipule que l'administrateur communal exerce un pouvoir hiérarchique direct sur le détachement de police affecté dans sa commune. A ce titre, certains administrateurs empiètent sur les pouvoirs accordés aux officiers de la police judicaire. Ils peuvent emprisonner ou prononcer des amandes contre les délinquants. Dans d'autres cas, ils libèrent des prévenus à l'insu de l'O.P.J. en charge du dossier. Selon les informations qui ont été diffusées par ABP-INFO, une dame élue chef de colline a été attrapée entrain de fabriquer la liqueur kanyanga et a été traduite devant la police. Pourtant, l'administrateur communal aurait intervenu et l'aurait libérée. Cela s'est passé dans la commune Gisagara en Province CANKUZO72.

Néanmoins, sur le plan légal, l'administrateur communal ne dispose d'aucune compétence judiciaire ni en matière pénale ni en matière civile. Comme tout bon citoyen, l'administrateur ne peut que dénoncer les auteurs des infractions dont il a eu connaissance ou aider les litigants à régler pacifiquement leurs conflits s'ils y consentent.

§4. La société civile, les bashingantahe et les magistrats.

Dans certains endroits du pays, les Bashingantahe et les magistrats reprochent aux associations de la société civile d'empiéter sur leurs compétences respectives. Certaines organisations de la société civile ont formé des bureaux d'écoute juridique et de médiation ou des para-juristes qui oeuvrent à l'intérieur du pays. C'est le cas notamment de la ligue ITEKA, des cliniques juridiques mobile d'Avocats Sans Frontières,de l'Association des Femmes Juristes et des commissions Justice et Paix.

Les commissions Justice et Paix forment dans certaines paroisses, des agents chargés de la résolution pacifique des conflits. Ils aident les parties en litige à le résoudre eux-mêmes et à éviter ainsi les longues procédures administratives et les frais y relatives. Les bashingantahe reprochent alors à ces agents des commissions Justice et Paix d'empiéter sur leurs compétences en tranchant les palabres sans être investis. Il s'agit là d'une confusion des choses car les commissions Justice et Paix n'usent que de la conciliation ou de la médiation et ne juge pas.

Quant aux autres organisations, leurs activités consistent à écouter et orienter les justiciables, mieux encore à les aider à résoudre pacifiquement leurs conflits par la médiation.

72 ABP-INFO n° 4153 du 18 juillet 2006.

Ce travail est critiqué par les bashingantahe qui les accusent de s'immiscer dans leurs affaires de trancher les palabres. Egalement, les magistrats se plaignent de l'action des bureaux d'écoute et des para-juristes. Les justiciables, en effet, sont dans la plupart des cas désorientés. Après un jugement rendu en sa défaveur, un justiciable n'hésite pas à aller se confier à un para-juriste ou à un bureau d'écoute en vue d'obtenir une révision de la décision judiciaire. Non seulement la société civile ne peut pas revoir une décision judiciaire, mais aussi pendant le temps des consultations, le justiciable trouve qu'entre temps les délais d'appel ont été dépassés.

La société civile aura créé pour les justiciables plus de problèmes qu'elle n'en résout. C'est pourquoi des solutions devraient être trouvées pour résoudre au plus vite les conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité.

CHAPITRE IV. PROPOSITIONS DE SOLUTIONS AUX CONFLITS DE COMPETENCES ENTRE LES ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE

Les chapitres précédents ont été consacrés à une analyse de l'identité et du fonctionnement des acteurs de la justice de proximité. L'on aura constaté que dans la pratique, il y a des chevauchements, des conflits de compétences entre les différents acteurs de la justice de proximité.

Dans le présent chapitre, nous nous proposons de donner quelques propositions de solutions aux conflits de compétences pour une meilleure collaboration des acteurs de la justice de proximité au service et au profit des justiciables.

Section 1. L'harmonisation de la législation nationale en matière de justice

§ 1. La Constitution de la République

Selon l'article 205 de la Constitution du 18 mars 2005, « la justice est rendue par les cours et les tribunaux sur tout le territoire de la République au nom du peuple burundais »

Une stricte interprétation de cet article laisserait supposer qu'il n'y aurait pas de jugement rendu en dehors des cours et tribunaux. Mais nous avons déjà vu qu'un grand nombre d'autres acteurs publics et privés interviennent dans l'administration de la justice et le règlement des litiges : autorités administratives, bashingantahe, membres de la société civile. En réalité, ils rendent justice (gutunganiriza) mais on doit reconnaître qu'ils ne jugent pas (guca urubanza).

Ainsi, nous pensons qu'une une place devait être réservée, dans la Loi suprême, à cette justice de paix qui reste informelle73 .

§ 2. Le Code d'organisation et de compétences judiciaires

La loi no 1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires a modifié la loi n°1/004 du 14 janvier 1987 sur l'Organisation et la Compétence Judiciaires qui prévoyait des dispositions importantes sur le conseil des notables.

73 Ailleurs, par exemple en Belgique, en France et en Suisse,la justice de paix est bien réglementée et constitue un véritable instrument de paix sociale.

En vertu de ces dispositions, toutes les affaires civiles de la compétence des Tribunaux de Résidence commencent sur la colline avant d'être déférées devant les juridictions.

Dans l'optique de formaliser la justice de proximité sur la coiine, le Code d'organisation et de compétences judiciaires devait être revu dans le sens de reconnaître et de délimiter les compétences de la justice coiinaire qui serait désormais rendue conjointement par les bashingantahe et les élus coiinaires.

§ 3. La Loi communale

L'article 37 de la loi no 1/16 du 20 avril 2005 portant réglementation de l'administration communale dispose que

« Sous la supervision du chef de colline ou de quartier, le conseil de colline ou de quartier a pour mission : ...

2° D'assurer, sur la colline ou au sein du quartier, avec les Bashingantahe de l'entité, l'arbitrage, la médiation, la conciliation ainsi que le règlement des conflits de voisinage ».

Cette disposition prête à confusion.74 Ains , une loi interprétative ou mesure d'application est plus que nécessaire pour clarifier la limite de compétence des uns et des autres.

§ 4 La loi portant transfert des ressources des T.R. aux commun es

Cette loi consacre la dépendance financière des juridictions de base aux communes.

Cette dépendance a été consacrée pour la première fois par le décret-loi n°1/17 du 17 juin 1988 composé seulement de quatre articles dont le premier était libellé comme suit : « Les recettes perçues par les dispensaires et centres de santé publics ainsi que les recettes perçues par les tribunaux inférieurs sont transférés en totalité au profit des communes. »

Cette disposition a été reprise par la loi no 1/009 du 4 juillet 2003 qui a abrogé cette première.

Cette disposition consacre une dépendance financière du Tribunal de résidence à l'administration communale. Il s'ensuit une ingérence des autorités communales dans le fonctionnement de la justice.

Ainsi, il faudrait réviser la loi n°1/009 du 4 juillet 2003 consacrant le transfert des recettes des Tribunaux de résidence à la commune, pour prévoir une certaine marge d'autonomie financière et renforcer leur indépendance vis-à-vis des autorités communales.

Section 2. Le respect de la délimitation légale des compétences des différents acteurs

Les acteurs intervenant dans la justice de proximité ne respectent pas, pour une raison ou pour une autre75, leurs compétences légales, réglementaires ou statutaires.

A cet égard il ne serait inutile de rappeler quelques dispositions constitutionnelles ou légales qui délimitent les compétences des différents acteurs de la justice de proximité.

L'article 205 de la Constitution de la République du Burundi dispose que « La justice est rendue par les cours et tribunaux sur tout le territoire de la République au nom du peuple burundais ». Cette disposition constitutionnelle réserve le pouvoir de juger exclusivement à la justice formelle c'est-à-dire les tribunaux de résidence aux niveaux des communes.

Cependant, elle n'exclut pas de facto les autres acteurs qui interviennent dans le règlement des litiges de proximité, mais qui ne doivent prétendre rendre des jugements à l'instar des tribunaux de résidence.

Ainsi, en marge des Tribunaux de résidence, l'administrateur communal a un rôle à jouer dans la protection de l'ordre et de la sécurité publics. Dans ce cadre précis, il a un pouvoir général de police et exerce un pouvoir hiérarchique direct sur le détachement de la police affectéedans sa commune.

A l'échelon de la colline et du quartier, ce sont les membres du conseil de colline ou de quartier qui ont pour mission, en collaboration avec les Bashingantahe de l'entité, d'assurer l'arbitrage, la médiation, la conciliation ainsi que le règlement des conflits de voisinage. Cependant, ces autorités ne sont pas habilitées à statuer sur les infractions commises dans leur localité. Outre qu'elles sont dépourvues d'une quelconque compétence légale en la matière, elles ne disposent pas d'une force de coercition pour appliquer des sanctions pénales comme l'amende, l'emprisonnement,etc.

75 Voir supra les causes de conflits de compétence, p.30.

En matière pénale, c'est la police qui joue un grand rôle. La Police de Sécurité Intérieure est mieux indiquée pour la prévention de la criminalité. Elle agit aussi sur demande de l'autorité judiciaire pour prêter main forte à l'exécution des jugements civils et pénaux. En revanche, la Police Judiciaire intervient en matière de répression des infractions pour faire des constats, des enquêtes, la garde à vue. L'OPJ est autorisé dans certaines conditions à représenter le Ministère public devant le Tribunal de résidence.

Quant aux associations de la société civile, elles tirent leurs compétences de leurs propres statuts qui définissent l'objet social et la capacité juridique de chacune en particulier. Si une association peut se proposer d'éclairer les justiciables sur les règles de compétences et de procédure, aucune association ne peut se fixer comme objectif de se substituer aux juridictions.

Cependant, rien n'interdit aux associations de se constituer statutairement arbitres et d'agir comme tels, dans le respect des dispositions pertinentes du Code de procédure civile.

Section 3. La prévention des litiges de proximité

La meilleure prévention aux conflits de compétences entre les acteurs de la justice de proximité serait la résolution en amont des litiges qui sont souvent soumis à ces acteurs. Sans pouvoir être exhaustifs, nous allons passer en revue les principaux litiges et proposer quelques solutions.

§1. Des solutions aux problèmes fonciers

La question des conflits fonciers est au coeur de la société burundaise. La terre s'avère être la principale richesse économique de la population burundaise. A côté de sa valeur économique, la terre possède une valeur sociale très importante.

Les conflits fonciers se présentent sous diverses manières.

1. Le problème des terres des réfugiés et des déplacés.

C'est un problème d'une extrême complexité qui oppose des protagonistes qui ne sont pas responsables de la situation. L'un a abandonné sa terre pour protéger sa vie, l'autre, attiré par ces terres disponibles, a pris sa place. Comment les départager ? Après avoir observé quels intérêts des uns et des autres étaient légitimes, nous sommes d'avis que seule l'application du droit permettrait de

sortir de l'impasse. Au demeurant, et au-delà des considérations idéologiques, c'est en réalité la seule solution possible compte tenu des circonstances.

Nous recommandons donc le respect des droits acquis dans le respect de la légalité, sans toutefois perdre de vue l'objectif fondamental qui est le retour à la paix et la réconciliation. C'est pourquoi la recherche d'une solution à l'amiable doit être une préoccupation constante76.

En tout état de cause, pour une meilleure préparation à la réinstallation des réfugiés qui pourraient éventuellement se retrouver dans la catégorie des sansterres une fois rentrés d'exil, le Gouvernement burundais devrait sans tarder commencer l'aménagement des terres disponibles récemment recensées.77

Notons que, du point de vue des droits fonciers, les réfugiés de date récente ne rencontrent pas de problèmes qui exigent des solutions particulières.

2. La gestion des terres domaniales.

La gestion des terres domaniales soulève des passions. La population se plaint de la cupidité des nantis et de leur cynisme. Si tout le monde s'accorde sur la nécessité de mettre fin à ces abus, lorsqu'il s'agit de proposer des solutions concrètes, des hésitations subsistent.

Pour notre part, nous basant sur le caractère exceptionnel des cessions et des concessions qui ne doivent et ne peuvent résoudre le problème de la pénurie des terres au niveau individuel, nous recommandons d'associer les Bashingantahe et les élus coiinaires aussi bien au niveau communal qu'au niveau national lors de l'attribution des terres domaniales. La compétence devrait revenir à une autorité nationale. Par ailleurs, les terres irrégulièrement attribuées devraient être récupérées par le biais de la Commission terres et autres biens.

Le cas spécial des marais est également fort controversé. Les populations contestent les droits de l'Etat et des communes. Les particuliers eux-mêmes se divisent en deux camps pour élever des prétentions sur le même marais : le camp de ceux qui l'ont aménagé et celui des propriétaires des contreforts qui surplombent les marais. Mais si l'on va au fond des choses en distinguant les

76Beaucoup de propositions vont dans ce sens. Le Président de la Commission Terres et autres biens s'exprimait lui-même, dans une interview accordée à la radio Isanganiro en date du 12/10/2006, en ces termes « ce sont des conflits qui passent par une négociation impliquant les parties concernées. Nous les laissons s'entendre. Nous intervenons quand les choses ne vont pas ».

77 Le Gouvernement a fait un inventaire des terres domaniales aux mois mars à octobre 2001.

grands marais et les petits marais d'une part, les bas-fonds et les marais d'autre part, la situation se décante.

En se basant sur cette distinction, il y a lieu de reconnaître les droits de l'Etat sur les grands marais en sa qualité de garant de l'intérêt général et de consacrer les droits des particuliers sur les petits marais. A ce propos, il conviendrait de délimiter les bas-fonds et les marais, les premiers appartenant au propriétaire des contreforts, les derniers, à ceux qui les ont aménagés.

3. Le problème des Batwa sans terres.

Traditionnellement, les Batwa vivaient de la poterie. Mais le déclin de celle-ci les accule à une reconversion difficile à l'agriculture ou aux autres métiers. Il en résulte alors des conflits de voisinage foncier et souvent des infractions, les Batwa se livrant à des vols pour avoir à manger.

Les pouvoirs publics devraient les aider en initiant les actions suivantes : la conception et l'exécution d'une politique volontariste d'insertion au niveau national, la distribution prioritaire des parcelles aux Batwa sans terre sous forme de concessions destinées à être consolidées si l'intéressé manifeste un attachement suffisant à sa nouvelle terre, l'encadrement des Batwa en matière d'artisanat...

4. Les paysannats.

D'après ce système, toutes les terres appartiennent à l'Etat et leurs exploitants ne sont que des détenteurs précaires à vie. Ce système n'engendre pas seulement des problèmes avec l'Etat. Il a également des répercussions sur les conflits de proximité. Les cas les plus fréquents ont été rencontrés dans la commune Gihanga où une multitude de litiges portent sur les ventes des terres dont les exploitants n'étaient pas propriétaires.

A priori, rien ne justifie le maintien de ce système. D'où le bien-fondé des revendications des exploitants qui réclament le changement de leur statut. Il faudrait consolider leur droit en propriété mais dans le même temps sensibiliser la population sur les prérogatives de l'Etat en sa qualité de gestionnaire attitré du patrimoine foncier national.

§ 2. Les Conflits traditionnels de voisinage

Ils portent surtout sur les servitudes de passage, la délimitation des propriétés, la destruction des plantes par le bétail, la fiabilité des modes de preuve, la prescription trentenaire ainsi que la propriété du sol et la propriété du dessus.

La fiabilité des modes de preuve traditionnels pose le problème des témoignages, mode de preuve traditionnel. Il est donc recommandé d'aménager des moyens de preuves plus sûrs mais qui soient accessibles pour tous comme le bornage systématique des propriétés avec des arbres pérennes.

La prescription trentenaire permet de mettre fin à l'incertitude des moyens de preuve traditionnels. Le concept semble bien connu des juges des Tribunaux de Résidence et l'on ne peut que s'en féliciter. Les servitudes de passage sont bien connues en droit coutumier et les juges rappellent à l'ordre les récalcitrants, ce qui est conforme à la loi.

Concernant la propriété du sol et la propriété du dessus, d'après la tradition, les deux « propriétés » n'ont pas nécessairement le même titulaire. Les Tribunaux de Résidence semblent adhérer à cette façon de voir. Pourtant, le Code Foncier est catégorique, la propriété du sol emporte la propriété du dessus. Il faut donc se conformer à la loi.

§3. Les conventions entre particuliers

Les principales conventions qui occasionnent des contestations sont la vente et la donation. Les problèmes en rapport avec la vente concernent la vente de la chose d'autrui, l'accord préalable du conjoint ou de la famille du vendeur, le droit de préemption et la vente d'une chose indivise.

Ces problèmes sont liés à l'incertitude planant sur les droits fonciers, concernant aussi bien la délimitation de la propriété que les titulaires. Ils sont également liés au caractère familial de la propriété qui ne fait plus l'unanimité.

Les tribunaux décident que la vente de la chose d'autrui est nulle, se conformant ainsi au droit moderne et à la coutume. Mais ils innovent par rapport au droit écrit en contraignant le vendeur, dans la mesure du possible, à transmettre à l'acheteur une parcelle équivalente. C'est une solution originale et équitable.

La vente d'une chose indivise est à rapprocher du premier cas lorsque la partie vendue ne tombe pas dans le lot du vendeur. Les mêmes solutions peuvent être préconisées.

L'accord préalable du conjoint prévu par la loi est une condition de validité du contrat. Par contre, l'accord préalable de la famille ne fait plus l'unanimité. Nous suggérons d'opérer la distinction traditionnelle entre la propriété famiiale et la propriété personnelle acquise par ses propres moyens et d'exiger l'accord pour la première. Le caractère familial constitue, en effet, un garde-fou vu les risques d'aliénations irréfléchies qui pénalisent le ménage. La même distinction peut être faite pour le droit de préemption.

Les donations, quant à elles, soulèvent le problème de leur révocation et celui des donations en faveur des filles. Dans l'un et l'autre cas, la jurisprudence des Tribunaux de Résidence est irréprochable. Elle confirme le principe de l'irrévocabilité des donations et valide des donations en faveur des filles même lorsqu'elles ont pour objet une propriété foncière, battant ainsi en brèche les pratiques discriminatoires à l'encontre des filles en ce domaine. Cette irrévocabilité ne doit cependant pas être absolue, elle doit être nuancée au regard des droits des héritiers directs ou des créanciers qui pourraient être lésés par des donations excessives.

§4. Des solutions aux questions successorales

L'ouverture de la succession est à l'origine d'un nombre très important de litiges. Les contestations portent sur les droits de succession des filles ; les droits des enfants naturels dans la succession de leur grand-père maternel ; le statut de la femme survivante ; les droits des enfants de lits différents ; les droits de l'enfant adoptif ; le partage et la liberté de tester.

La coutume excluait de la succession la fille car, selon le système patrilinéaire, elle ne perpétuait pas la famille. Mais les mentalités évoluent dans le sens de l'égalité. Les seules résistances concernent la propriété familiale où le courant dominant résiste à l'idée de partage égal. Cependant, ces obstacles ne doivent pas nous faire perdre de vue que le principe de l'égalité est devenu un principe universel. C'est pourquoi les tribunaux de résidence ainsi que la justice coiinaire devraient consacrer ce principe en cette matière, préparant ainsi le terrain à une loi totalement égalitaire.

Le problème des droits des enfants dans la succession de leur grand-père maternel est lié au précédent. Si l'on reconnaît des droits successoraux aux filles, il est logique qu'elles les transmettent à leurs enfants surtout lorsque ceuxci sont de père inconnu.

Le statut de la femme veuve varie selon les cas. Lorsqu'elle a des enfants, elle bénéficie de la coutume, qui lui est favorable. Elle prend pratiquement la place de son mari décédé et exerce les mêmes droits. Mais sa situation est plus précaire lorsqu'elle n'a pas d'enfants, alors qu'elle devrait avoir des droits liés à sa qualité de conjoint survivant.

Les droits des enfants de lits différents posent également problème. Traditionnellement, lorsque les mères occupaient la même propriété, les enfants se la partageaient plus ou moins équitablement. Mais lorsque les mères avaient été installées sur des parcelles différentes, les droits de leurs enfants se limitaient à cette parcelle.

Cette coutume est acceptable lorsque son application n'aboutit pas à une injustice flagrante. Par ailleurs, la polygamie étant maintenant interdite par la loi, le problème se posera de plus en plus en termes de droits respectifs des enfants naturels et des enfants légitimes. D'où la nécessité de consacrer sans ambiguïté le principe de l'égalité entre les enfants.

En effet le problème demeure puisque la plupart des enfants naturels ne sont pas reconnus par leurs pères. Un début de solution se trouve dans la reconnaissance des droits successoraux des filles, puisque dans ce cas, ces enfants n'héritent que de leurs mères.

Le même principe d'égalité est valable pour les enfants adoptifs78. Mais les tribunaux de résidence opèrent, à juste titre, la distinction entre l'enfant recueilli et entretenu par une famille sans les formalités d'adoption et l'enfant effectivement adopté. Le premier ne recueille que les biens que son bienfaiteur lui donne ou lui lègue de son vivant.

En revanche l'enfant adoptif dispose des mêmes droits que l'enfant légitime. Cette jurisprudence est conforme à la loi. Il en est de même de la jurisprudence des Tribunaux de Résidence qui consacre le principe selon lequel nul ne peut être contraint à rester dans l'indivision, ce qui rejoint également la coutume.

Enfin, le principe de la liberté de tester est reconnu. Des hésitations concernent plutôt les limites de cette liberté. Mais l'équité et le principe d'égalité des enfants tendent à limiter la liberté de tester. Comme le prévoient les législations modernes, le partage effectué par le père devrait être revu lorsque chacun des enfants n'a pas obtenu un minimum, appelé « réserve ».

Pour prévenir les conflits relatifs aux successions ou du moins doter le juge d'un instrument légal, il faudrait promulguer une loi régissant les successions, régimes matrimoniaux et libéralités.

Ainsi, on pourrait par la mise en oeuvre de ces solutions, diminuer le nombre de litiges de proximité.

78 V. les dispositions de la loi no 1/du 30 avril 1999 portant modifications du Code des personnes et de la famille relatives à la filiation adoptive.

CONCLUSION GENERALE

La justice de proximité évoque l'idée d'une justice plus proche de la population, une justice qui répond aux préoccupations quotidiennes de cette dernière. Lorsqu'elle est bien rendue, la justice de proximité contribue à asseoir la paix sociale, la réconciliation nationale et la bonne gouvernance79.

Lorsque par contre, elle fonctionne mal, c'est tout le système judiciaire qui en pâtit tandis que la paix sociale est compromise. C'est donc un domaine qui mérite une attention particulière.

Au Burundi, parler de justice de proximité fait penser, d'une part, aux Tribunaux de résidence, du moins dans le système formel de justice, et, d'autre part, aux mécanismes informels de règlement des conflits, en particulier celui comprenant les Bashingantahe et le Conseil de Colline ou de quartier, les associations de la société civile, les autorités locales, les corps de police ainsi que dans une moindre mesure, le Conseil de Famille.

La collaboration entre ces différents acteurs s'avère parfois difficile. Ils entrent en conflits de compétence soit par ignorance de la loi, qui peut elle-même être lacunaire ou confuse (article 37 de la loi communale) soit pour des raisons d'enjeux de pouvoir et de contingence politique.

La résolution de ces conflits de compétence doit passer par l'harmonisation de certains textes intervenant en matière de justice au Burundi. Ces textes sont notamment la loi no 1 /010 du 18 mars 2005 portant Constitution de la République du Burundi, la loi no 1/016 du 20avril 2005 portant organisation de l'administration communale, la loi no 1/18 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires ainsi que la loi n°1/009 du 4 juillet 2003 portant le transfert des recettes des Tribunaux de résidence à la Commune.

En plus de cette action législative, les différents acteurs devraient respecter strictement les compétences leurs dévolues soit par la loi soit par leurs statuts. Seuls les tribunaux de résidence ont le pouvoir de rendre un jugement en vertu de la loi ; les Bashingantahe en collaboration avec les élus locaux peuvent régler les litiges de proximité par la conciliation et la médiation ; les associations de la société civile peuvent conseiller, orienter et assister les justiciables et même faire de la médiation dans le respect des compétences des tribunaux et des Bashingantahe.

L'idéale solution serait la prévention de conflits entre les différents acteurs par la résolution des litiges de proximité qui sont soumis à ces acteurs. Ces litiges portent essentiellement sur des questions foncières, des conflits de voisinage et de succession.

Enfin, au terme de ce travail, il est permis d'affirmer que la justice de proximité accuse des dysfonctionnements notoires qui requièrent, pour son redressement, plus d'efforts de la part de tous les acteurs concernés à savoir le Gouvernement, les juges des Tribunaux de résidence, l'autorité communale, les élus locaux, les O.P.J. , la société civile, les Bashingantahe et les citoyens.

Ainsi, nous formulons les recommandations suivantes :

1° Au Gouvernement

- Procéder aux reformes nécessaires pour harmoniser les textes relatifs à la justice de proximité ;

- Instaurer un cadre de concertation permanente entre les juges, les Bashingantahe, les élus collinaires et l'administration afin que chacune des parties soit sensibilisée sur le rôle qui lui incombe et se garde de s'immiscer dans les affaires qui ne le concernent pas ;

- Organiser et multiplier des séminaires de formation à l'intention des autorités administratives pour une formation juridique, réglementaire et technique appropriée afin de les aider à mieux remplir leurs fonctions pour le bien-être de la population ;

- Appuyer les programmes de formation des Bashingantahe et élus collinaires ou de quartier sur les matières qui leur sont couramment soumises comme le droit foncier, le droit des personnes et de la famille ;

- Appuyer les actions de sensibilisation des administratifs sur les limites de leurs compétences en matière de règlement des conflits ;

- Réunir tous les partenaires intéressés autour d'un débat sur une meilleure collaboration entre les élus collinaires et les Bashingantahe ;

- Réviser et vulgariser la loi communale et procéder à son explication aux partenaires concernés ;

- Accorder la priorité aux actions relatives à la réfection des infrastructures des tribunaux de résidence ainsi qu'à la fourniture des équipements qui leur manquent cruellement ;

- Doter des moyens de déplacement moins chers aux juges pour diminuer leur dépendance à l'administrateur communal en moyens de déplacement ;

- Organiser et multiplier des séminaires de formation à l'intention des OPJ ;

- Doter les administratifs des textes de lois usuels pour le renforcement de leurs connaissances ;

- Respecter le principe fondamental de séparation des pouvoirs, reconnaître l'indépendance de la magistrature et respecter le principe de l'inamovibilité des juges ;

- Traduire tous les textes législatifs et réglementaires en kirundi, les vulgariser et sensibiliser la population ;

- Redynamiser le service d'inspection de la justice pour qu'il puisse accomplir sa mission de suivi sur tout le territoire du Burundi, dans l'ensemble des services judiciaires et à tous les niveaux de juridiction particulièrement dans les Tribunaux de Résidence ;

- Instituer des services communaux décentralisés chargés de l'enregistrement et de la mutation des droits immobiliers, ainsi que de la délivrance des documents y relatifs.

2° Aux organisations non gouvernementales

- Appuyer les programmes de formation des Bashingantahe et élus collinaires ou de quartiers sur les matières qui leur sont couramment soumises comme le droit foncier, le droit des personnes et de la famille ;

- Créer des opportunités de rencontres et d'échanges pour une meilleure collaboration entre l'administration, les juges, les élus collinaires ou de quartiers et les Bashingantahe ;

- Appuyer le renforcement des capacités des magistrats et agents d'ordre judiciaire des tribunaux de résidence ;

- Les associations devraient s`abstenir d'empiéter sur les compétences des juridictions, des administratifs et des bashingantahe.

3° A l'autorité communale

- Les administrateurs communaux devraient se déclarer juridiquement incompétents toutes les fois qu'ils sont sollicités dans des domaines qui ne relèvent pas de leur compétence ;

- Eviter autant que faire se peut de s'ingérer dans le secteur judiciaire et collaborer le plus largement possible avec l'autorité judiciaire à la base ;

- Sensibiliser les élus collinaires et les Bashingantahe afin d'éviter des rivalités inutiles et travailler ensemble dans le règlement des conflits à la base ;

- Les administrateurs communaux devraient collaborer avec les OPJ et magistrats des Tribunaux de Résidence en matière de lutte contre la criminalité et d'exécution des jugements (assurer le transport) ;

- Les administrateurs communaux devraient assurer une présence régulière sur les collines pour prévenir les conflits de compétence entre les chefs de colline et les bashingantahe, ainsi que pour renforcer le dialogue avec la population ;

- L'administrateur devrait s'assurer de l'origine du bien avant de délivrer les documents officiels sanctionnant la transaction foncière pour minimiser les risques de ventes illégales par des non propriétaires ;

- Respecter et faire respecter la législation foncière au niveau communal, en assurant une gestion des terres domaniales et des expropriations conformément à la loi.

4° Aux Bashingantahe

- Revoir les dispositions de la Charte des Bashingantahe spécialement celles les interdisant de siéger avec les non investis traditionnellement ;

- Renoncer à écarter les élus locaux aux séances de délibération lors du règlement des conflits (là où on le fait actuellement) ;

- Eviter l'instrumentalisation et la politisation des Bashingantahe qui doivent se garder de faire partie des organes dirigeants des partis politiques ;

- Veiller, pendant les périodes électorales ou de crise, à la défense de l'intérêt général pour susciter toujours la confiance de la population ;

- Les Bashingantahe devraient éviter de contraindre les parties d'accepter la solution proposée à leur différend en recourant à des sanctions de type social.

5° Aux élus collinaires

- Les chefs de colline devraient favoriser le règlement des litiges dans un esprit de collaboration et de non concurrence avec les Bashingantahe ;

- Accepter de collaborer avec les Bashingantahe dans le règlement des conflits conformément à la loi communale, car cette collaboration est conçue pour rendre très opérationnelle le règlement des conflits à la base (là où il y a toujours réticence du côté des élus) ;

- Certains élus devraient renoncer au dénigrement de l'Intahe qui est un symbole sacré dans la tradition burundaise ;

- Les chefs de colline devraient lors d'une vente, se concerter avec le conseil de familles des parties à la vente et cosigner le procès verbal de vente pour renforcer la protection des biens fonciers et réduire le nombre de procès en annulation des ventes de terres.

6°Aux juges des tribunaux de résidence

- Lutter avec énergie pour l'indépendance effective de la magistrature en refusant toute influence de l'administration ;

- Collaborer avec les autres acteurs notamment les associations qui assistent les justiciables;

- Tenir compte du procès verbal de conciliation par les Bashingantahe et les élus collinaires si du moins les parties avaient passé par cette étape.

57 7o Aux officiers de la police judiciaire

- Les officiers de police judiciaire devraient respecter et faire respecter la déontologie professionnelle, pour prévenir les cas de détention illégale, de pratique de la torture, d'ingérence dans le règlement des affaires civiles, etc ;

- Dans les cas de flagrant délit, l'OPJ devrait procéder à une enquête de nature à former l'intime conviction du juge sur la culpabilité ou l'innocence de la personne placée en garde à vue ;

- Respecter les délais de procédure et la déontologie policière. 8° Aux citoyens

- Eviter de saisir simultanément plusieurs acteurs de la justice ;

- Faire des efforts pour connaître la loi et la procédure judicaire ;

- Refuser la manipulation et faire confiance aux gens appelés à régler leurs litiges sur les collines, en l'occurrence les Bashingantahe et les élus ;

- Eviter à jamais les velléités corruptrices et dénoncer les cas de corruption portés à leur connaissance devant l'autorité compétente ;

BIBLIOGRAPHIE.

A. Codes, textes législatifs et réglementaires.

1. BELLON, R. et DELFOSSE, Codes et Lois du Burundi, Bruxelles, Ferdinand Larcier, 1970, 1092 p.

2. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm.

3. Loi n° 1/10 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi in BOB n°3 TER /2005, pp.1-35.

4. Loi n° 1/08 du 17 mars 2005 portant Code d'organisation et de la compétence judiciaire in BOB n°3 QUATER/2005, pp.19-37.

5. Loi n° 1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale in BOB n°4 bis/2005, pp.1-13.

6. Loi n° 1/23 du 31 décembre 2004 portant création, organisation, mission, composition et fonctionnement de la Police Nationale in BOB n°12bis/2004,pp.932-937.

7. Loi n° 1/008 du 1er septembre 1956 portant Code Foncier du Burundi in BOB n°7 à 9/86, pp.1-181.

7 Loi n° 1/010 du 13 mai 2004 portant Code de procédure civile in BOB n°5bis2004, pp.1-45.

8 Loi n° 1/015 du 20 juillet 1999 portant réforme du Code de procédure pénale in BOB n°1/2000, pp.1-54.

9 Loi n° 1/6 du 04 avril 1981 portant réforme du Code pénal in BOB n°6/81, pp.240-298.

10 Loi n° 1/18 du 4 mai 2006 portant missions, compositions, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des terres et autres biens in BOB n°5/2006, pp.463-465.

11 Décret-loi n° 1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du Code des Personnes et de la Famille in BOB n°6/93, pp.214-243.

12. Loi n°1/009 du 4 juillet 2003 portant transfert des recettes des Tribunaux de résidence à la commune in BOB no 8/2003, p.6.

B. Ouvrages généraux, spéciaux et autres documents.

1. BIGIRIMANA, J., « Emplois du mot intahe et ses corollaires dans la langue et la culture burundaises » in NTAHOMBAYE, P., NTABONA, A., GAHAMA, J. et KAGABO, L. (sous la direction de), L'institut des bashingantahe au Burundi. Etude pluridisciplinaire, Bujumbura, INABU, 1999, pp. 67-86.

2. DESLAURIER, C., « Le « Bushingantahe » peut-il réconcilier le Burundi ? », Politique Africaine, 2003, pp. 76-96.

3. GLOBAL RIGHTS, «Les tribunaux burundais face au droit coutumier» in Revue de droit et de jurisprudence, n° 1, Bujumbura, 2002, 67 pages.

4. GUICHAOUA, A., Destins paysans et politiques agraires en Afrique Centrale, Tome I, Paris, Ed. L'Harmattan, 1989.

5. D'HERTEFELT, M. et TROUWBORST, A., « Le droit coutumier des successions » in Revue juridique de droit écrit et coutumier du Rwanda-Burundi, 1963, pp. 149-150.

6. LESPINAY, C.(DE), « Valeurs traditionnelles, justice de proximité et institutions (Rwanda et Burundi ) » in LESPINAY C.(DE) , MWOROHA E.(dir.),Construire l'Etat de droit : Le Burundi et la région des grands lacs, Paris, L'harmattan, 2000, p.196.

7. NGORWANUBUSA, J., « L'institution des bashingantahe et le bel idéal de l'honnête homme » in NTAHOMBAYE, p. et al., (sous la direction de), l'institution de bashingantahe au Burundi : Etude pluridisciplinaire, Bujumbura, INABU,1999 , pp. 264-279.

8. NTAHOMBAYE, P., « La réactualisation de l'institution des bashingantahe : enjeux et problématique générale de l'étude » in NTAHOMBAYE, P., et al., (sous la direction de), L'institution des

bashingantahe au Burundi : Etude pluridisciplinaire, Bujumbura, INABU, 1999, pp. 5-26.

9. NYAMOYA, F., « L'insertion de l'institution d'Ubushingantahe dans l'ordre juridique moderne burundais » in Au Coeur de l'Afrique n° 2-3, Bujumbura, 1999, pp. 257-260.

10. OAG, Analyse critique du fonctionnement de la justice de proximité au Burundi, Bujumbura, mars 2007,160p. hppt:// www.oag.bi/IMG/pdf/Analyse-justicedeproximite-pdf.

11. OAG, Etude sur les conflits sociaux liés à la gestion des parcelles et des propriétés foncières dans les localités de Kinyankonge, Nyabugete et Kamenge, Bujumbura, 2005, 40p. http://www.oag.bi/IMG/pdf/etude_conflis_fonciers_mairie.pdf

12. RCN Justice & Démocratie, Etude sur les pratiques foncières au Burundi : Essai d'harmonisation, Bujumbura, 2004, 106p. http://www.rcn-ong.be/

13. RCN Justice & Démocratie, Etude sur l'harmonisation du rôle des bashingantahe avec celui des Tribunaux de Résidence dans les provinces frontalières avec la Tanzanie, Bujumbura, 2002.

14. SEBUDANDI, C. et NDUWAYO, G., Etude sur la stratégie et le programme d'appui à la société civile burundaise, rapport PNUD, Bujumbura, 2002.

15. WEILENMANN, M. (2005), Promouvoir la Justice et la Démocratie au Burundi, un rapport d'évaluation du programme des activités de RCN, Bujumbura, 2005.

16. ONUB, Division des droits de l'homme, rapport trimestriel juilletseptembre 2005.

17. Ligue Iteka, Rapport du projet « Ecoute, orientation et médiation des victimes des violations des droits de l'homme », Bujumbura, le 7 janvier 2007.

TABLE DES MATIERES

Dédicace .ii

Remerciements iii

Liste des sigles et abréviations iv

Introduction générale 1

Chapitre 1er. GENERALITES SUR LA JUSTICE DE PROXIMTE 4

Section 1. Notion de justice de proximité . .....4

§1.Quelques éléments pour définir la justice de proximité .....4

§2. La justice de proximité au Burundi 5

1. Les institutions et leur environnement . ......5

2. Le cadre juridique de la justice de proximité ...6

Section 2. La coexistence du droit écrit et de la coutume dans la justice

de proximité . . . 7

§1.Le droit écrit .7

§2 La coutume .....8

1. avantages de la coutume 9

2. Inconvénients de la coutume ..9

Section 3. Les principaux litiges de proximité au Burundi..... .9

§1. Les conflits fonciers entre voisins ...10

§2. Les problèmes des terres des rapatriés et des déplacés .11

§3. Les conflits de succession 11

§4. Le mariage et ses variantes ..12

§5. La sorcellerie et les pratiques occultes .13

Chapitre II. LES ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE

AU BURUNDI .15

Section 1. Les acteurs étatiques 15

§1. Les juges des tribunaux de résidence .15

§ 2. Les autorités administratives à la base .17

1. Qui sont les autorités administratives à la base ? 17

2. Les compétences des autorités administratives à la base 18

A. L'Administrateur communal . ..18

B. Le Chef de zone . ..19

C. Le Chef de colline ou de quartier ..19

§3. Les officiers de la police judiciaire . ..20

Section 2 Les acteurs non étatiques 21

§1. Les Bashingantahe 21

1. Notion de mushingantahe ...21

A. Etymologie du terme ....21

B. Les conditions pour devenir mushingantahe . ..21

2. Les techniques et procédures des Bashingantahe . ...22

A. La médiation 22

B. La conciliation ...23

C. L'arbitrage ..23

3. La compétence actuelle des Bashingantahe dans la résolution des conflits...23

§2. Les associations de la société civile

.24

1. Les cliniques juridiques

.....24

2. Les ligues des droits de l'homme

.25

3. Les Medias

26

4. Les confessions religieuses

26

 

§3. Le Conseil de famille

.27

Chapitre III. LES CONFLITS DE COMPETENCE ENTRE LES

 

ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE

...29

Section 1. Les origines des conflits de compétence entre les acteurs

de la justice de proximité

29

§1. L'ignorance de la loi

.30

§2. La problématique d'application de la Loi communale

30

 

§3.La juxtaposition de deux structures qui relèvent de deux

philosophies différentes

32

§4. Les contingences politiques

.....33

§5. Les enjeux de pouvoir et d'intérêt

34

Section 2. Typologies de conflits entre les acteurs de la justice

de proximité . 34

§1. Les Bashingantahe et les administratifs à la base 34

§2. Les Bashingantahe, les OPJ et les magistrats des T.R 35

§3. Les autorités administratives et les OPJ . 36

§4. La société civile, les Bashingantahe et les magistrats des T.R .37

Chapitre IV. PROPOSITION DE SOLUTIONS AUX CONFLITS DE COMPENTANCE ENTRE LES ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE 39

Section 1. Harmonisation de la législation relative à la justice. 39

§1. La Constitution de la République 38

§2. Le Code d'organisation et de la compétence judiciaires ..39

§3. La Loi Communale . 40

§4. La loi portant transfert des ressources des T.R. aux communes ..40

Section 2. Le respect de la délimitation des compétences des différents Acteurs.... 41

Section 3. La prévention des conflits de proximité 41

§1. Des solutions aux conflits fonciers 41

1. Le problème des terres des rapatriés et des déplacés ....41

2. La gestion des terres domaniales ...41

3. Le problème des Batwa sans terres 43

4. Les paysannats 43

§2. Les conflits traditionnels de voisinage .43

§3. Les conventions entre les particuliers ..44

§4 Des solutions aux questions successorales . 45

Conclusion générale 47

Bibliographie .53

Table des matières 56

Annexes






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle