D'après les estimations, 80% de la population mondiale
dépend principalement de la médecine traditionnelle pour le
traitement des maladies (Cunningham, 1993). La dépendance
vis-à-vis de remèdes dérivés de plantes
indigènes est particulièrement marquée dans les pays en
développement, où la médecine occidentale souvent est
absente ou simplement trop coûteuse (Okafor et Ham, 1999).
Beaucoup de légumes-feuilles ont des vertus
médicinales et peuvent servi d'alicament. En effet, leur consommation,
à travers la sauce, pourrait permettre de prévenir ou de traiter
beaucoup de maladies ainsi que des insuffisances nutritionnelles. Par exemple
les feuilles de Moringa oleifera sont efficaces contre
l'anémie, le diabète et l'hypertension artérielle ;
l'infusion des feuilles de bissap (Hibiscus sabdariffa) peut
être utilisée en lutte préventive contre le paludisme. Les
feuilles de Cerathotece sesamoides, Adansania digitata, Corchorus tridens,
Cassia tora, Hibiscus sabdariffa et Vigna unguiculata sont
utilisées contre la constipation (Diouf et al., 1999). Le jus
des feuilles de Jacquemontia tamnifolia est absorbé comme
antidote pour traiter les morsures de serpents et l'infusion de ses feuilles
est utilisés pour soigner les plaies (Grubben et al., 1975). Au
Congo, les jeunes feuilles de Corchorus
12
olitorius sont utilisées contre les troubles
cardiaques (Grubben et al., 1975). La macération des feuilles
de Ceratotheca sesamoides facilite l'accouchement et traite la
conjonctivite (Dansi et al., 2008a). Une infusion froide des feuilles
de Sesamum radiatum facilite la délivrance chez la femme
enceinte (Dansi et al., 2008a). Au Kenya, les feuilles de Basella
alba sont utilisées pour traiter les maux de ventre et la
constipation après l'accouchement. Les feuilles de Talinum
triangulare sont utilisées pour soigner la rougeole au Cameroun
(Grubben et al., 1975).
Au nord-ouest du Bénin, les enquêtes
réalisées par Dansi et al. (2008a) ont
révélé que :
- La sauce à base de Acmella uliginosa constitue
un bon vermifuge et un antibiotique. Elle
permet aussi d'éliminer les caillots de sang
après l'accouchement et stimule la sécrétion
de lait maternel chez la nourrice ;
- La sauce à base de Vernonia amygdalina Delile
permet de lutter contre la constipation et les vers parasites ;
- La sauce de Hybanthus enneaspermus (L.) F. Muell
facilite la sortie du foetus lors d'un accouchement ;
- La consommation régulière de la sauce des
feuilles de Adansonia digitata régularise les battements du
coeur, lutte contre la fatigue (donne du souffle) et régularise le cycle
menstruel des femmes ;
- La sauce de Cissus populnea Guill et Perr. est
aphrodisiaque ;
- La consommation régulière de la sauce de
Moringa oleifera Lam. permet de prévenir ou
de traiter l'anémie, le paludisme, le diabète,
l'hypertension et les courbatures ; - La sauce de Cassia occidentalis
(L.) permet de traiter le paludisme et l'ictère ; - La sauce de
Ocimum gratissimum (L.) (légume aromatique) est antibiotique et
permet de
lutter contre les vers intestinaux ;
- Les feuilles de Grewia lasiodiscus K. Schum
préparées sous forme de sauce traite la diarrhée ;
- La sauce de Hibiscus sabdariffa (L.),
régulièrement consommée par les populations constitue l'un
des moyens de lutte contre le paludisme, le rhume et est aussi aphrodisiaque
alors que celle de Hibiscus asper Hook. F. traite l'indigestion.
2.2.2. Les recherches effectuées sur les
légumes-feuilles traditionnels
Des études ethnobotaniques sur les
légumes-feuilles traditionnels ont été
réalisées dans
certains pays africains (Botswana, Cameroun,
Kenya, Sénégal, Togo, Zimbabwe) dans le
13
cadre d'un projet initié par l'IPGRI (Chweya &
Eyzaguire, 1999). Les résultats de ces études ont montré
que l'Afrique est le réservoir d'une forte diversité de
légumes-feuilles traditionnels. En effet, plus d'un millier
d'espèces végétales sont utilisées à des
fins alimentaires (Maundu et al., 1993). Mais le nombre de
légumes-feuilles locaux consommés habituellement varie d'un pays
à un autre. Au Botswana et au Cameroun, 62 et 67 espèces de
légumes feuilles ont été respectivement identifiés
(Matlhare et al., 1999 ; Poubom et al., 1999) . Au
Sénégal, plus de 1500 espèces ont été
dénombrées mais seulement 38 sont régulièrement
consommées (Diouf et al., 1999). Au Zimbabwe et au Kenya,
respectivement 36 et 220 espèces de légumes-feuilles ont
été dénombrées (Ngwerume et Mvere, 1999 ; Maundu et
al., 1999). Les travaux réalisés par Batawila (2005)
montrent que la végétation togolaise est riche en plantes
légumières. En dehors des espèces cultivées, 105
espèces légumières regroupées en 82 genres et 45
familles sont cueillies dans les différentes formations
végétales, les champs et les jardins de case localisés
dans les différentes aires ethnoculturelles du Togo.
Au Bénin, les différents travaux
effectués sur les feuilles traditionnelles concernent surtout les
espèces cultivées sur les sites maraîchers. Grubben (1975)
a montré l'existence d'une diversité intra spécifique au
sein des amarantes cultivées dans le sud Bénin. Assogba komlan
(2002) signale la présence d'éléments antinutritionnels
tels que les nitrates, les résidus de pesticides, les métaux
lourds et des glucosides cyanogènes dans les feuilles de la grande
morelle (Solanum macrocarpon L.) et celles d'autres
légumes du types européens comme le chou (Brassica oleracea
L.) cultivés sur les sites maraîchers de Cotonou.
Dans le cadre du projet «Health Vegetable throught participary integrated
Pest Management in urbain and périurbain gardens of Bénin »,
l'Institut International de l'Agriculture Tropicale (IITA), après avoir
identifié les ravageurs et les maladies des légumes auxquels sont
confrontés les maraîchers, a mis au point des stratégies de
lutte biologique contre ceux-ci comme alternatives aux pesticides chimiques.
Des bio pesticides tels que des virus ou des champignons
enthomopatogènes ont été mis au point pour lutter contre
l'espèce Plutella xylostella qui est un parasite du chou (Atcha
et al ., 2005). Assogba komlan (2007) montre que les pratiques
actuelles sur les légumes-feuilles participent non seulement à
détériorer leur qualité nutritionnelle mais aussi à
la dégradation de l'environnement.
Les espèces des légumes-feuilles traditionnels
utilisés au Bénin ont fait l'objet de peu de
recherches et
sont peu connues. Des enquêtes ethnobotaniques récemment
effectuées dans le
nord ouest (Adjatin, 2006) ont permis d'identifier
61 espèces dont 21 cultivées et 40
14
sauvages. Au Bénin, un nombre remarquable de LFT est
consommé. Dansi et al. (2008a) ont rapporté un total de
187 espèces de légumes-feuilles traditionnels dont 47
cultivés et 140 sauvages.