II.
REVUE DE LA LITTÉRATURE
Depuis une dizaine d'années, le paludisme est de plus
en plus réfractaire aux efforts déployés pour le
combattre. C'est ce qui explique que de nombreuses activités de
recherche et de nombreuses ressources ont été consacrées
à l'élaboration et à l'évaluation de moyens
capables de réduire l'impact de cette maladie sur la morbidité et
la mortalité.
Deux de ces moyens préventifs se
révèlent plus prometteurs que les autres : les vaccins et
les moustiquaires ou rideaux imprégnés d'insecticide (36).
Selon plusieurs études menées, l'utilisation
des MII se trouve confrontée à plusieurs obstacles.
L'acceptabilité des moustiquaires constatée dans certaines zones
est différente dans d'autres (37), (38), (39), (40). Il existe en effet,
des résistances d'ordre socioculturel et des difficultés locales
qui tendent à limiter l'utilisation de la moustiquaire en
général et de la moustiquaire imprégnée en
particulier.
Diverses enquêtes auprès des ménages ont
été menées. Une étude de Louis et al.,
1992 conclut que dans les zones rurales de Cameroun, 47 % des répondants
qui ont utilisé des MII pendant un an ont mentionné que la
chaleur était un inconvénient. A Dar es-salaam, les
ménages à revenu élevé dépensent 3,1 % de
leur revenu déclaré sur des articles de lutte contre les
moustiques tandis que les ménages à faible revenu en
dépensent 7,4 %. En outre, l'essai mené à Kilifi a
établi que les gens n'aiment pas utiliser une moustiquaire si elle
occupe plus de 40 % du volume de la pièce (41).
Concernant l'utilisation des moustiquaires en Afrique
Subsaharienne, il est à noter que ces dernières semblent
davantage utilisées en Afrique de l'Ouest spécialement en Gambie,
qu'en Afrique de l'Est, et plus dans les villes que dans les zones rurales.
Cette assertion se trouve illustrée par les résultats
d'enquêtes menées dans différents pays africains. Par
exemple, en Gambie, une enquête réalisée à
l'échelle du pays auprès de 360 groupements dans les zones
rurales durant la saison de pointe des moustiques, a indiqué que 58 %
des 3867 habitants comptés avaient une moustiquaire (42). Dans la zone
urbaine de Brazzaville, au Congo, 73 % des ménages possédaient au
moins une moustiquaire (43). Une autre étude révèle que
dans la zone périurbaine de Bandim, en Guinée-Bissau, ce taux est
de 69 % (44). A Douala au Cameroun, ce taux est de 48 % des 420 ménages
interrogés (15). Une étude similaire faite à Savalou au
Bénin atteste que 41 % des 181 ménages se servaient de
moustiquaire (45).
Un autre constat est que le taux d'utilisation est plus
élevé chez les adultes que chez les enfants. A Yaoundé au
Caméroun, 14,5 % seulement des 420 ménages enquêtés
utilisent de moustiquaire (46). Selon des renseignements obtenus, moins de 10 %
des personnes utilisent de moustiquaire dans les villages près de Bo en
Sierra Leone (47) au Nord de Ouagadougou au Burkina ainsi que dans la
région de Navrongo dans le Nord du Ghana.
Ces différentes études montrent que le faible
taux d'utilisation des moustiquaires est probablement représentatif de
vastes zones en Afrique.
En 1991, une enquête réalisée en Gambie
à l'échelle du pays auprès de 360 groupements dans les
zones rurales pendant la saison de pointe des moustiques a
révélé un taux élevé d'utilisation des
moustiquaires : 58 p. 100 des 3 867 lits comptés avaient une
moustiquaire . La moustiquaire était plus utilisée dans la
région du centre (76 p. 100 des 1 293 lits comptés, dont plus de
90 p. 100 de ceux utilisés par les femmes enceintes et les jeunes
enfants) que dans les régions de l'Est et de l'Ouest ( environ 51 p. 100
des lits recensés, dont 55 à 65 p. 100 de ceux utilisés
par les femmes enceintes et les jeunes enfants(36).
Au Bénin, Le rapport préliminaire
d'évaluation du Programme National de Lutte contre le Paludisme du
Bénin, plan quinquennal 1994-1999, apporte davantage de
précisions. En effet, ce travail aborde entre autres l'évaluation
des stratégies de prévention du paludisme. Ainsi, dans ce
rapport, on note une faible adhésion de l'utilisation de la MII chez le
groupe à haut risque que constituent les femmes enceintes. La preuve,
c'est que sur 76 interrogées parmi elles, il n'y a que 12 soit 18 % qui
dorment sous moustiquaire dont 7 seulement sont imprégnées. Par
ailleurs, la situation au niveau de la communauté en
général n'est pas pour autant reluisante. En effet,
d'après une étude menée auprès de 86
ménages, seulement 56 % disposent d'au moins une moustiquaire. Un autre
rapport d'étude sur l'analyse de la situation du paludisme
et des autres maladies de l'enfant au Bénin dans le cadre de
l'initiative « faire reculer le paludisme »
donnera des résultats plus nuancés en
différenciant les proportions d'utilisation de moustiquaires simples
(MS) et de moustiquaires imprégnées d'insecticide (MII). On note
que 27,58 % dorment sous MS et 1,72 % seulement utilisent les MII. Face
à ces faibles taux d'utilisation, l'étude a recommandé
l'intensification des IEC (Information, Education et Communication) sur le
paludisme et les MII avec une réduction du prix de cession de ces
dernières (48).
En Cote d'Ivoire, devant les difficultés que
rencontre le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) de
Côte d'Ivoire, dans sa volonté d'amener les populations à
adopter les moustiquaires imprégnées d'insecticide, une
étude a été faite en 2002-2003, pour chercher à
savoir si les représentations sociales, les attitudes et les pratiques
des communautés liées à l'utilisation des moustiquaires
n'expliquent pas cette contre performance. Les résultats obtenus
montrent qu'au niveau des enquêtes quantitatives, la moustiquaire en
général est faiblement utilisée par les populations (25%).
Les moyens les plus utilisés sont les serpentins fumigènes (50%)
et les bombes aérosols (31 %). La moustiquaire imprégnée
est très faiblement utilisée (6 %). La moustiquaire est, de
manière générale, appréciée dans un premier
temps pour son efficacité dans la protection contre les nuisances dues
aux moustiques par 73 % des enquêtés. Seulement 9 % de ces
enquêtés pensent que la moustiquaire imprégnée sert
à se protéger contre le paludisme, mais ne l'utilisent pas
nécessairement. L'organisation des unités de couchage, voire leur
inadaptation, sont déterminantes dans l'utilisation de la moustiquaire.
La moustiquaire souhaitée par les populations est celle d'au moins 2
places, de forme rectangulaire, de couleur blanche, faite en tulle à
mailles fines, transparente, imprégnée d'insecticide et à
imprégnation définitive. Toutefois, son coût semble
être le handicap majeur à son adoption par les populations, pour
qui le coût idéal de la moustiquaire à l'achat, se situe
entre 2000 et 2500 FCFA contre les 3500 Frs actuellement pratiqués en
Côte d'Ivoire (49).
Au Congo Brazza, une étude transversale sur la lutte
contre le paludisme maladie par la moustiquaire imprégnée a
été menée à Brazzaville du 25 octobre au 28
décembre 2001. L'enquête a été faite par sondage en
grappes sur un échantillon de 704 personnes. Il ressort du questionnaire
que 93,8 % des chefs de ménage interrogés ont
déclaré connaître le paludisme et ses principales causes.
Les symptômes évoqués et rattachés au paludisme
étaient la fièvre (69,8 %), les maux de tête (45,2 %), les
courbatures (37,4 %), les frissons (30,9 %). Malgré l'existence des
centres d'imprégnation le recours à la moustiquaire simple est
encore fréquent (83 %). Seuls 7,7 % de l'ensemble des chefs de
ménage interrogés utilisent la moustiquaire
imprégnée d'insecticide. L'appropriation à grande
échelle de ce nouveau moyen de protection individuel requiert un
partenariat solide et une mobilisation sociale par l'information,
l'éducation et la communication (51).
En RDC, dans les environs de Kinshasa, S. KARCH et all ont
expérimenté les moustiquaires imprégnées de
deltaméthrine dans un village de 3.000 habitants et comparer les
résultats à ceux d'un village où la population
était protégée par des moustiquaires non
imprégnées et ceux d'un village témoin non
protégé de 1990 à 1991.
Le but de I'étude était d'évaluer:
- l'acceptabilité des moustiquaires par la
population;
- les effets sur la transmission du paludisme;
- leur impact aux plans parasitologique et
épidémiologique
Concernant l'acceptabilité par la population,
étant donné que les villageois en général, ne
connaissaient pas l'usage des moustiquaires, les enquêteurs ont d'abord
procédé à une campagne d'information et d'éducation
avec projection de diapositives. Après cette campagne, aucune
difficulté n'a été rencontrée. Les populations de
deux villages (Mbangu-mbamu et Kinkolé) ont bien accepté de
dormir sous moustiquaires imprégnées ou non. La protection
vis-à-vis des piqûres de moustiques et de punaises du lit a
été très appréciée par la population,
dès les premiers jours de la mise en place des moustiquaires
imprégnées. D'après les interrogatoires et les visites
surprises des chercheurs à domicile, 96% des villageois à
Mbangu-mbamu et 93% à Kinkolé dormaient effectivement sous
moustiquaire. Cette excellente collaboration de la communauté s'est
maintenue pendant les 8 mois de I'expérimentation.
Ils ont conclu que l'acceptabilité des moustiquaires
par la population est considérée comme le principal facteur
limitant leur utilisation. La gratuité des moustiquaires a joué
un rôle essentiel étant donné le faible revenu de la
population (38).
En outre, selon le rapport de l'enquête sur
l'évaluation des indicateurs de base «FRP» de l'Ecole de
Santé publique de l'Université de Kinshasa, (Avril 2006), 85,8%
de ménages connaissent les avantages de la MII. Les canaux de
transmission des informations sur la MII sont les prestataires des soins dans
les formations sanitaires (50%), les médias (35%) et les Relais
communautaires (5%). Les utilisateurs ont acquis ces MIl au Centre de
santé lors de la CPN (36%), au Centre de santé lors de la CPS
(37%), par vente du Marketing social (18%) et auprès du Relais
communautaire (6%). Les raisons pour lesquelles ces cibles dorment sous la MII
varient : protection contre les piqûres des moustiques (79%), protection
contre la nuisance des moustiques (4%) et protection contre le paludisme
(17%).
Plus de 80% de personnes n'utilisent pas la MII. Elles
évoquent les raisons suivantes: sensation de chaleur occasionnée
par la MII (42%), difficultés de l'installation (17%), inadaptation de
la MIl au lit (8%), la MII est une mauvaise chose pour la maison (8%) et aucune
raison de la non utilisation de cet outil de prévention du paludisme
n'est donnée (17%) (32).
En effet, une synthèse de ces enquêtes rend
compte que la pratique de la MII reste très faible. En
conséquence, il serait intéressant d'aller rechercher dans les
comportements reliés à la MII pour connaître davantage les
déterminants de cet état de chose.
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