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Adhésion a l'utilisation des moustiquaires impregnées d'insecticides a Bukavu: handicaps et pistes de solution

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par Jean KALEBO WATANGA
ISTM Bukavu - Licence en santé publique 2008
  

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II. REVUE DE LA LITTÉRATURE

Depuis une dizaine d'années, le paludisme est de plus en plus réfractaire aux efforts déployés pour le combattre. C'est ce qui explique que de nombreuses activités de recherche et de nombreuses ressources ont été consacrées à l'élaboration et à l'évaluation de moyens capables de réduire l'impact de cette maladie sur la morbidité et la mortalité.

Deux de ces moyens préventifs se révèlent plus prometteurs que les autres : les vaccins et les moustiquaires ou rideaux imprégnés d'insecticide (36).

Selon plusieurs études menées, l'utilisation des MII se trouve confrontée à plusieurs obstacles. L'acceptabilité des moustiquaires constatée dans certaines zones est différente dans d'autres (37), (38), (39), (40). Il existe en effet, des résistances d'ordre socioculturel et des difficultés locales qui tendent à limiter l'utilisation de la moustiquaire en général et de la moustiquaire imprégnée en particulier.

Diverses enquêtes auprès des ménages ont été menées. Une étude de Louis et al., 1992 conclut que dans les zones rurales de Cameroun, 47 % des répondants qui ont utilisé des MII pendant un an ont mentionné que la chaleur était un inconvénient. A Dar es-salaam, les ménages à revenu élevé dépensent 3,1 % de leur revenu déclaré sur des articles de lutte contre les moustiques tandis que les ménages à faible revenu en dépensent 7,4 %. En outre, l'essai mené à Kilifi a établi que les gens n'aiment pas utiliser une moustiquaire si elle occupe plus de 40 % du volume de la pièce (41).

Concernant l'utilisation des moustiquaires en Afrique Subsaharienne, il est à noter que ces dernières semblent davantage utilisées en Afrique de l'Ouest spécialement en Gambie, qu'en Afrique de l'Est, et plus dans les villes que dans les zones rurales. Cette assertion se trouve illustrée par les résultats d'enquêtes menées dans différents pays africains. Par exemple, en Gambie, une enquête réalisée à l'échelle du pays auprès de 360 groupements dans les zones rurales durant la saison de pointe des moustiques, a indiqué que 58 % des 3867 habitants comptés avaient une moustiquaire (42). Dans la zone urbaine de Brazzaville, au Congo, 73 % des ménages possédaient au moins une moustiquaire (43). Une autre étude révèle que dans la zone périurbaine de Bandim, en Guinée-Bissau, ce taux est de 69 % (44). A Douala au Cameroun, ce taux est de 48 % des 420 ménages interrogés (15). Une étude similaire faite à Savalou au Bénin atteste que 41 % des 181 ménages se servaient de moustiquaire (45).

Un autre constat est que le taux d'utilisation est plus élevé chez les adultes que chez les enfants. A Yaoundé au Caméroun, 14,5 % seulement des 420 ménages enquêtés utilisent de moustiquaire (46). Selon des renseignements obtenus, moins de 10 % des personnes utilisent de moustiquaire dans les villages près de Bo en Sierra Leone (47) au Nord de Ouagadougou au Burkina ainsi que dans la région de Navrongo dans le Nord du Ghana.

Ces différentes études montrent que le faible taux d'utilisation des moustiquaires est probablement représentatif de vastes zones en Afrique.

En 1991, une enquête réalisée en Gambie à l'échelle du pays auprès de 360 groupements dans les zones rurales pendant la saison de pointe des moustiques a révélé un taux élevé d'utilisation des moustiquaires : 58 p. 100 des 3 867 lits comptés avaient une moustiquaire . La moustiquaire était plus utilisée dans la région du centre (76 p. 100 des 1 293 lits comptés, dont plus de 90 p. 100 de ceux utilisés par les femmes enceintes et les jeunes enfants) que dans les régions de l'Est et de l'Ouest ( environ 51 p. 100 des lits recensés, dont 55 à 65 p. 100 de ceux utilisés par les femmes enceintes et les jeunes enfants(36).

Au Bénin, Le rapport préliminaire d'évaluation du Programme National de Lutte contre le Paludisme du Bénin, plan quinquennal 1994-1999, apporte davantage de précisions. En effet, ce travail aborde entre autres l'évaluation des stratégies de prévention du paludisme. Ainsi, dans ce rapport, on note une faible adhésion de l'utilisation de la MII chez le groupe à haut risque que constituent les femmes enceintes. La preuve, c'est que sur 76 interrogées parmi elles, il n'y a que 12 soit 18 % qui dorment sous moustiquaire dont 7 seulement sont imprégnées. Par ailleurs, la situation au niveau de la communauté en général n'est pas pour autant reluisante. En effet, d'après une étude menée auprès de 86 ménages, seulement 56 % disposent d'au moins une moustiquaire. Un autre rapport d'étude sur l'analyse de la situation du paludisme et des autres maladies de l'enfant au Bénin dans le cadre de l'initiative « faire reculer le paludisme » donnera des résultats plus nuancés en différenciant les proportions d'utilisation de moustiquaires simples (MS) et de moustiquaires imprégnées d'insecticide (MII). On note que 27,58 % dorment sous MS et 1,72 % seulement utilisent les MII. Face à ces faibles taux d'utilisation, l'étude a recommandé l'intensification des IEC (Information, Education et Communication) sur le paludisme et les MII avec une réduction du prix de cession de ces dernières (48).

En Cote d'Ivoire, devant les difficultés que rencontre le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) de Côte d'Ivoire, dans sa volonté d'amener les populations à adopter les moustiquaires imprégnées d'insecticide, une étude a été faite en 2002-2003, pour chercher à savoir si les représentations sociales, les attitudes et les pratiques des communautés liées à l'utilisation des moustiquaires n'expliquent pas cette contre performance. Les résultats obtenus montrent qu'au niveau des enquêtes quantitatives, la moustiquaire en général est faiblement utilisée par les populations (25%). Les moyens les plus utilisés sont les serpentins fumigènes (50%) et les bombes aérosols (31 %). La moustiquaire imprégnée est très faiblement utilisée (6 %). La moustiquaire est, de manière générale, appréciée dans un premier temps pour son efficacité dans la protection contre les nuisances dues aux moustiques par 73 % des enquêtés. Seulement 9 % de ces enquêtés pensent que la moustiquaire imprégnée sert à se protéger contre le paludisme, mais ne l'utilisent pas nécessairement. L'organisation des unités de couchage, voire leur inadaptation, sont déterminantes dans l'utilisation de la moustiquaire. La moustiquaire souhaitée par les populations est celle d'au moins 2 places, de forme rectangulaire, de couleur blanche, faite en tulle à mailles fines, transparente, imprégnée d'insecticide et à imprégnation définitive. Toutefois, son coût semble être le handicap majeur à son adoption par les populations, pour qui le coût idéal de la moustiquaire à l'achat, se situe entre 2000 et 2500 FCFA contre les 3500 Frs actuellement pratiqués en Côte d'Ivoire (49).

Au Congo Brazza, une étude transversale sur la lutte contre le paludisme maladie par la moustiquaire imprégnée a été menée à Brazzaville du 25 octobre au 28 décembre 2001. L'enquête a été faite par sondage en grappes sur un échantillon de 704 personnes. Il ressort du questionnaire que 93,8 % des chefs de ménage interrogés ont déclaré connaître le paludisme et ses principales causes. Les symptômes évoqués et rattachés au paludisme étaient la fièvre (69,8 %), les maux de tête (45,2 %), les courbatures (37,4 %), les frissons (30,9 %). Malgré l'existence des centres d'imprégnation le recours à la moustiquaire simple est encore fréquent (83 %). Seuls 7,7 % de l'ensemble des chefs de ménage interrogés utilisent la moustiquaire imprégnée d'insecticide. L'appropriation à grande échelle de ce nouveau moyen de protection individuel requiert un partenariat solide et une mobilisation sociale par l'information, l'éducation et la communication (51).

En RDC, dans les environs de Kinshasa, S. KARCH et all ont expérimenté les moustiquaires imprégnées de deltaméthrine dans un village de 3.000 habitants et comparer les résultats à ceux d'un village où la population était protégée par des moustiquaires non imprégnées et ceux d'un village témoin non protégé de 1990 à 1991.

Le but de I'étude était d'évaluer:

- l'acceptabilité des moustiquaires par la population;

- les effets sur la transmission du paludisme;

- leur impact aux plans parasitologique et épidémiologique

Concernant l'acceptabilité par la population, étant donné que les villageois en général, ne connaissaient pas l'usage des moustiquaires, les enquêteurs ont d'abord procédé à une campagne d'information et d'éducation avec projection de diapositives. Après cette campagne, aucune difficulté n'a été rencontrée. Les populations de deux villages (Mbangu-mbamu et Kinkolé) ont bien accepté de dormir sous moustiquaires imprégnées ou non. La protection vis-à-vis des piqûres de moustiques et de punaises du lit a été très appréciée par la population, dès les premiers jours de la mise en place des moustiquaires imprégnées. D'après les interrogatoires et les visites surprises des chercheurs à domicile, 96% des villageois à Mbangu-mbamu et 93% à Kinkolé dormaient effectivement sous moustiquaire. Cette excellente collaboration de la communauté s'est maintenue pendant les 8 mois de I'expérimentation.

Ils ont conclu que l'acceptabilité des moustiquaires par la population est considérée comme le principal facteur limitant leur utilisation. La gratuité des moustiquaires a joué un rôle essentiel étant donné le faible revenu de la population (38).

En outre, selon le rapport de l'enquête sur l'évaluation des indicateurs de base «FRP» de l'Ecole de Santé publique de l'Université de Kinshasa, (Avril 2006), 85,8% de ménages connaissent les avantages de la MII. Les canaux de transmission des informations sur la MII sont les prestataires des soins dans les formations sanitaires (50%), les médias (35%) et les Relais communautaires (5%). Les utilisateurs ont acquis ces MIl au Centre de santé lors de la CPN (36%), au Centre de santé lors de la CPS (37%), par vente du Marketing social (18%) et auprès du Relais communautaire (6%). Les raisons pour lesquelles ces cibles dorment sous la MII varient : protection contre les piqûres des moustiques (79%), protection contre la nuisance des moustiques (4%) et protection contre le paludisme (17%).

Plus de 80% de personnes n'utilisent pas la MII. Elles évoquent les raisons suivantes: sensation de chaleur occasionnée par la MII (42%), difficultés de l'installation (17%), inadaptation de la MIl au lit (8%), la MII est une mauvaise chose pour la maison (8%) et aucune raison de la non utilisation de cet outil de prévention du paludisme n'est donnée (17%) (32).

En effet, une synthèse de ces enquêtes rend compte que la pratique de la MII reste très faible. En conséquence, il serait intéressant d'aller rechercher dans les comportements reliés à la MII pour connaître davantage les déterminants de cet état de chose.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote