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Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo

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par Edocin Ponea Tekpibele Masudi
Université de Kisangani - Diplôme d'Etudes Supérieures (DES) 2009
  

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0.4. Intérêt et objectif de l'étude

Cette étude sur les guerres et la circulation des élites politiques en Province Orientale, revêt un double intérêt : scientifique et pratique.

Sur le plan théorique, la présente étude est une contribution à la sociologie des élites et à l'histoire politique de la Province Orientale. Elle a permis de décrypter le code de la mobilité des élites politiques en temps de guerre.

Sur le plan pratique, le présent travail est un document de repérage des élites politiques et de leurs caractéristiques et comportements pendant la guerre ou à l'occasion de la violence politique.

La justification de ce double intérêt est surtout étayée par l'armature méthodologique dont recours dans la présente étude.

En guise d'objectif, nous nous proposons de jeter un éclairage sur le renouvellement des élites politiques en Province Orientale. Il s'agit aussi de dresser un

Nous fûmes aussi chargé des Relations publiques du RECIC/P.O (Réseau des ONG d'Education Civique du Congo de la Province Orientale) de 1998 à 2003.

80 O., Aktouf, Op. Cit., p. 111

81 Cette technique nous permit d'analyser les contextes d'actions et des situations que sont des mots agencés dans un discours signifiant à travers une description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste des communications enregistrées en vue de les interpréter. Nous avons utilisé les cassettes de certaines vidéothèques et audiothèques privées de la période concernée. Aussi, nous nous sommes servi de la fonction multimédia de notre téléphone portable pour enregistrer quelques unes de nos interviews.

répertoire, même inachevé, de ceux qui font la politique et conditionnent le politique en Province Orientale.

0.5. Délimitation du champ d'étude

Il est primordial de pouvoir délimiter dans l'espace et dans le temps la présente étude en vue d'avoir une vision plus précise et plus rigoureuse.

Ainsi, l'espace matériel d'analyse est la Province Orientale82. La plus vaste de toutes les provinces de la RDC avec ses 503.239 Km2 soit 1/5 de la superficie totale de la RDC et peuplée de 7.586.659 âmes (dont 3.706.347 hommes et 3.880.312 femmes83).

0.6. Difficultés rencontrées

L'exploitation de l'objet de la présente étude ainsi que la préparation et la rédaction de ce mémoire n'ont pas été exemptes de difficultés dont voici ramassées les principales :

- Les hésitations dues à notre expérience limitée et au doute dans le choix et la définition de cet objet d'étude et de la méthodologie. Chaque recherche nouvelle étant recommencement et quête exploratoire ;

- Le refus de certains sujets à nous fournir des éléments lors de la collecte des données liées surtout aux identités et trajectoires sociopolitiques des nombreuses personnalités du fait de la suspicion et ;

- La rareté ou le trop peu nombre des études spécialisées en rapport avec notre objet d'étude.

La première difficulté a été surmontée grâce à l'effort de clarification, -

82 Cette province est constituée de 4 districts, 24 Territoires, 204 secteurs et chefferies et d'une biodiversité des plus riches au monde.

La présente étude prend en compte l'axe temporel allant de 1997 à 2003. Ce choix est justifié par le fait que la guerre qui semble avoir remodelé de manière drastique l'univers politique de la RDC est celle conduite depuis 1996 (et atteint la P.O. en 1997) par Laurent Désiré Kabila avec l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL en sigle) avec ses différentes progénitures RCD-Goma (Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Goma et ses variantes du RCD-K (Kisangani), RCD-K/ML (Kisangani Mouvement de Libération), RCD-N(National), MLC (Mouvement de Libération du Congo) et toute l'exacerbation de la violence communautaire en Ituri et à travers les milices maï maï. L'année 2003 étant prise comme limite finale de cette étude du fait qu'elle a vu la mise en application de l'accord global et inclusif du 17 décembre 2002 signé à Pretoria par l'institution du Gouvernement 1+4 et des autres institutions de la Transition.

83 Lola Kisanga (édit.), Plan de projets de développement de la Province Orientale, axes prioritaires pour l'an 2006, Kinshasa, éditions de l'IFASIC, p. 19 et ss.

évidemment évolutive, mûrie -, de l'objet d'étude ainsi que la discipline et la rigueur personnelles dans le traitement du problème d'étude. C'est à ce niveau que l'apport de notre équipe d'encadrement s'est révélé plus qu'important. La suspicion dont nous faisions l'objet de la part de certaines personnalités interrogées a été contournée par la perspicacité, l'insistance et les bonnes relations interpersonnelles. L'Internet et les personnes ressources ont été d'un apport non moins négligeable pour combler la contrainte liée à la quasi absence de la documentation spécialisée en rapport avec notre objet d'étude.

0.7. Plan du travail

Après nous être fixé sur la problématique de cette étude, il nous semble impérieux de présenter le plan de rédaction, le cheminement de notre argumentation pour démontrer nos hypothèses.

En effet, hormis l'introduction, guide de lecture de ce mémoire, et la conclusion, cette étude se résume en trois chapitres. Le premier chapitre traite des conflits armés et crises politiques pour analyser le contexte de violence politique caractéristique de la période étudiée qui a occasionné le déploiement/redéploiement des élites politiques et la recomposition de l'espace politique en Province Orientale, matières du chapitre deuxième qui permettent une compréhension, au troisième chapitre, des modalités et tactiques de la mobilité des élites politiques en Province Orientale.

35
CHAPITRE PREMIER :
CONFLITS ARMES ET CRISES POLITIQUES

L'histoire politique de la Province Orientale a été, depuis bien des années, structurée par la violence politique des différents conflits et guerres qu'a connus la RDC. Il est question à travers ce chapitre de plancher sur ces réalités politiques ainsi que les différentes alliances qui y ont été nouées et les manifestations de ces différentes alliances.

Il s'agit ici de démontrer que la Province Orientale a été affectée sérieusement par les violences politiques. Quelles en sont les causes et les conséquences ? Quelles sont ces crises et guerres ? Qui en sont les acteurs ? En définitive, pour voir comment la violence politique a configuré l'espace politique provincial.

Nous allons dans ce chapitre traiter de la Province Orientale dans la guerre ainsi que des zones de turbulence de la Province Orientale en guise, respectivement de première et seconde sections.

I.1. Province Orientale dans la guerre

L'analyse de K. Vlassenroot et T. Raeymaekers84 sur la violence politique en Ituri est plus que révélatrice de la violence armée qu'ont connue certaines parties de la Province Orientale pendant plus d'une décennie. Cette section se propose de relever le contexte de guerre qu'a connu la Province Orientale de 1997 à 2003. Un détour par la période d'avant 1996 pour comprendre le contexte politique et la trajectoire des élites en temps de guerre en Province Orientale.

L'histoire politique de la Province Orientale est émaillée de plusieurs événements tragiques.

En effet, la Province Orientale a constitué le champ de bataille des troupes armées
étrangères venues appuyer différentes rébellions et divers groupes armés qui y
sévissaient entre 1997 et 2003. La Province Orientale avait servi de bastion, avec le

84 K. Vlassenroot et T. Raeymaekers, Op. Cit.

Kwilu au Bandundu, de ce qu'on appelle nationalisme congolais85 et porte, depuis, les stigmates d'un destin tragique lui imposé par des conflits armés.

I.1.1. Une trajectoire historique sur fond des violences

L'histoire politique de la Province Orientale est tragique à plus d'un titre. Notre lecture de cette histoire commence à partir des années 1959 quand, à Kisangani, Patrie-Emery Lumumba convoque tour à tour le congrès du Mouvement National Congolais, MNC, (du 23 au 26 octobre 1959) et de celui des partis nationalistes (du 27 au 31 octobre 1959) qui s'étaient soldés par des émeutes réprimées dans le sang86.

Bien plus, l'incident de Stanleyville motiva le déplacement du Roi Baudouin au Congo Belge, voyage qui lui fit atterrir directement dans cette ville.

Cependant, la Province Orientale87 va payer cher cette adhésion au nationalisme lumumbiste. Fichée par les services secrets belges comme province rebelle et ultra-nationaliste, elle a vécu une chaîne d'événements que n'a subis aucune autre province de la RDC.

85 En effet, Patrice Emery Lumumba fait ses débuts politiques en Province Orientale. Laurent-Désiré Kabila aussi a été porté à la gloire par les habitants de Kisangani. Aussi, lors de la crise de 1961 déclenché par l'arrestation puis la mort de Lumumba, des nationalistes (ceux qui étaient pro Lumumba) se retirèrent en Province Orientale d'où ils organisèrent la résistance contre le gouvernement de Léopold ville. Il s'agit par exemple de Antoine Gizenga, Christophe Gbenye, Laurent-Désiré Kabila, Gaston Soumialot, etc. Mais, précisons tout de même que cette époque «glorieuse» a marqué de sang l'histoire de cette province. (Lire les numéros Congo, 1960 à 1964 de la série du CRISP pour d'amples renseignements).

Le nationalisme congolais est compris ici comme le refus de brader les intérêts du Congo au profit de l'impérialisme ou de toute autre puissance étrangère.

86 Il fut aussi question de réfléchir sur la problématique de l'indépendance. 20 morts sont dénombrés après les échauffourées auxquelles déboucha le face-à-face entre les participants au congrès et les forces publiques coloniales. Cf. Maindo Monga Ngonga, Voter en temps de guerre : Kisangani (RD- Congo) 1997, quête de légitimité et (con)quête de l'espace politique, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 32-38. Simons, R., Boghossian et B., Verhaegen, «Stanleyville 1959 : le procès de Patrice Lumumba» in CEDAF, Cahiers africains, n° 17-18, 1995, Passim, B., Verhaegen, Rébellions au Congo, Bruxelles, CRISP-INEP et IRES, 1966, T1 et T2 (1969), J.C., Willame, Patrice Lumumba. La crise congolaise revisitée, Paris, Karthala, 1990, P., De Vos, Vie et mort de Lumumba, Paris, Calmann-Levy, 1961.

87 Comme d'ailleurs tout le Kivu qui a toujours souffert le martyr, à telle enseigne que même lorsque tout le reste du pays votait, par exemple en 1965, les Kivutiens n'avaient pas droit au vote pour cause des troubles. Sous l'AFDL et le RCD et jusqu'aujourd'hui, cela n'a pas changé.

Un fait en apparence anodin, mais d'intérêt scientifique évident en science politique, survient à la même époque, comme il y en a eu beaucoup dans la Province Orientale ; avec de conséquences par ailleurs désastreuses et funestes : dans un bar de Kabondo, un soldat en état d'ivresse provoque une bagarre dont il s'en suivit mort d'homme. Ses compagnons d'armes, les soldats de Lundula, descendent sur toute la commune pour le venger, tuant le propriétaire du Bar « Boule d'Ambiance », sa famille, et tous les civils trouvés sur le passage, pillant les maisons dans la commune, violant femmes et fillettes...

Ceux qu'on a appelé pendant la période de conflit les «PNP», parce qu'étant majoritairement membres du Parti National pour le Progrès et dont le sigle dénaturé au profit de la sale besogne d'élimination de ses membres signifiait pour les mulelistes «Pene Pene na Mindele » (Proche des blancs) ou « Parti des Nègres Payés», c'est-àdire en clair, traîtres, délateurs, déloyaux, mouchards,...Et donc, brebis galeuses à détruire et à éradiquer sans ménagement. Après la chute d'une ville ou d'un centre, les rebelles tuaient tous ceux (fonctionnaires, enseignants, magistrats, juges, religieux, etc.) qu'ils considéraient comme les seuls ayant profité de l'indépendance et donc antinationalistes et favorables au gouvernement de Léopoldville88.

Les élites politiques en Province Orientale profitent de l'aubaine historique pour régler des comptes à des anciens adversaires politiques et ennemis sociaux. Les rivalités passées se sont ravivées et ont pris de proportions explosives et maniaques à travers dénonciations et délations contre les personnalités présumées ou supposées PNP. Nous pouvons ici rappeler le rôle prépondérant qu'a joué Christophe Gbenye dans les massacres que connut la Province Orientale entre 1961 et 1964.

Tout récemment encore, Wale Sombo Bolene, Bilusa Baila Boingaoli, ont contribué à la commission des violences enchaînées des droits fondamentaux des populations civiles de la P.O. à travers les événements sordides et macabres des

guerres de 3 jours (Cf. la période mouvementée du dédoublement institutionnel avec le RCD-Goma et le RCD-K), les massacres du 14 mai 2002, etc.

Stanleyville a été la capitale de la République Populaire du Congo dès sa création le 5 septembre 1964 jusqu'à sa reprise par l'Armée Nationale Congolaise soutenue par les Forces occidentales (belges) et les mercenaires blancs (américains) en fin 1964.

Nendaka Bika, Jean Foster Manzikala Tanzi firent la même chose sous le régime Mobutu et conduirent des nombreuses élites de cette province à la mort89.

Ainsi, périrent sur la place publique, politiciens, fonctionnaires aisés de l'Administration publique et des sociétés privées, commerçants, barmen, Directeurs d'écoles primaires, infirmiers, habitants des maisons électrifiées, propriétaires des voitures ou de frigos, des universitaires en vacances... Sans parler des religieuses et religieux nationaux et étrangers (dont le symbole reste la Bienheureuse Anuarite Nengapeta). Certains témoins sont encore vivants90.

A la réunification, il s'ensuivit une militarisation excessive de la Province Orientale, avec tous les drames qu'implique une telle situation en tracasseries, tueries, viols de femmes et filles, dépravation des moeurs, pillage des ressources, tortures psychologiques, terrorisme physique et intellectuel... L'une des élites de la Province Orientale de l'époque, Nendaka Bika va même proposer la transformation de la P.O. et Kisangani en un vaste caféier.

En 1966, les Gendarmes Katangais se mutinent et causent des dégâts matériels et humains importants, non comptabilisés.

89 Encore plus jeune, nous apprenions un quolibet comme « Uko na roho mubaya sawa Manzikala » (ce swahili de Kisangani signifie, vous êtes méchant comme Manzikala). Ceci dénote de la terreur et de la perception que cet homme a inspiré chez les habitants de la Province Orientale.

90 Mon propre père, Paul Ponea Kasombo, Directeur d'école primaire à l'époque, en est un. Il n'avait eu sa vie sauve que grâce à la solidarité de son village. Mais nombre de missionnaires protestants blancs qu'ils tentèrent de protéger ont été massacrés à Banalia ; le site de leur exécution porte la tristement macabre et générique appellation de Place de martyrs.

En 1967, c'est le tour de l'aventurier Jean Schramme de s'enduire les mains de sang allochtones de la Province Orientale, avec la révolte de ses mercenaires.

Durant la période de la Pax Mobutu, la province s'est vue dépouiller systématiquement de tout ce qui auréolait son économie du fait de la zaïrianisation et de la politique de la radicalisation91 de 1974. Les acquéreurs, généralement originaires de la Province Orientale du reste, ont contribué largement à la destruction de plusieurs entreprises (par exemple, la Cimenterie Stanley (Cimestan) acquise par Mendela Kikola Batangwe, la limonaderie Cristalo acquise par Marcel Lengema Dulia Makanga, la Société Générale de l'Alimentation de Litho Moboti (ce dernier n'est pas originaire de la P.O.)...), etc.

La guerre de l'AFDL qui mena à la chute du régime de Mobutu causa à la Province Orientale des affres d'une ampleur encore ignorée de la communauté nationale et internationale. En effet, les soldats de l'Armée régulière (Forces Armées Zaïroises de Mobutu) en fuite semèrent la mort et la désolation sur leur passage à travers toute l'étendue de cette province. On peut encore lire les graffitis fièrement

apposés sur quelques murs en ruine dans les Uélé, du genre bana Yakoma balekakiawa, (les enfants de Yakoma sont passés par ici) comme quand un fauve marque son

territoire de chasse. Rien n'avait alors été épargné : bâtiments publics, véhicules, maisons de commerce, plantations, églises, écoles, banques, habitations civiles, populations...

L'entrée à Kisangani des troupes de l'AFDL a été précédée par un ravitaillement massif des entrepôts des organismes internationaux (PAM, Caritas Internationale, CICR, HCR,...) de la ville de Kisangani. Et les pillages ordonnés par les nouveaux venus de ces entrepôts donnèrent un semblant d'amélioration des conditions sociales de la population. Aussi, les alliés ougandais et angolais accompagnèrent l'expédition militaire de l'AFDL à Kisangani par des avions cargos remplis des produits

91 Lukombe Nghenda, Zaïrianisation, radicalisation rétrocession en République Démocratique du Congo, considérations juridiques, Kinshasa, PUZ, 1979, p. 14.

«Angorwa»92, une entreprise qui alimenta la ville en riz, boîtes de conserve, farine de froment, etc.

Chaque guerre a son image et cette image dépend de la nature des acteurs, leurs actions et rapports internes et externes, des ambitions politiques dominantes et ce que Pierre Hassner93 appelle « la dialectique du bourgeois et du barbare. Les sociétés bourgeoises, libérales et bureaucratiques sont des sociétés marquées par la domination du privé sur le public, de l'individuel sur le collectif, de l'intérieur sur l'extérieur, de l'intérêt prosaïque sur la performance héroïque. Elles ont non seulement renoncé en fait à la guerre entre elles mais l'ont bannie de leur horizon intellectuel et moral. La légitimité de la guerre inter-étatique ayant disparu, elle ne peut réapparaître que sous une forme cachée ou sublimée. »

Le rapport Safiatou94 sur le pillage des ressources résume bien le pillage des ressources naturelles et autres de la Province Orientale pendant la période des guerres des rébellions de 1998-2003.

I.1.2. La guerre de 1996, l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL)

Présentée comme une remise en question de la gouvernance de MOBUTU, la guerre de l'AFDL a été un cocktail des forces rebelles95 intérieures longtemps opposées (bien que toujours maintenues dans leurs retranchements de Fizi et Baraka) à Mobutu ainsi que les multiples et diverses forces militaires étrangères africaines.

92 Après la chute de Kisangani sous contrôle des troupes de l'AFDL, nous avons assisté à Kisangani, à la vente des boîtes de conserve, des riz, sel iodé de consommation domestique et autres produits manufacturés de première nécessité portant la marque « Angorwa ». Un magasin fut d'ailleurs ouvert dans l'ancien immeuble de l'ex Société Générale d'Alimentation zaïrianisée sous le nom GLM, groupe Litho Moboti avec comme enseigne « Angorwa ». L'imaginaire collectif a lis en extension cette abréviation comme « Angola-Rwanda » pour signifier de ce fait l'hégémonie de ces deux alliés de Laurent-Désiré Kabila.

93 P., Hassner « Guerre sans morts ou morts sans guerre ? Les paradoxes de l'intervention au Kosovo » in http :// www.persee.fr consulté à Kisangani, le 21 juillet 2009.

94 Un rapport des experts des Nations Unies sur le pillage des ressources naturelles de la RDC paru en 2003.

95 Quoique celles-ci n'apprécièrent guère que leur entreprise soit considérée comme une rébellion, plutôt qu'elle fût considérée comme révolution.

Elle avait bien entendu restructuré à sa manière l'espace politique de la Province Orientale. Elle a eu l'avantage d'être la seule et unique force politique en compétition avec le pouvoir de Kinshasa.

Dès que les troupes de l'alliance pénétrèrent à Kisangani, toute la gouvernance de la Province Orientale a été, non seulement régentée par ses leaders, mais aussi ces derniers organisèrent à leur guise la vie politique en cette province. Ce fût d'ailleurs le cas pour toute l'étendue de la République Démocratique du Congo.

Nous pouvons dire que l'apothéose de la guerre de l'AFDL fut atteinte à Kisangani en date du 15 mars 1997, lorsque les troupes mixtes : nationales (des transfuges des ex-FAZ, des Kadogo/ enfants soldats recrutés à la sauvette) et étrangères (rwandaises, ougandaises, burundaises, angolaises,...) ont occupé la ville de Kisangani. L'assaut vers les autres entités et localités de la Province Orientale et voire celles de tout le pays encore non occupées ou non conquises fut organisé à Kisangani.

Ville qui encensa le porte-parole de l'AFDL Laurent Désiré Kabila, et son mouvement lors de son meeting populaire, qui marqua aussi l'élection à mains levées96 des Gouverneur et Vice-gouverneur de Province ainsi que du Maire de la ville de Kisangani l'après-midi du samedi 22 mars 1997, où l'envoyé spécial de l'ONU dans la région des Grands Lacs africains Mohamed Shanoun fut convié à palper du doigt la détermination de l'AFDL à renverser le régime de Mobutu.

Comme pour responsabiliser la population et l'associer à l'entreprise guerrière, Laurent-Désiré Kabila, se risqua d'improviser un test de nationalisme de Boyomais, en demandant à la foule nombreuse réunie au stade Lumumba si elle voulait la fin de la guerre ou la poursuite des hostilités jusqu'à la chute du Maréchal Mobutu. La foule répondit massivement et presque à l'unanimité aux attentes de L.D. Kabila en scandant le slogan «Avancez ! Avancez ! Avancez !».

96 Pour une compréhension de ces élections organisées à Kisangani lors de l'occupation de la ville par les troupes de l'AFDL au mois de mars 1997 afin d'organiser une administration qui puisse encadrer le peuple et canaliser l'effort de guerre, lire Maindo Monga Ngonga, Op. Cit. Passim.

Cette étape semble décisive dans la mobilisation des élites politiques de la Province Orientale et la reconfiguration, par la guerre, de l'espace politique de cette entité, en particulier, et de toute la RDC, en général. Car, les nouveaux maîtres de terrain préfèrent faire table rase de tout ce qui existait et s'engagent dans une entreprise de recrutement des cadres politiques et administratifs pour servir de pont à leur mouvement dit de libération.

La conquête du pouvoir de l'Etat par l'AFDL a été favorisée par plusieurs facteurs internes notamment : la déliquescence des Forces Armées Zaïroises (FAZ) d'une part, la trahison des officiers généraux, supérieurs voire de toute l'armée (l'armée de Mobutu n'étant, à l'orée de son régime, qu'un conglomérat des commerçants et affairistes en tenues militaires.), et la lassitude de la population pressée par une longue transition politique, d'autre part.97

Aussitôt arrivé au pouvoir, le nouveau maître de Kinshasa, Laurent-Désiré Kabila, entreprit de se défaire de ses alliés rwandais qui devenaient très encombrants et dont la présence au sein des institutions de l'Etat n'était plus du tout appréciée par la population congolaise (surtout Kinoise) qui dénonçait la prise en otage du pouvoir de l'Etat congolais et du Président Kabila par des étrangers rwandais et ougandais.

Il avait aussi le difficile choix à opérer entre par exemple : satisfaire ou museler une opposition interne si vivace et fougueuse98. Il lui a fallu aussi initier des projets de développement pour s'assurer le soutien de la population et justifier sa prise du pouvoir.

La gestion par l'AFDL des territoires conquis a posé des sérieux problèmes avant même la prise totale du pouvoir à Kinshasa. Les cadres politiques et militaires du

97 Lire pour comprendre davantage cette épopée de l'AFDL et tous les contours de cette prise de pouvoir atypique, C., Braeckman, L'enjeu congolais. L'Afrique centrale après MOBUTU, Paris, Fayard, 1999.

98 L'opposition politique congolaise a joué un grand rôle de sape et d'affaiblissement du régime Mobutu depuis les années 1983 jusqu'à l'avènement de l'AFDL en 1997. Mais, elle s'est vue éloigner et non associer par les nouveaux venus à la gestion du pays. Précisons que les ordres des alliés étrangers ont été plusieurs fois cités et dénoncés dans cet éloignement de l'opposition interne congolaise à la fois par les acteurs politiques internes et par la population.

mouvement, surtout ceux venus de la diaspora, s'érigeaient en maîtres des lieux avec mépris total de l'autorité établie. Les autorités territoriales élues devraient faire face aux exigences de bonne gestion de leurs entités ainsi que les recommandaient le mouvement et la maîtrise des attitudes toutes aussi cavalières et usurpatrices des cadres de l'armée, de chembe chembe et des organes du mouvement. Ici le lieu de citer les diverses humiliations dont étaient victimes certaines autorités élues. A titre indicatif, à Kisangani, aux mois d'avril et d'octobre 1997, l'on a assisté aux arrestations (qui frisaient d'ailleurs aux enlèvements car perpétrées tard dans la nuit et sans aucune forme de droit) par les militaires rwandais de l'AFDL et leurs tortures respectivement des Bourgmestres Maindo Monga Ngonga de la commune de Kabondo et Loela Bonone de la commune de Mangobo.

A Banalia, c'est l'Administrateur de Territoire Adjoint en charge de l'Administration et des Finances Exy Bayabo qui démissionne suite aux différentes brimades et humiliation dont il a été victime de la part des militaires et cadres de l'AFDL. En effet, sa résistance face aux débordements des cadres de l'AFDL à Banalia qui se substituaient en juges des infractions pénales voire des affaires civiles et en agents du fisc à travers les barrières intempestives payantes qu'ils érigeaient sur toute l'étendue du Territoire99.

Les élites intégrées au mouvement rebelle par le blanc-seing électoral avaient un devoir de réussite pour ne pas se discréditer et décevoir les attentes populaires d'une gestion meilleure que celle rebutée du régime Mobutu. Mais ceci était sans compter avec l'absence des ressources financières. Maindo Monga Ngonga explique bien cette difficulté quant il traite de ressources limitées pour un mandat indéterminé100.

Il nous faut aussi signaler le comportement conquérant, prédateur, injurieux et humiliant des alliés rwandais qui pouvaient arrêter, torturer, etc. ils instituent le «fimbo ya ujinga» (entendez littéralement par ça, le fouet de l'imbécillité. Qui signifie au

99 Notre entretien avec Exy Bayabo, ancien ATA de Banalia en Charge de l'Administration et des Finances, à Kisangani, le 09 septembre 2007.

100 Maindo Monga Ngonga, Voter en temps de guerre,...Op. Cit., pp. 136-141.

sens propre, fouet de la correction ou du redressement) ou la bastonnade publique ; qui pouvait aussi être appliquée non pas seulement aux fesses mais aussi dans le ventre.

La gestion par l'AFDL des territoires de la Province Orientale est un mélange de genre où le militaire tient le politique en état. Situation justifiée par l'état et l'effort de guerre ; la lutte vers Kinshasa n'étant pas encore achevée.

Colette Braeckman écrivait à ce sujet : «Alors que le Rwanda et l'Ouganda ont commencé à retirer leurs troupes, le nouveau président congolais tente d'asseoir son autorité sur une armée frondeuse et des alliés devenus encombrants »101.

Le limogeage de James Kabarebe102 le 14 juillet 1997, alors Chef d'Etat Major Général de Laurent-Désiré Kabila, le cloisonnement politique de Deo Gracias Bugera, Secrétaire Général de l'AFDL, pendant ce même moment, le rapatriement des troupes rwandaises et ougandaises et des conseillers militaires de ces deux pays venus au secours de l'AFDL entre le 27 et le 28 juillet de cette année ont servi de prétexte pour le déclenchement de la seconde guerre commanditée par les anciens alliés de Kabila contre lui.

Les dissensions avec le Rwanda ne laisseront pas le temps au vieux maquisard de se doter d'une armée homogène et expérimentée.

La corruption est aussi source d'instabilité politique en RDC. Elle a entraîné un désenchantement de la population vis-à-vis du pouvoir surtout que les gouvernants étaient devenus plus affairistes qu'hommes d'Etat.

101 C., Braeckman, «Premiers retraits de troupes étrangères. Guerres sans vainqueurs en République Démocratique du Congo», in Le Monde Diplomatique, Bruxelles, Avril 2001, p. 1.

102 Cet ancien officier général de l'armée de la RDC sous Laurent-Désiré Kabila est aujourd'hui chef d'Etat Major Général de l'armée rwandaise hic ! O., Lanotte, République Démocratique du Congo. Guerres sans frontières. De Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila, Bruxelles, éd. du GRIP et complexe, 2003, p. 94, note aussi que la détérioration des relations entre Laurent-Désiré Kabila et ses alliés étrangers résulte de la tentative « du nouveau président congolais de s'affranchir vis-à-vis de ses «parrains» de l'Est, Kinshasa s'attacha à remettre en question le permis d'exploitation que se sont arrogé Kigali et Kampala dans l'Est du Congo. Le président congolais vise en particulier le démi-frère du président Museveni, Salim Saleh, lequel tire de juteux profits du trafic de bois précieux de la région de l'Ituri, de l'exploitation d'or du Haut Congo.

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