Reception des musiques rap et R&B par les adolescents scolarisés d'Abidjan : exemple de trois établissements secondaires( Télécharger le fichier original )par Kouassi Sylvestre KOUAKOU Université de Cocody/Abidjan - Maà®trise des Arts du spectacle 2008 |
CHAPITRE I : PRESENTATION ET ANALYSEDES RESULTATS .. 78
4 - Analyse comparative des deux vidéoclips 88
CHAPITRE 2 : INTERPRETATION DES RESULTATS 124 1- Interprétation selon la consommation médiatique et musicale 124
afro-américaine et la construction des valeurs identitaires des adolescents 131 CHAPITRE III : RECOMMANDATIONS .132 CONCLUSION .134 BIBLIOGRAPHIE 140 ANNEXES .146 INTRODUCTION GENERALELa musique c'est l'art de combiner les sons pour les rendre agréable à l'oreille. Elle occupe une place de choix dans le quotidien des hommes. La vie sociale se caractérise par la présence quasi permanente de la musique. C'est donc à juste titre que Al-Hujwri, écrit dans son traité de l'audition musicale: « quiconque dit qu'il ne tire aucun plaisir de l'audition des sons, des mélodies et de la musique, est soit un menteur, soit un hypocrite, soit privé des sens normaux et se trouve ainsi hors de la catégorie des hommes et des animaux »1. Cette assertion radicale, répétée nous renseigne sur l'importance de la musique dans la vie d'un homme. Elle constitue une partie intégrante de son univers et de sa personnalité. L'extrême s ensibilité à l'art des sons combinés et harmonieux peut produit sur le récepteur une influence considérable. Ainsi, les colons afin de fasciner les africains vont utiliser les médias tels que le cinéma et la musique. Selon Martin, les variétés occidentales se vendaient déjà dans les colonies, apportées par des matelots, des soldats ou encore des commerçants ; ainsi les chansons devenaient le reflet des villes, mettant en exergue les dangers de la circulation, la séduction des produits occidentaux, la comple xité des relations sentimentales et la dépravation des moeurs. En Côte d'Ivoire, les musiciens semblaient être les porte -parole de la société, proclamant l'oralité de la tradition, défendant la dite tradition ; enseignant les bases de ce qu'on appelle aujourd'hui la bonne gouvernance. Cependant, à la faveur des échanges coloniaux ils furent attirés de plus en plus vers le modernisme de la musique. Les artistes n'étaient pas seulement influencés par les musiques afro-américaines à cause du modernisme ; mais aussi selon Martin, « C'est parce que les jeunes urbains voulaient rompre avec un patrimoine rural, jugé bien trop encombrant, et avec des formes européennes trop associées à l'oppression coloniale qu'ils ont choisi l'Amérique. Elle seule, dans sa diversi té, pouvait donner sens à leur expérience en manifestant de manière éclatante leur capacité de création, donc de fabrication de modernité autonome pleine de la promesse d'un avenir indépendant »2. 1 Cité par Amnon Shiloah, « la musique dans la vie » p279-199. 2 François Martin, Article sur la musique face aux pouvoirs , disponible sur www.groupeclaris.org, consulté le 07 Janvier 2009. L'Afrique en général et particulièrement la Côte d'Ivoire a connu depuis un siècle des transformations très souvent complexes dans sa musique, transformations qui continuent encore de s'opérer de nos jours avec l'avènement des musiques Rap et R&B . Ces genres musicaux, qui sont aussi d'autres formes d'influences musicales afro-américaines, se chantent aujourd'hui par des réseaux de jeunes des quartiers populaires abidjanais, qui soit l'adaptent à des rythmes locaux, soit conservent l'authenticité de son genre. Le rap ou encore la culture Hip Hop et le R&B bien que n'étant pas le seul ou le plus connu des genres musicaux afro-américains a beaucoup influencé les adolescents ivoiriens. 3- Justification du choix du sujet 1-1 Intérêt personnel Pourquoi nous nous sommes lancés dans cette recherche et pourquoi la question de la réception de la musique afro-américaine par les adolescents ? Cette question représente pour nous l'intérêt logique que nous accordons à la réception des medias depuis notre inscription au département des arts. Déjà en première année, nous avions choisi pour thème d'exposé la télévision ivoirienne, dans le cadre du cours de Théâtre et communication. En deuxième année, dans le cadre du cours intitulé discours filmique, nous avons traité comme thème en exposé : le montage, élément discursif du film. Pourquoi la musique ? Après les quatre premières années d'études consacrées aux questions dramaturgique, cinématographique et de production audiovisuelle au département des arts et précisément dans la filière des arts du spectacle, nous avons jugé important de trouver une autre thématique pour élargir notre champ d'investigation. C'est ainsi que sur les conseils de notre Directeur de mémoire. KOFFI Gbaklia Elvis qui a entre autres comme spécialité la musicologie, nous avons décidé d'orienter nos recherches sur la musique pour approfondir nos connaissances des arts du spectacle. Pourquoi les musiques Rap et R&B? Nous nous souvenons des années 96 où la musique rap a fortement influencé les jeunes. Aussi de nos jours les jeunes sont très accrochés au contemporary R&B. Au travers donc de cette étude, nous voulons savoir pourquoi un tel engouement pour une musique occidentale. Voici les raisons personnelles que nous reconnaissons subjectives qui nous ont pouss é à choisir ce sujet. Cependant d'autres motivations sont à énumérer. 1-2 Intérêt scientifique Scientifiquement parlant, nous avons choisi ce sujet pour deux raisons. La première raison réside dans le fait qu'au département des arts aucun mémoire portant sur l'engouement des jeunes ivoiriens pour la musique afro-américaine n'a encore été réalisé. Cependant, nous pouvons relever deux des nombreux articles publiés sur le Zouglou. Ce sont l'article de Agnès KRAIDY3, Ce Zouglou que j'aime, Ivoir Soir n°3229 du 28, 29,30 avril et 1er mai 2000 et celui du Professeur BLE Raoul Germain4 ,Enseignant à l'UFRICA, le zouglou, l'expression d'une jeunesse désorientée dans le mensuel ivoirien le sentier n°4 de octobre 2000 . Ainsi nous avons voulu apporter quelque chose de nouveau à la recherche en arts du spectacle. Deuxièmement, notre sujet est d'actualité car la fascination pour les contenus musico-culturels américains ne semble pas avoir cessé de nos jours, au contraire, elle paraît croître chez les jeunes ivoiriens surtout avec le « coupé -décalé ». Au delà de l'intérêt scientifique énoncé ci -dessus, des raisons culturelles, nous ont aussi motivés à choisir un tel sujet. 1-3 Intérêt culturel 3 Actuellement, Journaliste à Fraternité Matin 4 Maître de conférence à la l'UFRICA, directeur du Centre d'Etude et de Recherche en Communication (CERCOM) Notre profonde motivation est guidée par la volonté de participer à une diffusion rationnelle et sélective de la musique par les médias . Aussi voudrions-nous voir la musique locale remplir pleinement sa fonction de distraction tout en a ssurant la promotion de la culture ivoirienne. En effet selon des constats, la plus part des émissions regardées par les populations ivoirienne sont des émissions étrangères, ce qui revient à dire que les jeunes, grands consommateurs des médias audiovisuels etrangers, sont soumis à l'influence des cultures étrangères. Par cette étude, nous voulons interpeller, d'une part, les autorités gouvernementales, la direction de la RTI et les directions des radios de proximités à l'effet de réguler la diffusion de la musique par les medias, et d'autre part, avertir les jeunes de l'impérialisme culturelle au travers des vidéoclips. 4- Identification et formulation du problème Les jeunes ivoiriens, sont la cible de plusieurs entreprises médiatiques à contenu divertissant. Nous nous souvenons de l'influence sans précédent que cette musique Afro-américaine notamment le « rap » a exercé sur les élèves dans les années 96 quand nous étions encore au collège. La mode à cette époque était de parler et de se comporter en « américain » pour paraître modernisé et à la une. C'est à ce moment qu'on parlait des styles «kris-kros », des « flottes impériales »5 . A cela il faut ajouter la fascination pour les téléromans américains tels que : The Fresh prince of bel-air qui présentait la vie d'un jeune afro-américain (Will Smith) venant du ghetto et vivant dans la superbe villa de son oncle et de sa tante. D'autres séries comme Santa Barbara, Dynastie, Dallas, etc. captaient l'attention des jeunes, leurs faisant même parfois oublier les devoirs d'écoles et les taches ménagères. 5 Le port de vêtements larges comme le baggy, baskets et casquette. Certains chercheurs notent à cet égard que l'identification des africains et particulièrement des adolescents aux images présentées par les télévisions internationales ne se fait pas seulement dans le cas des films mélodramatiques mais aussi et surtout en Côte d'Ivoire, elle s'opère avec la musique. Les stars deviennent ainsi des idoles de cette jeunesse, et cela est vérifié par l'attachement pour les adolescents aux chaînes musicales telles que MTV, MCM ou Chanel O2 etc. Ainsi donc la fascination pour les contenus musicaux et particulièrement pour les contenus musico culturels américains ne semble pas avoir cessé de nos jours, bien plus, elle paraît en pleine croissance surtout chez les adolescents ivoiriens. En effet, aujourd'hui la nouvelle mouvance musicale qui domine le pays c'est - à dire le phénomène des Disc-jockey (DJ) tire son origine de la musique afro - américaine (Disco et mouvement hip hop). Cette « fièvre américaine » sévit en Afrique et serait surtout entretenue par la télévision, selon une journaliste sénégalaise citée par Missé . L'auteur révèle que les télévisions étrangères ont envahi l'espace audiovisuel africain : « la présence de télévisions transfrontières se fait d'autant plus durement se ntir que les émissions étrangères dominent déjà la plupart des grilles de programmation des télévisions africaines. 70% des programmes diffusés seraient, selon le rapport mondial sur la communication, d'origine étrangère »6. Nombreux sont les jeunes de la capitale ivoirienne qui ont apparemment été ensorcelés par cette culture et les impacts directs de cet ensorcellement se perçoivent à travers leurs comportements : ils utilisent des expressions tirées de l'argot américain (par exemple : yeh (oui), what's up (salut), peace out (au revoir)) alors qu'ils sont francophones. Peu d'entre eux s'intéressent aux émissions produites localement et la plus part tentent de s'habiller comme les ressortissants des USA. 6 MISSE, Misse, « Télévisions internationales et changements sociopolitiques en Afrique sub -saharienne » in La mondialisation des médias contre la censure, Mattelart Tristan, 2002, chap. 3, p115, Bruxelles : De Boeck . Par ailleurs notons que plusieurs bars et dancings d'Abidjan laissent entendre des chansons américaines et qu'il apparaît que les jeunes semblent apprécier les contenus de ces musiques venant de l'Amérique surtout dans les quartiers huppés. Cette musique à travers le mouvement hip hop a considérablement influencé les adolescents scolarisés de sorte qu'ils vont faire des graffitis sur les bâtiments et les bus. Aussi vont-ils jusqu'à semer la terreur dans les établissements en exerçant des actes de vandalisme, et de violence sur leurs enseignants, éducat eurs. Ils sont devenus revendicateurs, récalcitrants, insolents envers ces derniers, ce qui met en mal le fonctionnement du système éducatif. Alors l es conflits avec leurs parents, ne manque nt pas; ceux-ci expriment clairement leur mécontentement pour cet te préférence, déplorant la grande consommation de ces productions qui leurs apparaissent vaines, voir aliénantes, qui a pour but de les acculturer. Certains parents vont plus loin jusqu'à interdire l'accès de la télévision à leurs enfants, surtout en période scolaire ; cependant les jeunes réussissent à déjouer leur attention écoutant ainsi leurs émission s musicales à la radio. Les études qui s'intéressent à l'engouement des jeunes africains pour la culture afro-américaine portent surtout sur l'industrialisation de la culture; elles invitent à penser que l'intérêt que les jeunes accordent à cette culture musicale afro-américaine en particulier est aussi le résultat de l'impérialisme culturel américain. D'autres théories en communication permettent égalem ent de s'aligner derrière cette pensée, comme la théorie de la réception médiatique chez les adolescents, qui soulève l'importance des médias dans la construction identitaire des jeunes. L'objet de notre étude est d'examiner de près le problème de l'inf luence exercée par la musique afro-américaine sur les adolescents scolarisés. Ce problème réside à la fois dans la grande consommation de cette musique par ceux -ci, dans son irruption dans une société africaine dominée par la musique traditionnelle, du ter roir. Il réside également dans l'absence totale de discernement de la part de ces adolescents quant à la réception des messages que véhiculent cette musique et son impact sur la construction de leur identité. Cette préoccupation conduit inévitablement à un certain nombre d'interrogations. 4- Questions de recherche - Quel est l'impact de la consommation des musiques Rap et R&B sur la construction de l'identité culturelle des adolescents scolarisés? - Comment à travers les vidéoclips se diffusent un bon nombre de messages qui influencent la culture et l'identité des adolescents scolarisés ? - Les chaînes musicales qui diffusent les vidéoclips, véhiculent des modèles de tenues vestimentaires, de styles de danses, etc. Les a rtistes sur l'écran influencent-ils le comportement des adolescents scolarisés jusqu'à leur « look»? 4- Objectifs de recherche - Evaluer la consommation de la musique afro -américaine par les adolescents scolarisés pour voir son impact sur la construction de leur identité culturelle. - Analyser des vidéoclips afin de ressortir les thèmes qui sont évoqués à l'effet de mieux comprendre dans quel sens ils ont pu être interprétés par les adolescents scolarisés. - Décrire comment la musique afro -américaine influence la construction de l'identité culturelle des adolescents scolarisés. - Définir les attitudes, des adolescents scolarisés à l'égard de la musique afro - américaine en fonction du sexe et de leur niveau de vie familiale. 9- Hypothèses - La grande consommation des musiques Rap et R&B par les adolescents scolarisés les conduit à préférer la culture afro-américaine à la culture ivoirienne. - La préférence pour le Rap ou le R&B est fonction du sexe. - L'intérêt des adolescents scolarisés pour la musique Rap et R&B varie selon le niveau de vie familiale. 6- Cadre théorique de référence Assimilée à une « impureté méthodologique »7 par de nombreux chercheurs, supplantée par la linguistique et la sémiologie, la réception resta, jusqu'au début des années 50, étrangère à beaucoup d'universitaire s. Ce manque d'intérêt pour la réception engendra le postulat, qui reste bien ancré dans certains courants idéologiques (Ecole marxiste), selon lequel le récepteur était passif et inintéressant. Quatre grands courants théoriques seront relevé ici : un courant d'origine littéraire, un courant de réception médiatique sur les gratifications, un courant sociologique sur les cultures populaires, et le modèle de la diffusion des innovations de Rogers. 6-1 L'Ecole de Constance et de Umberto Eco 6-1-1 L'Ecole de Constance C'est un courant littéraire qui, au départ a tenté de renouveler l'étude des textes à partir de l'acte de lecture. Le nouvel objet de recherche de ce courant devient le rapport texte-lecteur. Ce courant distingue en son sein deux paradigmes différents e t complémentaires : « l'esthétique de la réception » de Jauss et « l'effet esthétique » d'Iser. 7 U. ECO, «Lector in fabula », Paris, Grasset, coll. »Figures », 1985, p.8. > Paradigme de Jauss Chez Jauss, la réception est l'instance qui donne son statut à l'oeuvre : « la valeur et le rang d'une oeuvre ne se dédit ni des circonstanc es biographiques ou historiques de sa naissance, ni de sa seule place qu'elle occupe dans l'évolution d'un genre, mais des critères bien plus difficiles à manier : effet produire, « réception », influence exercée, la valeur reconnue par la postérité »8. Le sens est alors attribué à l'oeuvre par un récepteur qui vit au sein d'une société : l'interaction se fait entre un texte et un individu socialisé et cultivé. Le lecteur donne ainsi sens et vie au texte, le récepteur devient alors actif : « dans la triade formée par l'auteur, l'oeuvre et le public, celui -ci n'est pas un simple élément passif qui ne ferait pas réagir en chaîne ; il développe à son tour une énergie qui contribue à faire l'histoire (...). La vie de l'oeuvre dans l'histoire est inconcevable sans la participation de ceux auxquels elle est destinée. C'est leur intervention qui fait ent rer l'oeuvre dans la continuité mouvante de l'expérience littéraire, où l'horizon ne cesse de changer, où s'opère en permanence le passage de la réception passive à la réception active, de la simple lecture à la compréhension critique, de la norme esthétique admise à son dépassement par une production nouvelle »9. Jauss élabore le concept d' «horizon d'attente » comme « le système de références objectivement formulables qui, pour chaque oeuvre au moment o ù elle apparaît résulte de trois facteurs principaux : l'expérience préalable que le public a du genre dont elle révèle, la forme et la thématique d'oeuvres antérieures dont elle présuppose la connaissance, et l'opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne »10, qui permet au lecteur, grâce à son «capital culturel » de mieux appréhender la lecture. > Paradigme de Iser 8 H.R JAUSS, «Pour une esthétique de la réception », Paris, Gallimard, NRF, 1978, p.24. 9 HR Jauss. Pour une esthétique de la réception, op.cit. p.45. 10 Ibid., p.50. Quant à l' « effet esthétique » d'Iser, il révèle ce que le texte produit sur le lecteur : une oeuvre possède en elle une substance qui « mobilise chez le lecteur des facultés de représentation pour lui faire adopter des points de vue différents »11. Ceci permet à Iser de fonder une typologie des lecteurs : le « lecteur idéal » correspond au lecteur que l'auteur désirerait comme récepteur alors que le « lecteur contemporain » est le lecteur réel, tel qu'il apparaît dans la réalité des pratiques. Ces deux théories réunissent au sein d'une même école, la théorie de s effets et la théorie de la réception, permettant ainsi la connaissance de l'oeuvre dans son ensemble. 6-1-2 L'école de Umberto Eco Umberto Eco s'est, lui aussi, intéressé à la réception en définissant dans « L'oeuvre ouverte »12, le lecteur comme le co-créateur de l'oeuvre, lui donnant sa signification. Ainsi dans Lector in fabula, il insiste sur le rôle de l'instance réceptrice en tant qu'instance significative : « le texte est un tissu d'espaces blancs, interstices à remplir,et celui ,qui l'a émis prévoyait qu'ils seraient remplis et les a laissés en blanc pour deux raisons. D'abord parce qu'un texte es t un mécanisme paresseux qui vit sur la plus-value qui y est introduite par le destinataire ; ensuite parce qu'un texte veut laisser au lecteur l'initiative interprétative, même si en général il désire comme interprète avec une marge suffisante d'univocité .Un texte veut que quelqu'un l'aide à fonctionner»13. Pour lui, le lecteur doit être doté d'une compétence qui désigne le «capital culturel », pour comprendre l'oeuvre. Son étude est très proche de celle de l' Ecole de constance. Les études de réception littéraire prônent un récepteur actif dans la production de sens du texte. Afin d'y parvenir, le récepteur doit posséde r une compétence ou un 11 W. ISER, « L'acte de lecture. Théorie de l'effet esthétique », Editions P ; Mardaga, coll. « philosophie et langage », 1985, p.14. 12 U. ECO, « L'oeuvre ouverte », Paris, Seuil, coll. «points essais », 1965. 13 U. ECO, «Lector in fabula », Paris, Grasset, coll. »figures », 1985, p.66 «capital culturel » qui lui permet de déchiffrer les oeuvres, grâce aux expériences antérieures qu'il a pu accumuler. 6-2 Les Cultural studies ou études culturels et populaires Ce courant se développe dans les années 60-70 en Grande-Bretagne et fait suite à des travaux engagés plus tôt, avec l'apparition des formes culturelles liées à l'industrialisation. Richard Hoggart, en publiant en 1957, The Uses of Litteracy, traduit des années plus tard en français sous le titre de La culture du pauvre14, fait office de pionnier et ouvre la voie vers de nouvelles enquêtes et de nouvelles méthodologies. En effet, immergé en observateur dans la vie des classes populaires en Grande - Bretagne, dans les années 50, il fonde en 1964 le centre de recherche de Birmingham, dans lequel de nombreux travaux seront entrepris afin de comprendre le rapport que les membres de la classe populaire entretiennent avec les produits issus de l'industrialisation de masse. L'idéologie tiendra dans ce courant une grande place, notamment au sein des travaux Stuart Hall. Les études des medias furent englobées dans les recherches de ce courant avec les études sur la presse féminine et montra un récepteur négociateur de la signification d'un texte et capable de résister au contenu des programmes. Ce courant, très actif dans les années 80 avec les études de Ien Ang sur le décryptage des lettres de téléspectateurs de Dallas15. David Morley sur les variations de décodages d'un magazine d'informations générales «Nationwide» par un groupe de téléspectateurs, montre l'importance du contexte social, de son action sur les modes de décodage des messages. Les études culturelles nous permettent de voir la réception médiatique selon une production et une réception des messages en considérant l'importance du sens de ces messages chez les récepteurs. 14 R. HOGGART, « La culture du pauvre », les éditions de minuit, coll. « le sens commun », 1970, 420p. 15 Série télévisée américaine Ainsi les codes culturels sont très importants dans le processus de production et de réception des textes médiatiques. Dans le même sens, Radway Janice16 a révelé que la réception médiatique est un processus interactif, c'est-à-dire que les publics qui s'exposent aux messages médiatiques, ont une part de responsabilité dans la dite réception, ils la reconstruise, la critique et l'adapte à leurs codes culturels. Par ailleurs BROWN Jane dans «Teenage room culture: where media an identities intersect », démontre que les adolescents ne s'intéressent qu'aux médias qui répondent à leurs attentes, leurs besoins et leurs expériences pers onnelles. Ainsi les médias leur permettent de se construire une identité afin de savoir qui ils sont ou qui ils pourraient devenir et comment les autres également les perçoivent. La recherche ici consacrée à la réception de la musique afro américaine, est avant tout un problème d'identité culturel. Il entre dans le cadre de l'impérialisme culturel . Ceci explique la place tenue par le courant des études culturelles tout au long de ce travail. 6-3 Les uses and gratifications Ce troisième courant constitutif des études de réception m êle la théorie de la réception et la théorie des effets. Ce courant qui s'inté resse à la question « que font les gens des medias ?» est avant tout un courant de recherche en communication. Rompant avec la théorie des effets qui s'interrogeait sur ce que les medias faisaient aux gens, cette théorie se développe dans les années 60 en se questionnant sur le rapport entre les medias et les récepteurs. En abolissant le concept d' « aiguille hypodermique » de Lasswell, qui désigne l'audience comme un groupe amorphe, ce courant réintroduit un récepteur actif et donne une grande importance à la notion de choix, qui devient 16 Radway, Janice (1984). Reading the Romance: women, patriarchy, and popularliterature. Chapell Hill: University of North Carolina Press. déterminante dans les études sur le récepteur consommateur évoluant dans une conception néo-libérale de la société. Ce courant à dominance psychologique, à son commencement, se rapproche de la sociologie par l'étude des usa ges et des pratiques des medias. Parmi les chercheurs de ce courant, Liebes et Katz font office de représentants. En analysant ce que les spectateurs font du programme Dallas 17, ils mettent en évidence l'interaction entre le contexte social duquel est issu le spectateur et son interprétation du contenu. Chaque membre d'une culture analyse les programmes avec les codes culturels propres à sa culture. Ainsi la Polysémie d'un contenu devient un concept fondamental de ce courant. 6-4 Le modèle de la diffusion des innovations de Rogers Le principe de ce modèle est tout simple. Il stipule que pour qu'un individu adopte un nouveau comportement, il doit passer par plusieurs étapes au travers desquelles les valeurs de sa personnalité vont intervenir. Par exemple, comment travaille t-il au niveau de la communication ? Lit-il les journaux ? Écoute t-il la radio? Regarde t-il la télévision ? Si c'est le cas, le processus de changement de comportement passera par des étapes. Pour ce faire, il lui faudra d'abord avoi r la connaissance. Ensuite il lui faut être persuadé. S'il est convaincu, Il faut qu'il prenne alors la décision d'adopter le nouveau comportement. Le schéma d'un tel processus se présente de façon linéaire et de la manière suivante : 1 : Connaissance ? 2 : Persuasion ? 3 : Décision ? 4 : Exécution ? 5 : Confirmation. Au niveau de la phase de l'exécution, il peut y avoir trois cas : 17 T. LIEBES et E. KATZ, « 6 interprétations de la série Dallas », in Hermès n°11-12, CNRS, 1992, p.125-144.
Ce que nous donne le tableau suivant : Figure n ° 1 : Le modèle Rogers du changement de comportement. Adoption Confirmation Adoption tardive Discontinuation Arrêt Rejet Rejet continu Toutefois pour que ce modèle se déploie avec réussite, il faut au préalable certaines conditions:
Ces quatre courants constitutifs des études de réception sont complémentaires, ils peuvent être employés dans une même étude. Cependant dans ce mémoire ce sont les trois derniers à savoir les cultural studies et les uses and gratifications et la réception selon Rogers qui seront employés, afin de montrer comment la musique afro-américaine peut t-elle devenir significative par la place qu'elle tient dans le quotidien des adolescents scolarisés et quelles influences cette musique exercent sur eux. 9- Méthodes d'investigation Pour répondre aux questions de recherche, il faut aller bien au delà de nos impressions et de nos intuitions aussi valable s et séduisantes soient elles. En effet, une vision impressionniste de la réalité entraîne de nombreuses dé formations de la réalité causées par nos perceptions, nos croyances, nos attentes, nos expériences. Ces déformations, teintées de nos désirs, de nos souhaits et de notre imagination, occasionnent une perception partiale de la réalité. L'intuition est valab le et même souhaitable mais elle ne suffit pas à induire une explicable logique rationnelle et argumentée d'une réalité. Livrées à elles seules, l'intuition et l'impression permettent d'exprimer la vérité d'un individu mais ne permettent pas d'extrapoler cette vérité aux autres individus Pour « objectiver » davantage nos impressions, nous avons besoins d'instruments et d'outils qui puissent nous permettre de démarquer et de rationaliser les liens entre nos perceptions de phénomènes, nos observations, nos souhaits et notre imagination. En fait, nous avons besoin de méthodes. La démarche scientifique vise à expliquer et à valider nos hypothèses afin de vérifier les théories personnelles et d'en créer de nouvelles. Elle vise donc globalement à décrire, à comprendre et à prédire l'évolution des phénomènes de notre environnement. Cette compréhension « objective » de l'environnement permet d'orienter et d e planifier des actions en vue d'intervenir dans cet environnement. Or, c'est la méthode utilisée qui permet de s'assurer du degré d'« objectivité » de la recherche. L'objectif général poursuivi par cette étude va très largement commander la méthodologie adoptée et l'ordre de présentation des réflexions. Par ailleurs le choix de notre méthodologie obéit à une v olonté de donner plus de rigueur à notre travail. Cette étape se veut donc une présentation des principaux axes de la procédure à entreprendre pour mener à terme notre étude et des techniques d'approche du sujet. En effet, une fois la définition opératoire des hypothèses établies, il convient de procéder aux choix des méthodes de recherches puis aux choix des méthodes de collectes et d'analyse de données. Les méthodes de recherches (qui seront présenté es dans les lignes qui suivent) sont reliées à l'objet d'étude. Le choix d'une méthode de recherche consiste à trouver la meilleure façon d'approcher ou plutôt d'investiguer son objet d'étude, c'est -à-dire que l'on décide, d'après la nature de l'objet de recherche, si l'on doit explorer, décrire ou expérimenter afin de solutionner le problème de recherche. Les méthodes de recherche, définies par Madeleine GRATWITZ comme : « un ensemble concentré d'opérations mises en oeuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs, un corps de principes présidant à toutes recher ches organisées, en un ensemble de normes permettant de sélectionner et de coordonner les techniques » 18, sont évidemment liées aux méthodes de collectes de données mais ces dernières consistent essentiellement à élaborer des techniques pour la cueillette des informations dans le contexte précis de l'enregistrement d'un aspect des phénomènes à saisir. Dans notre étude, nous utiliserons concomitamment les méthodes quantitatives et qualitatives 7-1 Approche quantitative La méthode quantitative d'observatio n consiste essentiellement à étudier les caractéristiques des unités individuelles qui composent la « population » de l'enquête et ensuite à décrire la situation d'ensemble. Aussi permet -elle de comprendre le 18 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, 7ème ed, Paris 1986, p 361 phénomène de réception et d'étudier les caractéristiques et les tendances significatives à partir de la façon dont les jeunes enquêtés se sont exprimés en répondant au questionnaire. Par ailleurs elle nous permettra d'obtenir des éclairages tangibles qui permettront aux décideurs de prendre des mesure s pour réguler la diffusion de la musique par les médias. 7-2 Approche qualitative Elle vise à dresser un portail d'une situation donnée qui est beaucoup plus fourni e, colorée et circonstanciée que l'usage qu'on peut en retracer à partir de quelques indices quantitatifs. Les techniques de recherche qualitative utilisées dans cette étude nous permettront d'enrichir les données recueillies par le questionnaire écrit. Les techniques utilisées sont les suivantes : l'analyse thématique, l'entrevue individuelle et l'entretien en groupe. Le principal avantage de ces techniques est qu'elles permettent de collecter les données de façon naturelle et spontanée, soit en faisant parler les sujets ou en les observant dans des situations précises. 7-3 Description des instruments de recherche 7-3-1 Méthode quantitative : le Questionnaire L'entrevue par questionnaire est la technique quantitative utilisée dans cette étude. Elle favorise une collecte méthodique d'information, et conduit à des interprétations des résultats de façon plus objective. Il est composé de 26 questions à modalités prédéfinies composées de questions à réponses fermées ou fixées à l'avance et des questions à réponses ouvertes. Le questionnaire a été construit autour des points suivants : - les questions portant sur la situation sociale ; - les questions relatives à la consommation médiatique, permettant de savoir la fréquence de consommation de la télévision et de la musique ; - les questions sur la musique américaine et la musique ivoirienne, permettant aux enquêtés de donner leur opinion sur les différentes musiques qui passent à la télévision et à la radio ; - Les questions sur les valeurs et les comportements individuels. 7-3-2 Méthodes qualitatives : l'Analyse thématique, les entretiens individuels et les entretiens en groupe Le principal avantage de ces techniques est qu'elles permettent de collecter les données de façon naturelle et spontanée, soit en faisant parler les sujets ou en les observants dans des situations précises. 7-3-2-1 L'entretien en groupe Il a été choisi comme technique complémentaire de collecte des données pour préciser certaines données du questionnaire écrit. Cette techni que a été utilisée seulement qu'au lycée la farandole car les élèves étaient disponibles et une salle a été aménagée par la directrice à cet effet. Par cette technique, nous poursuivons deux objectifs généraux comme tout entretien de groupe : « - réunir des informations factuelles ; - observer les attitudes des participants. »19 Elle est donc riche à la fois des éléments des entrevues individuelles et de l'observation participative, tout en permettant aux participants de se sentir plus à l'aise. 19 Ibid. 7-3-2-2 L'Entretien individuel Il s'agit d'une interview avec une personne à la fois. L'entretien individuel est défini par Laurence Bardin comme : « une conversation initiée par l'interviewer dans le but spécifique d'obtenir des informations de recherche pertinentes, conversation qui est centrée par le chercheur sur des contenus déterminés par les objectifs de la recherche. »20 Pour certains critiques, les entretiens individuels avec leurs questions ouvertes ne sont pas objectives car les répondants peuvent soit être déboussolés ou déroutés, ou encore peuvent être influencés par les enquêteurs qui vont tenter de leur explique r des questions en cas d'incompréhensions ; cependant pour nous, cette technique a été retenue car le répondant est seul alors il peut parler en toute liberté et avec sérénité, ayant le sentiment d'être pris au sérieux pour donner son avis, ses sentiments, etc. 7-3-2-3 L'Analyse thématique L'utilisation de cette technique permet de mettre en évidence les grands thèmes des messages véhiculés à travers des vidéoclips afro -américains et ivoiriens. Pour cela, nous avons consulté le site Internet de MCM (Ma C haîne de Musicale), qui donne les informations sur les chansons les plus écoutées et qui présente les artistes et les stars de musique. Aussi avons nous écouter et enregistrer deux vidéoclips (un de production américaine et un de production ivoirienne). Nous avons analyser ces deux vidéoclips selon la grille d'analyse de Yelle 21 et de Jost22. Les démarches Jost et Yelle sont principalement axées l'une sur le sens du texte et l'autre sur les formules techniques (la réalisation du scénario du clip). Les objectifs visés par le choix de cette technique de collecte est dans un premier temps de faciliter l'interprétation des résultats de l'enquête sur le terrain, c'est -à-dire, du 20 Bardin, Laurence (1977). L'analyse de contenu. Paris : Presses universitaires de France, coll. « Le psychologue », 233p. 21 Yelle, François (1993) Analyse comparative de vidéoclips québécois (mémoire de maîtrise). Université de Montréal. 22 Jost, François (1999). Introduction à l'analyse de la télévision. Paris : Ellipses. questionnaire, de l'entretien en groupe et l'entretien individuel ; et deuxièmement à faire un rapprochement de ces deux vidéoclips afin de relever les similitudes importantes et de dégager les différents thèmes abordés pour comprendre son influence sur les adolescents. 10- Articulation du travail Pour mener à bien notre travail, nous l'organisons autour de trois parties. La première partie est intitulée cadre théorique. Elle donne les définitions des différents concepts de notre sujet. Il y est aussi présenté la revue des écrits pertinents que nous avons recensé et qui traitent du problème identifié. La seconde partie, expose les stratégies d'investigations. Ici, sont déterminé s le champ d'investigation, la collecte et le plan d'analyse des données, sans oublier de mentionner les difficultés rencontrées. La troisième partie, quant à elle présente les résultats, donnent les interprétations et fait des recommandations. PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE |
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