Régimes de change et croissance économique: Une étude comparative entre Haà¯ti et la république dominicaine (1970-2004)( Télécharger le fichier original )par Richard Casimir Université de Quisquéya - Maitrise 2006 |
2.3 - Comparaison de la situation macroéconomique d'Haïti et de la République Dominicaine sous les régimes de change fixe et flottantCette section essaie de comparer la situation macroéconomique des deux pays sur lesquels porte notre étude. Le graphe 6 présente le taux de croissance de l'économie D'Haïti et de la République Dominicaine, tandis que Le tableau 3 présente les variables considérées comme les canaux de transmission de la croissance. Nous allons analyser leur évolution sous les régimes de change fixe et flexible. Figure 6 : Taux de croissance de l'économie D'Haïti et de la République Dominicaine Sources : Simulation effectuée par l'auteur à partir des données des statistiques financières internationales Les années 1990 ont vu se développer un écart grandissant entre les économies haïtienne et dominicaine autant en ce qui concerne les conditions de vie des populations que les modèles économiques mis en place. La République Dominicaine a en effet institué un dispositif doublement efficace de développement des secteurs d'exportation et de protection du secteur agricole, couplé à une politique agressive de promotion de l'activité touristique avec comme résultat des taux de croissance annuel situés en moyenne autour de 7%. Ceci a pu être obtenu grâce à une politique articulée d'investissements, de subventions et de recherche de marchés. Parallèlement, en Haïti, on assiste non seulement à une décomposition des institutions de l'État mais encore à une libéralisation tous azimuts de l'économie. Celle-ci s'est opérée sans aucune politique de soutien à la reconversion de l'économie et dans un climat défavorable à l'investissement productif. Les résultats concrets obtenus de l'application de ces deux modèles sont évidents : pour la période 1995-96 à 2000-2002, les taux de croissance de l'économie dominicaine ont été plus de 4 fois supérieurs à ceux de l'économie haïtienne. Outre cet aspect purement technique mettant en évidence la différence entre les deux modèles, il convient de signaler l'effet de facteurs extra économiques telle la crise haïtienne qui exacerbe l'écart, particulièrement en ce qui a trait aux points de retournement indiqués par les courbes des taux de croissance économique des deux pays. Les niveaux de revenus et les capacités d'investissement des ruraux ont connu une réduction significative. D'autre part, l'absence d'investissements publics dans les infrastructures et les services d'appui a conduit à une baisse notable de certaines productions (riz, banane, légumes, haricots, produits d'élevage...) qui ont été compensées par des importations croissantes en provenance des États-Unis et de la République Dominicaine. En fait, la consommation nationale en Haïti n'a pu se maintenir que grâce aux transferts des émigrés estimés à environ 675 millions de dollars en 2002 mettant ainsi en exergue la « logique de stagnation dépendante de l'économie haïtienne ». Les écarts croissants de productivité et les différentiels de tarifs douaniers ont conduit sur les dix dernières années à un accroissement rapide des échanges avec la République Dominicaine qui font actuellement d'Haïti le troisième partenaire commercial de ce pays et un des premiers débouchés de celui-ci pour les exportations haïtiennes de produits agricoles. En effet, selon les informations publiées par le CEDOPEX (2002), les exportations dominicaines vers Haïti sont passées de 72,4 millions de dollars américains en 2001 à un peu plus de 100 millions en 2002. Table 4 : Croissance du PIB réel, taux d'investissement, taux de croissance du commerce extérieur et taux de croissance des dépenses gouvernementales moyens selon le pays et le régime de change (1970 -2004)
Sources : Calculs effectués à partir des données de l'IHSI et du fonds monétaire international (Statistiques financières internationales) L'analyse des statistiques du tableau 4 montre que les deux économies ont évolué de façon similaire. En effet, nous constatons que sous le régime de change fixe, le produit intérieur brut a connu une croissance de 2.28% en moyenne contre une baisse de 1.08% sous le régime de change flottant, soit une baisse en terme réel de 147.37%. Alors que la République dominicaine qui a connu une croissance moyenne de 5,43% pendant le change fixe, est passée à 4.89% sous le régime de change flottant, soit une baisse moyenne de d'environ 10%. Bien que la République dominicaine ait eu une meilleure performance par rapport à Haïti, la tendance reste la même. Il importe de souligner que les résultats précédents sont réalisés malgré le fait que les deux pays aient consacré une part plus importante de leur PIB à l'investissement sous le régime de change flexible. Par exemple, pendant le régime de change fixe, Haïti a consacré en moyenne 15% de son produit intérieur brut à l'investissement et 24.5% au cours du change flottant, soit une augmentation de 63%. De même la part des investissements dans le PIB est passée de 20.63% à 21.54% en République dominicaine, soit une augmentation de 4.41%. Paradoxalement, l'augmentation de la part des investissements dans le PIB en Haïti est relativement plus élevée que celle de la République dominicaine. Alors que les exportations haïtiennes sont loin d'égaler celles de la République Dominicaine. D'un autre côté, le volume de commerce des deux pays a nettement augmenté. Il est multiplié par cinq (5) en Haïti au passage du régime de change fixe au change flexible, alors qu'il est plus que doublé en République dominicaine. Ceci s'explique par la politique de libéralisation des marchés locaux engagée par les deux Etats au cours de cette période. La théorie économique prône une relation positive entre l'ouverture économique et la croissance économique. Cependant, malgré l'augmentation du volume de commerce, nous constatons que l'augmentation significative de la croissance économique n'est pas au rendez-vous. L'explication possible à cela est que, l'augmentation du volume de commerce est issue de l'augmentation des importations plutôt que des exportations. Les tableaux 45 et 46 (en annexe) nous montrent un déficit systématique de la balance commerciale des deux pays sur toute la période. Cependant le changement de régime de change et l'ouverture des ces deux économies sur l'extérieur, ont permis de renforcer l'écart entre les importations et les exportations. L'on peut également constater une augmentation des dépenses gouvernementales sous le régime de change flexible dans les deux pays. En Haïti elles passent d'environ 13% à 20% et en République Dominicaine, de 13.74% sous le régime de change fixe, elles atteignent 26.70% en change flexible. Cet accroissement rapide des dépenses est souvent à la base des déséquilibres externes. Un important déficit budgétaire engendré par une chute de l'épargne publique non compensée par l'épargne privée, entraîne soit le déclin de l'investissement, soit l'augmentation du déficit extérieur (le déficit de la balance commerciale). Dans le cas qui nous préoccupe, il s'agit d'un déficit extérieur. Or, d'après la théorie des déséquilibres, un déficit extérieur a normalement pour corollaire un excès d'investissement domestique dépassant l'épargne domestique (Jarret M.F. (1991)). A titre d'exemple, le graphe 7 nous permet de mettre à l'évidence ce déséquilibre dans le cas d'Haïti. Figure 7 : Evolution de l'épargne nationale, des investissements internes et du compte des transactions courantes en Haïti (1970 -1995) Sources : Casimir (2002) Le graphe 7 présente l'évolution de l'épargne nationale34(*), celle des investissements internes et enfin l'évolution de la balance commerciale. Il montre la capacité de l'épargne nationale à financer les investissements intérieurs. Le constat est que les investissements dépassent l'épargne nationale. Ce déséquilibre interne correspond à un déficit chronique de la balance commerciale d'Haïti. Ceci sous-entend un excès d'investissement sur l'épargne nationale, donc une dette nette sur le reste du monde (Blanchard et Cohen, 2001). Compte tenu du faible niveau de l'épargne privée et de la quasi-inexistence de l'épargne publique, la différence entre les investissements engagés et l'épargne nationale se trouve automatiquement financée par le reste du monde. Cela a engendré de sérieux problèmes de balance des capitaux. Pour clore ce chapitre, nous admettons que pendant la période considérée, les deux économies ont fait montre d'une meilleure performance pendant le régime de change fixe. Cependant l'analyse des statistiques ne suffit pas à corroborer l'hypothèse que le régime de change influence la croissance économique en Haïti et en République Dominicaine. Nous ne pouvons non plus confirmer que le régime de change le régime de change fixe est plus profitable à la croissance pendant la période sous étude. Il importe donc, de tester ces hypothèses économétriquement. C'est justement l'objet du chapitre 4. Mais en attendant, nous analyserons à travers la section 2.4, la coopération et les é changes commerciaux entre Haïti et la République Dominicaine. * 34 L'épargne nationale est la somme de l'épargne publique et l'épargne privée. |
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