Introduction
Le contrat de commande dans les propriétés
intellectuelles a un caractère paradoxal ; en même temps que le
commandité s'y épanouit et s'y exprime à travers
l'exercice de l'activité créatrice qui est la sienne, il doit
obéir à l'ordre formulé par le commanditaire. La commande
est ainsi faite de liberté et de contraintes. Cette
ambiguïté profonde se retrouve à différentes
étapes du déroulement du contrat de commande. Si elle est parfois
neutralisée lorsque le législateur prend directement en compte
les intérêts du commandité et met à sa disposition
des prérogatives propres à les défendre, on peut la
retrouver lorsqu'il n'a pas expressément pourvu à la protection
du créateur, par le biais de telles prérogatives. Il faut alors
s'efforcer d'arbitrer entre les intérêts parfois divergents des
parties.
Qu'il doive consentir des aménagements à sa
liberté de création ou qu'il lui arrive de renoncer à
exercer la plénitude de son droit au respect, le créateur comme
commandité engagé dans les liens d'un contrat de commande donne
parfois l'image d'un personnage soumis à son cocontractant, bien
sûr, mais aussi aux impératifs économiques et commerciaux
auxquels ce dernier est lui-même assujetti. La reconnaissance, par
l'article L.121-2 du CPI, d'un droit de divulgation lui fournit l'occasion de
se voir restituer la maîtrise absolue de sa création, puisqu'il
lui est permis de refuser de livrer l'oeuvre qu'il avait promise au
commanditaire.
Cette faculté de résister à la demande de
livraison du commanditaire, tout à fait dérogatoire au droit
commun du contrat d'entreprise (l'origine du contrat de commande), mais aussi,
plus généralement, au droit commun des obligations, constitue,
sans conteste, l'une des prérogatives les plus énergiques du
droit moral. La généralité des termes de la loi permet,
d'ailleurs, de considérer que le pouvoir que confère le droit de
divulgation sur la communication de l'oeuvre s'étend à
l'exploitation de celle-ci aussi bien qu'à la cession de la
propriété du support matériel1.
A ces règles protectrices en matière de cession
de droits patrimoniaux, de nombreuses exceptions existent, soit qu'elles aient
été forgées par la jurisprudence, sous l'influence de la
pratique, soit que la loi elle-même ait consacré des
dérogations aux règles qu'elle avait posées.
1 S. DENOIX DE SAINT MARQUE : le contrat de commande en droit
d'auteur français, Litec, 1999.
Au contraire A.TOUBOULE : concernant le droit de divulgation,
elle distingue entre le support matériel, et le droit d'exploitation, en
délimitant le droit de divulgation à l'exploitation. Donc, le
commandité doit respecter les stipulations contractuelles relatives du
support matériel faute de quoi, il porte la responsabilité
contractuelle. L'application des règles de droit commun des obligations.
TOUBOUL Alexandra : le contrat de commande d'une oeuvre d'art en droit
privé, Cycle information, Droit§Culture. 2006. P. 4.
Au niveau de la propriété industrielle, ce qui
est souciant dans les actuelles discussions en feu autour de la
propriété industrielle n'est pas l'opposition très forte
des positions, la violence d'un débat étant plutôt
bienvenue dans un système gagné par le consensus, preuve heureuse
de la persistance de la capacité à défendre encore des
idées et des causes. Les une veulent le renforcement de la
réservation des créations à leurs auteurs comme naturelle
récompense et habile incitation à inventer encore, les autres
souhaitent la suppression de ces prérogatives scélérates
pour que le monde des idées et des remèdes, coeur de l'humain,
soit à tous. Un débat vif illustre une pensée vivante,
tenir ses positions avec conviction dans une discussion est signe que la
politique existe encore.
La nature juridique du contrat de commande.
La commande dans la propriété intellectuelle
consistant, généralement, en la réalisation d'un travail
de création moyennant rémunération, il importe de savoir
à quelle catégorie du droit des contrats rattacher
l'opération, de façon à en déterminer le
régime.
A - Contrat d'entreprise ou vente de choses
futures:
Le cas des contrats de commande emportant cession d'un objet
matériel
La question de la nature de la commande d'oeuvres
intellectuelles a été discutée. On peut hésiter
entre le contrat d'entreprise et la vente de choses futures. La qualification
de contrat d'entreprise à propos de la commande d'oeuvres de l'esprit
est aujourd'hui retenue de façon constante.
Quant aux critères d'identification du contrat de
commande, on retient l'existence d'un travail spécifique
réalisé pour les besoins d'un client. C'est donc la nature du
travail commandé et le destinataire qu'il faut considérer
ensemble. Si l'objet fabriqué est standardisé et distribué
à un public indéterminé, il s'agit d'une vente. Tout au
contraire, l'oeuvre commandée par une personne privée ou publique
satisfait au critère énoncé plus haut.
B - contrat d'entreprise et contrat de
travail
Le commandité sollicité dans le cadre d'une
commande crée, en principe, l'oeuvre en tant qu'entrepreneur.
Pourrait-il être salarié du commanditaire ? Seraient alors
applicables les règles protectrices du contrat de travail.
Le critère essentiel qui distingue les deux types de
contrats est dans la relation qui unit les cocontractants. Dans le contrat de
travail, le salarié accomplit sa tache sous l'autorité et la
direction de l'employeur. Il est dans un lien de subordination. Tout au
contraire, l'entrepreneur dispose d'une liberté d'action dans l'exercice
de son art. Certes, il est lié par un contrat et les obligations qui en
découlent s'imposent à lui, mais c'est à lui qu'appartient
le soin de gérer et d'organiser son activité. Il exécute
sa tache de façon indépendante.
D'une façon générale, l'acte
créateur nécessite une liberté d'action, une
indépendance, qui n'est pas toujours compatible avec le critère
de subordination.
C- Le contrat de commande : contrat administratif ou de
droit privé
Le caractère privé ou public du contrat emporte
des conséquences importantes sur le régime auquel il
obéit.
En dépit de l'existence d'un socle de règles
communes à l'ensemble des conventions, notamment en ce qui concerne la
formation du contrat, les contrats administratifs et les contrats privés
sont soumis à des règles distinctes. Encore doit-on pouvoir les
identifier.
Conclu entre deux personnes privées, le contrat de
commande est un contrat de droit privé. De façon
symétrique, si les cocontractants sont des personnes publiques, il
s'agit d'un contrat administratif.
A titre liminaire, il faut préciser en
premier lieu que la protection de la propriété
intellectuelle(PPI) a toujours eu pour objectif d'arbitrer, de manière
fine, entre deux objectifs contradictoires : d'un côté, la
création d'un environnement propice à l'innovation - où il
s'agit finalement de donner une rente « incitative » aux innovation-
et ( aspect créateur)de l'autre, la diffusion de cette innovation, soit
au consommateur final, soit à d'autres innovateurs afin d'encourager
l'innovation en aval (aspect économique).
Avec ces deux aspects contradictoires, le législateur
était invité à édicter des règles uniques
ayant l'habilité d'assurer la coexistence de ces aspects, sur le terrain
de l'arbitrage au droit commun, chaque fois le législateur ne trouve
aucune exigence d'intervenir.
Parce qu'il porte sur la création d'une oeuvre de
l'esprit, en l'occurrence une oeuvre d'art, le contrat de commande
présente un certain nombre de spécificités.
Première partie : la logique de la
création.
littéraire artistique. Bien sûr et comme
résultat du cumul du droit d'auteur et du droit de
propriété industrielle vis-à-vis de l'art appliqué
ou juridiquement le droit des dessins et modèles, le titulaire de ce
droit pourrait bénéficier de cette position protectrice tant que
les conditions de l'originalité sont remplies2.
Alors, nous allons étudier dans cette partie l'aspect
protecteur ; consacré au créateur, soit par le
législateur, soit par la jurisprudence, dés la formation du
contrat jusqu'à l'exécution, respectivement dans deux chapitres
:
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