C. L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Exceptionnellement, Députés et Sénateurs
peuvent siéger ensemble formant ainsi une seule Assemblée. Alors,
il convient de dire, suivant l'expression juridique consacrée, que le
Parlement se réunit en Assemblée Nationale42. Donc,
l'Assemblée Nationale n'est ni la Chambre des Députés ni
le Sénat. Il s'agit d'une formation spéciale du Parlement
dotée d'attributions propres.
L'Assemblée Nationale, l'organe non-permanent du
Parlement, se réunit essentiellement pour l'ouverture et la
clôture de chaque session. A l'ouverture de la session, elle
reçoit le bilan des activités du Gouvernement43. En
outre, elle est dotée de pouvoirs considérables.
> Sur le plan militaire, c'est le
Président de la République qui dispose de la compétence
constitutionnelle pour déclarer la guerre à une puissance
étrangère ennemie44. Toutefois, cette
déclaration de guerre ne peut intervenir qu'après l'approbation
de l'Assemblée Nationale. Cette dernière donne son approbation
par ratification de la décision du Chef de l'Etat de déclarer la
guerre45. De plus, l'Assemblée Nationale, a le pouvoir et
surtout le devoir de vérifier que toutes les tentatives de conciliation
ont échoué avant de pouvoir ratifier la décision du Chef
de l'Etat.
Le Président de la République ne peut signer ni
même négocier les traités de paix sans l'approbation de
l'Assemblée Nationale46.
En temps de crises exceptionnelles (guerre civile, invasion de
la part d'une force étrangère), il lui revient d'apprécier
et donc de statuer sur l'opportunité de l'état de siège
voulu, le cas échéant, par le Pouvoir Exécutif. Elle
décide conjointement avec ce dernier des garanties constitutionnelles
à suspendre pour éviter que les libertés individuelles
soient à la merci du Pouvoir Exécutif. De plus, c'est
l'Assemblée Nationale qui décide, le cas échéant,
en dernier ressort du renouvellement de l'état de siège
après sa caducité47.
42 Historiquement, l'Assemblée Nationale est
créée pour la 1ère fois par la Constitution de
1843. Voir Manigat 2000, op. cit., page 526.
43 Voir les articles 98-1 et 98-3 de la Constitution
de 1987.
44 Article 140 de la Constitution de 1987.
45 Article 98-3 de la Constitution de 1987.
46 Article 140 de la Constitution de 1987.
47 Voir les articles 98-3, 278 à 278-4 de la
Constitution de 1987.
> Sur le plan diplomatique, il revient
à l'Assemblée Nationale d'approuver ou de rejeter les conventions
et traités internationaux48. De ce fait, on comprend bien que
la compétence constitutionnelle pour obliger «
définitivement » et solennellement l'Etat49 sur la
scène internationale est dévolue à cette formation
spéciale du Parlement.
> En matière de révision de la
Constitution, le pouvoir constituant lui est formellement et
exclusivement reconnu. Certes, le Pouvoir Exécutif ou l'une ou l'autre
des deux Assemblées parlementaires peut proposer
l'amendement50, mais il revient exclusivement au Pouvoir
Législatif de déclarer qu'il y a lieu d'amender la Constitution.
De plus, c'est l'Assemblée Nationale qui statue définitivement et
souverainement sur l'amendement proposé51.
En effet, la Constitution de 1987, en son article 284-3,
interdit tout référendum constituant. En revanche, le Peuple
haïtien est appelé à se prononcer en cette matière
seulement en décidant de reconduire la majorité ayant
déclaré qu'il y a lieu d'amender la Constitution, ou encore de
conduire une nouvelle majorité au Parlement, pour manifester son accord
ou son désaccord.
> Par ailleurs, dans le cadre de la fonction
sélective de l'Assemblée Nationale, cette dernière
concourt à la formation du C.E.P. en choisissant trois (3) de ses neuf
(9) membres52.
> Enfin, c'est aussi l'Assemblée Nationale qui
reçoit le serment constitutionnel du Président de la
République élu. Cette affirmation solennelle faite devant
l'Assemblée Nationale consacre son entrée en fonction. C'est
à cet instant que le Président élu se trouve investi de sa
charge et des pouvoirs qui l'accompagnent. Donc, à compter de cette
prestation de serment, il cesse d'être un simple Président de la
République élu pour devenir un Président de la
République en exercice. C'est le cas de dire que les deux
Assemblées réunies en Assemblée Nationale constituent le
témoin privilégié de la prise en charge des fonctions
présidentielles du nouveau élu.
48 Article 98-3 de la Constitution de 1987.
49 « La ratification est l'acte par lequel
l'autorité étatique la plus haute, détenant la
compétence constitutionnelle de conclure des traités
internationaux, confirme le traité élaboré par ses
plénipotentiaires, consent à se qu'il devienne définitif
et obligatoire et s'engage solennellement au nom de l'Etat à
l'exécuter ». Voir Nguyen Quoc Dinh, Droit international
public, 7e édition, L.G.D.J., Paris, 2002, p.138.
50 Article 282 de la Constitution de 1987.
51 Voir les articles 98-3 et 283 de la Constitution de
1987.
52 Article 192 de la Constitution de 1987.
§ 2.- LE PARLEMENT ET SES FONCTIONS
GÉNÉRALES ET COMMUNES
Mises à part les fonctions spéciales de
l'Assemblée Nationale, les fonctions séparées du
Sénat et de la Chambre des Députés, le Parlement exerce
ordinairement trois (3) fonctions principales. Il s'agit de la fonction
législative (A), de la fonction de contrôle (B) et de la fonction
d'enquête (C).
Par conséquent, les trois (3) principales fonctions
susmentionnées sont communes aux deux Assemblées composant le
Parlement haïtien. Une certaine symétrie peut même être
observée entre le Sénat et la Chambre quant à l'exercice
desdites fonctions.
Nous allons brièvement exposer une à une les
trois (3) fonctions précitées pour essayer d'en saisir les
grandes lignes.
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