SECTION I.- DES PRÉROGATIVES DE
LÉGISLATION ILLIMITÉES DU PARLEMENT
Le champ d'action du Parlement, dans le cadre de l'exercice de
sa fonction législative, ne fait quasiment pas l'objet de limitations
tant au niveau du domaine législatif qu'au niveau de la procédure
législative. Du reste, il va sans dire que le domaine de la loi est
très étendu, voire sans limites (§ 1) sans que pour autant
la procédure législative soit l'objet de contrôle (§
2).
§ 1.- LE DOMAINE DE LA LOI EST
ILLIMITÉ
Le domaine de la loi ou domaine législatif est le domaine
sur lequel le Parlement peut légiférer, c'est-à-dire,
élaborer, discuter et voter des lois.
Dans la Constitution de 1987, le domaine de la loi est
très étendu, voire sans limites. Donc, les constituants de 1987
n'ont pas limité la portée des prérogatives de
législation des deux (2) Assemblées législatives.
La portée du domaine de la loi conduit à faire
deux (2) observations : D'une part, le caractère illimité du
domaine de la loi ne laisse place qu'à un pouvoir réglementaire
complètement encadré sinon subordonné (A). D'autre part,
le domaine de la loi est illimité à
un point tel qu'il est même permis subtilement au Parlement
d'étendre ses attributions par voie législative ordinaire (B).
A. LE DOMAINE DE LA LOI ET LE POUVOIR
RÉGLEMENTAIRE
Si le domaine de la loi est le domaine sur lequel le Parlement
peut légiférer ; en revanche, le pouvoir réglementaire est
le pouvoir d'édicter des règlements, c'est-à-dire des
actes de portée générale et impersonnelle
édictés par les autorités exécutives
compétentes167.
La Constitution française de 1958 a limité le
domaine de la loi à certaines matières ; l'article 34
énumère les matières où la loi peut intervenir.
D'où, la loi se voit cantonnée dans un domaine d'attribution.
L'article 37, de son côté, institue un pouvoir
réglementaire autonome. Par conséquent, la délimitation du
domaine de la loi crée une place qu'occupe un nouveau type d'acte, le
règlement autonome.
De ce point de vue, la Constitution de 1958 introduit un
moment de rupture. Certains auteurs n'hésitent même pas à
parler de « révolution juridique ». Avant 1958 en France, la
loi n'avait pas de bornes en ce sens qu'elle pouvait intervenir dans tous les
domaines. Le pouvoir réglementaire, quant à lui, n'avait qu'une
fonction d'exécution. Il n'existait pas de pouvoir réglementaire
autonome. Ainsi, un décret était toujours un décret
d'application d'une loi.
A partir de la Constitution de 1958, tracée dans ces
grandes lignes par le Général Charles de Gaulle avec la
principale contribution du juriste de grand talent, Michel Debré, le
Gouvernement dispose non seulement d'un pouvoir réglementaire
d'application de la loi, mais encore d'un pouvoir réglementaire autonome
dans toutes les matières qui ne sont pas attribuées à la
loi. Les règlements autonomes sont subordonnés à la
Constitution et aux traités, alors que les règlements
d'application doivent être directement subordonnés à la
loi.
On observera au passage que les constituants haïtiens de
1987 n'ont pas suivi l'exemple de la France relativement au cas
précité et dans bien d'autres cas, bien que l'on ait tendance
à répéter trop souvent que le droit haïtien est un
calque du droit français, comme pour faire référence
à un phénomène de mimétisme juridique.
Par voie de conséquence, il est à peine besoin
de souligner que le Parlement haïtien n'a pas à respecter, dans le
cadre de l'exercice de sa fonction législative, un domaine
167 GUILLIEN, VINCENT 2001, op. cit., pages 426, 475.
d'attribution qui serait fixé par la Constitution. Le
domaine de la loi n'a pas de bornes en ce sens que la loi peut intervenir dans
toutes les matières.
En revanche, le Premier Ministre, en Haïti, dispose du
pouvoir réglementaire selon les prescriptions de l'article 159 de la
Constitution de 1987. Toutefois, il s'agit d'un pouvoir réglementaire
d'application. Il doit se contenter d'édicter les mesures permettant
l'application effective des lois. Par conséquent, le Parlement vote les
lois et le Gouvernement prend des règlements d'application. Il n'y a pas
d'une part, le domaine de la loi et de l'autre, le domaine
réglementaire. Tous les règlements sont subordonnés
à la loi.
Qu'adviendrait-il dans l'hypothèse où le
Législateur s'abstient de légiférer ? Nous ne devons pas
perdre de vue que les constituants français de 1958 ont limité le
domaine de la loi pour mettre fin, entre autres, à une paralysie
parlementaire existant sous la IVe République. C'est le cas
de dire que le caractère illimité de la loi est vecteur de
paralysie parlementaire.
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