Les voies d'exécution OHADA et le droit à un procès équitable( Télécharger le fichier original )par Alain Brice FOTSO KOUAM Université de Dschang/ Cameroun - DEA 2009 |
SECTION II- LA PROBLEMATIQUE DU SYSTEME DES VOIES DE RECOURS EN VOIES D'EXECUTIONComme nous venons de le voir, le droit à un procès équitable se trouve préservé par le droit d'agir en justice reconnu à tout justiciable. Ce droit, une fois que l'affaire a été jugée une première fois, trouve son prolongement dans le droit à une voie de recours. Généralement, l'on définit une voie de recours comme un moyen mis a la disposition des plaideurs ou des tiers pour obtenir un réexamen de leur affaire. Et à propos de l'exécution forcée, la question se pose donc de savoir si le droit à un premier juge ouvre droit à un second. Cette question pose le problème plus général des voies de recours en voies d'exécution, OHADA s'entend en ce qui nous concerne. De manière traditionnelle, on distingue deux sortes de voies de recours à savoir les voies de recours ordinaires (§.1) et les voies de recours extraordinaires (§.2). §.1- LES VOIES DE RECOURS ORDINAIRESLes voies de recours ordinaires sont l'appel et l'opposition. Encore appelées voies de recours de droit commun, ce sont celles qui sont ouvertes à tous les plaideurs et ceci, sans égard à une précision textuelle. Pourtant, si le législateur africain, conscient de la nécessité d'assurer la sauvegarde d'une saine justice a admis avec certitude la possibilité d'appel comme voie de recours contre les décisions du juge de l'exécution (B), la question de l'exclusion ou non de l'opposition, parce qu'incertaine, reste source d'interrogation (A). A- L'INCERTAIN : L'EXCLUSION DE L'OPPOSITIONL'opposition est une voie de rétractation qui, lorsqu'un jugement a été rendu par défaut le défendeur n'ayant pas comparu, permet à ce défendeur de revenir devant la juridiction qui avait statué en lui demandant de reprendre l'affaire en fait et en droit après un débat contradictoire99(*). Plus simplement, c'est une voie de droit commun et de rétractation qui est ouverte au défaillant et par l'effet de laquelle l'affaire revient devant le tribunal qui a statué une première fois. Elle est consacrée par le Code de procédure civile commerciale, notamment en ses articles 66 et 72. Avant l'entrée en vigueur de l'OHADA, elle était admise dans le délai de quinzaine contre les ordonnances sur requête du magistrat ayant autorisé la saisie conservatoire. Mais depuis la nouvelle réforme par contre, la possibilité de se pourvoir par opposition contre les décisions du juge institué par l'Acte uniforme n'est pas réglée, du moins en ce qui concerne la matière mobilière100(*), parce qu'expressément interdite en matière immobilière par l'article 300101(*). C'est qu'en effet, l'article 49 qui traite de la procédure devant ce juge n'envisage que l'appel comme voie de recours ne soufflant mot de l'opposition. La question la plus délicate qui s'élève donc au sujet de cette voie de recours est de savoir si elle a été supprimée ? Face au silence du texte communautaire, la doctrine majoritaire tranche pour l'exclusion de cette voie de recours. Ainsi, les professeurs ANOUKAHA et TJOUEN estiment que « puisqu'il s'agit du juge des référés, la décision est une ordonnance qui n'est pas susceptible d'opposition »102(*). Sans aucun doute, ils se sont fondés sur le Code de procédure civile et commerciale qui interdit l'opposition comme de recours contre les ordonnances sur référé103(*). Cette conception, d'après un autre auteur, paraissait juste à partir du moment où elle était fondée sur le postulat selon lequel le juge des exécutions s'identifie au juge des référés. Aussi préfère-t-il justifier ce rejet de la possibilité d'opposition par le souci de célérité recherché par le législateur104(*). Abondant dans le même sens, MM. POUGOUE et TEPPI KOLLOKO pour leur part ont adopté un raisonnement différent inspiré aussi bien d'un avis que de la jurisprudence de la CCJA, notamment les arrêts n° 003/2002 et 13/2002 en date des 10 janvier et 18 avril 2002 respectivement, pour conclure à l'exclusion implicite, mais nécessaire de l'opposition contre les décisions rendues par le juge de l'exécution et plus spécialement celles tranchant les contestations de saisie- attribution. Après avoir constaté en effet que la Cour a eu à préciser qu'aux termes de l'article 336, l'Acte uniforme sur les voies d'exécution abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les Etats parties au traité de sorte que les règles de forme et de fond qu'il prescrit ont seule vocation à s'appliquer en la matière dans les Etats parties, ceux-ci relèvent que toutes les fois que l'Acte uniforme n'a rien prévu, la CCJA a toujours conclu à l'interdiction105(*). Et selon ces auteurs toujours, la même solution devrait d'ailleurs prévaloir pour les arrêts rendus par défaut par la Cour d'Appel106(*). Un autre argument qui pourrait expliquer l'annulation de l'opposition, nous le pensons, peut être tiré de la nature de la décision rendue par le juge de l'exécution quand celui-ci est spécialement saisi par voie de requête. Comme précédemment relevé, le juge de l'exécution peut ordonner des mesures en qualité de juge des requêtes. A ce titre, les décisions qu'il rend sont des ordonnances sur requête qui, et c'est là une innovation du droit uniforme, sont passées de procédures non contradictoires à procédures contradictoires. Ce qui se vérifie à travers les nombreuses dispositions où il est dit que ce juge saisi par voie de requête, les parties sont dûment entendues ou appelées107(*). Ainsi, l'ordonnance rendue sera contradictoire si d'aventure les deux parties ont été entendues. Lorsque par contre une partie dûment appelée ne comparaît pas, la décision à intervenir sera réputée contradictoire à son égard. Or, la seule voie de recours contre les jugements contradictoires ou réputés tels est l'appel, toute possibilité d'opposition étant par conséquent exclue. Cette opinion est du reste consolidée par l'article 181 qui exclut formellement en matière de saisie des rémunérations l'opposition contre la décision de la juridiction compétente par laquelle elle procède aux vérifications telles que prévues à l'article 182 à défaut de retour de l'avis de réception de la convocation et si le débiteur régulièrement convoqué ne comparaît pas, lors de la tentative de conciliation. Parallèlement, nous pensons qu'il serait quelque peu hâtif de conclure, comme l'ont fait tous ces auteurs, à l'exclusion de l'opposition et ce, pour au moins une raison. L'opposition, à l'instar de l'appel, est une voie de recours de droit commun. En tant que telle, elle est toujours en principe ouverte à tous les plaideurs sans qu'il soit nécessaire qu'un texte exprès les leur accorde. A l'opposé, il faut une disposition contraire l'interdisant expressément pour que cette voie de recours soit écartée. Or, à son sujet comme sus évoqué, l'Acte uniforme en son article 49 est muet. Dès lors, l'on peut valablement conjecturer que le législateur n'a pas entendu la supprimer. Autrement, s'il avait voulu le faire, il aurait pu procéder expressément comme il l'a fait aux articles 181 et 300 qui eux excluent explicitement l'opposition en matière de saisie des rémunérations et de saisie immobilière respectivement. Par conséquent, on ne saurait donc raisonnablement conclure à son exclusion du fait du silence des termes de l'article 49. Pourtant, et pour pertinent que puisse être ce raisonnement et en attendant que la CCJA, gardienne de l'interprétation et de l'application communes du droit communautaire, soit saisie de la question, l'on peut considérer d'ores et déjà comme fermée la voie de l'opposition contre les ordonnances du juge de l'exécution. Reste par contre ouverte et de façon certaine la voie de l'appel. * 99 VINCENT (J), GUINCHARD (S), MONTAGNIER (G), VARINARD (M), Institutions judiciaires. Organisation - Juridictions - Gens de justice, 6e éd., Précis Dalloz, 2001, n°87-5, p.158. * 100 Sauf en matière de saisie des rémunérations où l'opposition est formellement exclue à l'article 181 de l'Acte uniforme contre la décision de la juridiction compétente lors de la tentative de conciliation. * 101 Cet article prévoit que « les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d'opposition. (...). Les décisions de la juridiction d'appel ne sont pas susceptibles d'opposition ». * 102 ANOUKAHA (F), TJOUEN (A.-D), op. cit., n°67, p.26. * 103 Cf. art.185 al. 2. * 104 TCHANTCHOU (H), Le contentieux de l'exécution et des saisies..., op. cit., V. également NDZUENKEU (A), L'OHADA et la réforme des procédures civiles d'exécution en droit africain : l'exemple du Cameroun, Juridis Périodique n°50-2002, www.ohada.com/ohadata D-06-36. * 105 POUGOUE (P.-G), TEPPI KOLLOKO (F), La saisie-attribution des créances OHADA, op. cit., p. 82. * 106 Ibid. * 107 Cf. notamment les articles 62, 103 al.2, 113, 179, 233 de l'Acte uniforme. |
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