Les voies d'exécution OHADA et le droit à un procès équitable( Télécharger le fichier original )par Alain Brice FOTSO KOUAM Université de Dschang/ Cameroun - DEA 2009 |
B- LE JUGE DE L'ARTICLE 49, UN JUGE AUTONOMESans lui denier le statut de juridiction présidentielle c'est-à-dire un tribunal spécial dont les compétences sont exercées par un seul magistrat, la seconde des thèses soutient que le juge institué à l'article 49 est un juge spécial distinct du juge des référés : le juge de l'exécution. Ainsi, selon ses défenseurs, l'article 49 investit le PTPI des fonctions de juge de l'exécution ; la célérité de la procédure, l'exclusion de l'opposition comme voie de recours et le délai d'appel identique prévus tant par ce texte que par les articles 182 et suivants du CPCC ne sont que des coïncidences trompeuses qui ne devraient pas conduire à la confusion entre la juridiction des référés et la nouvelle juridiction de l'exécution64(*). Plusieurs séries d'arguments sont invoquées par les partisans65(*) de cette thèse, soutenus par la jurisprudence de plus en plus croissante66(*), pour remettre en cause l'assimilation du juge des référés comme juge en charge de l'exécution. Ceux-ci mettent en lumière les nombreuses différences qui existent entre ce juge de l'OHADA et le juge des référés. D'abord, il a été objecté par une certaine doctrine, pour réfuter l'argument sus- évoqué selon lequel la juridiction des urgences visée par l'article 49 de l'AUVE correspondrait dans notre système judiciaire à la juridiction des référés dont compétence est attribuée au PTPI, que le juge des référés n'est pas en droit positif camerounais l'unique juge de l'urgence, mais un juge de l'urgence. Celui-ci peut du reste d'ailleurs statuer en dehors de toute urgence67(*). Selon son défenseur68(*) en effet, il en existerait d'autres qui en pareilles circonstances peuvent vider le fond de leur saisine avec plus ou moins de célérité. Il s'agit du tribunal coutumier, du tribunal de premier degré, du tribunal de première instance et du tribunal de grande instance. Ce qui est d'autant plus vrai que l'article 298 in fine fait obligation au tribunal compétent en matière d'incidents de saisie immobilière de juger les affaires d'urgence. Or, il a été précédemment relevé que le tribunal compétent en matière de litiges relatifs à une saisie immobilière est le TGI. L'on a spéculé ensuite l'étendue des pouvoirs spécifiques reconnus au juge de l'exécution qui excèdent de loin ceux du juge des référés ordinaire. Ce qui se vérifie aisément. En effet, l'article 49 confie au président du tribunal ou au juge délégué par lui la plénitude de compétence pour statuer sur toute demande ou tout litige relatif à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire. Il s'agirait selon toute vraisemblance d'une compétence de principe à large spectre69(*). A ce titre, il connaît des demandes pouvant être ordonnées par décisions non contradictoires relevant normalement du président du tribunal de première instance statuant comme juge des ordonnances sur requête70(*) et celles dont la solution oblige à juger contradictoirement par voie de référé71(*) ou sur le fond72(*). Ainsi, le juge en charge de l'exécution est dans son domaine de compétence à la fois juge du provisoire et du principal. A ce propos, MM. POUGOUE et TEPPI KOLLOKO font justement observer que le législateur OHADA « n'a pas mis un terme aux règles gouvernant la compétence de la juridiction des référés pris dans son sens classique. Il n'a pas non plus accru les pouvoirs du juge des référés dans le domaine ressortissant de sa compétence traditionnelle. Au contraire, il a attribué à la juridiction des référés de nouvelles fonctions en faisant d'elle le juge compétent pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire. Là, il reste le juge du provisoire et de l'apparence. Ici, il est un véritable juge du fond »73(*). A l'inverse, le juge des référés, juge de l'apparence, juge de l'évidence, dans son acception classique, bien qu'étant juge de l'urgence, n'est que juge du provisoire, dont les décisions ne doivent en aucun cas faire préjudice au principal. Il y aurait donc là une incompatibilité entre les règles gouvernant la juridiction des référés avec celles du juge indiqué à l'article 4974(*). Dès lors, soutenir que l'article 49 renvoie au juge des référés plutôt qu'à un juge spécial conduirait à une absurdité en ce sens qu'il faudrait admettre que la juridiction des référés, par essence contentieuse, rende des ordonnances gracieuses75(*). Enfin, il a été argué la procédure ayant cours devant le juge établi par l'OHADA. Celle-ci est visée aux alinéas 2 et 3 de l'article 49. Il en résulte que sa décision (juridiction compétente) est susceptible d'appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé. Le délai d'appel comme l'exercice de cette voie de recours n'ont pas un caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du président de la juridiction compétente. Il s'en suit que les décisions du juge de l'exécution sont empreintes d'une exécution provisoire assez originale76(*) dans la mesure où le même juge peut décider d'empêcher la décision de sortir son plein effet par simple motivation spéciale. Ce qui n'est pas le cas de l'ordonnance des référés qui ne peut faire l'objet d'un sursis à l'exécution prononcé par le juge qui en est l'auteur. Ainsi, pour l'ensemble de ces raisons, le juge visé à l'article 49 de l'AUVE ne peut être le juge des référés, mais un juge spécial : le juge de l'exécution qui serait en effet le président du tribunal de première instance se présentant à la fois comme juge des requêtes, juge des référés et juge des incidents d'exécution forcée et des saisies conservatoires. De ce point de vue, il s'agirait donc d'une« super juridiction présidentielle »77(*), une espèce de trinité présidentielle78(*), une sorte de juge de l'exécution à la française79(*). Tout comme la précédente, cette thèse n'a pas résisté à la critique qui voit plutôt dans la juridiction instituée à l'article 49 une juridiction hybride. * 64 SOH (M), Les saisies des avoirs bancaires, Mémoire Auditeur de justice, ENAM, Juillet 1999, cité par NDZUENKEU (A), Les nouvelles règles de compétence juridictionnelle en matières de saisies mobilières : regards sur l'article 49 de l'AUPSRVE, Annales de la Facultés des Sciences juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, Tome 6, Numéro spécial OHADA-CIMA, 2002, n°23, p.55. * 65TCHANTCHOU (H), Le contentieux de l'exécution et des saisies dans le nouveau droit OHADA (article 49 AUPSRVE), Juridis Périodique n°46-2000, www.ohada.com, ohadata D-03-17 ; SOH (M), Les saisies des avoirs bancaires, Mémoire Auditeur de justice, ENAM, Juillet 1999, cité par NDZUENKEU (A), Les nouvelles règles de compétence juridictionnelle en matières de saisies mobilières : regards sur l'article 49 de l'AUPSRVE, Annales de la Facultés des Sciences juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, Tome 6, Numéro spécial OHADA-CIMA, 2002, pp.45 et s. ; MINOU (S), La juridiction prévue à l'article 49 de l'Acte uniforme OHADA n°6 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution est-elle le juge des référés au Cameroun ?, Juridis Périodique n°62-2005, pp.97 et s. ; ADJAKA (M), L'identification de la juridiction compétente prévue à l'article 49 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution (AUPSRVE), www.ohada.com/ohadata D-08-47 . * 66 TPI Douala, ord. n°1082 du 11 juin 1999 ; ord. n°698/C du 16 mars 2000 ; Cour d'appel d'Abidjan, arrêt du 5 septembre 2003, affaire Etat de Côte d'Ivoire c/ Bamba Amadou et autres cités par ADJAKA (M), op. cit., p.11. * 67 C'est le cas notamment lorsque celui-ci statue sur des difficultés d'exécution d'un titre exécutoire. * 68 TCHANTCHOU (H), Le contentieux de l'exécution..., op. cit. * 69 MINOU (S), op. cit., p. 102. * 70 Requête aux fins de saisies conservatoires par exemple. * 71 Il en est ainsi des demandes de mainlevée des articles 62, 63 par exemple, de désignation d'un séquestre (article 103). * 72 Action en distraction, action en revendication des biens saisis. * 73 POUGOUE (P.-G), TEPPI KOLLOKO (F), La saisie attribution des créances OHADA, op. cit., p.74. Dans le même sens, MODI KOKO BEBEY (H.-D), op.cit. Contra, M. ADJAKA pense que le juge des référés classique ne retrouve pas à travers l'article 49 de l'Acte uniforme de nouvelles attributions d'autant que le législateur communautaire n'a pas pour mission d'élaborer des règles d'organisation judiciaire. ADJAKA (M), op. cit. * 74 NDZUENKEU (A), Les nouvelles règles de compétence juridictionnelle en matière de saisies mobilières..., op. cit., p.57. * 75 Ibid. * 76 TCHANTCHOU (H), op. cit., * 77 TCHANTCHOU (H), op. cit., * 78 NDZUENKEU (A), op. cit., * 79 ADJAKA (M), op. cit. |
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