REPUBLIQUE DU SENEGAL
UNIVERSITE Cheikh Anta DIOP de Dakar
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUE ET
POLITIQUE
··················
MASTER DROIT DE L'INTERGRATION ET DE
L'OMC
THEME :
La Consécration d'une véritable notion
juridique de Régulation au sein de
L'espace UEMOA et de l'UE
Sous la direction :
Présenté
par :
Pr. Alioune SALL
Me Djibril WELLE
Agrégé des Universités
Etudiant en
DEA
Année académique
2007-2008
SIGLES ET ABREVIATIONS
A.N.R : Autorités Nationales de Régulation
A.R.T.P : Agence de Régulation des
Télécommunications et des Postes
A.R.C.E.P : Autorité de Régulation des
Communications Electroniques et des Postes
A.R.T.E.L : Autorité Nationale de
Régulation des Télécommunications
B.A.M.R.E.L : Bureau Africain et Mauricien de Recherches
et d'Etudes Législatives
C.E.D.E.A.O : Communauté Economique des
États de l'Afrique de l'Ouest
C.E.E :
Communauté
Economique Européenne
C.J.C.E : Cour de Justice de la Communauté
Européenne
Commission : Commission de l'U.E.M.O.A
C.M : Conseil des Ministres
D.R.M : Digital Rights Management
F.T.C: Federal Trade Commission
I.C.C : Interstate Commerce Commission
S.C.T : Société des Cimenteries du Togo
S.V.A.T.S : Syndicat des Agences de Voyages et de
Tourisme du Sénégal
U.E : Union Européenne
U.E.M.O.A : Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine
O.C.A.M : Organisation Commune Africaine et Malgache
O.C.D.E : Organisation de Coopération et de
Développement Economiques
O.H.A.D.A : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique
du Droit des Affaires
O.M.C : Organisation Mondiale du Commerce
WACEM : West African Ciment
SOMMAIRE :
Introduction................................................................................................(3)
Première Partie : Tentative d'une
définition de la notion juridique de
Régulation.............(10)
Chapitre Premier: Définitions du
concept de régulation........................................ ..(10)
Section Première: Un concept ambigu au
contenu précis. ..........................................(10)
Paragraphe Premier: L'acceptation de
plusieurs acceptions. ..................................... (10)
Paragraphe Deuxième :
L'intangibilité du
contenu..................................................(13)
Section Deuxième : L'examen des
différentes modalités institutionnelles de la
Régulation ..(14)
Paragraphe Premier : La
régulation par l'intervention de l'Autorité
publique..................(14)
Paragraphe Deuxième : La
régulation par absence
d'intervention.................................(16)
Chapitre Deuxième : La mise en
oeuvre de la Régulation dans l'espace UEMOA...............(17)
Section Première :
L'encadrement de la concurrence des entreprises par la
régulation........(17)
Paragraphe Premier : L'interdiction de
principe des ententes....................................(18)
Paragraphe Deuxième : L'exclusion
des abus de position dominante...........................(19)
Section Deuxième : La prohibition
des interventions étatiques....................................(20)
Paragraphe Premier : La limitation des
aides publiques...........................................(21)
Paragraphe Deuxième :
L'obligation de libéralisation et de transparence par rapport aux
monopoles et entreprises
publiques.....................................................................(22)
Deuxième Partie : L'impact de la
consécration d'une véritable notion juridique de
Régulation dans l'activité
économique UEMOA...................................................................(24)
Chapitre Premier : Le souci d'une double
protection..............................................(24)
Section Première : La mise en
place d'un marché
protégé.........................................(25)
Paragraphe Premier : La primauté
du principe d'intégration sur la recherche de l'efficience
économique................................................................................................(25)
Paragraphe Deuxième : Un cadre
propice à l'épanouissement des entreprises opérant dans le
marché
communautaire...................................................................................(26)
Section Deuxième : L'inexistence
d'une réglementation spécifique à la protection du
consommateur dans l'espace
UEMOA.................................................................(28)
Paragraphe Premier : Des
règlements
anticoncurrentiels..........................................(28)
Paragraphe Deuxième : Des
directives multiples....................................................
(30)
Chapitre Deuxième : Un
souci de consolidation d'une bonne concurrence communautaire...(31)
Section Première : Les
avancées du juge
européen..................................................(31)
Paragraphe Premier : La
considérable réduction du principe de la personnalité des
peines...(32)
Paragraphe Deuxième :
L'institution d'un régime spécifique de sanctions
pécuniaires dans la régulation
communautaire................................................................................(33)
Section Deuxième :
L'hésitation du juge de la communauté ouest
africain.......................(34)
Paragraphe Premier : Une certaine
méconnaissance de l'étendue de ses pouvoirs............(35)
Paragraphe Deuxième : Une
déclaration d'incompétence dommageable pour le respect des
règles de concurrence régissant
l'Union..................................................................................(37)
Conclusion................................................................................................(39)
INTRODUCTION GENERALE:
D'un magistrat ignorant, c'est la robe qu'on
salue !
Jean de la
FONTAINE : « Fables, l'Ane portant des
reliques ».
La recomposition de l'environnement juridique
mondial sous les auspices des lois du marché, suscite des enjeux
importants relativement à la croissance économique des nations.
Elle impulse une nouvelle dynamique de construction des paysages normatifs, qui
semble s'orienter aujourd'hui vers une gestion communautaire des
intérêts nationaux1(*). En Europe, l'intégration régionale,
élevée au rang de palier fondamental entre l'ordre juridique
interne et communautaire, prend ancrage dans une rationalisation de
système juridique à l'instar de l'U.E. En Afrique, avec la
mondialisation et la libéralisation, la nécessité de
l'intégration et de l'harmonisation des systèmes normatifs s'est
imposée progressivement. Aussi, la mise en place de la C.E.D.E.A.O, de
l'U.E.M.O.A et de l'O.H.A.D.A2(*), dans l'espace communautaire ouest africain, a pour
objectifs majeurs, de renforcer la compétitivité des Economies
des pays concernés, de coordonner entre autres leurs politiques
sectorielles nationales par la mise en place d'action commune et
éventuellement de politique dans les principaux domaines
d'activités commerciales.
Avec l'ouverture progressive à la
concurrence, les missions assignées aux organismes d'intégration
régionale, ne peuvent s'accomplir valablement sans la mise en place de
normes régulatrices de branches économiques
particulières3(*),
dont le point commun est d'être des secteurs qui n'ont pas en
l'état, la capacité intrinsèque de produire leur propre
équilibre. Ces secteurs doivent alors être régulés,
parce qu'ils souffrent de faiblesses. C'est le rôle de la
régulation économique, qui s'exerce sur les bases du droit de la
concurrence.
En effet, la régulation est un concept
qui est intrinsèquement lié à la notion de concurrence. A
ce propos, le droit communautaire de la concurrence peut être
définie comme l'ensemble des règles juridiques
édictées par les organisations d'intégration
régionale pour régir les rapports et la compétition
économique entre les professionnels que sont par exemple les entreprises
ou les commerçants qui se disputent une clientèle4(*).
Dans cette optique, on peut d'emblée
noter que, réfléchir en Afrique de l'Ouest sur le droit
communautaire de la régulation, revient pour l'essentiel à se
pencher sur le droit de la concurrence de l'U.E.M.O.A. Car, c'est cette
organisation d'intégration qui, non seulement apparaît comme la
plus effective dans l'espace géographique visé, mais surtout
comme celle qui a, jusque-là, édicté en ce domaine des
règles significatives à même de constituer un
véritable droit de la concurrence5(*). A cet effet, on peut souligner que c'est à
partir des années 1990 que l'on notera l'émergence d'un
véritable droit autonome de la concurrence au sein de l'espace
U.E.M.O.A, non seulement dans les différents pays membres pris
individuellement, mais plus particulièrement au niveau
communautaire6(*).
Dans l'espace européen par contre le
processus de création d'une régulation effective est
amorcé depuis l'arrêt « Continental
Can »7(*) de
la Cour de Justice de la Communauté Européenne (C.J.C.E) du 21
Février 1973. Concernant cette Union8(*), on dira que c'est une organisation
intergouvernementale et supranationale composée de vingt sept (27)
États née le 0
7
Février
1992, lors de la signature du
Traité
sur l'Union européenne à
Maastricht par les douze
(12) Etats membres de la
Communauté
économique européenne (C.E.E).
Cependant, pour un propos plus limpide, on
relèvera que c'est à partir de la fin des années 1960 que
le paradigme des relations entre l'État et le marché, entre la
sphère de l'intervention publique et celle de l'initiative
privée, a été profondément remis en cause aux
États-Unis. Depuis l'immédiate après guerre en effet,
l'État, dans les pays occidentaux, avait été amené
à intervenir à la fois massivement et directement dans le
fonctionnement de l'économie. Il s'agissait de faire face aux nouvelles
exigences sociales, engendrées par la seconde guerre mondiale et
à une entreprise de reconstruction massive entreprise par les
États. Cette intervention répondait également aux
prescriptions de théories centrées sur les équilibres
macro-économiques, nées dans les années 1930 et
inspirées du Keynésianisme.
De ce fait, on peut retenir que face aux
changements de rapports dans l'économie, le droit de la concurrence et
plus particulièrement de la Régulation, aura une place de choix
dans l'action de l'État. Elle retiendra notre attention, en raison
notamment de la place capitale qu'elle occupe dans le schéma
d'intégration mis en chantier par les institutions communautaires, et du
grand intérêt qu'elle revêt en cette époque
d'ouverture où la survie des acteurs économiques dépend en
grande partie de leur capacité à résister à la
concurrence9(*).
Sous cette récente évolution, on
désignera par le terme de
« Régulation », en donnant alors à
ce terme éminemment polysémique son acception anglo-saxonne et
micro-économique, par l'ensemble des techniques qui permettent
d'instaurer et de maintenir un équilibre économique optimum qui
serait requis par un marché qui n'est pas capable, en lui-même,
de le produire. En outre, poser la consécration d'une véritable
notion juridique de Régulation par le juge communautaire, revient
à analyser sa reconnaissance, son sacrement par celui-ci. Du coup, c'est
voir l'impact de son approbation dans l'équilibre économique
visé par le droit de la concurrence.
L'équilibre économique optimal
étant classiquement réalisé par la situation de
concurrence pure et parfaite. Cet équilibre se trouve, selon la
théorie classique dans l'état de concurrence10(*). Dans cette optique, la
régulation a pour but d'instaurer et de préserver cette
concurrence. Il s'agit alors de favoriser l'entrée sur le marché
communautaire de nouveaux compétiteurs, de lutter contre les distorsions
de la concurrence, notamment les abus de position dominante, voire de limiter
les situations de monopole. A cet égard, la régulation constitue
un nouveau mode d'intervention de la puissance publique dans les secteurs
où l'Etat entreprend la construction du marché et doit garantir
la fourniture du service11(*). Avec l'accélération des innovations et
l'ouverture généralisée12(*) des marchés, cette mission de l'Etat se pose
encore avec plus d'acuité. De fait, face à l'existence ou
à la menace permanente des pratiques portant atteinte à la
concurrence, il s'avère aujourd'hui plus que nécessaire
d'élaborer et de mettre en oeuvre un corps de règles les
réprimant, un ensemble de règles régulant ou disciplinant
la concurrence, ou, en d'autres termes, un droit de la Régulation. Parce
que, tout le monde est aujourd'hui convaincu que, pour soutenir la croissance,
l'Economie d'un pays doit s'appuyer sur un système juridique solide et
une régulation efficace. Mais, on notera aussi que l'exercice libre et
confiant des activités économiques, indispensable au bon
fonctionnement d'une économie, exige des dispositifs de
régulation solides, qui renforcent le dynamisme du marché, en
favorisant une concurrence saine et loyale dans un secteur
déterminé. En effet, si le régulateur est tout entier
guidé par la construction d'équilibres à la fois
intrinsèques et artificiellement créés du secteur, le
système doit protéger celui qui a le moins les moyens d'y jouer
son jeu13(*). Car, une
régulation équitable et indépendante, assure
assurément aux différents opérateurs présents sur
le marché, sécurité et confiance. Cette dernière,
constitue une donnée sans laquelle l'activité économique
ne peut valablement s'exercer. C'est pour cela que le G8 a élevé
la Régulation au rang des ses valeurs et principes communs lors du
sommet d'Evian.14(*)
Récent en Europe, et plus
précisément dans l'espace U.E.M.O.A, ce concept multivoque, voire
ambiguë, nécessite que les contours de sa et/ou ses
définitions soient clairement posés. Bien qu'il n'y ait pas de
définition figée de la Régulation, le dictionnaire
«Le Larousse » en présente une, assez
fiable que nous reprendrons à notre compte. Pour ce dictionnaire en
effet, la Régulation est
« l'ensemble des mécanismes permettant le
maintien de la constance d'une fonction ». La régulation
peut alors immédiatement prendre une connotation négative, en
signifiant : contrôle, immobilisme, conservatisme15(*). Mais, sa signification va
au-delà de ce premier aperçu. Très usitée dans les
sciences exactes (sciences physiques, biologie, mécanique...), le
concept de régulation, a aujourd'hui pénétré les
sciences sociales. Pour la plupart des auteurs, la régulation n'a pas de
portée juridique particulière, c'est une notion descriptive qui
renvoie à l'utilisation des procédés de police en
matière économique16(*). Pour Marie-Anne Frison-Roche, il s'agit d'une
nouvelle branche du droit, exprimant un nouveau rapport entre le droit et
l'économie « regroupant l'ensemble des règles
affectées à la régulation de secteurs qui ne peuvent
engendrer leurs équilibres par eux-mêmes », dans un
cadre concurrentiel17(*).
Selon Richard Descoings18(*), au contraire, si l'on prend
la notion de régulation au sens large, on dira qu'il s'agit de fournir
des règles pour organiser des comportements, pour ordonner des espaces,
pour faire coexister les intérêts légitimes de personnes
concernées dans tel ou tel secteur, à telle ou telle
échelle. Cette régulation au sens large renvoie à la
question du gouvernement des nouveaux espaces, que la seule puissance des
États isolés, ne suffit plus (plus totalement en tout cas)
à saisir. La régulation est de ce fait, le procédé
qui permet d'assurer l'équilibre dans le fonctionnement d'un
système. Le procédé induit inévitablement
l'implication d'une sorte d'arbitre qui ne peut être l'Etat ou ses
démembrements. Ainsi, le droit communautaire de la régulation,
tel que la présente étude se propose de le faire, implique avant
toute chose que les règles du jeu s'imposant aux acteurs du
marché ne soient pas figées et qu'une autorité
administrative indépendante prend au cas par cas les décisions
nécessaires. Dans cette acception, la régulation est même
aujourd'hui érigée en réalité incontournable du
débat politique, en concept phare de l'économie publique et en
attribut indispensable de toute science administrative un peu moderne19(*).
De surcroît, dans le cadre d'un processus
d'intégration régionale, ce Droit, en interdisant certaines
pratiques comme les ententes et les abus de position dominante, empêche
que des opérateurs économiques se constituent en barrières
à la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des
personnes. De la sorte, le droit communautaire de la Régulation
contribuera à l'unification du marché commun.
Dans la progression de cette logique, on
soulignera que la mise en place des organismes régionaux serait un vain
mot, si le juge ne garantissait pas l'application effective des normes
instituées. Et comme pour l'ensemble des autres branches juridiques, les
décisions des tribunaux occupent une place importante dans la formation
du droit économique. Ce qui ne constitue pas d'ailleurs une
« révolution culturelle»20(*), si l'on sait que
cette posture de contrôle est même l'essence de l'existence du
juge. Aussi, celui-ci est naturellement amené à produire des
décisions de justice qui auront inévitablement un impact plus ou
moins important dans l'ordonnancement juridique. Cependant, pour une certaine
frange de la doctrine, la jurisprudence ne saurait avoir le dernier mot. Selon
elle21(*), le
législateur, soucieux de défendre certains intérêts,
notamment socioprofessionnels, n'hésite pas à condamner sans
scrupules certaines avancées du juge. Ce souci de contrôle de
l'action du juge n'enlève en rien la teneur de son message22(*) ainsi que sa force dans
l'encadrement et l'efficacité de la régulation économique.
Ceci, est d'autant plus actuel que dans le contexte des grands regroupements
régionaux, les tentations de transgresser les règles
posées et les dispositifs de régulation mises en place ne
manquent pas.23(*)
Ainsi donc, le juge est naturellement
amené à sanctionner avec la pleine mesure qui sied, les
écarts, abus et transgressions notés dans l'exercice
« d'échanges » que l'on se veut justes et
équitables. C'est à cet effet, qu'il convient d'analyser le sujet
autour de la problématique suivante : quelle est l'impact de la
consécration d'une véritable notion juridique de
régulation dans l'activité économique, notamment au sein
de l'U.E et l'U.E.M.O.A? Autrement, on essayera d'analyser l'irradiation
de cette consécration au sein de l'U.E et les effets de son absence dans
l'U.E.M.O.A.
Au vu de ce constat, on retiendra que dans sa
conception pleine et entière, le droit communautaire de la
Régulation de l'U.E.M.O.A est encore au stade de balbutiement. A cet
effet, il gagnerait à s'inspirer de l'Union européenne qui est
une construction d'un nouveau type, sans précédent historique,
dans la perfection de l'élaboration des règles et la
« maturité » des institutions. Celle-ci est
une structure supranationale hybride empreinte à la fois de
fédéralisme
et d'inter gouvernementalisme.
Et pour mettre en place les conditions d'une
bonne activité économique, épurée de toute de
distorsion, les règles justes et des institutions performantes ne
suffissent assurément pas. En ce sens, l'institution de juridictions
indépendantes et autonomes, suppléées par des
autorités administratives indépendantes, vigilantes, peut
être un gage de confiance à la veille à l'application
stricte des dispositions prises.
C'est dans ce sens, qu'il nous semble
intéressant, de poser la régulation dans toutes ses acceptions
d'abord (Premier partie), afin de relever en quoi sa consécration,
influe-t-il sur le fonctionnement d'une concurrence juste et libre dans un
espace donné (Deuxième partie).
Première Partie : Tentative d'une
définition de la notion juridique de Régulation.
La construction du droit de la régulation se
pose progressivement et en grande partie sur les bases des organisations
économiques tournées vers les monopoles d'Etats. Au demeurant, il
faut souligner qu'un consensus sur le concept de régulation ne s'est pas
encore dégagé, en raison notamment de son caractère
multivoque et polysémique. Aussi, plusieurs définitions de la
régulation demeurent recevables24(*) (Chapitre Premier). Ce qui n'entame en rien
l'efficacité de sa mise en oeuvre (Chapitre Deuxième).
Chapitre Premier: Définitions du droit de la
Régulation.
Pour s'accorder sur la définition du concept
de « Régulation », il faut comme l'a
souligné le Pr. Anne-Marie
FRISON-ROCHE : « simplement s'entendre sur les mots,
dans une vision pragmatique du langage, c'est-à-dire affecter aux mots
un sens pour non seulement ne pas s'égarer mais encore pour renvoyer
à un ensemble de règles cohérentes (le régime
juridique), ce qui rend la définition efficace ». Mais,
aussi ambigu qu'elle soit (Section Premier), l'examen des différentes
modalités institutionnelles de la
Régulation (Section Deuxième), permettra
d'appréhender son émanation, à savoir principalement
l'économie de marché et par voie de conséquence la
mondialisation.
Section Première: Un concept ambigu au contenu
précis.
Pour définir le droit de la
régulation, il faut tout d'abord examiner l'essentiel des acceptions
recevables du concept (Paragraphe Premier). Cependant, celles-ci,
dégagent toujours un certain nombre de caractéristiques sans
lesquelles le contenu de la notion serait vide (Paragraphe Deuxième).
Paragraphe Premier: L'acceptation de plusieurs
acceptions.
L'une des sources d'ambiguïtés du terme
« Régulation » vient de son origine. Initialement
apparue aux Etats-Unis, la régulation signifie à la fois un
instrument (que l'on appellerait en français la réglementation)
et une politique publique bien particulière. Dans cette vision, il
signifie en droit public américain, le contrôle des
opérateurs de certains marchés particuliers par l'Etat.
Exercé par le juge ou par des organismes appelés
régulateurs25(*),
au nom de l'intérêt général à partir du
début du XXe siècle sur le mode de l'Interstade Trade
Commission26(*).
On relèvera très tôt qu'en la
matière, les définitions proposées dégagent souvent
des enjeux de vocabulaire, qui laissent apparaitre l'appartenance à un
courant de pensées donné, mais aussi à un système
particulier. En effet, à travers les définitions posées,
le vécu et l'appartenance à un système
juridico-économique, transparait inévitablement. En tout
état de cause cependant, la multiplicité des définitions
proposées27(*) ne
doit occulter la nécessité de la prise en compte de la
Régulation dans ses caractéristiques fondamentales.
C'est-à-dire ce qui doit être déployé pour
éviter au mieux l'implicite et le double sens et rendre
autant que peut se faire, aisée ordonnée la mise en oeuvre des
règles, pas plus28(*). Donc, par une désignation exacte et
exhaustive du concept, mais pas moins.
A partir de cette approche générale,
la régulation d'un secteur ou d'une activité est susceptible de
plusieurs acceptions dont la plus étroite désignerait une
action : « intermédiaire entre la
détermination des politiques elles-mêmes et la gestion proprement
dite » tandis qu'une acception large, inspirée de la
théorie générale des systèmes, désignerait
« l'action des mécanismes correcteurs qui maintiennent un
système en existence » ; dans les deux sens, il s'agit de
« faire fonctionner correctement un système
complexe ».
Cela accomplit, on proposera une
définition de la régulation qui tentera autant que faire se peut
de cheminer dans des acceptions allant de la plus générale
à la plus spécifique. La première, se confondra avec le
droit lui-même. On ne fait plus aujourd'hui le contresens de confondre la
régulation avec le terme anglais de
« Régulation », lequel renvoie à la
réglementation. En cela, il sied de noter que le vocable anglophone vise
un champ d'application plus restreint, puisqu'il ne vise que la
réglementation. Il est au contraire plus large que le vocable
français puisqu'il concerne tous les types d'interventions des
autorités publiques prenant la forme réglementaire. Pour
distinguer ces faux amis, un raisonnement par l'absurde suffit29(*) : puisqu'il s'agit de langage,
on observe que des organismes qualifiés expressément comme des
« Autorités de régulation », par exemple l'Agence de
Régulation des Télécommunications et des Postes
(A.R.T.P), ne disposent pas du pouvoir réglementaire. Ce qui suppose que
l'on peut réguler sans réglementer, le sens des deux termes ne
pouvant donc fusionner. La régulation en français renvoie donc
non pas à la réglementation économique,
« regulation », mais aux
« regulatory systems », qui expriment
l'ensemble des dispositifs et institutions en charge de mettre en place cette
nouvelle forme de politique publique.
La deuxième, spécifiera la
régulation comme limite imposée dans l'exercice des pouvoirs et
comme rééquilibrage des rapports de force. De ce fait, la
régulation ne renvoie, plus ni au sujet de droit, public ou
privé, ni à une fin éthique poursuivie comme
l'équilibre des pouvoirs. Encore moins à la compensation des
rapports entre puissances inégales, mais à l'objet, à la
chose sur laquelle porte la régulation : le secteur spécifique
ouvert à la concurrence, mais non laissé à elle seule.
La troisième, aboutira à ce qui est
proposé dans notre introduction : le droit de la régulation
économique. Identifié par les secteurs sur lesquels il s'exerce,
en ce que ceux-ci doivent être construits et maintenus dans un
équilibre entre un principe de concurrence et d'autres principes. Il
s'agit des secteurs économiques particuliers dont le point commun est
leur incapacité à sécréter leur propre
équilibre.
Le Professeur Abdoulaye SAKHO pour sa part retient
que « la régulation est la tâche qui, consiste
à assurer entre les droits et obligations, de chacun, le type
d'équilibre voulu par la loi. Elle implique dans une certaine mesure ce
qu'on appelle aujourd'hui une vision systématique de la
société et de ses rapports avec l'Etat »30(*).
Mais, on notera très tôt qu'aussi
multiple que puisse être les définitions proposées, il n'en
demeure pas moins que le concept de Régulation garde intact un contenu
intangible.
Paragraphe Deuxième : L'intangibilité
du contenu
La théorie de la régulation se
présente d'abord comme une théorie macro-économique.
Mais, un certain nombre de chercheurs se
référant explicitement à cette théorie, se sont
engagés dans différents types d'analyses. Ce qu'il faut retenir
néanmoins, c'est que la régulation imposée par le droit
prend aujourd'hui appui sur le principe de l'économie de marché.
Aussi, nous faut-il clarifier ce dernier terme avant de nous ouvrir davantage
sur ce qui fait l'intangibilité de la notion juridique de
régulation. En effet, pour paraphraser le Pr. Frison-Roche,
l'économie de marché et la mondialisation sont en fait
l'arrière-plan de la définition du droit de la régulation.
Dans ce registre, nous poserons d'abord qu'économie de marché ne
signifie nullement absence de droit, même dans la conception la plus
minimaliste de l'encadrement juridique de l'économie31(*).
Elle ne signifie pas non plus anarchie ou zone de
non-droit, en comparaison à l'économie mafieuse.
L'économie de marché est née du droit et demeure
encadrée par ses instruments et ses exigences. A cet effet, elle doit
faire l'objet d'un encadrement spécifique eu égard surtout aux
particularités de certains secteurs économiques, incapables eux
seuls de s'équilibrer.
Cet encadrement passe par l'intervention de
l'État, par l'institutionnalisation d'organismes publics ad
hoc, appelés Autorités de régulation, sans que pour
autant l'économie cesse de fonctionner sur le principe libéral.
En ce sens, l'exemple des États-Unis, est fort éloquent :
économie depuis toujours libérale et la plus précocement
objet d'interventions réglementaires et d'emprises d'autorités de
régulation. Il n'y a donc pas de contradiction pour une économie
libérale à être l'objet de régulations dès
l'instant qu'on ne peut se contenter de l'offre et de la demande, dont le
principe demeure acquis.
En cela, le droit de la concurrence, nous
permettra de dégager, à tout le moins en ce qu'il sanctionne les
comportements anticoncurrentiels ou prohibe les aides d'état, le
rôle de prévention de futurs comportements anticoncurrentiels que
joue la régulation. Donc à la différence du droit de la
régulation, le droit de la concurrence n'adopte pas une perspective de
régulation, puisqu'il ne s'agit que, au coup par coup, de ramener
à l'ordre ordinaire de l'offre et de la demande des comportements
déviants. En revanche, on trouve des mécanismes juridiques qui
relèvent de procédés de régulation au sein
même du droit de la concurrence, parce qu'il s'agit de construire et de
maintenir des organisations économiques non spontanées et non
pérennes par leur seule force. D'un point de vue sémantique, en
revanche, il sied de faire une précision sur une différence, qui
à notre avis permet de situer la régulation par rapport à
la réglementation. Si le premier terme est une règle du jeu, le
second désigne une intervention dans le jeu.
C'est dans ce sens aussi qu'il faut analyser les
différentes modalités institutionnelles de régulation. En
cela, ce droit constitue un mode de contrôle, une forme de garde-fou
anticipé du libre fonctionnement du marché concurrentiel.
Section Deuxième : L'examen des
différentes modalités institutionnelles de la
Régulation
Comme le fut jadis le droit administratif, le
droit de la régulation est un droit en constante évolution, et
qui doit s'adapter en permanence, au regard de la rationalité des
acteurs économiques intéressés et qui doit favoriser le
développement de leur capacité par rapport au système
économique libéral. C'est également un droit dont la mise
en oeuvre implique, l'implication plus ou moins poussée de
l'Autorité publique (Paragraphe premier), en l'absence de
mécanismes propres au marché. Mais, le plus souvent cette
intervention ne s'avère pas nécessaire, car le marché
dégage lui-même ses propres mécanismes de régulation
(Paragraphe deuxième).
Paragraphe Premier: La régulation par
l'intervention de l'Autorité publique.
La régulation par l'intervention de
l'Autorité publique s'analyse comme une régulation du
marché d'une part et une régulation avec le
marché d'autre part dite aussi co-régulation. Concernant
justement cette dernière, elle se pose comme le lieu d'échanges,
de négociations entre les « parties prenantes » et
les titulaires de la contrainte légitime où se comparent les
bonnes pratiques, afin de les ériger en recommandations.
Elle nécessite l'intervention de
plusieurs acteurs :
-Le parlement ou le pouvoir exécutif qui
définissent le cadre juridique de la régulation ;
-Le régulateur, organe chargé d'assurer le libre
jeu du marché et de réguler le secteur ;
-Les opérateurs économiques
intéressés ;
-Les usagers, clients ou bénéficiaires et
-Les instances juridictionnelles nationales (juridiction
administrative et juridiction de l'ordre judiciaire) et communautaires.
Notons cependant, que la régulation
hiérarchique par un régulateur indépendant, a
insufflé un véritable changement dans les relations puissance
publique et opérateurs. En effet, une régulation,
indépendante du pouvoir politique, voire administratif, initiée
par le droit communautaire dans un contexte où le maintien
d'opérateurs nationalisés pouvait faire craindre des conflits
d'intérêts, est nécessaire au libéralisme. On
relèvera au passage, l'influence des modèles occidentaux sur le
mode de fonctionnent des régulateurs indépendants. Le premier est
apparu aux Etats-Unis, avec l'Interstate Commerce Commission (I.C.C),
crée à la fin du XIXe siècle et devenue la Federal
Trade Commission (F.T.C). Le régulateur indépendant tel que
conçu de nos jours revoie étroitement à la conception
anglo-saxonne du service public, à travers la théorie du
Public Utility, qui constitue diront certains32(*), une sorte de
contreposée de la théorie du service public telle que
posée actuellement.
Elle se matérialise par la formation
d'organes collégiaux consultatifs. Ces organismes réunissent en
général les responsables des ministères techniques, les
syndicats professionnels concernés, les représentants des usagers
et, dans certains cas les syndicats représentatifs des salariés
du secteur, d'où dans ce dernier cas dira Bertrand du Marais la notion
de paritarisme.
D'un point de vue juridique aussi, la
jurisprudence consacre l'existence de ces organismes consultatifs, notamment
selon trois principes :
-Les consultations préalables prévues par un
texte doivent être menées régulièrement, sous peine
de nullité de la décision administrative
subséquente ;
-Sauf lorsque ce texte précise la
nécessité d'un « avis conforme »,
l'administration peut s'en tenir à son projet initial ou prendre un
texte modifié ;
-En l'absence de procédure obligatoire de consultation,
l'administration doit procéder régulièrement à une
consultation qu'elle a spontanément requise, sous peine également
de nullité de la décision finale. 33(*)
Ce qui nous amène à examiner,
l'autre modalité institutionnelle de la régulation.
Paragraphe Deuxième : La régulation
par absence d'intervention.
Cette réflexion sera axée en
premier lieu, sur les travaux de Ronald COASE. Selon sa théorie, dite
« Théorème de Coase », deux
conditions sont nécessaires pour établir un système
marqué par une absence d'intervention de l'autorité publique dans
la régulation : c'est que les droits de propriété,
doivent être parfaitement définis et les coûts de
transactions être nuls. Alors sous ces deux conditions, extrêmement
fortes, se développe un régime de régulation
spontanée, totalement décentralisé.
Ainsi, dans le domaine des technologies de
l'information et de la communication, une matérialisation des projets de
régulation dite spontanée, est de plus en plus visible. C'est le
cas notamment des projets de Digital rights management (D.R.M).
C'est un dispositif purement technique, qui viendrait, à la source,
contrôler les usagers et faire respecter les droits d'auteurs34(*). De ce fait, les logiciels ou
les technologies utilisées pourraient commander les usagers et interdire
les comportements délictueux.
En outre, on notera une autre forme
d'autorégulation, qui se manifestait déjà au
Moyen-âge, correspondant aux anciennes Guildes35(*) et corporations marchandes. En
effet, dans ces communautés du Moyen Age, la pression des pairs, la
volonté de conserver une certaine image, etc., conduisent chaque agent
à adopter un comportement qui revient à ce que des normes
implicites ou explicites, deviennent auto-applicables. Dans ce registre,
l'exemple de la réussite de la micro-finance en Afrique peut aussi
s'expliquer par ce genre d'autorégulation, alors que l'échec du
système bancaire classique aurait pu laisser croire ces
sociétés réfractaires à tout crédit
bancaire36(*). Il est
à noter néanmoins, qu'à partir d'un certain niveau de
développement, l'incitation à la coopération a tendance
à s'effacer devant l'incitation aux gains.
Par ailleurs, cette autorégulation peut
être propre au marché. C'est le cas notamment dans un
système décentralisé, non hiérarchique et
conférant à ses normes un caractère
auto-exécutables. Elle se définit, en fait comme
l'élaboration et le respect, par les acteurs eux-mêmes, de
règles qu'ils ont formulées, sous la forme de codes de bonne
conduite ou de bonne pratique et dont ils assurent eux-mêmes
l'application. On citera en ce sens, le Take Over Panel du
gouvernement de Tony Blair, qui engagea dès 1997, un vaste programme de
« réforme de la réglementation »
pour inciter au remplacement des modes classiques de régulation par
l'autorégulation ou Voluntary Regulation (Voir les rapports
« Principes of Good Régulation » -1998- et
Alternatives to State Regulation -2000- cités par B. du
Marais).
Au niveau international, on soulignera que
l'O.C.D.E s'est lancée à la fin des années 1990 dans un
vaste programme, d'inspiration libérale, d'évaluation de la
formation et de la mise en oeuvre de la législation37(*).
Et selon les adeptes de
l'autorégulation, celle-ci offrirait une plus grande efficacité
que la régulation hiérarchique. Mais, en tout état de
cause, la mise en oeuvre de la régulation dans l'espace communautaire
nous permettra d'appréhender avec plus de clarté, son apport
économique.
Chapitre Deuxième : La mise en
oeuvre de la Régulation dans l'espace communautaire.
En prônant l'égalité de
traitement des entreprises publiques et privées, le droit issu du
Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté économique
européenne (devenue Communauté européenne), de même
que le Traité de l'U.E.M.O.A de 1994, ont cherché à
appréhender l'activité économique au nom des principes de
libre échange et de libre concurrence au sein du marché
unique38(*). De fait,
l'encadrement de la concurrence des entreprises par la régulation
(Section Première), ainsi que la prohibition des interventions
étatiques (Section Deuxième) ne pouvaient rester longtemps
à l'écart de la logique unificatrice communautaire.
Section Première :
L'encadrement de la concurrence des entreprises par la
régulation.
L'encadrement de la concurrence des
entreprises par la régulation, passe par une adaptation à
la complexité des règles communautaires. Cette adaptation se fait
sur le mode de flexibilité. En effet, réguler la concurrence dans
l'espace communautaire, induit des règles plus souples, plus
négociées et plus évolutives. Dans cette optique,
l'interdiction de principe des ententes (Paragraphe premier) et l'exclusion des
abus de position dominante (Paragraphe Deuxième), semblent être
une réponse.
Paragraphe Premier : L'interdiction de
principe des ententes.
Cette interdiction se matérialise, comme
dans la plupart des matières juridiques, à travers une technique
d'adoption d'une règle générale. Mais, cette technique est
souvent assortie d'exceptions destinées à éviter que
l'application stricte de cette règle n'engendre des effets contraires
aux buts visés. Le législateur communautaire dans sa logique de
régir les échanges intracommunautaires, édicte un principe
d'interdiction des ententes entre entreprises. L'entente est classiquement
définie comme un concours de volonté entre entreprises autonomes,
tel un accord, une décision d'association, ou une pratique
concertée, qui a pour objet ou pour effet de fausser ou d'entraver le
jeu de la concurrence. Quant à l'entreprise, pierre angulaire du concept
d'entente susvisé, elle se pose comme une organisation unitaire
d'éléments personnels, matériels, exerçant une
activité économique, à titre onéreux, de
manière durable, indépendamment de son statut juridique, public
ou privé, et de son mode de financement, et jouissant d'une autonomie de
décision39(*).
Dans cette perspective, le Traité
U.E.M.O.A en son article 88, alinéa a, dispose que les accords, les
associations et les pratiques concertées entre entreprises sont
interdites de plein droit, lorsque celles-ci ont eu pour effet de restreindre
ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'Union.
Mais, ce sont surtout l'article 3 du Règlement no 02/2002/CM/UEMOA et
l'annexe 1 du Règlement no 03/2002/CM/UEMOA du 23 Mai 2002 qui
dégagent plus de clarté par rapport à la notion exacte des
ententes exclues dans le Traité UEMOA. Ces dispositions sont aussi, en
réalité la matérialisation du principe d'interdiction des
ententes, à l'image notamment du droit européen de la concurrence
en son article 81.
Par ailleurs, même si ces ententes son
prohibées pour des raisons évidentes, d'autres par contre sont
autorisées par des textes communautaires. A l'instar notamment de
l'article 89, paragraphe 3, du Traité de l'U.E.M.O.A qui aménage
une option au profit du Conseil des Ministres une possibilité de limiter
ces interdictions en tenant compte de situations particulières.
Cependant, c'est le Règlement no 02/2002/CM/UEMOA qui définie de
manière spécifique ces exceptions au principe d'interdiction des
ententes.
Ainsi, la Commission peut autoriser au cas par
cas et de façon individuelle ou par catégories les ententes qui
peuvent contribuer à l'amélioration de la production ou de la
distribution des produits ou à promouvoir le progrès
économique ou technique. Par contre, une partie du profit tiré de
ces exceptions est réservé aux utilisateurs, indique l'article 7
du Règlement no 02/2002/CM/UEMOA. Cette redistribution doit être
équitable et permettre aux entreprises intéressées, de se
soustraire aux restrictions qui ne sont pas indispensables à
l'instauration d'une concurrence juste et équitable.
En plus de la prohibition des ententes donc,
la Commission exerce un contrôle poussée sur les abus de position
dominante lorsque celles-ci sont établies.
Paragraphe Deuxième : L'exclusion
des abus de position dominante.
Comme dans le domaine des ententes, le
Traité U.E.M.O.A se limite à poser de façon
succincte le principe d'interdiction des abus de position dominante40(*). Dans cette perspective, la
position dominante est définie comme la situation où une
entreprise a la capacité, sur le marché en cause, de se
soustraire d'une concurrence effective, de s'affranchir des contraintes du
marché, en y jouant un rôle directeur41(*).
Déterminer avec exactitude l'existence
d'une position dominante n'est pas chose aisée. Mais, il existe des
critères pour déterminer de manière visible l'existence
d'une telle position. Le plus déterminant de tous, est celui de la part
du marché détenu par une entreprise sur le marché en
cause. Cette part de marché se calcule en tenant compte des ventes
réalisées par l'entreprise concernée et celles
réalisées par ses concurrents42(*).
D'autre part, lorsque la part du
marché ne suffit pas à elle seule pour établir cette
existence, les instances communautaires doivent recourir à des
critères supplémentaires pour en juger. Il en est ainsi du
degré d'intégration vertical de l'entreprise, de sa puissance
financière, ou au groupe auquel elle appartient ou à l'existence
de barrières à l'entrée. A titre comparatif et convergent,
pour paraphraser le Dr. COULIBALY Abou Saib, au sein de l'Union
européenne, l'établissement de cette position dominante se fait
en référence aux critères sus dégagés. En ce
sens, l'Affaire Tetra Pack II c/ Commission du 06 Octobre 1994 est fort
éloquente.
Cependant, la seule existence d'une position
dominante ne suffit pas à condamner une entreprise pour abus de position
dominante. Pour ce faire, il faut en plus que celle-ci exploite abusivement la
dite position. Dans ce registre, il faut d'emblée préciser que
les textes de l'U.E.M.O.A indiquent avant toute chose que le fait pour une
entreprise ou plusieurs entreprisses d'exploiter da façon abusive une
position dominante sur le marché commun ou dans une partie
significative de celle-ci est incompatible avec le marché commun et est
interdit (Cf. ; article 4 Paragraphe 4.1 du règlement no
02/2002/CM/UEMOA). Le même texte énumère les cas
constitutifs d'abus de position dominante. Il s'agit, de l'imposition de
façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres
conditions de transactions non-équitables, de limiter à cet effet
la production, les débouchés ou le développement
technique au préjudice des consommateurs, appliquer aussi à
l'égard des partenaires commerciaux des conditions inégales
à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un
désavantage dans la concurrence. En outre, la subordination de la
conclusion de contrats à l'acceptation, par des partenaires, de
prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages
commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats (Cf. l'article 82
du Traité de Rome). Dans cette lancée, l'article 4 paragraphe 4.1
du Règlement no 02/2002/CM/UEMOA, assimile l'abus de position dominante,
à toute opération de concentration qui crée ou renforce
une position détenue par une ou plusieurs entreprises.
Mais globalement, les solutions
dégagées par les textes de l'U.E.M.O.A, s'inspirent pour
l'essentiel des dispositions communautaires européennes qui ne sont pas
seulement limitées à l'encadrement de la concurrence des
entreprises par la régulation. En ce sens, et pour plus
d'efficacité dans la mise en oeuvre du droit de la régulation
communautaire, la prohibition des aides d'Etats, semble de premier ordre.
Section Deuxième : La prohibition des
interventions étatiques.
Le régime communautaire en matière
de régulation a engendré l'élaboration de règles
qui s'appliquent directement aux entreprises, mais aussi aux Etats. Parmi
lesquelles, l'interdiction des aides d'Etats dans la mesure où celles-ci
affectent gravement les échanges. En ce sens, la définition large
retenue par la jurisprudence, permet d'inclure dans la limitation des aides
publiques (Paragraphe premier), l'obligation de libéralisation et de
transparence par rapport aux monopoles et entreprises publiques (Paragraphe
deuxième).
Paragraphe Premier : La limitation des aides
publiques.
A vivre en groupe, on profite
nécessairement de la vigilance commune. Au sein du marché commun,
cet avantage ne peut être optimum que si les conditions d'une bonne
concurrence, épurée de toute distorsion sont posées.
Aussi, on notera très tôt qu'une concurrence juste et
équitable est incompatible avec les aides octroyées par les Etats
à certaines entreprises. Ces aides favorisent entre autres le
déséquilibre du marché communautaire. Même si dans
certaines situations bien particulières, des dérogations sont
admises.
C'est l'article 88, alinéa c, du
Traité U.E.M.O.A qui dégage de plein droit cette interdiction,
sous réserve des exceptions limitées pouvant être
prévues par le Conseil des ministres, définies à l'article
89. Une interdiction semblable existe également au niveau des
règles de concurrence dans l'Union européenne. En effet, les
articles 87 à 89 du Traité de la Communauté
Européenne disposent de manière claire que la plupart des aides
publiques sont incompatibles avec le marché commun. Poursuivant dans la
même voie tracée par le Traité, le Règlement no
04/2002/CM/UEMOA réitère une telle interdiction tout en apportant
une précision sur son contenu et sa portée.
Ainsi, la notion d'aide est entendue comme toute
forme d'aide provenant aussi bien de la personne publique et de la forme que
peut prendre cette aide. Au sens de l'article 1 alinéa b du
Règlement no 04/2002/CM/UEMOA, est considérée comme aide,
toute mesure qui entraine un coût direct ou indirect, ou une diminution
des recettes pour l'Etat, ses démembrements ou pour tout organisme
public ou privé que l'Etat institue ou désigne en vue de
gérer l'aide, et confère ainsi un avantage sur certaines
entreprises ou sur certaines productions.
En droit communautaire européen, aussi
bien les subventions aux entreprises que les prêts, les
exonérations fiscales, la gratuité des biens ou des services
mis à leur disposition doivent logiquement être
considérés comme des aides publiques43(*). Et s'inspirant manifestement
du droit communautaire européen, le législateur U.E.M.O.A
aménage des dérogations en son article 89, alinéa c du
Traité, de même que le Règlement no 04-2002. A cet effet,
l'article 2 Paragraphe 2.2 du Règlement 04/2002/CM/UEMOA prévoit
que la Commission peut tenir compte des besoins des Etats membres en ce qui
concerne leur développement économique et social, dans la mesure
où les échanges entre les Etats membres et
l'intérêt de la Communauté d'atteindre son objectif
d'intégration, ne sont pas menacés. Dans cette lancée,
l'article 3 paragraphe 3.1 du Règlement no 04//2002/CM/UEMOA
énumère les six catégories d'aides
considérées comme compatibles avec le marché commun, sans
qu'un examen préalable de la Commission ne soit nécessaire.
Mais, la garantie d'une bonne concurrence,
nécessite une libéralisation poussée et une certaine
transparence par rapport aux monopoles et entreprises publiques.
Paragraphe Deuxième : L'obligation
de libéralisation et de transparence par rapport aux monopoles et
entreprises publiques.
Dans le but de juguler les politiques fortement
centrées sur les interventions d'Etats initiées depuis les
années 1990, et matérialisées par les monopoles et les
entreprises publiques, les textes de l'U.E.M.O.A ont imposé aux Etats
membres une certaine vision. En l'occurrence une obligation de
libéralisation et l'exigence d'une plus grande transparence dans les
relations financières avec les entreprises publiques et les
organisations internationales. Cette option, s'inscrit dans la perspective de
la pensée de Pascal LAMY44(*), pour qui une politique économique
isolée dans le monde d'aujourd'hui est un quasi-suicide. Cependant,
souligne t-il il ne faut pas confondre ouverture des échanges et
dérégulation.
Aussi, aux termes de l'article 31 et 86 du
Traité de la Communauté Européenne, les Etats membres
doivent en premier lieu, soumettre, les entreprises publiques et les
entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux et exclusifs,
aux règles de concurrence et d'interdiction des ententes, des abus de
position dominante et des aides publiques.
Mais, avant de cheminer plus loin, il serait
intéressant d'examiner la définition d'entreprise publique
posée par les textes communautaires de l'U.E et de l'U.E.M.O.A. En
effet, la Directive no 01/2002/CM/UEMOA et la Directive no 80/723 du 25 Juin
1980 de la Commission sur la transparence des relations financières
entre les Etats membres et les entreprises publiques, la pose comme toute
entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou
indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de
la participation financière ou des règles qui la
régissent.
De ce fait, la Commission doit veiller à
l'application de l'obligation de libéralisation des monopoles et
entreprises en adressant aux Etats membres, au Conseil des ministres de
l'U.E.M.A.O, ainsi qu'aux autres institutions de l'Union, des avis et
recommandations relatifs à tout projet de législation nationale
ou communautaire susceptible d'affecter la concurrence à
l'intérieur de l'Union en proposant les modifications opportunes (Cf.
Article 6paragraphe 6.3 du Règlement no 2002/CM/UEMOA). Et pour
appréhender de manière globale la prohibition des aides d'Etats,
le droit à la concurrence exige des Etats une plus grande transparence
dans leurs relations avec les entreprises ou organisations internationales
oeuvrant dans leurs territoires.
En ce sens, la Directive
no 01/2002/CM/UEMOA du 23 Mai 2002 impose aux Etats, une plus grande
transparence. De ce fait, elle permettra à la Commission
d'apprécier les effets des relations que peuvent entretenir les Etats
avec les entreprises ou avec les organisations internationales et de
prévenir tout désavantage qui peut entraîner une certaine
opacité. Ainsi, aux termes de l'article 3 de la Directive no
01/2002/CM/UEMOA, ces prescriptions doivent être respectées dans
les relations entre les pouvoirs publics et les entreprises, notamment dans ces
cas limitativement énumérées : la compensation des
pertes d'exploitation, les apports en capital en dotation, les apports en fonds
perdus ou les prêts à des conditions privilégiées,
l'octroi d'avantage financiers sous forme de la non-perception de
bénéfices ou de non-recouvrement de créances, la
renonciation à une rémunération normale des ressources
publiques engagées la compensation de charges imposées par le
pouvoirs publics.
De fait, la définition de la
régulation économique posée dans toute ses acceptions et
sa mise en oeuvre concrète, nous renvoient justement à la
question fondamentale de l'impact de la consécration d'une
véritable notion juridique de Régulation dans l'activité
économique communautaire.
Deuxième Partie : L'impact de la
consécration d'une véritable notion juridique de
Régulation dans l'activité
économique communautaire.
Aujourd'hui, nul ne peut ignorer l'importance que
le juge et de façon plus large la justice, revêt dans les
sociétés modernes. Certes, Montesquieu dans sa théorie de
la séparation des pouvoirs lui avait donné une
« fonction pratiquement nulle », en le confinant quasiment
dans son rôle fondamental qui est celui de dire le droit, mais la
justice, qu'elle soit, une autorité ou un pouvoir, est un des attributs
essentiels de la souveraineté de tout Etat. Dans le cadre concurrentiel,
et plus particulièrement au sein des grands rassemblements
régionaux, sa fonction essentielle se trouve pratiquement
décuplée, eu égard notamment à son rôle de
protecteur du consommateur et du marché (Chapitre Premier). Cependant,
on notera que le juge communautaire ouest africain gagnerait à
s'inspirer des avancées de son homologue européen (Chapitre
Deuxième).
Chapitre Premier : Le souci d'une double
protection.
Dans le cadre des grands rassemblements
régionaux, la fonction de juger revêt une importance de premier
ordre. En effet, la consolidation d'une bonne politique de régulation au
sein d'un espace communautaire passe par la mise en place d'un marché
protégé dans un cadre concurrentiel, mais surtout d'une
protection efficiente du consommateur. Aussi, si l'on peut constater la mise en
place d'un marché protégé au sein de l'Union
Européenne (Section Première), dans l'espace communautaire ouest
africain, il n'existe pas de manière spécifique de
réglementation propre à la protection du consommateur, même
si une protection efficiente de celui-ci se pose (Section Deuxième).
Section Première : La mise en place
d'un marché protégé au sein de l'Union
Européenne.
Elle se matérialise principalement par la
primauté du principe d'intégration sur la recherche de
l'efficience économique (Paragraphe Premier) et
l'institution d'un cadre propice à l'épanouissement des
entreprises opérant dans le marché communautaire (Paragraphe
Deuxième).
Paragraphe Premier : La primauté du
principe d'intégration sur la recherche de l'efficience
économique.
En édictant des règles en
matière de concurrence, chaque État leur assigne des objectifs
donnés. Ces objectifs peuvent être divers et variés,
allant de la recherche de l'efficience économique à la
protection du consommateur en passant par la lutte contre le pouvoir de
monopole45(*). La
politique de régulation de l'Union européenne semble obéir
à cette réalité. Même si le Traité de Rome
avait pour objet majeur d'instaurer un marché unique européen et
sanctionnait à ce titre toute entrave à la libre concurrence et
toute mesure d'effet équivalent, le Traité d'Amsterdam quant
à lui, est préoccupé par un objectif d'intégration
des marchés nationaux et exclut toute idée de
préférence communautaire comme le confirment ses articles 81 et
suivants. A partir de ce moment, on pourra dire que le droit communautaire
européen de la concurrence s'explique différemment.
La Commission de l'Union n'hésite pas
à condamner systématiquement toute pratique interdisant la libre
circulation de biens et des personnes à l'intérieur de l'Union.
De fait, la prohibition des réseaux interdisant toute exportation,
traduit la primauté du principe d'intégration sur la recherche de
l'efficience économique. Il en est de même en ce qui concerne le
contrôle des marchés financiers. En effet, saisi des agissements
délictuels de la société Dynabourse46(*), le Conseil des marchés
financiers décide, en vertu de son rôle de régulateur du
marché, de recevoir les accusations en matière pénale au
sens de l'article 69 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales loi susvisée du 2
juillet 1996.
Aux vues de ce constat, notons que l'article 3,
paragraphe premier, alinéa g dudit Traité, prévoit que
l'action de la communauté, doit conduire à l'élaboration
d'un «régime assurant que la concurrence n'est pas faussée
dans le marché intérieur ». D'où la
nécessité donc pour les autorités communautaires de faire
respecter la libre concurrence par les Etats.
De ce fait, le rôle premier du droit
communautaire de la régulation sera notamment l'encadrement des aides
étatiques, l'aménagement des monopoles nationaux à
caractère commercial, la limitation des droits particuliers reconnus aux
entreprises chargées d'un service économique
d'intérêt général. Ici, la législation
Antitrust constitue un moyen parfait pour parvenir à l'objectif
essentiel d'édification d'un marché intérieur. Mais, il
est intéressant aussi de relever l'ambiguïté que traduit
bien le vocabulaire européen qui intitule un chapitre du Traité
«Politique de concurrence », alors que la commissaire
à la concurrence de l'Union Européenne, Mme Neelie KROES
préfère parler de «Culture de la
concurrence ».
En ce qui concerne les entreprises, le
contrôle des ententes et des abus de position dominante, ainsi que le
contrôle des opérations de concentration économique, sont
largement mises en exergue par le Traité de l'Union. A partir de ce
moment seulement, apparaitra un cadre idéal d'épanouissement des
entreprises opérant dans le marché communautaire.
Paragraphe Deuxième : Un cadre
propice à l'épanouissement des entreprises opérant dans le
marché communautaire.
Historiquement, la conception européenne de
la politique d'intégration fait de la politique de la concurrence un
moyen de parvenir à l'érection d'un marché
intérieur sans frontières. En effet, dès le début
du processus, la nature économique du Traité de la
Communauté Européenne a facilité, une politique de la
concurrence tournée vers l'érection d'un marché
intérieur ouvert et concurrentiel. Cet objectif va insuffler une
dynamique constante d'interdiction des pratiques de cloisonnement des
marchés. Aux termes de l'article 69 II de la loi du 2 juillet 1996 sur
les sociétés commerciales: « Les prestataires de
services d'investissement, les membres d'un marché
réglementé, les entreprises de marché et les chambres de
compensation sont passibles des sanctions prononcées par le Conseil des
marchés financiers à raison des manquements à leurs
obligations professionnelles... »47(*). Dans cette lancée, le M. Jean Monnet48(*) souligne dans ses
mémoires : « (...) c'était une innovation fondamentale en
Europe, et l'importante législation Antitrust qui règne sur le
marché commun trouve son origine dans ces quelques lignes pour
lesquelles je ne regrette pas de m'être battu quatre mois
durant ».
En définitive, on dira que le
Traité de la Communauté Européenne porte en lui-même
les germes d'un décloisonnement poussé des marchés.
Aussi, il réunit les conditions optimales créant un lieu propice
à l'échange, un cadre de premier ordre tourné vers
l'épanouissement des entreprises. En effet, la C.J.C.E dans une
interprétation combinée des articles 2, 3g et 81 de la
Communauté Européenne, a ainsi posé l'objectif de
création d'un marché intérieur poursuivi par la politique
de la concurrence49(*) :
« ...la concurrence non faussée visée aux articles
3.g et 85 [actuellement 81] du Traité C.E.E implique l'existence, sur le
marché d'une concurrence efficace, c'est à dire de la dose de
concurrence nécessaire pour que soient respectées les exigences
fondamentales et atteints les objectifs du Traité et, en particulier, la
formation d'un marché unique réalisant des conditions analogues
à celle d'un marché intérieur ».
Plus récemment, le projet de directive sur
les services dans le marché intérieur, ou directive
« Bolkestein », présenté par la
Commission européenne en janvier 2004, vise à réaliser un
marché intérieur européen pour les services, en
éliminant les barrières légales et administratives entre
Etats membres et en facilitant la circulation des travailleurs. Elle concerne
toutes les activités professionnelles qui constituent un service,
à l'exception des services pour lesquels il existe déjà
des initiatives spécifiques. De ce fait, l'introduction d'une
simplification administrative et la suppression des autorisations jusqu'alors
requises pour certaines activités, tend à instaurer
« un principe du pays d'origine »50(*). Et plus encore, la Commission
peut, lorsqu'elle a connaissance d'une situation de concentration, constituant
une pratique assimilable à un abus de position dominante, demander aux
entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de concentration, ou de
rétablir la situation de droit antérieure, soit de modifier ou de
compléter l'opération ou de prendre toute mesure propre à
assurer ou à rétablir une concurrence suffisante.
Ainsi, la régulation économique
bâtie sur les fondements du droit de la concurrence, impactera
nécessairement sur l'objectif majeur visé par le Traité
de l'Union. La concurrence n'est plus alors érigée en un principe
sacré et inviolable. Elle peut être restreinte si elle tend
à remettre en cause l'intégration européenne, et
être protégée chaque fois que les intérêts du
marché intérieur le commandent51(*). Cependant, à l'intérieur de l'espace
U.E.M.O.A, une protection clairement posée du consommateur fait encore
défaut.
Section Deuxième : L'inexistence
d'une réglementation spécifique à la protection du
consommateur dans l'espace UEMOA.
C'est à la lumière des règles
du droit de la concurrence qu'il conviendra de déceler, l'importance de
l'apport apporté actuellement par le juge à la protection des
consommateurs dans l'espace U.E.M.O.A. Ce souci de protection du consommateur,
visé par la Commission, se structure sur une législation
composée principalement de règlements (Paragraphe premier) et de
directives (Paragraphe deuxième).
Paragraphe Premier : Des règlements
propres à la législation anticoncurrentielle
Grâce à la nouvelle
réglementation communautaire, les Etats parties ont mis sur pied des
normes, ainsi que des structures chargées de promouvoir la protection
des consommateurs, et le libre jeu de la concurrence. Dans ce registre, le
Règlement n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques
anticoncurrentielles à l'intérieur de l'U.E.M.O.A énonce
dès son préambule, que c'est le libre jeu de la concurrence qui
constitue le cadre idéal d'épanouissement des entreprises
opérant dans le marché communautaire. Par conséquent, il
prohibe les ententes anticoncurrentielles, les abus de position dominante, les
aides d'Etats, ainsi que les pratiques anticoncurrentielles imputables aux
Etats. En ce sens, l'article 3 du Règlement dispose
que : « Sont incompatibles avec le marché commun et
interdits, tous accords entre entreprises, décisions d'associations
d'entreprises et pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet
ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur
de l'Union... ».
Malgré cette réglementation, on
remarquera une certaine insuffisance ou absence d'une protection
spécifique du consommateur à l'intérieur du marché
communautaire. De ce fait, ne pouvant se prévaloir d'aucune règle
spécifique, les associations de consommateurs peinent souvent à
se faire entendre devant le juge. C'est toute l'étendue de
l'éclaircissement de la décision FISCANO AB52(*) dans l'Union. Ainsi, le Pr.
Abdoulaye SAKHO dira toute la pertinence qu'il y a dans la mise sur pied d'une
organisation communautaire chargée de la défense des
intérêts des consommateurs à l'image de la commission de la
concurrence. Même si le Règlement n° 2/2002/CM/UEMOA
essai d'aller dans le même sens, la nouveauté qu'il tente
d'apporter n'en est une, en ce qui concerne le contrôle des
décisions de la Commission Nationale de la Concurrence. En effet,
concernant l'Etat du Sénégal, c'est le Conseil d'Etat qui
connaissait des recours dirigés contre les décisions de la
Commission Nationale de la Concurrence avant que cette compétence ne
soit désormais reconnue, par le Traité de l'U.E.M.O.A et le
Règlement n° 2/2002/CM/UEMOA entré en vigueur le
1er janvier 2003, à la Commission de l'U.E.M.O.A dont les
décisions, en matière de concurrence, peuvent être
censurées par la Cour de Justice de l'U.E.M.O.A53(*). Toutefois, la juridiction
conserve sa compétence en matière de
Télécommunications à l'égard des décisions
de l'Agence de Régulation des Télécommunications et des
Postes (A.R.T) devenue Agence de Régulation des
Télécommunications et des Postes (loi n° 2006-02 du 4
janvier 2006 modifiant la loi N°2001- 15 du 27 décembre 2001
portant Code des Télécommunications).
Par ailleurs, notons qu'un véritable
pouvoir règlementaire est donné à la Commission de
l'U.E.M.O.A concernant les infractions constatées au sein de l'Union par
le Règlement n°3/CM/2002/UEMOA
qui dispose que celle-ci peut être saisie par les Etats membres ou
toutes personnes physiques ou morales. Ce qui donne aux consommateurs pris
individuellement et aux associations de défense des consommateurs la
possibilité de se faire défendre auprès de la Commission
et un intérêt à agir certain. Notons aussi que des
directives de même ordre tendent à cette fin.
Paragraphe Deuxième : Des directives
multiples
Dans l'espace U.E.M.O.A il n'existe aucune
réglementation spécifique à la protection des
consommateurs. Toutefois, cela n'équivaut pas à une absence de
protection des consommateurs, dans la mesure où les textes qui semblent
se spécifier au droit de la concurrence, prennent en compte la
protection des consommateurs. Le droit de la concurrence et le droit de la
consommation se confondent, en raison des rapports qui les lient permanemment
à travers les notions de marché et des animateurs de celui-ci.
Mais relativement à la gestion de l'espace ouest africain, le Conseil
des Ministres sectoriel en charge des Télécommunications du 02
Décembre 2005, a approuvé dans le sillage de la Directive
n° 02/2002/CM/UEMOA relative à la coopération entre la
Commission et les structures nationales de concurrence des Etats membres pour
l'application des articles 88, 89 et 90 du Traité de l'U.E.M.O.A les
Directives suivantes54(*) :
-Directive no 01/2002/CM/UEMOA et la Directive no 80/723 du 25
Juin 1980 de la Commission sur la transparence des relations financières
entre les Etats membres et les entreprises publiques,
-Directive [01]/2006/CM/UEMOA relative à
l'harmonisation des politiques de contrôle et de régulation du
secteur des Télécommunications ;
-Directive [02]/2006/CM/UEMOA relative à
l'harmonisation du régime applicable aux opérateurs de
réseaux et fournisseurs de services ;
-Directive [03]/2006/CM/UEMOA relative à
l'interconnexion des réseaux et services de
Télécommunications ;
-Directive [04]/2006/CM/UEMOA relative au service universel et
aux obligations de performances du réseau ;
-Directive [05]/2006/CM/UEMOA relative à la
tarification des services de Télécommunications ;
-Directive [06]/2006/CM/UEMOA organisant le cadre
général d'une coopération entre les Autorités
Nationales de Régulation (ANR) en matière de
Télécommunications.
Ces directives sont adoptées le 23 mars 2006
à Abidjan.
Au titre des directives communautaires, on a celle
relative à la transparence des relations financières entre l'Etat
et les entreprises publiques ou les organisations internationales, et celle
relative à la coopération entre la Commission et les structures
nationales de la concurrence des Etats membres. En effet grâce à
la nouvelle réglementation communautaire, les Etats parties ont mis sur
pied des normes, ainsi que des structures chargées de promouvoir la
protection des consommateurs, et le libre jeu de la concurrence.
Chapitre Deuxième : Un souci de
consolidation d'une bonne concurrence communautaire.
La justice fait partie des institutions les plus
importantes d'un pays, tant par son statut par rapport aux autres pouvoirs que
par son rôle. L'action de la justice partout est de plus en plus
attendue, les populations étant elles-mêmes de plus en plus
conscientes de la nécessité pour le juge de dire le droit et de
défendre leurs libertés lorsqu'elles sont menacées,
notamment par les autorités politiques ou administratives. Ce faisant,
le juge contribue de manière non-négligeable à la gestion
de l'économie et partant à la consolidation de la concurrence.
Aussi, au sein de l'Union Européenne, si l'on note la constance du juge
dans ce domaine (Section Première), dans l'espace U.E.M.O.A, une
certaine hésitation de celui-ci est remarquée (Section
Deuxième).
Section Première : Les avancées du
juge européen.
C'est surtout avec l'arrêt SOCIETE
CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX55(*), que l'on notera de véritables avancées
du juge européen en matière de régulation. En effet, pour
la première fois on remarquera la théorisation d'une
véritable notion juridique de régulation à travers
notamment la mise à l'écart du principe de la personnalité
des peines (Paragraphe premier) et l'institution d'un régime
spécifique de sanctions pécuniaires dans la régulation des
marchés financiers (Paragraphe Deuxième).
Paragraphe Premier : La considérable
réduction du principe de la personnalité des peines.
C'est dans l'affaire
« Sté Crédit agricole Indosuez
Cheuvreux », que des pas de géants furent posés
par le juge en matière de régulation. Dans cette affaire, le
principe de la personnalité des peines a donné lieu à une
mise en oeuvre très singulière. En effet, le Conseil
d'État a réduit considérablement la portée de ce
principe en validant les sanctions pécuniaires du Conseil des
marchés financiers, « eu égard [en particulier] à la
mission de régulation dont est investi » cet
organisme, dont les motivations semblent exactement correspondre à
celles qui, a priori, ont dû guider l'adaptation qu'on a
constatée des principes de publicité des débats et
d'exclusion de la saisine d'office »56(*).
En approuvant les sanctions
pécuniaires abstraction faite du blâme, le Conseil d'État
considère que c'est à bon droit que cette sanction a pu
être prononcée contre la société ayant «
absorbé intégralement » celle dont les agissements
étaient en cause, sans que « le principe de personnalité des
peines [n'y fasse] obstacle ».
Dès lors57(*), non seulement le Conseil
d'Etat écarte l'application de l'un des principes fondamentaux du droit
répressif, mais de plus, pour la première fois (à notre
connaissance) la jurisprudence consacre ainsi l'existence d'une
véritable notion juridique de régulation.
Certes, l'expression « régulation » avait déjà
été plusieurs fois employée auparavant par le juge comme
par le législateur, mais sans jamais que des
conséquences juridiques clairement identifiées
n'y fussent attachées. En 1974 déjà, l'Avocat
Général WARNIER, dans ses conclusions dans l'Affaire Commercial
Solvens/Commission du 06/03/1974, avait posé des remarques qui furent
fort intéressantes, mais sans suite : « (...) les
autorités communautaires doivent considérer le comportement
incriminé dans toute ses conséquences pour la structure de la
concurrence dans le marché commun, sans distinguer entre les productions
destinées à l'écoulement à l'intérieur du
marché commun et celles destinées à être
exportées ; que lorsque le détenteur d'une position
dominante établi dans le marché commun tend vers l'exploitation
abusive de celle-ci, à éliminer un concurrent également
établit dans le marché commun, il est indifférent de
savoir si ce comportement concerne les activités exportatrices de
celui-ci, ou ses activités dans le marché commun, dès lors
qu'il est constant que cette élimination aura des répercussions
sur la structure de la concurrence dans le marché commun ».
Aux vues de ces constats donc, la nouveauté
de l'arrêt Cheuvreux mérite amplement que l'on s'y attarde. Il
instaure en effet, un nouveau cadre juridique concurrentiel propice aux acteurs
économiques, évoluant dans l'environnement d'un marché
commun marqué du sceau de la libéralisation, mais
contrôlé. Ainsi, compte tenu d'une définition des
marchés en constante évolution, le Conseil de la concurrence et
les autorités judiciaires communautaires construisent les marchés
et ne se contentent plus d'en assurer le contrôle : elles les
régulent58(*). En
posant de manière péremptoire et pour la première fois la
régulation dans toutes ces dimensions, le juge se repositionne en
véritable garant des relations contractuelles. En effet, s'il
était vite dépassé par les règles du droit civil
parce que particulièrement inadaptées à sa mission de
protection de l'ordre public, il a su par cet arrêt se poser en
véritable régulateur de la concurrence. Et ce, en allant dans le
sens de l'institution d'un régime spécifique de sanctions
pécuniaires dans la régulation communautaire.
Paragraphe Deuxième : L'institution
d'un régime spécifique de sanctions pécuniaires dans la
régulation communautaire.
Le droit de la concurrence est né
paradoxalement de la concentration. Karl MARX avait, en effet, mis en
lumière l'un des traits majeurs du capitalisme : la concentration
croissante des moyens de production liée à la concurrence. La
concurrence tue la concurrence dit-on. Ceci signifie que toute progression des
parts de marchés se fait au détriment des concurrents, le plus
souvent par voie de concentration. Ce constat va en droite ligne de
l'arrêt Cheuvreux de 2000 du Conseil d'Etat. Suivant l'économie de
cette affaire, le Conseil des marchés financiers a infligé
à la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX, qui avait
absorbé la société Dynabourse, un blâme et une
sanction pécuniaire de quatre-vingts millions de francs.
Néanmoins, le Conseil d'Etat ne le suivra qu'en ce qui concerne les
sanctions pécuniaires.
Cette position jurisprudentielle a
déjà fait l'objet d'esquisses par l'arrêt C.J.C.E du
05/10/1998 rendu dans l'affaire Société Alsacienne et Lorraine de
Télécommunications et d'Electronique contre S.A Novassam.
Interprétant la notion d'abus de position dominante et d'affectation du
commerce entre les Etats membres, la Cour a estimé qu'il y a lieu d'en
considérer la finalité « qui est de déterminer
le domaine d'application du droit communautaire de la concurrence (...) et ne
relève toute pratique susceptible d'influencer de manière directe
ou indirecte, actuelle ou potentielle le courant d'échanges entre les
Etats membres et d'entraver ainsi l'interprétation économique
voulue par le Traité ».
Ainsi donc, la libre entreprise ne peut
valablement se maintenir que s'il reste assez d'indépendance et
d'autonomie d'un régulateur vigilant et d'une justice équitable
et libre pour la défendre. En ce sens, l'ensemble des règles du
droit de la concurrence est volontairement mobilisé par les
autorités non seulement pour contrôler mais pour construire la
concurrence. La décision de la Commission Européenne sur les
aides d'Etat à la compagnie aérienne Rayanair, a ainsi
été présentée « comme une décision
majeure pour l'avenir du transport aérien qui conduira à un
développement accru de compagnies à bas coûts dans l'Union
européenne, au plus grand bénéfice des
consommateurs59(*) ».
Et dans ce domaine, le juge de droit commun est
assez limité, à la différence du Conseil de la
concurrence, qui grâce à son pouvoir d'injonction, de suppression
ou de modification des stipulations contractuelles, peut remodeler le contrat.
Il ne peut que prononcer la nullité d'un contrat et cette nullité
le prive en principe de toute rétroactivité. Mais, avec cette
percée dans l'arrêt Cheuvreux, on est en passe de voir une
véritable consolidation du droit de la régulation communautaire
européen. Ce qui dans l'espace U.E.M.O.A tarde encore à se
matérialiser.
Section Deuxième :
L'hésitation du juge de la communauté ouest africain.
C'est au sein même des autorités
judiciaires que la diffusion de la jurisprudence va être
pérennisée. C'est en ce sens que sa diffusion devient
institutionnalisée. De ce fait, une hésitation du juge,
caractéristique d'une certaine
« méconnaissance » de l'étendue de ses
pouvoirs (Paragraphe Premier), aura un effet dommageable pour le respect des
règles de concurrence régissant l'Union (Paragraphe
Deuxième).
Paragraphe Premier : Une certaine
méconnaissance de l'étendue de ses
compétences.
Dans son recours pris de la
violation des articles 76 et suivants du Traité de l'U.E.M.O.A, la
Société des Ciments du Togo (S.C.T), a demandé à la
Cour d'annuler la décision no 1467 DPCD/DC/1547 du 7 Juillet 2000 de la
Commission de l'U.E.M.O.A par laquelle celle-ci s'est déclarée
incompétente à mettre en oeuvre des engagements pris dans le
cadre de la C.E.D.E.A.O. Pour une compréhension dudit recours, un examen
des faits semble de bon aloi. En effet, dans le cadre de la
libéralisation des échanges communautaires, le marché de
l'U.E.M.O.A est ouvert aux produits industriels C.E.D.E.A.O, lorsqu'ils sont
accompagnés d'un certificat d'origine : ils circulent donc
librement et pénètrent ce marché. Aussi, en
décembre 1988, la République togolaise a concédé
à l'entreprise West African Ciment (WACEM), une zone franche pour
produire du clinker et du ciment. Cela a permis à la WACEM de
commercialiser et d'exporter son ciment en franchise des droits de douane dans
les Etats membres de l'UEMOA, mais également membres de la C.E.D.E.A.O.
De ce fait, les ciments WACEM et SCT se retrouvent donc sur le même
espace géographique abritant deux marchés qui se chevauchent,
mais qui sont distincts, chacun étant régi par sa propre
législation.
Et cette mise en oeuvre de la vente des produits
qui aurait provoqué une distorsion de la concurrence au regard de
laquelle la Commission a déclaré son incompétence. Alors
la SCT estime que cette décision est illégale et doit être
annulée au regard dit-elle des articles 76 et suivants du Traité
U.E.M.O.A.
Cependant, comme le souligne l'Avocat
Général M. Malet DIAKITE : « En
écartant sa compétence, alors qu'elle aurait dû
plutôt se renseigner, et au besoin, procéder à des
vérifications auprès des entreprises et des autorités
togolaises et dans les marchés en cause pour savoir si les pratiques
portées à sa connaissances pouvaient affecter les transactions
intracommunautaires de ciment et fausser les règles communes de
concurrence applicables aux entreprises, la Commission a manifestement
méconnu l'étendu de ses pouvoirs et violé les textes
visées aux moyens60(*) ». En cela, la Commission, a manifestement
méconnue l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes
visés aux moyens.
Dans une analyse plus
poussée, on dira que l'objet du recours étant une
appréciation de la légalité, la compétence de la
Cour s'impose en ce que le Traité lui donne droit d'appliquer et
d'interpréter la légalité des actes communautaires au sens
de l'article 1er du Protocole additionnel no 1, mais aussi
d'apprécier la légalité des actes communautaires (article
9 du même Protocole et 27 alinéa 3 des statuts de la Cour).
En estimant aussi, que le recours est
irrecevable aux motifs que la nature de l'acte ne permet pas de
l'insérer dans l'ordonnancement juridique communautaire, elle a
définitivement statué en déclinant sa compétence,
elle confère ainsi un caractère décisoire et
irrévocable à la lettre qui devient donc attaquable.
Une position jurisprudentielle similaire a pu
être relevée dans l'affaire S.A Cimenteries C.B.R et autres contre
Commission de la C.J.C.E du 15/03/1967: « (...) l'acte
litigieux par lequel la Commission a arrêté de manière non
équivoque une mesure comportant des effets juridiques affectant les
intérêts des entreprises concernées et s'imposant
obligatoirement à elles, constitue non un simple avis, mais une
décision ». Et plus récemment la C.J.C.E dans
l'affaire Fiscano contre Commission du
29/06/1994 posait: « (...) constitue une décision
susceptible d'être attaquée par la voie du recours en annulation
par le propriétaire du navire qu'elle concerne directement et
individuellement une lettre adressée par la Commission aux
autorités suédoises pour les informer d'une sanction qu'elle a
prise dans le cadre de la compétence et du pouvoir d'appréciation
que lui confère (...) à l'égard d'un navire suédois
(...) ».
Aux vues de ces différentes positions,
on est en droit de dire que « la méconnaissance » de
l'étendue de ses pouvoirs, conduit le juge de la Cour de justice de
l'U.E.M.O.A à un manquement dommageable pour le respect des
règles de concurrence régissant l'Union.
Paragraphe Deuxième : Une
déclaration d'incompétence dommageable pour le respect des
règles de concurrence régissant l'Union.
La S.C.T avait dénoncé à la
Commission par lettre en date du 15 Juin 2000, des pratiques de la WACEM qui
entraveraient les échanges intracommunautaires de ciment et fausseraient
les règles d'une saine concurrence entre les entreprises. Elle y
concluait que la WACEM s'était livrée à une concurrence
déloyale en violation des dispositions du Traité, notamment des
articles 76 et Suivants et que la Commission devrait prendre toutes les mesures
nécessaires pour mettre fin à ces comportements.
Il résulte des considérations qui
précèdent qu'une plainte contre des pratiques qui seraient de
nature à fausser l'homogénéité du marché
U.E.M.O.A et à créer des distorsions de la concurrence,
mérite d'être analysée par la Commission. Mais, pour toute
mesure, la Commission décidait qu'elle n'était pas
compétente à mettre en oeuvre des engagements pris dans le cadre
de la C.E.D.E.A.O. Et comme l'indique M. DIAKITE61(*), une enquête aurait
permis à celle-ci d'être suffisamment renseignée et de
disposer des éléments de fait et de droit pour asseoir sa
décision, à la requête d'en savoir les fondements et
à la Cour d'exercer en connaissance de cause son contrôle de
légalité.
Cette incompétence est-elle
justifiée au regard des moyens de droit invoqués par la
requérante ?
Une interprétation combinée des
articles 26 (alinéas 1 et 6) et 90 du Traité établit que
la mise en oeuvre des politiques communautaires de l'U.E.M.O.A, notamment celle
de la concurrence ressort du domaine de compétence de la Commission.
Dans l'exercice de ses prérogatives donc, cet organe doit recueillir
toutes informations utiles auprès des Gouvernements, des
autorités des Etats membres et des entreprises. Elle doit aussi, dans le
cadre de ses attributions, assurer le plein effet des normes communautaires, en
ignorant s'il y a lieu toute législation étrangère. En
effet, en matière de concurrence, sa compétence s'étend
à toute pratique anticoncurrentielle localisée dans l'espace
communautaire constitué par le territoire des Etats membres et cette
compétence est exclusive et ne saurait s'apprécier en
considération des éléments de droit d'une autre
communauté ou d'un statut d'une entreprise communautaire ou
étrangère.
La localisation déduite de l'article 88 du
Traité de l'U.E.M.O.A, permet de situer la compétence de la
Commission et les effets des pratiques illicites des entreprises sur le
territoire communautaire. Cette situation se trouve décuplée du
fait de l'entrée en vigueur du Règlement
n° 2/2002/C.M/U.E.M.O.A le 1er janvier 2003. Ce
règlement confère en effet, à la Commission de l'U.E.M.O.A
la compétence de trancher tous les litiges relatifs aux pratiques
anticoncurrentielles prévues par l'article 88 du traité de
l'U.E.M.O.A, sur l'ensemble du territoire de l'Union, sous le contrôle de
la Cour de Justice.
Dans ce registre, l'affaire Syndicat des Agences
de Voyages et de Tourisme du Sénégal (SAVTS)/ Compagnie Air
France avait, par décision du février 2001 est fort
intéressante. C'était, sans doute là l'occasion pour la
Cour de prendre une décision qui serait applicable dans l'ensemble de
l'U.E.M.O.A, mais elle a rendu l'arrêt n° 01/05 du 12 janvier
2005 dont le dispositif est libellé comme suit : la Cour, statuant
sur la question préjudicielle soumise à elle par le Conseil
d'Etat du Sénégal par arrêt n° 12/03 du 25
septembre 2003 dit pour droit que : « La Cour de justice de
l'U.E.M.O.A déclare recevable le recours préjudiciel introduit
par le Conseil d'Etat du Sénégal le 10 novembre 2003. La Cour de
Justice de l'U.E.M.O.A n'est pas compétente pour désigner la
juridiction nationale devant connaître du pourvoi formé par la
Compagnie Air France. Le Conseil d'Etat devra statuer sur les dépens de
la procédure de recours préjudiciel. En ce qui concerne la
présente procédure, Air France et la Commission supporteront
leurs propres dépens. ».
Cet arrêt montre toute la difficulté
de l'application des normes communautaires en Afrique de l'Ouest alors que la
Cour de Justice avait l'occasion de traiter cette affaire pour éviter
que le problème se pose dans l'espace communautaire.
CONCLUSION :
Au terme de cette analyse d'une consécration
d'une véritable notion juridique de régulation économique
au sein de l'Union Européenne et de l'Union Economique et
Monétaire Ouest Africain, on peut retenir donc que la régulation
existe. C'est une nouvelle fonction de la puissance publique, à
côté de la police et du service public, notamment fonctions avec
lesquelles elle entretient d'étroits rapports. Ses finalités se
traduisent par la recherche d'une gouvernance institutionnelle, politique,
économique et plus particulièrement, une gouvernance du
marché efficace et enfin une recherche académique et des
progrès des sciences sociales concrètes.
Ainsi, en ce qui concerne les règles de fond
adoptées par l'U.E.M.O.A, il ressort que le juge communautaire a choisi
de circonscrire son action à la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles des acteurs économiques de la sous-région.
Ce qui est dommageable à notre sens, eu égard aux
avancées non négligeables du juge européen dans ce
domaine. Parce que, c'est au sein même des autorités judiciaires
que la diffusion de la jurisprudence va être pérennisée et
institutionnalisée. Dès lors, la jurisprudence devient autonome
et elle ne sera plus localisée dans un espace donné, puisqu'elle
est réalisée dans un cadre communautaire. Cette veille à
la sauvegarde des droits et libertés constitutionnellement
garantis est assumée de trois manières par le juge:
-Par l'encadrement de l'exercice du pouvoir
réglementaire de l'autorité de régulation ;
-Par son pouvoir de réformation de la décision
de l'organe de régulation ;
-Et par le contrôle de pleine juridiction qui semble
être la contrepartie des pouvoirs exorbitants de l'autorité de
régulation et des menaces qu'ils représentent pour les
libertés publiques.
Dans ce sens, la mise en oeuvre du droit
communautaire de la concurrence confiée à un organe de
régulation, sous le contrôle du juge, vise à supprimer les
barrières au libre jeu de la concurrence et à surveiller un
marché concurrentiel avec des opérateurs publics et/ou
privés. Elle « présuppose une application stricte du
droit de la concurrence et des réglementations spécifiques aux
secteurs concernés ».
Ce type de régulation est la
régulation économique au sens stricte du terme et dès
lors, par cette fonction de régulation, l'Etat devrait favoriser
l'émergence de nouveaux opérateurs qui exercerons dans le
marché concurrentiel crée par la libéralisation.
WEBOGRAPHIE
1. Sites juridiques officiels :
-Textes et jurisprudence français :
http://www.legifrance.gouv.fr/
-Conseil constitutionnel :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/index.htm
-Conseil d'État :
http://www.conseil-etat.fr
-Cour de Cassation :
http://www.courdecassation.fr/_Accueil/plan.htm
-Portail officiel du droit Communautaire :
http://europa.eu.int/eur-lex/fr/index.html
-CJCE :
http://curia.eu.int/fr/index.htm
2. Régulateurs :
-ARTP : http://www.artp-senegal.org/
-ARCEP :
http://www.art-telecom.fr/
-Conseil de la Concurrence :
http://www.conseil-concurrence.fr/user/index.php
-Commission de régulation de
l'énergie :
http://www.cre.fr/
3. Organismes internationaux :
-OCDE : http://
www.oecd.org
-Service de la Gestion publique :
http://www.oecd.org/puma/
-OMC : http : //
www.wto.org
-Erudit : http://www.erudit.org;
-http://www.erudit.org/documentation/eruditPolitiqueUtilisation.pdf
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régulation économique » ; Page 482.
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-Section du contentieux, 6ème et 4ème
sous-sections réunies, sur le rapport de la 6ème sous-section
N° 207697 -Séance du 10 novembre 2000, lecture du 22 novembre 2000
SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX.
-CJCE, 1977, cons. 20.
-CJCE, arrêt du 29/06/1994. Affaire FISCANO
AB/Commission, recours en annulation, Recueil Page 2886.
-Solvens/Commission du 06/03/1974.
-Rapport public 2001 du Conseil d'Etat Français :
Jurisprudences et Avis 2000.
-C.J.C.E du 05/10/1998 rendu dans l'affaire
Société Alsacienne et Lorraine de
Télécommunications et d'Electronique contre S.A Novassam.
-Déclaration de Loyola de Palacio à propos de la
décision de la Commission du 03 Février 2004,
http://miniliem.com.
-S.A Cimenteries CBR et autres contre Commission de la
C.J.C.E du 15/03/1967.
-C.J.C.E Fiscano contre Commission du 29/06/1994
-Syndicat des Agences de Voyages et de Tourisme du
Sénégal (SAVTS)/ Compagnie Air France avait, Février
2001.
COURS :
-Cours « LOGIPROTECT », DESS
Droit du Cyberespace Africain, Promotion 2007-2008.
-Laurence BOYE, « Le droit de la concurrence :
Régulation et/ou contrôle des restrictions à la
concurrence », EUI Working Paper LAW No 2004/9.
- Abdoulaye (S); Directeur -Fondateur du Forum de la
régulation, « Eau -Electricité -
Télécommunications Activités de régulation dans
l'UEMOA», Cour de master en droit de la régulation promotion
2007-2008.
AUDIOVISUEL :
-Pascal (L), Directeur Général de l'Organisation
Mondiale du Commerce ; in Emission
« Internationales », 08 Février 2009 ;
TV5 Monde.
MEMOIRES :
-M. Monnet (J) ; Ancien ministre français et
commissaire au Gouvernement ; 1976, Page 413.
TABLES DES MATIERES
-Introduction :...............................................................................................2
-Première Partie :
Tentative d'une définition de la notion juridique de
Régulation...............8
-Chapitre Premier:
Définitions du concept de
régulation.................................................8
-Section Première: Un concept
ambigu au contenu
précis.................................. ..........8
-Paragraphe Premier: L'acceptation de
plusieurs acceptions....................................................9
-Paragraphe Deuxième :
L'intangibilité du
contenu.................................................10
-Section Deuxième :
L'examen des différentes modalités institutionnelles de la
Régulation...12
-Paragraphe Premier : La
régulation par l'intervention de l'Autorité
publique...................12
-Paragraphe Deuxième : La
régulation par absence
d'intervention.................................13
-Chapitre Deuxième : La
mise en oeuvre de la Régulation dans l'espace UEMOA...............15
-Section
Première : L'encadrement de la concurrence
des entreprises par la régulation.........15
-Paragraphe Premier :
L'interdiction de principe des
ententes.....................................15
-Paragraphe Deuxième :
L'exclusion des abus de position dominante.............................17
-Section Deuxième : La
prohibition des interventions
étatiques.....................................18
-Paragraphe Premier : La
limitation des aides publiques............................................18
-Paragraphe Deuxième :
L'obligation de libéralisation et de transparence par rapport aux
monopoles et entreprises
publiques........................................................................20
-Deuxième Partie :
L'impact de la consécration d'une véritable notion juridique de
Régulation dans l'activité
économique UEMOA.....................................................................21
-Chapitre Premier : Le souci
d'une double protection................................................22
-Section Première : La
mise en place d'un marché
protégé..........................................22
-Paragraphe Premier : La
primauté du principe d'intégration sur la recherche de
l'efficience
économique...................................................................................................22
-Paragraphe Deuxième : Un
cadre propice à l'épanouissement des entreprises opérant
dans le marché
communautaire......................................................................................24
-Section Deuxième :
L'inexistence d'une réglementation spécifique à la
protection du consommateur dans l'espace
UEMOA...................................................................25
-Paragraphe Premier : Des
règlements
anticoncurrentiels............................................26
-Paragraphe Deuxième : Des
directives multiples......................................................27
-Chapitre
Deuxième : Un souci de consolidation d'une bonne
concurrence communautaire....28
-Section Première : Les
avancées du juge
européen...................................................29
-Paragraphe Premier : La
considérable réduction du principe de la personnalité des
peines...29
-Paragraphe Deuxième :
L'institution d'un régime spécifique de sanctions
pécuniaires dans la régulation
communautaire...................................................................................30
-Section Deuxième :
L'hésitation du juge de la communauté ouest
africain........................32
-Paragraphe Premier : Une
certaine méconnaissance de l'étendue de ses
pouvoirs.............32
-Paragraphe Deuxième : Une
déclaration d'incompétence dommageable pour le respect des
règles de concurrence régissant
l'Union..................................................................34
ANNEXES :
Affaire: SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ
CHEUVREUX/Commission ; 22 Novembre 2000.
Section du contentieux,
6ème et 4ème sous-sections réunies, sur le
rapport de la 6ème sous-section N° 207697 - Séance du 10
novembre 2000, lecture du 22 novembre 2000 SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ
CHEUVREUX Texte intégral de la
décision :
Vu la requête sommaire et le mémoire
complémentaire, présentés pour la SOCIETE CREDIT AGRICOLE
INDOSUEZ CHEUVREUX, demandant au Conseil d'Etat :
1° d'annuler la décision du 27 janvier 1999 par
laquelle le Conseil des marchés financiers, statuant en matière
disciplinaire, lui a infligé un blâme et une sanction
pécuniaire de quatre-vingts millions de francs ;
2° de la relaxer de la procédure disciplinaire
engagée contre elle ;
Vu les autres pièces du dossier ; la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, notamment son article 6 ; la loi n° 66-537 du 24 juillet
1966 ; la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 modifiée ; l'ordonnance
n° 67-833 du 28 septembre 1967; le décret n° 96-872 du 3
octobre 1996 ; le règlement général du Conseil des
marchés financiers, homologué par arrêté du ministre
de l'économie, des finances et de l'industrie du 9 novembre 1998 ; le
règlement général du Conseil des bourses de valeur ;
l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°
53-935 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre
1987 ;
Considérant qu'au vu d'un rapport d'enquête
établi par ses inspecteurs, la Commission des opérations de
bourse a saisi le Conseil des marchés financiers en vue de l'ouverture
d'une procédure disciplinaire à l'encontre de la
société Dynabourse ; qu'à l'issue de cette
procédure, le Conseil des marchés financiers a infligé
à la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX, qui avait
absorbé la société Dynabourse, un blâme et une
sanction pécuniaire de quatre-vingts millions de francs ;
Sur les moyens relatifs à la procédure suivie
devant le Conseil des marchés financiers :
Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE CREDIT
AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX soutient que la participation du rapporteur aux
débats et au vote du Conseil des marchés financiers a
méconnu les stipulations de l'article 6, § 1, de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, aux termes duquel : «Toute personne a droit à ce que
sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un
délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre
elle» ;
Considérant que, lorsqu'il est saisi d'agissements pouvant
donner lieu aux sanctions prévues par l'article 69 de la loi
susvisée du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers
doit être regardé comme décidant du bien-fondé
d'accusations en matière pénale au sens des stipulations
précitées de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du
fait que sa décision peut faire l'objet d'un recours de plein
contentieux devant le Conseil d'Etat, la circonstance que la procédure
suivie devant cet organisme ne serait pas en tous points conforme aux
prescriptions de l'article 6, § 1, précité n'est pas de
nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du
droit à un procès équitable ; que, cependant - et alors
même que le Conseil des marchés financiers siégeant en
formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit interne -
le moyen tiré de ce qu'il aurait statué dans des conditions qui
ne respecteraient pas le principe d'impartialité rappelé à
l'article 6, § 1, précité peut, eu égard à la
nature, à la composition et aux attributions de cet organisme,
être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé
devant le Conseil d'Etat à l'encontre de sa décision ;
Considérant que l'article 2 du décret
susvisé du 3 octobre 1996 dispose : "Lorsque le conseil agit en
matière disciplinaire, le président fait parvenir à la
personne mise en cause (...) un document énonçant les griefs
retenus, assorti, le cas échéant, de pièces justificatives
; il invite la personne mise en cause à faire parvenir ses observations
écrites dans un délai qui ne peut être inférieur
à dix jours ; l'intéressé est également
informé qu'il peut se faire assister par toute personne de son choix" ;
qu'aux termes de l'article 3 du même décret : "Les observations
produites par la personne mise en cause sont communiquées au commissaire
du gouvernement et à l'auteur de la saisine du conseil" ; qu'enfin,
l'article 4 est ainsi rédigé : "Le président
désigne, pour chaque affaire, la formation saisie et un rapporteur parmi
les membres de celle-ci. Le rapporteur, avec le concours des services du
Conseil des marchés financiers, procède à toutes
investigations utiles. Il peut recueillir des témoignages. Il consigne
le résultat de ces opérations par écrit. Les pièces
du dossier sont tenues à la disposition de la personne mise en cause" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que
le rapporteur, qui n'est pas à l'origine de la saisine, ne participe pas
à la formulation des griefs ; qu'il n'a pas le pouvoir de classer
l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine ; que les
pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence
des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l'habilitent pas
à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder
à toute autre mesure de contrainte au cours de l'instruction ; qu'en
l'espèce, il n'est pas établi ni même allégué
que le rapporteur désigné après l'ouverture de la
procédure disciplinaire consécutive à la saisine du
Conseil des marchés financiers par le président de la Commission
des opérations de bourse aurait, dans l'exercice de ses fonctions,
excédé les pouvoirs qui lui ont été
conférés par les dispositions rappelées ci-dessus, et qui
ne diffèrent pas de ceux que la formation disciplinaire
collégiale du Conseil des marchés financiers aurait
elle-même pu exercer ; que, dès lors, il n'est
résulté de sa participation aux débats et au vote à
l'issue desquels il a été décidé d'infliger une
sanction à la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX aucune
méconnaissance du principe d'impartialité rappelé à
l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en second lieu, que si la SOCIETE CREDIT
AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX soutient que le procès-verbal dressé
le 1er avril 1998 par le service d'inspection de la Commission des
opérations de bourse aurait été rédigé en
contravention avec les dispositions de l'article 5 B de l'ordonnance du 28
septembre 1967 et de l'article 4 du décret du 23 juillet 1971, ce moyen
n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le
bien-fondé ;
Sur les moyens relatifs aux faits reprochés :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la
télécopie adressée, le 20 mars 1998, par la personne
chargée des fonctions de négociateur à la table
d'arbitrage de la société Dynabourse au service conservation de
ladite société, constituait un ordre d'apport de 4 089 000
actions à l'offre publique d'achat dont la date de clôture avait
précisément été fixée au 20 mars 1998 ; que
son annulation, postérieurement à cette date, constitue
dès lors une révocation décidée en infraction avec
l'article 5-2-11 du règlement général du Conseil des
bourses de valeur, qui dispose que : «Les ordres peuvent être
révoqués à tout moment jusque et y compris le jour de la
clôture de l'offre» ; qu'il suit de là que le Conseil des
marchés financiers n'a ni commis d'erreur de fait ni méconnu le
principe de la présomption d'innocence en se fondant sur le grief
tiré de ce que la société Dynabourse SA avait
révoqué dans des conditions irrégulières l'ordre
passé le 20 mars 1998 ;
Sur le moyen tiré du principe de la personnalité
des peines :
Considérant que le principe de la personnalité des
peines faisait obstacle à ce que le Conseil des marchés
financiers infligeât à la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ
CHEUVREUX un blâme à raison des manquements commis par la
société Dynabourse avant son absorption par la requérante
;
Considérant, en revanche, qu'eu égard tant à
la mission de régulation des marchés dont est investi le Conseil
des marchés financiers qu'au fait qu'à la suite de la fusion
intervenue le 6 juillet 1998, la société Dynabourse a,
conformément aux dispositions de l'article 372-1 de la loi du 24 juillet
1966 sur les sociétés commerciales, été
absorbée intégralement par la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ
CHEUVREUX sans être liquidée ni scindée, ni, en tout
état de cause, l'article 121-1 du code pénal, ni le principe de
la personnalité des peines ne faisaient obstacle à ce que le
Conseil des marchés financiers prononçât une sanction
pécuniaire à l'encontre de la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ
CHEUVREUX ;
Considérant qu'il suit de là que le moyen
tiré de ce que la décision attaquée aurait méconnu
le principe de personnalité des peines ne peut être accueilli
qu'en ce qui concerne le blâme infligé à la
société requérante ;
Sur le montant de la sanction pécuniaire :
Considérant qu'aux termes de l'article 69 II de la loi du
2 juillet 1996 : « Les prestataires de services d'investissement, les
membres d'un marché réglementé, les entreprises de
marché et les chambres de compensation sont passibles des sanctions
prononcées par le Conseil des marchés financiers à raison
des manquements à leurs obligations professionnelles (...) Les sanctions
applicables sont l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre
temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services
fournis. (...) En outre, le Conseil des marchés financiers peut
prononcer, soit à la place soit en sus de ces sanctions, une sanction
pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à
cinq millions de francs ou au décuple du montant des profits
éventuellement réalisés» ;
Considérant, en premier lieu, que le profit
consécutif à la révocation irrégulière de
l'ordre d'apport de la SNC Dynabourse Arbitrage dépend des
paramètres retenus pour la valorisation des bons de cession ou de valeur
garantie proposés par Allianz au titre de son offre subsidiaire ; que la
société requérante soutient que l'évaluation faite
par le Conseil des marchés financiers du profit que la
société Dynabourse aurait tiré de
l'irrégularité qui lui est imputée est entachée
d'une erreur en ce qu'elle repose sur une volatilité de 20,9 %, alors
que le taux de volatilité à retenir serait celui de 25 %,
correspondant à la volatilité entre le 24 mars 1998 et le 3 avril
1998 des options d'achat à 360 F d'actions AGF à
échéance juin 1998 ; que, toutefois, la volatilité d'une
option d'achat ayant une échéance de trois mois et celle d'un bon
de cession ou de valeur garantie ayant une échéance de plus de
deux ans ne sont pas identiques ; qu'il suit de là que la
requérante n'est pas fondée à soutenir que le Conseil des
marchés financiers aurait à tort retenu un taux de
volatilité évalué sur la base de la cotation des bons de
cession ou de valeur garantie lors de leurs premières journées de
négociation sur le marché du 23 au 30 avril 1998 ;
Considérant, en second lieu, que le montant maximum de la
sanction pécuniaire susceptible d'être infligée,
égal au décuple des profits indûment
réalisés, étant de 225 580 250 F, le Conseil des
marchés financiers n'a pas, eu égard à la gravité
des faits reprochés, prononcé une sanction excessive en le fixant
à quatre-vingts millions de francs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui
précède que la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX n'est
fondée à demander l'annulation de la décision du 27
janvier 1999 du Conseil des marchés financiers qu'en tant qu'elle lui a
infligé un blâme ;
D E C I D E : Article 1er : La décision du 27 janvier 1999
du Conseil des marchés financiers est annulée en tant qu'elle a
infligé un blâme à la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ
CHEUVREUX.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la
SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera
notifiée à la SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX, au
Conseil des marchés financiers et au ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Affaire : CIMENTERIES DU TOGO/COMMISSION DE L'UEMOA/ 20
JUIN 2001
ARRET DE LA COUR
20 juin 2001
Entre
Société des Ciments du Togo, SA et la Commission
de l'UEMOA
La Cour composée de MM. Yves D. YEHOUESSI,
Président ; Daniel L. FERREIRA, Juge rapporteur
; Mouhamadou NGOM, Juge ; Malet DIAKITE, Avocat
Général; Raphaël P. OUATTARA, Greffier; rend le
présent arrêt :
Considérant que par requête en date du 5
septembre 2000 parvenue à la Cour le 6 septembre 2000 et
enregistrée au greffe de ladite Cour sous le numéro 01/2000, la
Société des Ciments du Togo, par l'organe de son Conseil
Maître G. K. AMEGADJIE, Avocat à la Cour d'Appel de Lomé
Togo, a introduit un recours en annulation de la décision
n°1467/DPCD/DC/547 du 7 juillet 2000 de la
Commission de l'UEMOA qui s'est déclarée
incompétente pour enjoindre aux Etats membres de prendre les mesures
nécessaires pour le respect des règles de commerce et de
concurrence régissant l'Union;
Considérant que la requérante expose qu'en
décembre 1998, une société dénommée West
African Cimento (WACEM) a été agréée par la
République Togolaise comme entreprise de zone franche que l'Etat
togolais venait de créer ;
Qu'aux termes de la loi togolaise relative à la zone
franche, une entreprise agréée à la zone franche et qui y
effectue ses activités, est une entreprise en réalité
étrangère à l'économie et au territoire
géographique du Togo et par conséquent de l'UEMOA ;
Que c'est pourquoi : - d'une part aux termes de l'article 27
de ladite loi togolaise, les ventes réalisées par les entreprises
installées sur le territoire togolais à destination des
entreprises de la zone franche, sont des exportations ;
- d'autre part aux termes de l'article 26 de la même
loi, les produits d'une entreprise de la zone franche mis à la
consommation sur le territoire douanier des pays de l'UEMOA, sont des
exportations, lesquelles ne peuvent être effectuées que par une
tierce société importatrice régulièrement
installée sur le territoire douanier du Togo ;
Considérant que la requérante soutient en outre
que, se prévalant de l'agrément que lui aurait donné le
Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, la
Société WACEM exporte sa production de ciment sur les territoires
des Etats membres de l'UEMOA ;
Qu'elle fait observer que ces agissements de la
Société WACEM, constituent des violations graves des dispositions
des articles 76 et suivants du Traité de l'UEMOA instituant un
marché commun des Etats membres et établissant le principe d'un
Tarif Extérieur Commun au bénéfice des seules entreprises
ressortissantes des territoires douaniers de chacun des Etats membres ;
Qu'elle estime dès lors que c'est en violation des
dispositions du Traité de l' UEMOA que la
Commission s'est refusée à enjoindre à la
République Togolaise de prendre les mesures adéquates pour faire
cesser les agissements de la Société WACEM, gravement
préjudiciables aux intérêts des opérateurs
économiques régulièrement installés sur les
territoires douaniers ;
Qu'elle sollicite en conséquence l'annulation de la
décision de la Commission comme entachée
d'illégalité ;
Considérant qu'à l'audience du 13 juin 2001,
après lecture du rapport final par le juge rapporteur, la
requérante a fait observer dans le cadre de la procédure orale :
- qu'après avoir saisi la Cour par
télécopie, elle a été invitée par le
greffier, par téléphone, à régulariser sa
procédure ;
- qu'elle n'a jamais été mise en demeure de
régulariser son recours conformément aux dispositions de
l'article 32 des Statuts de la Cour ;
- d'une part aux termes de l'article 27 de ladite loi
togolaise, les ventes réalisées par les entreprises
installées sur le territoire togolais à destination des
entreprises de la zone franche, sont des exportations ;
- d'autre part aux termes de l'article 26 de la même
loi, les produits d'une entreprise de la zone franche mis à la
consommation sur le territoire douanier des pays de l'UEMOA, sont des
exportations, lesquelles ne peuvent être effectuées que par une
tierce société importatrice régulièrement
installée sur le territoire douanier du Togo ;
Considérant que la requérante soutient en outre
que, se prévalant de l'agrément que lui aurait donné le
Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, la Société WACEM
exporte sa production de ciment sur les territoires des Etats membres de
l'UEMOA ;
Qu'elle fait observer que ces agissements de la
Société WACEM, constituent des violations graves des dispositions
des articles 76 et suivants du Traité de l'UEMOA instituant un
marché commun des Etats membres et établissant le principe d'un
Tarif Extérieur Commun au bénéfice des seules entreprises
ressortissantes des territoires douaniers de chacun des Etats membres ;
Qu'elle estime dès lors que c'est en violation des
dispositions du Traité de l' UEMOA que la
Commission s'est refusée à enjoindre à la
République Togolaise de prendre les mesures adéquates pour faire
cesser les agissements de la Société WACEM, gravement
préjudiciables aux intérêts des opérateurs
économiques régulièrement installés sur les
territoires douaniers ;
Qu'elle sollicite en conséquence l'annulation de la
décision de la Commission comme entachée
d'illégalité ;
Considérant qu'à l'audience du 13 juin 2001,
après lecture du rapport final par le juge rapporteur, la
requérante a fait observer dans le cadre de la procédure orale :
- qu'après avoir saisi la Cour par
télécopie, elle a été invitée par le
greffier, par téléphone, à régulariser sa
procédure ;
- qu'elle n'a jamais été mise en demeure de
régulariser son recours conformément aux dispositions de
l'article 32 des Statuts de la Cour ; susceptible de produire des effets de
droit ;
Considérant que par mémoire en réplique
en date du 26 mars 2001, la requérante soutient au contraire :
- que d'une part. même s'il est certain que
l'alinéa 3 de l'article 26 du Règlement de Procédures,
énonce que la requête est établie, outre l'original, en
autant d'exemplaires certifiés conformes qu'il y a de parties en cause,
il n'est nulle part écrit dans ce texte que les dispositions de
l'alinéa 3 sont faites ad validitatem de la saisine de la Cour ;
- que d'autre part, il n'est dit nulle part que ce sont les
originaux des actes (requête ou compromis) qui sont seuls de nature
à saisir la Cour ; que c'est un principe général de droit
qu'il n'y a ni irrecevabilité ni nullité sans texte ;
Qu'elle ajoute que par pli DHL en date du 10 novembre 2000,
elle a fait tenir à Monsieur le Greffier de la
Cour. l'original et deux exemplaires de sa requête ; que
c'est ce dernier qui a trouvé suffisant de notifier à la
Commission une copie certifiée conforme de la télécopie de
la requête ;
Considérant que la requérante a par ailleurs
fait observer qu'elle a fondé son recours sur l'article 8 alinéa
2 du Protocole additionnel n °1 qui dispose que le recours en
appréciation de la légalité est ouvert, en outre, à
toute personne physique ou morale contre tout acte de l'Union lui faisant grief
;
Que toujours selon la requérante, la décision
attaquée, signée par un Commissaire, est un acte de la Commission
qui lui cause un préjudice ;
Qu'elle estime enfin que l'affirmation de la Commission selon
laquelle pour être passible de recours en annulation, l'acte doit
être de nature à créer une modification dans
l'ordonnancement juridique préexistant, constitue un rajout
illégal aux conditions légales d'exercice du recours ;
Considérant qu'il y a lieu d'abord de donner acte
à la requérante de ce qu'elle renonce à ses demandes
nouvelles contenues dans son mémoire ampliatif.
Considérant qu'il convient ensuite de préciser
que la décision attaquée constitue bien un acte d'un organe de
l'Union au sens de l'alinéa 2 de l'article 8 du Protocole additionnel
n°1 relatif aux organes de contrôle ;
Qu'aux termes de cette disposition, " le recours en
appréciation de la légalité est ouvert, en outre, à
toute personne physique ou morale, contre tout acte d'un organe de l'Union lui
faisant grief " ;
Considérant que les termes de la lettre de la
Commission constituent une prise de position sur la réclamation de la
société des ciments du Togo ;
Considérant que par cette lettre la Commission a
arrêté de manière non équivoque, une mesure
comportant des effets juridiques affectant les intérêts de la
société des ciments du Togo et s'imposant obligatoirement
à elle ;
Qu'au regard de ces observations. C'est en vain que la
Commission tente de faire plaider que la décision n'est pas susceptible
de recours en annulation ;
Considérant cependant qu'il y a lieu de constater que
l'article 26 du Règlement de Procédures, qui n'est qu'une reprise
de l'article 31 de l'Acte additionnel n°10/96 portant statuts de la Cour
de Justice, dispose, en son alinéa 2, que la requête est
établie, outre l'original, en autant d'exemplaires certifiés
conformes qu'il y a de parties en cause ;
Que l'article 32 dudit acte additionnel dispose que, dans le
cas où la requête n'est pas conforme aux dispositions de l'article
31, le greffier invite la requérante à régulariser son
recours dans un délai qui ne peut excéder deux mois ;
Considérant que la question qu'il convient dès
lors de se poser est celle de savoir si ces dernières dispositions ont
été respectées ;
Considérant qu'il résulte des débats que
la requérante a déclaré avoir été
invitée par le greffier. Par téléphone, à
régulariser son recours avant de se dédire par la suite pour
affirmer qu'elle n'a jamais été mise en demeure de
régulariser sa requête ;
Qu'en cet état d'incertitude et de contradiction qui
demeure, c'est en vain que la requérante tente de soutenir que les
dispositions de l'article 32 n'ont pas été respectées ;
Considérant que la requérante n'a transmis
l'original de sa requête à la Cour que le 04 avril 2001 soit plus
de deux mois après l'expiration du délai légal
d'introduction de la requête ;
Considérant qu'il s'y ajoute qu'il est de règle
que le dépôt de l'original de la requête dans les
délais, s'impose particulièrement lors de l'introduction du
recours en annulation ;
Considérant qu'il résulte donc de tout ce qui
précède, que la recevabilité du recours dépend
uniquement de la saisine régulière de la Cour par l'original de
la requête dans le délai de deux (2) mois ;
Que par ailleurs les délais de l'article 32 des Statuts
de la Cour de justice et de l'article 15 du
Règlement de Procédures sont d'ordre public ;
qu'il n'appartient pas au juge ni aux parties d'en disposer à leur
gré parce qu'ayant été institués en vue d'assurer
la clarté et la sécurité des situations juridiques ;
Qu'en conséquence, le recours tardif fait par la
société des ciments du Togo par télécopie non
régularisé dans les délais prévus par l'article 3,
des Statuts, doit être déclaré irrecevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article 60 du
Règlement de procédures, toute partie qui succombe est
condamnée aux dépens ;
Considérant que la requérante a succombé
en ses moyens : qu'il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière de
recours en annulation :
- Donne acte à la requérante de ce qu'elle
renonce aux demandes nouvelles contenues dans son mémoire ampliatif ;
- Déclare le recours irrecevable pour inobservation des
dispositions de l'article 31 alinéa 3 de l'Acte additionnel n°10/96
portant Statuts de la Cour de Justice ;
- Condamne la Société des Ciments du Togo aux
dépens.
* 1 Abdoullah Cissé,
L'harmonisation du droit des affaires en Afrique : L'expérience de
l'ohada à l'épreuve de sa première décennie,
Revue Internationale de Droit Economique 2004- 2 (t. XVIII, 2)| ISSN
1010-8831 | ISSN numérique : en cours ISBN : 2-8041-4450-X | page 197
à 225.
* 2Toutefois, au-delà
des soucis de rationalisation du système juridique africain, le
Traité de l'OHADA s'inscrit dans un vaste mouvement de régulation
des relations juridiques supervisé par les institutions
financières internationales et ressortissant de la logique de
fonctionnement du marché.
* 3 Télécoms,
Banques, Marchés financiers, etc.
* 4 Rapport 2002 ;
OMC ; « Marché et concurrence : Globalisation et
transparence».
* 5 COULIBALY Abou Saib ;
Docteur en Droit, Maitre-assistant, UFR /SJP Université de
Ouagadougou, « Le Droit de la Concurrence de L'Union Economique et
Monétaire Ouest Africain ».
* 6 On notera que c'est dans le
cadre de l'Organisation Commune Africaine et Malgache que le Bureau Africain et
Mauricien de Recherches et d'Etudes Législatives (BAMREL) fut
crée pour l'élaboration de lois unifiés s'appliquant
directement dans les Etats d'Afrique francophone. Cependant, cela
s'avère être un échec !
* 7 Il s'agit d'un recours en
nullité des sociétés continental can
Company, établie à New York, et de sa filiale Europemballages
Corporation, établie à Bruxelles, contre une décision de
la Commission du 9 décembre 1971, relative à une procédure
d'application de l'article 86 du Traité.
* 8 L'Union européenne
est une construction d'un nouveau type, sans précédent
historique, entre des États différents appartenant à
l'Europe. L'Union européenne, en tant qu'institution, ne dispose pas de
la
personnalité
juridique. Elle dispose cependant de compétences propres (
politique
agricole commune (PAC),
pêche,
etc.), ainsi que des compétences qu'elle partage avec ses États
membres. Il s'agit d'une organisation qui combine, suivant les domaines
d'actions, le niveau supranational et le niveau intergouvernemental, sur un
champ géographique restreint (comme le
Mercosur, l'
Association
des nations de l'Asie du Sud-est, etc.) mais avec un rôle politique
propre plus important que pour les autres organisations et un pouvoir de
contrainte sur ses membres plus important.
* 9 COULIBALY Abou Saib ;
Docteur en Droit, Maitre-assistant, UFR /SJP Université de
Ouagadougou, « Le Droit de la Concurrence de L'Union Economique et
Monétaire Ouest Africain ».
* 10 Bertrand du MARAIS ;
« Droit public de régulation
économique » ; Page 482.
* 11 Gérard Marcou, Pr.
à l'Université Paris I (Panthéon Sorbonne): La
régulation exprime ainsi la responsabilité ultime des gouvernants
quant au niveau de satisfaction de certains besoins considérés
comme essentiels.
* 12 Mondialisation
(globalisation).
* 13 Par exemple le
consommateur qui est très préoccupé par un service de
qualité à des prix accessibles.
* 14 Pr. Abdoulaye SAKHO, Cours
DESS Droit du cyber espace africain, « La régulation des
Télécommunications », 2007-2008.
* 15 Cette notion n'est
peut-être pas absente de l'esprit de certains. Pour les technocrates
Jacobins, elle rejoindrait l'idée d'un contrôle ferme
exercé par l'Etat sur les marchés. Au contraire, elle est
critiquée par les libéraux viscéralement opposés
à tout contrôle.
* 16 A-S. Mescheriakoff, Droit
public économique, PUF, coll. Droit fondamental, 1994 ; D. Linotte
et Romi, Services publics et droit économique, Litec, 4e
éd., 2001.
* 17 Marie-Anne
Frison-Roche ; Le droit de la régulation, Dalloz ; 2001 Chron.
Page 610.
* 18 Conseiller d'État,
directeur de Sciences-Po, in « La nécessité d'une
réflexion générale et croisée sur la
régulation: L'autorité du régulateur ».
* 19 Bertrand du Marais, Droit
public de la régulation économique, Page 482.
* 20 Pr. Jean PAILLUSSEAU
Prospectives du Droit économique, Dialogues avec Michel JEANTIN, Dalloz,
p 97.
* 21 Prospectives du Droit
économique, Dialogues avec Michel JEANTIN, Philippe DELEBECQUE
(Clausula, Clausulae, Clausularum..., Dalloz, p 34 ; Michel JEANTIN.
* 22 Bien que nul ne doute que
la jurisprudence soit, dans une certaine mesure, une source du droit.
* 23 Exemple :
Arrêt de la Cour, 20 Juin 2001, Société des Ciments du Togo
SA/La Commission de l'UEMOA, que nous développerons dans les pages qui
suivent.
* 24 V. Les
différentes définitions de la régulation, in
« La régulation : monisme ou pluralisme ? », n°
spécial des Petites Affiches, 10 juil. 1998, p. 5 et s. Sur le
principe même de la pertinence de plusieurs définitions, v. A.
Jeammaud, Introduction à la sémantique de la régulation
juridique. Des concepts en jeu, in Les transformations de la
régulation juridique, LGDJ, coll. « Droit et
société. Recherches et travaux », 1998, p. 47-72, p. 53.
* 25 A.R.T.P au
Sénégal, A.R.T.E.L au Burkina Faso et ARCEP en France etc.
* 26 Bertrand du Marais, Droit
public de la régulation économique, Page 482.
* 27 En l'occurrence une
définition technique, une définition en termes de politiques
économiques et enfin une autre selon la sociologie politique selon
Bertrand du Marais.
* 28 FRISON-ROCHE M. (A);
Professeur des Universités à Sciences Po, directeur de la chaire
Régulation ; « Définition du
droit de la régulation économique ».
* 29 J.-Cl. Thoering, L'usage
analytique du concept de régulation, in J. Commaille et B.
Jobert (dir.), Les métamorphoses de la régulation
politique, LGDJ, coll. « Droit et société », 1998,
p. 35-53, p. 35.
* 30 SAKHO Abdoulaye
Directeur -Fondateur du Forum de la régulation, « Eau
-Electricité - Télécommunications Activités de
régulation dans l'UEMOA», Cour de master en droit de la
régulation promotion 2007-2008.
* 31 V. F. Hayek, Droit,
législation et liberté, 3 t. rééd. PUF, coll.
« Quadrige », 1995, spéc. Le premier tome, Règles
et ordre. 8.
* 32 M. Boiteux et C. Henry,
« Services publics et concurrence : Leçons des
expériences européennes », Annales des mines.
Gérer et comprendre, 53, 1998, Page 4-15.
* 33 R. Chapus,
« Droit administratif général, 12e
éd., Paris, Montchrestien, 1998, L'administration consultative, no 607
et s.
* 34 Cours
« LOGIPROTECT », DESS Droit du Cyberespace
Africain, Promotion 2007-2008.
* 35 Association de marchands
et d'artisans au Moyen-âge, dans le Nord de la France et en Flandre.
* 36 B. du Marais,
« Quelle sécurité juridique pour un
développement économique durable ? Le cas du
microcrédit villageois » Actes de la journée
d'études Développement rural durable, Académie
des sciences morales et politiques et l4Académie des Sciences, Paris,
Editions Tec et Doc, 2000, Page 199-217.
* 37 OCDE,
« Coopération en matière de
réglementation dans un mode interdépendant »,
Paris, 1994, Page 270 ; « La réforme de la
réglementation », Paris, 1997.
* 38 On pourrait parler des
organes de régulations comme ceux des
Télécommunications, des marchés publics, de
l'électricité, de l'Audiovisuel etc. cependant on a
préféré les renvoyé a l'Annexe.
* 39 Note 1 de l'Annexe 1 du
Règlement no 03/2002/CM/UEMOA.
* 40 COULIBALY Abou Saib ;
Docteur en Droit, Maitre-assistant, UFR /SJP Université de
Ouagadougou, « Le Droit de la Concurrence de L'Union Economique et
Monétaire Ouest Africain ».
* 41 Note 3 de l'Annexe no 1 du
Règlement no 03/2àà2/CM/UEMOA.
* 42 Note 3 de l'Annexe no 1 du
Règlement no 03/2002/CM/UEMOA.
* 43 Gérard CAS, Roger
BOUT, Etienne PETIT, « Lamy droit économique (1996) :
concurrence, distribution, consommation », op/cit, Pages 680-681.
* 44 Pascal LAMY, Directeur
Général de l'Organisation Mondiale du Commerce ; in Emission
« Internationales », 08 Février 2009 ;
TV5 Monde.
* 45 Karounga Diawara ;
Review of European and Russian Affairs vol. 2 issue 1/2006 ;
« Politique de la concurrence et intégration des
marchés intérieurs : analyse comparative entre les perspectives
canadienne et européenne (U.E) ».
* 46 Section du contentieux,
6ème et 4ème sous-sections réunies, sur le rapport de la
6ème sous-section N° 207697 -Séance du 10 novembre 2000,
lecture du 22 novembre 2000 SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX.
* 47 Section du contentieux,
6ème et 4ème sous-sections réunies, sur le rapport de la
6ème sous-section N° 207697 -Séance du 10 novembre 2000,
lecture du 22 novembre 2000 SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX.
* 48 M. Monnet (J) ;
Ancien ministre français et commissaire au Gouvernement ; 1976,
Page 413.
* 49 C.J.C.E, 1977, cons.
20.
* 50 Les entreprises et
prestataires de services ne seraient plus soumis aux dispositions
réglementaires (normes sociales, environnementales, etc.) du pays
où ils opèrent, mais à celles de leur pays d'origine
(où se trouve leur siège social), sauf pour certains
éléments du droit du travail.
* 51 Karounga Diawara ;
Review of European and Russian Affairs vol. 2 issue 1/2006 ;
« Politique de la concurrence et intégration des
marchés intérieurs : analyse comparative entre les perspectives
canadienne et européenne (U.E) ».
* 52 CJCE, arrêt du
29/06/1994. Affaire FISCANO AB/Commission, recours en annulation, Recueil Page
2886.
* 53
Monsieur Oumar
Gaye, Conseiller référendaire, Conseil d'Etat du
Sénégal.
* 54 Nous avons opté
mettre à titre d'exemple ces Directives relatives au secteur des
Télécoms, abstraction faite des autres. Ce qui ne signifie
nullement cependant, que nous allons passer sous silence les Directives qui
réglementent les autres secteurs économiques.
* 55 Section du contentieux,
6ème et 4ème sous-sections réunies, sur le rapport de la
6ème sous-section N° 207697 -Séance du 10 novembre 2000,
lecture du 22 novembre 2000 SOCIETE CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX.
* 56 Même
arrêt !
* 57 Dans cette affaire,
étaient en cause deux sanctions (une sanction pécuniaire et un
blâme) prononcées contre une société pour des faits
commis par une seconde société, absorbée entre-temps par
la première.
* 58 Laurence BOYE,
« Le droit de la concurrence : Régulation et/ou
contrôle des restrictions à la concurrence », EUI
Working Paper LAW No 2004/9.
* 59 Déclaration de
Loyola de Palacio à propos de la décision de la Commission du 03
Février 2004, http://miniliem.com
* 60 Conclusions de l'Avocat
Général Malet DIAKITE ;
Affaire : « Société des Ciments du Togo
SA/Commission de l'UEMOA.
* 61 Conclusions de l'Avocat
Général Malet DIAKITE ;
Affaire : « Société des Ciments du Togo
SA/Commission de l'UEMOA.
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