B. LA RESTAURATION DE L'ORDRE PAR
LES AUTORITES ALLEMANDES COMME L'UNE DES ETAPES FONDAMENTALES DU PROCESSUS DE
CONSTRUCTION DE L'ETAT CAMEROUNAIS
Par des répressions brutales, les forces armées
allemandes rétabliront l'ordre souhaité par eux. Les chefs qui ne
voudront pas se soumettre seront exécutés. On a le cas de
Simeko'o, chef Yezum de Lembé qui fut empoisonné. En effet,
après que von Kruezzo et ses troupes aient réussit à
briser sa résistance, il laissa non seulement la vie sauve à
Simeko'o mais il lui promit également qu'il le reconnaissait comme le
chef de tous les Yezum ; pour fêter cette réconciliation, von
Kruezzo lui fat parvenir de nombreux cadeaux parmi lesquelles une caisse de gin
dont une bouteille de qualité supérieure est
réservé à Simeko'o en sa qualité de chef, (Mbono
Samba Azan 1976 : 74-75). C'est ainsi que ce vin empoisonné
consumera Simeko'o qui mourra de mort lente.
Les traités de paix seront des moyens
d'assujettissement de certains chefs récalcitrants.
Rédigés en allemand, ils imposent la reconnaissance de la
souveraineté allemande et les autorités traditionnelles
signataires acceptent de se soumettre à l'autorité du Reich
(Kum'a Ndumbe III 1986 : 65). A titre illustratif, le traité de
Ngaoundéré du 20 Septembre 1901 signé par le Lamido Maii
du royaume de Ngaoundéré est un exemple patent de l'acceptation
de l'ordre allemand. Ce lamido promet entre autres : de toujours se
soumettre au gouvernement allemand et d'exécuter sans faute les
directives de ce dernier ; de s'engager en outre à ne pas mener
indépendamment une guerre c'est-à-dire sans l'accord de
l'autorité allemande. Il s'engage cependant à " assurer la
sécurité des routes commerciales", (Kum'a Ndumbe III 1986 :
65). La défaite militaire se traduit ainsi par la soumission politique
sans conditions.
Le Lamido Abo (de Yoko) s'engage non seulement à
construire de bonnes routes commerciales de Tibati à Banyo et
Ngaoundéré mais le vaincu doit aussi payer des dommages de guerre
et fournir une main d'oeuvre gratuite à l'autorité allemande.
Le Lamido de Lombel s'engage à fournir 20 travailleurs
au gouvernement impérial chaque mois contre une
rémunération de 6 Mark, à fournir sur demande des
travailleurs au poste allemand de Garua, poste à construire.
Au centre et au sud, la résistance des chefs comme
Siméko'o, chef Yezum de Lembé, le chef Ntonga dans la
région du sud-Cameroun va être brisée (Mbono Samba Azan
1976 : 62-64).
Il arrivait souvent qu'après ces victoires, les
Allemands se montrent magnanimes à l'égard des vaincus. Ce fut le
cas des chefs rétablis dans toutes leurs prérogatives comme se
fut le cas de Ntonga.
Par ces traités, les dirigeants locaux conservent une
partie de pouvoir sur leurs sujets puisque les Allemands n'abolissent pas le
royaume ou la principauté car ils installeront même de nouveaux
chefs dociles là où besoin est. Mais ces princes perdront
cependant leur souveraineté et leur autonomie d'action car ils se
soumettront à l'autorité allemande qui deviendra vers 1907
l'autorité réelle sur l'ensemble du territoire.
La colonisation ne fut acceptée avec contentement nulle
part. Les acteurs locaux essayèrent uniquement de composer avec elle.
Certains préférèrent la collaboration et d'autres,
plutôt la résistance. Que se soit l'un ou l'autre, les Allemands
utiliseront tout cela pour imposer leur autorité. Tout ceci contribua
à la mise en place de certains fondements ayant contribué
à la formation de l'Etat camerounais. Il y a eu construction parce que
le rapport de force a été favorable aux Allemands. Ceux-ci ont
transcendé les multiples clivages sociaux et ont brisé les micros
Etats en les insérant dans un processus global.
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