B.LA NAISSANCE D'UNE COHESION SOCIALE
Comme le dit si bien Georges Simmel, le conflit est un
instrument de régulation sociale. Il rétablit l'unité et
renforce la cohésion interne d'un groupe en accroissant sa
centralisation. L'exemple du peuple Douala est instructif dans ce cas. En
effet, les résistances pacifiques eurent pour conséquences
indirectes que toute la tribu Douala prit plus conscience de ses
intérêts commun, que les membres se rapprochèrent
étroitement et qu'une personnalité liée au peuple
émergea parmi eux. Au début, R. Manga Bell jouissait à
peine d'autorité que ne lui conférait sa qualité de chef
supérieur. Mais par l'acquisition d'un grand crédit auprès
de sa tribu, il fut désigné comme porte parole (Ruger 1986 :
154-155).
Par ailleurs, le succès de la pétition au
Reichstag que les Doualas avaient entrepris se répandit dans
l'arrière-pays du territoire camerounais. Il y aura un rapprochement
entre des tribus Doualas et Bassa alors que leurs relations étaient
assez hypothéquées pour des raisons historiques. L'opposition
commune à la puissance coloniale favorisera l'unité d'action des
différentes tribus et c'est dans ce cadre qu'interviendra Martin Paul
Samba. Dans son souci de mettre fin à cette expropriation, Rudolph Manga
Bell et ses compagnons mettront tout en oeuvre pour élargir et
approfondir leur champ d'action, mobiliser le plus de gens et de tribus et
canaliser les efforts de tous.
En plus, la lutte pour l'hégémonie est un moment
crucial de la régulation politique. En effet, " la formation
des acteurs, leurs affrontements et leur alliance incorporent
immédiatement des schémas cognitifs, des symboles et des valeurs
(...) de plus, la conduite de toute négociation implique la construction
d'un langage commun, d'une définition partagée de la situation
sociale entre les protagonistes " (Commaille et Bruno 1998 : 134).
Les tentatives des deux parties en conflits de trouver une solution au
problème ont favorisé la naissance d'une communauté de
politique publique. S'instaure alors la conduite des débats et des
controverses entre les différents réseaux de politiques
publiques.
L'ordre politique n'est pas une donnée naturelle. C'est
un processus de construction permanent qui pèse sur l'orientation de la
régulation politique. La recherche des compromis entre les parties
montre déjà la reconnaissance de l'autre et son acceptation
devient plausible. La violence s'accroît et devient plus saillante
là où surgit généralement l'incertitude sur les
frontières c'est-à-dire lorsque les règles
généralement acceptées, ces lignes de partages qui
enseignent à chacun des rôles et des droits définis dans
l'ordre domestique sont transgressées (Braud 2004 : 16-17).
La lutte contre un ennemi commun a fait naître une
certaine unité entre les groupes sociaux camerounais. Des populations
qui n'avaient parfois aucun lien commun s'organisent de façon
cohérente afin de formuler de façon claire leurs demandes. En
demandant des comptes au pouvoir allemand, les Camerounais reconnaissent tous
la suprématie du pouvoir allemand sur leurs autorités politiques.
Par ailleurs, la demande d'institution provenant de l'intérieur,
c'est-à-dire des populations, on assiste à la construction d'un
Etat-nation.
Toutefois, par le biais de leurs forces armées, les
Allemands vont réussir à imposer de nouvelles praxis sociales et
les populations camerounaises seront dans l'obligation de se mettre à
l'école de l'apprentissage de jeux nouveaux.
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