L'imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l'etat au cameroun (1884-1914)( Télécharger le fichier original )par Sandrine Carole TAGNE KOMMEGNE YAOUNDE 2 - SOA / CAMEROUN - Diplome d'Etude Approfondie en Science Politique 2006 |
B. LA CONTRIBUTION DES ENSEIGNEMENTS AU CONTRÔLE DES POPULATIONS CAMEROUNAISES ET A LA NAISSANCE D'ACTEURS LOCAUX POUVANT NEGOCIER LEUR STATUT AVEC LES AUTORITES ALLEMANDESPar la recherche d'une main-d'oeuvre scolarisée pour leurs plantations, les allemands ont de façon volontaire ou pas, contribué à l'homogénéisation des peuples résidants sur le territoire du Cameroun. Même si la notion de leur droit était encore flou pour certain, il est tout de même juste de dire que certains pouvaient confusément percevoir dans ce nouveau système éducatif un moyen de changer de statut social. En effet, Joseph Mbassi (1986 : 264) montre dans une enquête qu'il a effectuée auprès d'anciens élèves de la période allemande que certains espéraient obtenir un travail rémunéré après leurs études. Sur les huit personnes interrogées et ayant fréquentées une école, cinq ont pu trouver un travail auprès des européens ; un comme instituteur, deux comme infirmier, deux comme agents agricoles auxiliaires. Même si la garantie de l'emploi n'était pas assurée, il faut remarquer que beaucoup d'élèves du primaire trouvaient alors plus facilement un travail rémunéré que ceux n'ayant pas été à l'école. A travers la création d'écoles d'agricultures et la formation d'indigènes dans l'agriculture, les Allemands vont réussir peu à peu à inculper de nouvelles habitudes aux Camerounais. Par une politique agraire timide au départ, les Allemands vont progressivement adapter celle-ci aux besoins de leur économie. C'est ainsi que la mise en administration de la société camerounaise se fera de manière progressive mais certaine. Ceci s'observera par l'accroissement des pouvoirs des administrateurs locaux. Par ailleurs, on note ici un renforcement des pouvoirs des gouverneurs. En effet, dans la circulaire du gouverneur du 18 avril 1910, touchant la procédure à suivre dans la conclusion de contrat de vente et de location de parcelles foncières, le gouverneur Seitz stipule que : " Si le prix d'achat est déjà payé, le vendeur doit être rappelé à l'obligation de le restituer dans le cas de refus de mon autorisation. Surtout, toutes les parties doivent être instruites de ce que le contrat n'a pas de force juridique ni ne donne aucune garantie tant que je n'ai pas donné mon autorisation. Si le tuteur ou quelques indigènes ne sont pas d'accord sur le contrat et si l'on n'a pas réussi à amener une entente, il y a lieu de clore la tractation et, dans la cas où une partie le requiert, ou si cela paraît exigé pour d'autres motifs, de me le soumettre."20(*) Dans le souci de pouvoir revendiquer des droits et justifier certaines de leurs actions, les populations locales se voient dans l'obligation d'apprendre la langue des Allemands pour pouvoir communiquer avec ces derniers. Ceci marque le changement de régime dans la colonie du Cameroun. Loin de toujours en référer aux autorités politiques de l'empire, les autorités allemandes présentes au Cameroun jouissent désormais d'une certaine marge de manoeuvre. Ceci va concourir à la spécificité de la mise en administration de la société camerounaise car ces autorités vont parfois adapter leurs décisions au contexte local. Aussi, par l'apprentissage d'une langue commune, des Camerounais qui jusqu'alors ne se connaissaient pas et ne pouvaient pas pour la plupart communiquer entre eux vont apprendre à se connaître à travers la cohabitation dans les plantations. La naissance d'un intérêt commun va favoriser la naissance d'une société camerounaise. Loin d'être passif, les Camerounais vont essayer de tirer profit du système. Par ailleurs, la force n'étant pas le seul mode de domination, les autorités allemandes, dans la recherche d'un équilibre favorisant une politique agricole efficace, vont essayer d'amadouer les autochtones. * 20. ANY, TA 22 et bis, Circulaire du Gouverneur touchant la procédure à suivre dans la conclusion de contrat de vente et de location de parcelles foncières du 18 avril 1910. |
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