2. Théobald von
Bethmann-Hollweg (1909-1914) et l'investissement des capitaux publiques de
l'empire allemand
Sous son règne, on observera de plus en plus une
franche intervention de l'Etat allemand dans la mise en valeur du territoire du
Cameroun. Sa politique s'inscrira dans la continuité de celle de von
Bülow car c'est sous son règne que le gouvernement allemand
initiera des mesures afin d'améliorer les conditions de vie des
autochtones essayant de limiter ainsi les taux de mortalité des
ouvriers. De nombreux investissements initiés par le gouvernement
allemand vont s'effectuer sans laisser indifférents les acteurs
privés surpris de ce nouvel état de chose.
En effet, dans la lecture des échanges de
correspondance qui eut lieu entre des commerçants et le gouvernement, on
note une certaine surprise des acteurs privés. La première lettre
date du 11 mars 1914 et est adressée au gouverneur du Cameroun
(Ebermaier) et est signée du directeur de la westafrikanische
Pflanzungsgasellschaft. En voici le contenu tel que reproduit par
Etoga Eily (1971: 293) :
" Notre succursale de Campo nous apprend, par la
dernière occasion que le poste de Campo fait depuis longtemps
pêcher ses prisonniers et vend le poisson aux indigènes à
très bon marché. Ces agissements du poste paralysent à peu
près complètement le commerce du stockfish pour les factoreries
de la localité : les stocks se gâtent et il en résulte
pour les firmes représentées des pertes considérables. Une
démarche auprès du chef de poste est restée sans
résultat. C'est pourquoi nous prenons la liberté de demander au
gouvernement impérial si le poste de Campo a le droit de se livrer
à ce commerce du poisson. Telle étant l'affaire, nous prions le
gouvernement impérial d'interdire au chef de poste de Campo la vente de
poissons aux indigènes. Nous serions reconnaissants d'obtenir une
réponse rapide sur le présent cas, etc.... "
W. VAN DE LOO
Mais la réponse du gouvernement ne fut pas aussi rapide
comme le souhaitait le commerçant car elle n'intervint que le 22 mai
1914. Bien plus, loin de faire droit aux revendications des commerçants,
le gouvernement ne cacha pas l'intérêt qu'il portait à
cette activité. Voici le texte de cette réponse (Etoga Eily
1971 : 294) :
" Je ne puis faire aucune opposition à l'exercice
de cette pêche. Je me félicite au contraire de ce que le poste
s'efforce d'assurer à la population de la colonie un aliment frais, peu
coûteux et produit naturellement. Il est absolument de
l'intérêt de la colonie d'utiliser les richesses naturelles. Je
considérerais comme l'effet de vues étroites de négliger
cet intérêt général uniquement pour soutenir
artificiellement un commerce qui fournit à la population une
alimentation à la fois chère et plus mauvaise. La poste n'a eu en
vu que cet intérêt général, sans viser à
créer une concurrence pour les factoreries : preuve en soi que la
poste a proposé aux factoreries la vente de l'excédent du
poisson ; mais, les factoreries ont décliné cette
proposition. L'entreprise du poste, d'autre part, est absolument dans la
direction des efforts réalisés par l'administration,
spécialement dans ces derniers temps, pour intensifier la pêche
dans la colonie. Je voudrais profiter de cette occasion pour faire comprendre
aux entreprises de la colonie, qu'elles devraient seconder ces efforts et
établir des exploitations analogues. A cette fin, j'envoie copie de la
présente lettre à la chambre de commerce du Sud-Cameroun et
à l'Association des commerçants du Nord et du centre-Cameroun,
sans nommer de firme",
Par délégation : Kundt D.
Ces textes traduisent les divergences de vues qui avaient
toujours opposés les commerçants et le gouvernement pour
l'application dans le protectorat d'une politique économique
idéale. Quoiqu'il en soit, l'intervention effective du gouvernement
allemand dans l'exploitation du Cameroun aura comme conséquence un
accroissement du contrôle des populations. Ceci parce que dans l'optique
de pourvoir le besoin de plus en plus croissant des plantations en
main-d'oeuvre, les autorités politiques de la décennie 1900-1914,
s'étaient très vite rendu compte qu'il fallait améliorer
les conditions de vie des autochtones afin d'accroître leur rendement.
Cet interventionnisme se ressentira au niveau des institutions
foncières afin de limiter la spéculation et de rendre plus
efficace la gestion administrative du territoire.
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