b. La transformation de la
notion de richesse dans les sociétés traditionnelles avant
l'arrivée des Allemands
Parmi les populations, certaines ont très vite
entretenues des relations commerciales qui ont influencé
l'évolution de leur économie. Dans les régions des
grassfields, on note l'existence d'un commerce régional. Dans le plateau
de Bamenda et dans le pays Bangang, on a la spécialisation de la
production de certains produits notamment la production de l'huile de palme ;
de même que dans la région bamiléké, il existe des
spécialisations locales telles la production des céréales
et celle des palmeraies dans la région de Bafang (Fark Grüninger
1995 : 35-36). Chaque région était en contact avec
l'extérieur. A partir de la vente des esclaves, certaines régions
étaient en contact avec l'extérieur et, même après
son abolition, ces régions ont continué à entretenir des
relations commerciales basées sur d'autres produits. Ainsi, le commerce
n'était pas uniquement l'apanage des peuples de la côte du
Cameroun. Elle concernait aussi les peuples de l'hinterland. A titre
illustratif, une partie du commerce de sel qui arrivait en pays Bamoun
transitait par Bafoussam, en provenance de Yabassi ou de la côte, via
Bagangté. L'homme Bamoun était également en rapport avec
des commerçants Haoussa depuis le règne de Fon Nsangu, entre 1870
et 1880, et peut-être beaucoup plut tôt (Etoga Eily 1971 : 110).
Bien plus, il existait un commerce à longue distance entre le pays
bamiléké et la côte notamment la région de
Calabar
Par ailleurs, ces rapports avec des peuples venus d'ailleurs
influenceront d'une part la notion de richesse. Les notions d'accumulations, de
profit et même de monnaie commencent à se répandre. En
effet, l'accroissement du commerce et l'installation de plus en plus croissante
des firmes européennes sur la côte du Cameroun
nécessitaient l'institution de moyens d'échanges commodes. C'est
ainsi qu'on aura le Kroo, les cauris, les perles comme monnaies
d'échange. Beaucoup plus présent à Douala, le
kroo servait d'unité d'échange (Etoga Eily 1971 : 88-91)
dans les relations commerciales des Doualas. Même si ces
différentes monnaies ne s'étendront pas à l'ensemble de la
population, nécessité s'est fait sentir d'établir une
sorte d'unité commune d'échange permettant de donner une valeur
quasi commune aux marchandises. Les prix étaient fixés en commun
accord entre acheteurs et vendeurs. En règle générale, les
intermédiaires Doualas, installés dans les localités de
brousse, se réunissaient et arrêtaient ensemble des mesures
valables sur toute l'étendue de la région (Etoga Eily 1971 :
93).
Il est donc clair que bien avant la pénétration
des Allemands, le système économique des populations vivant dans
cette région d'Afrique était en évolution notamment
à travers les contacts commerciaux avec les commerçants
européens et suite aux migrations internes. Ces peuples entretenaient
donc déjà des relations. Mais, il faut se poser ici la question
de la place du commerce dans cette économie qui a été
caractérisée d'autosubsistance. Comme on l'a si bien
observé, l'existence de monnaies et de courants commerciaux est
antérieure à la colonisation et n'a pas entraîné des
transformations profondes sur l'organisation politique de ces populations. Au
contraire, ces sociétés traditionnelles précoloniales ont
maintenu leur indépendance territoriale et politique tout en entretenant
des rapports commerciaux. Cette dynamique participe à la construction de
l'Etat dans la mesure où elle avait déjà posé
certaines pierres d'attente favorable à l'intégration des peuples
dans le système économique allemand. Toutefois, cette dynamique
s'est faite bien avant l'arrivée de la colonisation et n'a presque pas
eu d'impact car chaque souverain était jaloux de son autonomie.
Ce n'est qu'avec l'arrivée des Allemands que des
changements profonds surviendront. Qu'y aura-t-il de particulier dans le
système économique qu'introduiront les Allemands au Cameroun et
qui provoquera l'unification de ces nombreuses petites unités
territoriales et politiques reparties sur l'ensemble du territoire camerounais
?
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