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Enjeux et limites de l'évaluation du contrat urbain de cohésion sociale( Télécharger le fichier original )par Audrey Vigignol Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Lille - Master 2 Mention Aménagement, Urbanisme et développement des territoires 2009 |
Conclusion chapitre 3Comme outil d'aide à la décision publique, l'évaluation devrait permettre de juger de l'adaptation des réponses fournies par la collectivité aux besoins sociaux en confrontant l`action à la réalité du terrain, en replaçant la politique publique dans son environnement social. Elle doit ainsi permettre, en connaissance de cause, de maintenir, réorienter, modifier ou annuler une mesure publique. Elle tente de conférer au processus de décision un surcroît de rationalité. Elle peut également visée à reconstruire à posteriori la logique et la cohérence des politiques menées. La circulaire du 28 décembre 1998 affirme ainsi que « les conclusion tirés de l'évaluation sont intégrées dans les processus de décisions qui conduisent à lancer, compléter, infléchir, suspendre, ou abandonner une politique publique81 » Or, dans les faits, la formulation d'un jugement collectif sur une politique complexe, touchant à tous les secteurs de la vie en société est d'autant plus difficile avec la diversité des attentes multi-partenariales, l'absence objectifs clairs, hiérarchisés, quantifiés et évaluables. Malgré un contexte favorable et une démarche évaluative qui s'attache de près aux principes déontologiques énoncés par la société française de l'évaluation, l'effet de levier escompté de la démarche d'évaluation en tant qu'outil d'aide à la décision parait galvaudé. La démarche évaluative reste très procédurale. Pour des raisons qui relèvent à la fois de la structure de la politique et des acteurs de celle-ci, l'évaluation du Cucs ne permet que très peu de réorienter l'action publique en fonction des conclusions émises. Par ailleurs, pour les mêmes raisons, l'évaluation n'interroge pas les mécanismes même de ce dispositif et ne juge alors pas l'adaptation des réponses politiques fournie aux besoins sociaux. Autrement dit, l'évaluation du Cucs, telle qu'elle est pensée et conduite ne permet pas d'interroger l'existence même du Cucs et ne questionne par la plus-value de la politique de la ville. 81 Circ, PRM/C, 28 décembre 1998, JO février 1999, P,2239 Conclusion finaleLa politique de la ville peut se définir comme une politique de projet. Face à un constat, la concentration de grandes difficultés sociales sur un territoire défini, elle a un enjeu, la réduction de ces difficultés et la cohésion sociale; au travers d'une démarche spécifique, la mise place d'actions transversales et l'engagement d'acteurs variés. Territorialisée, contractuelle et multidisciplinaire, la politique de la ville propose un modèle d'action publique alternatif. Elle est un mode d'action qui, depuis ses origines à la fin des années 70, a toujours fait preuve d'innovation et s'est présentée comme un élément moteur de l'évolution de l'ensemble de la sphère politique. La politique de la ville a ainsi généralisé la logique de projet comme mode d'action publique. Dans le même principe, elle est l'une des toutes premières politiques à avoir intégré l'évaluation comme pratique systématique et obligatoire. Encore aujourd'hui, alors que la sphère politico administrative française n'a pas encore automatisé la culture évaluative, la politique de la ville s'affirme dans son exemplarité. Au niveau local, à Fontaines sur Saône, la politique de la ville se traduit notamment par l'application d'une convention locale du contrat urbain de cohésion sociale qui engage une série d'actions et de financements durant 3 ans vers deux quartiers prioritaires, les Marronniers et la Norenchal. Engagés en 2007, les Cucs prenaient fin initialement en 2009. Cette date est reportée d'un an. Néanmoins, l'année 2009 reste l'année des bilans après trois ans de programmation. Les partenaires, constitués en comité de suivi, se sont alors engagés dans une évaluation du Cucs local. L'évaluation du Cucs permet la production d'une grande source de connaissances. Le recours à plusieurs outils méthodologiques, indicateurs statistiques, enquête de satisfaction, observation des espaces publics et groupes de travail partenariaux, permet d'élaborer une connaissance qui est à la fois qualitative et quantitative. Cette articulation de plusieurs procédés, qui reposent tous sur un cadre méthodologique précis et transparent, assure une vision du territoire cohérente et recevable. Par ailleurs, le contexte de l'évaluation semble répondre aux exigences de déontologie et assure la légitimité de l'évaluation Pourtant, malgré ces éléments favorables, la production de connaissances rigoureuse, les respects des principes évaluatifs et un contexte favorable pour le reversement des résultats dans la prise de décision politique, l'évaluation du Cucs ne semble pas opérer l'effet de levier escompté. C'est la forme même de la politique de la ville qui interroge les possibilités d'une évaluation pertinente. Le millefeuille institutionnel et la transversalité de l'action de la politique de la ville limitent la lisibilité des résultats. La multiplicité des financeurs, des acteurs, des dispositifs-contrats sectoriels, les zonages évolutifs, brouillent les éléments et décalent la posture de l'évaluation. Parce qu'elle s'intéresse à un champ d'application évolutif, la géographie prioritaire, l'évaluation du Cucs prend les traits d'un outil prospectif plus une analyse de l'efficacité des moyens engagés aux vues des résultats produits. CONCLUSION IAUL - Ville de Fontaines-sur-Saone Enfin, l'évaluation est une obligation contractuelle. Or la pertinence d'une évaluation systématique ne semble pas totalement justifiée. D'autant plus que, sans ligne de conduite ni objectifs formels assignés, il revient au niveau local de définir la posture évaluative qui articule la pluralité des attentes multi partenariales. L'évaluation du Cucs est alors la traduction locale d'une injonction centrale qui dessert l'appropriation politique en amont de la démarche et renforce son caractère procédurier. Au final, s'il est nécessaire d'interroger la plus value de la politique de la ville, il faut néanmoins questionner la pertinence et l'opportunité d'une évaluation systématique et obligatoire de ses dispositifs. La politique de la ville est une politique de projet. L'évaluation doit donc porter un jugement sur le projet opéré. La durée actuelle des Cucs est de trois ans. Or, en trois ans, on ne peut considérer que les actions soient durablement engagées et aient un impact sur le territoire. Il semble alors peu opportun de mettre en place l'évaluation au terme de ces trois années. Ce laps de temps représente à peine le temps de construire et de consolider un partenariat solide sur le territoire. Une telle durée est, dès lors, trop courte pour mette en place des actions et surtout pour avoir le recul nécessaire de juger de leurs effets à long terme. La politique de la ville est une politique locale. Si ses dispositifs renvoient à un cadre national, leur mise en oeuvre reflète les particularités territoriales. Dès lors, chaque dispositif, à l'image des territoires auxquels il s'applique, est différent. L'évaluation devrait donc traduire cet aspect territorial. La démarche, les objectifs fixés, le calendrier ne peuvent être pertinents que s'ils correspondent à la situation locale. Or, dans le contexte actuel, l'évaluation est bien le fruit d'une injonction centrale peu en lien avec les moyens et les besoins locaux. Plutôt qu'une évaluation triennale, lourde et procédurale, d'autres voies sont imaginables. Il serait possible de privilégier une démarche de suivi continu disposant des moyens matériels et humains nécessaires. Le suivi continu permettrait à l'instant « t » d'éclairer les besoins du territoire et définir, notamment, l'évolution de la géographie prioritaire. En complément de ce suivi territorial, la pratique d'une évaluation qui porte uniquement sur les actions engagées prise au moment opportun et d'après une volonté locale, permettrait véritablement de juger la performance des orientations prises. L'articulation d'un suivi territorial et d'une évaluation locale séquencée dans des temps plus long permettrait une dissociation nécessaire des deux aspects aujourd'hui confondus : géographie prioritaire et actions menées. Par ailleurs, elle engagerait une véritable implication des acteurs locaux dans la démarche évaluative et l'appropriation de ses résultats par les décideurs politiques. Les objectifs visés par l'évaluation, conférer au processus de décision un surcroît de rationalité en reconstruisant à posteriori la logique et la cohérence des politiques menées, seraient alors assurés. . 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Marronniers, repartition par age et passexe 7 Figure 1 : Perimetres sensibles de Fontaines-sur-Saone 1
1 2 11I))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))).1 2 ANNEXE I : Circulaire relative à la signature des Contrats Urbains de Cohésion Sociale ANNEXE II : Circulaire relative à l'évaluation des Contrats Urbain de Cohésion Sociale ANNEXE III : Grille d'analyse des groupes de travail participatif ANNEXE IV : Le référentiel d'indicateurs statistiques ANNEXE V : Le dispositif du Cucs dans la Commune (2008) ANNEXE VI : Organisation de la conduite de projet La Norenchal |
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