Dans cette section, nous étudions les modes de
financement des PVD (1) à travers les fondements des deux modes de
financement (1.2), la transition vers le système financier (1.2).
Ensuite nous examinons les moyens de financement des entreprises Africaines (2)
: le financement interne (2.1) et le financement externe (2.2).
1. Les modes de financement des P.V.D
Les concepts d'économie d'endettement et
d'économie de marché financier connaissent, en
réalité, une distinction purement conceptuelle,
c'est-àdire qu'aucune économie réelle ne peut satisfaire
pleinement aux conditions de l'un ou de l'autre. Il n'en demeure pas moins
qu'il est généralement considéré
que les Etats-Unis et la Grande Bretagne se rapprochent du
système de l'économie de marché financier qui se fonde sur
les mécanismes de la finance directe. Par ailleurs, le mode de
financement qui domine le tiers monde avant la crise de la dette se rapproche
plutôt du système d'endettement, mais depuis c'est vers le
système de régulation par le marché qu'ils se sont
acheminés.
1.1. Les fondements des deux modes de
financement.
Une économie d'endettement est une économie
dans laquelle les agents économiques à excédent de
financement, généralement les ménages, financent les
déficits des agents à besoin de financement (les entreprises et
l'Etat). La caractéristique de ce système réside dans la
prédominance de la finance indirecte c'est-à-dire le recours
massif des agents à besoin de financement13, « les
entreprises », aux organismes de crédits plutôt qu'au
financement par l'intermédiaire de l'émission boursière.
Compte tenu des besoins en investissements de la sphère productive,
c'est la banque centrale qui se trouve contrainte d'alimenter l'économie
en moyens de financement. Dans un tel système, les taux
d'intérêts sont des taux administrés et non des taux
d'équilibre reflétant l'état du marché. Ils sont
utilisés par la banque centrale pour accroître la quantité
de crédit.
Quant aux caractéristiques du système
d'économie de marché financier, la prédominance de la
finance directe reste la base de tous ses mécanismes. Les entreprises
s'approvisionnent prioritairement sur le marché financier lorsqu'elles
ont un besoin de financement. Elles procèdent à l'émission
de valeurs mobilières qu'achètent les ménages qui
détiennent ainsi leur épargne sous forme de titres, et ne
s'adressent aux institutions d'octroi de crédits que subsidiairement.
L'Etat émet des obligations ou des bons de trésor pour satisfaire
ses besoins de financement. Le marché monétaire est dans ce cas
le lieu de rencontre de l'offre et de la demande de la liquidité de la
part des banques, marchés sur lequel peut intervenir la banque centrale
pour agir sur cette liquidité conformément aux besoins de
l'économie. Les taux d'intérêts s'établissent en
fonction de l'état du marché en reflétant la
disponibilité ou la
13 Dans une économie d'endettement, les agents
à capacité de financement, quant à eux
préfèrent les placements dans les banques aux titres émis
sur les marchés financiers.
pénurie de ressources que connaît
l'économie concernée compte tenu de ses besoins
d'investissements.
1.2. La transition vers le système de
marché financier.
Dans de nombreux pays en développement, le mode de
financement des économies a été essentiellement
basé sur l'intermédiation bancaire. L'aggravation de la crise de
la dette au début des années 1980 a entraîné la
fermeture des marchés internationaux de capitaux envers les emprunteurs
de la plupart des pays du tiers-monde. La pénurie qu'a engendré
cette crise a entraîné de forts taux d'inflation.
Au moment où la nécessité de lutter
contre l'inflation est apparue et que les programmes d'ajustements
structurels14 ont commencé à prendre place, la
politique monétaire devait chercher à maîtriser la masse
monétaire. Or l'encadrement du crédit accompagné d'une
politique du taux d'intérêt bas et à la
sélectivité administrative a conduit à
l'inefficacité de la politique monétaire sur les
déséquilibres l'appareil productif.
Cette inefficacité a entraîné le passage
à une politique monétaire et financière basée sur
la révision progressive à la hausse des taux
d'intérêts. Par ailleurs, cette tendance à la hausse du
taux d'intérêts était devenue urgente compte tenu des
opportunités de placement que proposaient les marchés financiers
étrangers. C'est à ce moment là qu'un début
d'innovation a commencé à apparaître de la part des
trésors publics, des entreprises et des institutions financières.
Il en est résulté un développement des innovations
financières et l'établissement de marchés où
peuvent se former des taux d'intérêts par la rencontre de l'offre
et de la demande. Ces taux d'intérêts reflètent
parfaitement la structure des carences en, ressources (en fonction des
maturités) que connaît une économie nationale dans la
globalité.
Le processus d'évolution vers un système
d'économie de marché financier s'installe progressivement au fur
et à mesure du développement du marché boursier. Ce
dernier permet aux entreprises de trouver des fonds
14 A la suite des recommandations du Fonds
Monétaire International, des programmes d'ajustements structurels ont
été adoptés par la plupart des pays en
développement afin de faire face aux problèmes d'endettement
issus du recours excessif aux capitaux étrangers durant les
années soixante-dix.
nécessaires pour financer leurs investissements
à moindres coûts, de même que les ménages trouvent
des produits de placements plus diversifiés et plus rentables.
2. Les moyens de financement des entreprises Africaines.
2.1. Le financement interne.
Le financement interne de l'entreprise trouve ses origines
dans les ressources exceptionnelles résultant d'opérations sur le
capital menées par l'entreprise : cessions d'immobilisations (notamment
de constructions ou de terrains), cessions de participations dans des filiales
qui n'entrent plus dans la stratégie définie par les dirigeants
de la firme. Le financement interne peut tout de même être
dégagé par l'activité courante de la firme après
que celle-ci ait rémunéré l'ensemble de ses stakeholders
(parties prenantes).
· L'autofinancement.
Le financement interne ou autofinancement a une composante
normale et exceptionnelle. La composante normale est au sens strict de
l'autofinancement ; elle est habituellement constituée par la dotation
aux amortissements et le bénéfice net non distribué. Son
niveau est fonction des charges qui viennent en réduction de dividendes
adoptée par les propriétaires de l'entreprise. La seconde
composante du financement interne provient des ressources exceptionnelles
résultantes d'opérations affectant le patrimoine : cessions de
biens meubles et immeubles ou de participations etc. Il s'agit en fait
d'opérations de désinvestissement, par conséquent leurs
flux ne peuvent qu'être conjoncturels.
L'autofinancement en général, est la source
privilégiée de financement des entreprises [Myers et Majluf,
1984]. La raison généralement avancée est la
disponibilité immédiate des ressources, leur usage sans aucune
condition restrictive et, surtout pour le dirigeant d'entreprise ou
l'obligation de révélation de l'information sur la situation
financière de l'entreprise. Toutefois l'autofinancement est non
seulement un frein à la mobilité de l'épargne d'un secteur
à un autre, mais est rarement suffisant pour couvrir tous les besoins de
financement des entreprises [Ginglinger, 1991 et 1997].
Le financement interne dégage d'énormes
avantages pour les dirigeants de l'entreprise : disponibilité,
flexibilité, absence de contrôle explicite par les pourvoyeurs de
capitaux.
Le financement interne ne peut assurer de façon
suffisante le financement de la croissance de l'entreprise. Finalement
l'entreprise se trouve obligée de se tourner vers le financement
externe.
2.2. Le financement externe.
A partir du moment où l'autofinancement n'a pas pu ou
n'est pas suffisant pour répondre aux besoins de l'entreprise, le
financement externe devient un passage obligé. On peut alors soit faire
appel à l'endettement qui est une source dont la durée de vie est
strictement limitée et qui ne confère pas aux pourvoyeurs de
fonds le droit de regard sur la gestion de l'entreprise soit recourir aux
capitaux propres.
· Les banques.
La banque intervient dans le financement des entreprises en
offrant des dettes et des services financiers : c'est la fonction
d'intermédiation de la banque. Celle-ci est importante pour les pays
d'Afrique au Sud du Sahara car il n'existait pas, et cela jusqu'à un
passé récent, un marché boursier dans bon nombre de ces
pays15. Si bien que, en matière de couverture des besoins de
financement de l'économie en général et
particulièrement pour les entreprises, le monopole des banques est
quasi-total. Pour les Etats il faut souligner les aides, les dettes et les
financements spéciaux des projets émanant des banques centrales :
la BEAC (banque des Etats de l'Afrique centrale), la BOAD (banque ouest
africaine de développement), de la BAD (banque africaine de
développement) ; on note aussi ceux émanant de l'étranger
tels que la Banque mondiale, du Fonds Monétaire International, du Fonds
Européen de développement, de l'Union Européenne etc.
Cependant le monopole des banques n'est pas synonyme de
couverture adéquate des besoins de financement de l'économie et
particulièrement de ceux des entreprises. En effet dans leur fonction
d'intermédiation, les banques
15 A titre d'exemple on peut citer la zone UEMOA
(union monétaire et économique ouest africaine) ou encore la zone
CEMAC (communauté économique et monétaire de l'Afrique
centrale)
consentent deux types de prêts : à court terme
(un an au plus) et à moyen ou long terme. Les particuliers sont
éligibles aux prêts de court terme (découverts), et aux
prêts de long terme (crédit de trésorerie et de
fonctionnement) [Merchez, 1998]. Outre les banques centrales, d'autres
institutions du secteur financier participent au financement des entreprises
africaines :
· Les banques commerciales.
Les banques commerciales sont les principaux fournisseurs
officiels des services financiers au monde des affaires. Elles servent
d'intermédiaires financiers en mobilisant les dépôts et
l'épargne pour les céder à titre de prêts personnels
ou de prêts aux entreprises. Les grandes banques commerciales s'occupent
de divers services financiers : non seulement l'épargne, les
dépôts, les crédits, mais aussi les transferts de
l'étranger et les opérations de change, ainsi que l'assurance,
l'acquittement de factures etc.
Les banques commerciales privées, comme toutes les
entreprises, sont mues par la recherche du profit. Cela revient en terme
bancaire, à maximiser son produit net bancaire, c'est-à-dire le
total des intérêts et commissions perçues sur les banques
et la clientèle notamment au titre de la rémunération des
dépôts. En agissant sur les produits des emplois et sur les
coûts des ressources, les banques atteignent leur objectif. En effet agir
sur les produits des emploi pour les banques consiste à jouer sur deux
vecteurs : augmenter le volume des emplois sur la clientèle saine d'une
part et, limiter les risques pour éviter d'avoir ultérieurement
à constituer des provisions pour créances douteuses d'autre part.
Pour être conforme à ce principe, les banques sélectionnent
leur clientèle en tenant compte de leur capacité, de la structure
du personnel de la direction du crédit de la banque et des
opportunités du marché interbancaire. La capacité de la
clientèle est évaluée par son autonomie financière
et la capacité de la gestion [Merchez, 1998]. Tandis que l'autonomie
financière s'évalue par l'importance des fonds propres par
rapport au total du bilan, par rapport également aux immobilisations,
mais aussi par l'importance du fonds de roulement16.
16 Le fonds de roulement est le solde qui
représente la différence entre les ressources permanentes
(capitaux propres et ressources assimilés + dettes et ressources
assimilés) et les actifs immobilisés du bilan. La norme est un FR
positif, dans ce cas il y a suffisamment de ressources de long terme pour
couvrir des emplois de court terme ayant un caractère permanent.
En ce qui concerne le fonds de roulement (FR) requis, il est
recommandé par celui du besoin de financement de l'exploitation ou
besoin en fonds de roulement (BFR)17. Une insuffisance en FR
amène la banque à exiger de l'entrepreneur ou des actionnaires ou
associés des rapports complémentaires en fonds propres
(augmentation de capital ou en comptes courants associés
bloqués), étant entendu que la rentabilité de l'affaire ne
fasse pas ressortir des faiblesses rendant l'avenir de l'entreprise
préoccupant. Autrement l'entreprise doit présenter en plus une
surface acceptable (l'endettement ne doit pas excéder les fonds propres)
et, doit être d'une rentabilité jugée satisfaisante en
comparaison avec d'autres entreprises concurrentes du même secteur.
L'insuffisance du fonds de roulement et l'incapacité des entreprises
à augmenter leurs capitaux propres sont les étapes majeures au
cours desquelles le dossier de crédit est arrêté. En effet,
l'augmentation des fonds propres indispensables pour la plupart des entreprises
confrontées à l'absence d'un marché des actions.
Une fois la question du fonds de roulement
dépassée, la banque examine la qualité de la gestion par
la structure des charge (frais de personnel et frais financiers) et par la
réalité du bénéfice (celui-ci doit être
généré par l'exploitation courante et non par des facteurs
exogènes ou temporaires, tels que les plus values de cessions, gains de
changes ou les sous amortissements des immobilisations etc.). La
non-satisfaction de ces conditions aboutit à l'exclusion de certains
clients, mais paradoxalement la satisfaction des mêmes conditions
n'engendre pas l'octroi systématiquement du crédit. En effet, les
banques n'ont pas d'obligation de faire du crédit à leurs clients
sains si la structure du personnel de leur direction de crédit ne permet
pas de supporter une augmentation d'un éventuel volume des concours,
surtout lorsque les clients sont de petites affaires ponctuelles. De même
les banques refuseront d'octroyer du crédit lorsque les
opportunités du marché interbancaire sont plus lucratives.
Cette brève présentation de l'action sur les
emplois montre les difficultés qui se présentent aux entreprises
désireuses d'obtenir un financement. Toutefois le fait que les banques
soient des entreprises ne justifie pas toute la politique de
17 Le BFR est la différence entre les
actifs circulants et le passif circulant. Lorsque ce solde est positif on parle
de besoin de financement et lorsqu'il est négatif c'est un
déficit de financement donc un pool de ressource. La norme est un BFE ou
BFR positif.
crédit orientée sur le court terme. En effet
l'impact des normes bancaires et des mesures de prudence auxquelles sont
soumises les banques commerciales sont des aspects non négligeables de
la politique bancaire de financement des entreprises. Par prudence et par souci
de respect de la réglementation bancaire, les banques se limitent au
crédit de court terme lorsqu'elles ne placent pas leur excédent
de trésorerie sur le marché monétaire et rarement dans les
participations. Les mesures de prudence tirent leurs raisons d'être dans
le fait que l'octroi de crédit par les banques est créateur de
monnaie.
En effet le phénomène création
monétaire est indissociable du crédit Keynes, [1936].
Prêter de l'agent pour les banques entraînerait une création
de monnaie (les dépôts en banque servent d'assise aux
crédits qui engendrent la création de monnaie). Par
conséquent l'octroi incontrôlé du crédit engendre
une création anarchique de monnaie. Il en résulterait des
distorsions des déséquilibres économiques, à
commencer par l'inflation, qui engendreraient une baisse du pouvoir d'achat de
la monnaie à l'intérieur du pays, mais aussi à
l'extérieur avec une tendance à la dépréciation de
la monnaie nationale par rapport à une monnaie de
référence (l'Euro depuis janvier 200218). Afin
d'éviter de telles conséquences, l'essor des crédits par
les banques est limité par les autorités monétaires. Ainsi
les banques Africaines définissent un certain nombre de règles
dont : n'octroyer des crédits qu'aux clients jugés solvables ;
lier le volume des demandes de crédits de la clientèle à
l'évolution de la conjoncture par le biais du respect des seuils minima
de ratios de gestion, de fixation de plafonds de progression d'encours
(encadrement des crédits), la constitution des réserves
obligatoires non rémunérées représentant une
certaine proportion des dépôts à vue et à terme et,
incitant les banques à arrêter la croissance de leurs ressources
clientèle qui sont les assises de crédits nouveaux etc.
A la lumière de cette présentation, une
conclusion se dégage : les banques Africaines en général
et les banques en Afrique au sud du Sahara en particulier ne peuvent pas
être une source de financement appropriée d'où la
nécessité de recourir à d'autres sources de financement
telles que le crédit interentreprises.
18 La parité est de 1 Euro = 655,956995
FCFA.
· Le crédit interentreprises.
Bien qu'il soit beaucoup plus développé dans
les pays du nord, le crédit interentreprises existe aussi dans les
entreprises des pays en développement en l'occurrence dans les
entreprises Africaines et il serait assez risqué en l'absence de
statistiques de faire une estimation de son importance. Néanmoins, on
note que pour une entreprise quelconque le crédit interentreprises
représente un apport net de ressources si le montant des crédits
consentis à ses clients est inférieur à celui
accordé par ses fournisseurs.
Dans la relation de crédit interentreprises il ne peut
y avoir de crédit s'il n'existe pas de confiance entre les partenaires.
Le plus souvent la confiance s'installe lorsqu'il existe une garantie (caution
ou intermédiaire financier) capable de palier, à
l'échéance, l'incapacité du débiteur. Autrement,
comme la date d'échéance de la dette fournisseur est moins une
variable aléatoire que celle des créances clients
(problèmes de recouvrement), une tierce personne. Il s'agit en
général d'un établissement financier ou d'une banque qui
apporte ce concours ponctuel de court terme moyennant une
rémunération.
Le crédit interentreprises reste alors lié aux
concours ponctuels de court terme des établissements financiers ou
bancaires qui dans la majorité des cas permettent la bonne fin du
crédit.
· Les actionnaires d'origine.
Ils participent au financement de leurs entreprises en
apportant des capitaux propres et, occasionnellement des dettes. Toutefois dans
nombre de cas les actionnaires d'origine arrivent à couvrir
difficilement les besoins de croissance de leurs entreprises. Ils ont soit des
moyens extrêmes limités, soit par souci de diversification ils
préfèrent ne pas tout investir dans une seule affaire.
· Les établissements de crédit-bail.
Le crédit- bail ou leasing permet de financer par
dettes l'acquisition d'immobilisation sans aucune garantie préalable et
en fonction des cash-flows générés par ladite
immobilisation. La société de leasing reste propriétaire
de l'immobilisation pendant l'exploitation jusqu'au remboursement de la
dette.
Le crédit-bail est une source de financement qui offre
des avantages certains pour les PME qui le plus souvent ont des
difficultés à fournir des garanties aux banques pour la demande
de crédit à des fins d'acquisition d'immobilisation ou
d'investissements. Toutefois, les taux d'intérêts appliqués
au crédit-bail restent supérieurs à ce que
prélèvent les banques sur les avances de trésorerie et les
prêts à court terme. La raison est que le marché des
capitaux que doit utiliser les sociétés de crédit-bail
pour financer leurs opérations est peu développé, ce qui
renchérit par conséquent le coût de leurs ressources
[Popiel, 1995]. Néanmoins le crédit-bail malgré son
apparition récente et son coût élevé connaît
une activité relative par rapport au capital risque.
· Le capital risque.
Le capital risque est un financement temporaire sous forme de
capital action ou de prêts, dont la rentabilité est liée
aux profits et qui assure un certain contrôle sur la gestion. Les
entreprises africaines peuvent disposer de cette possibilité d'apport en
capitaux offert par ce genre de sociétés. Le capital risque est
encore embryonnaire et son développement est conditionné à
un environnement qui favorise l'initiative privée, un régime
fiscal qui facilite les opérations de capital risque, un
mécanisme approprié pour absorber les pertes, et une « porte
de sortie », par exemple une bourse de valeurs mobilières. Ces
conditions expliquent en partie pourquoi ce mode de financement demeure non
opérationnel. Toutefois, à ces conditions s'ajoutent des freins
sociologiques d'une grande importance, tel la non prédisposition du chef
d'entreprise à ouvrir le capital de sa société à
des particuliers ou des entités qu'il ne connaît pas
personnellement [Popiel, 1995].
Le capital social a sa place dans le financement des petites
entreprises mais ne peut que combler un « vide » qu'on pourrait
appeler déficit de capital social, en vue d'un équilibre
adéquat entre la dette et ledit capital social. La plupart des
investisseurs en capital-risque n'investiront pas essentiellement dans de
petites entreprises pour lesquelles les possibilités de rendement
élevé sont relativement limitées, les risques
élevés et les possibilités de retrait très
difficiles. Dans les pays occidentaux, les gros investissements sont
réalisés dans de petites entreprises afin de financer la phase de
démarrage, la mise au point de
produits ou l'expansion ou pour préparer une
entreprise à une offre publique, généralement, dans les
domaines novateurs ou de haute technologie.
Dans le contexte africain, il est difficile de trouver de
tels cas, bien que les avantages comparatifs du continent liés à
une faible intensité technologique et aux secteurs des services à
vocation exportatrice puissent déboucher sur des possibilités de
capital-risque. Les agro-industries constituent un domaine qui pourrait
également offrir des possibilités.
Il existe une demande et un marché potentiels de
capital-risque en afrique. Toutefois, les conditions de l'offre du
capital-risque (forte valeur ajoutée et rendement élevés
dans un délai relativement court, en échange d'un niveau de
risque élevé) ainsi que l'acceptation d'une participation
(nécessité de partager la propriété) sont
susceptibles de limiter le nombre de bénéficiaires de ces projets
dans un avenir proche.
· Les titres de créances négociables
(TCN).
Le marché des capitaux offre deux types de financement
aux entreprises : des dettes et des capitaux propres. Les dettes sont
négociées sur deux différents marchés : le
marché monétaire qui est le segment de court terme du
marché des capitaux et le marché obligataire le segment de long
terme. Ce dernier marché et le marché de capitaux existent bien
en Afrique ; à titre d'exemple ces deux marchés sont connus en
Afrique de l'ouest depuis 1998 sous l'appellation de Bourse Régionale de
Valeurs Mobilières (BRVM). Les obligations sont des titres de
créances émises par des collectivités du secteur
privé ou public. Elles peuvent être des obligations classiques
à taux fixes ou variables ou des obligations à taux
révisables.
Le marché obligataire permet de mettre en relation des
agents économiques ayant un besoin de financement par dettes à
long terme, et des intervenants disposant de liquidités à placer
à long terme avec un risque réduit. L'évolution
récente du marché obligataire est caractérisée par
une croissance des émissions et par une explosion des formes
d'emprunts.
Le financement obligataire intervient dès lors que
l'autofinancement se révèle insuffisant pour assurer le
financement de l'entreprise et donc sa croissance (augmentation de production,
rachat d'entreprises). Cette forme de
financement (financement obligataire) s'inscrit bien dans la
politique à terme de l'entreprise. L'apport obligataire est loin
d'être négligeable pour l'économie en général
et particulièrement pour les entreprises. Néanmoins il faut noter
la faiblesse du nombre d'émetteurs, toute chose qui permet de dire que
le recours aux obligations ne touche qu'une infime minorité
d'entreprises.
Le marché monétaire comporte deux compartiments
: le marché interbancaire réservé aux professionnels
bancaires et, le marché des titres de créances négociables
qui propose aux entreprises industrielles et commerciales, des actifs
standardisés. Ce compartiment est une alternative de financement pour
les entreprises non bancaires. Pour se financer sur le marché
monétaire, les entreprises émettent des actifs financiers de
court terme qui sont des billets à échéance
représentant un droit de créance portant intérêt.
Les titres émis sont négociables sur un marché
réglementé, d'où l'appellation de titres de
créances négociables (TCN).
Les billets de trésorerie constituent un mode de
financement nouveau dont l'utilisation s'inscrit dans la gestion de
trésorerie des entreprises. Financement non bancaire mettant en relation
directe les entreprises soucieuses de se procurer de fonds et celles qui
disposent d'excédents à placer ; il s'agit d'un instrument
réservé aux grandes sociétés car les tentatives
d'ouvrir le marché aux petites entreprises ne semblent pas
couronnées de succès. Les billets de trésoreries
correspondent à un dépôt à terme négociable
constitué par une entreprise au profit d'une autre ; ils ne sont ni des
valeurs mobilières ni des effets de commerce.
L'analyse des modes de financement montre leur
inadéquation dans la couverture des besoins de financement de long terme
des entreprises. En effet, l'autofinancement est par essence limitée et
ne saurait couvrir tous les besoins de financement des entreprises. De
même les actionnaires ne peuvent pas continuellement couvrir l'ensemble
des besoins de leurs entreprises. Du moins, s'ils le peuvent, la prudence les
inciterait à se diversifier en investissant dans d'autres projets. La
banque, qui constitue le principal mode de financement, n'est pas de nature
à prêter facilement aux riches encore moins aux pauvres petites
entreprises. Toutefois, lorsqu'elle accepte de prêter, le coût du
crédit élevé et son échéance n'excède
pas l'an. Le crédit inter entreprises, dont la mise
en oeuvre et la survie impliquent une banque pour la bonne
fin des opérations, n'est pas non plus facilité par la
nécessité des garanties et le coût élevé du
service bancaire. Le financement des entreprises par les établissements
financiers spécialisés constitue aussi une part marginale dans la
couverture des besoins de long terme. Les établissements de
crédit-bail parce qu'ils sont encore récents et l'absence d'un
marché boursier a longtemps handicapé le recyclage de
l'épargne en Afrique au sud du Sahara.
Enfin le capital risque parce qu'il est embryonnaire et
cherche ses marques dans un milieu où les freins sociologiques ne sont
pas de nature à faciliter l'admission des personnes à son
initiative. Les titres de créances négociables sont
également marginaux dans le financement et encore limités
à un cercle spécifique d'agents économiques.
Les limites des moyens de financement des entreprises
africaines dans la couverture des besoins de moyen et long terme sont
évidentes. La finance directe est-elle une solution pour faire face
à l'inadéquation de ces modes de financement et surtout de la
finance indirecte en raison d'un système bancaire imparfait ?
3. Rôles de la bourse : une lecture par la
nouvelle théorie des institutions.
Dans cette sous-section, nous utilisons les rôles de la
bourse en général pour montrer comment elle participe à la
réduction des coûts de transactions. Les rôles de la bourse
que nous utilisons sont ceux du marché financier tel défini par
Fabozzi, Modigliani et Ferri [1994]. Ces auteurs intègrent explicitement
les notions de coûts de transactions utiles pour notre analyse. Ils
définissent trois rôles pour le marché financier : la
liquidité des valeurs mobilières et la réduction des
coûts de transactions ; la rencontre des offreurs et des demandeurs de
titres.
3.1. la liquidité des valeurs
mobilières et la réduction des coûts de
transactions : coût de recherches et coût de
l'information. Ici, nous intégrons la réduction des coûts
de transactions et d'information, liés à la mise en relation
entre offreurs et demandeurs de titres en l'absence du marché boursier.
Il s'agit
des frais liés à la rémunération
des capitaux levés et des intermédiaires (coûts explicites)
d'une part et, du temps passé à rédiger les contrats,
rechercher une contrepartie et évaluer un projet ou l'adéquate
utilisation des capitaux élevés, etc. (coûts implicites)
d'autre part.
3.2. La rencontre des offreurs et des demandeurs de
titres .
La rencontre de l'offre et de la demande renvoie aux
fonctions de mobilisation et d'allocation de l'épargne. De ce point de
vue, le marché financier favorise l'émission publique des valeurs
mobilières pour le financement des investissements. En ce sens, le
marché boursier définit un support institutionnel qui fixe les
règles régissant l'émission et les transactions
(achat/vente) des valeurs mobilières pour l'ensemble des acteurs. En
l'absence d'un tel cadre institutionnel pour la rencontre entre l'offre et la
demande de titres, il est difficile de mobiliser efficacement l'épargne
et de l'allouer dans un investissement.
En effet les coûts de mobilisation et d'allocation de
l'épargne sont plus élevés parce que l'activité
sous-jacente implique, pour un agent à besoin de financement,
d'énormes transactions : la recherche d'information sur les
épargnants, les négociations particulières avec chaque
épargnant et la rédaction d'autant de contrats qu'il y a de
contreparties dans l'hypothèse d'un dénouement heureux pour
l'agent à besoin de financement. Par conséquent la mobilisation
de l'épargne et son allocation nécessitent la présence
d'agents spécialisés comme les banques, les établissements
d'épargne ou les bourses.
Car ces intermédiaires étant
spécialisés dans cette tâche réalisent les
économies d'échelle qui réduisent les coûts de la
mobilisation et de l'allocation de l'épargne d'une part ; et les
épargnants sont plus sécurisés en renonçant
temporairement à leur épargne aux mains de tels
intermédiaires, dont ils ne peuvent vérifier la
crédibilité et surveiller efficacement l'utilisation de leur
épargne.
Le gain des économies d'échelle
réalisé par les intermédiaires dans la collecte de
l'épargne et la réduction du coût de l'allocation de
l'épargne est un important aspect sur lequel il convient de revenir. En
effet ces intermédiaires n'ont pas la même politique de
rétrocession de l'épargne collectée auprès des
agents à capacité de financement. Les banques
et établissement assimilés font uniquement des prêts,
tandis que les bourses permettent de lever des capitaux et quasi-capitaux
propres et, d'émettre des emprunts. Les coûts des prêts
bancaires et des emprunts obligataires, de même que le coût des
capitaux propres, sont également différents. Lorsqu'il n'existe
que les banques, les rapports de forces dans l'allocation de l'épargne
sont en leur faveur. Celles-ci peuvent, dans ce cas, prendre en otage un agent
à besoin de suppression de financement en le spoliant des gains de son
activité, car la menace de suppression de financement l'incite à
obtempérer aux désirs des banques[ Rajan, 1992]. Toutefois, en
présence d'un système financier diversifié, la
possibilité de diversification des sources de financement pour les
agents à besoin de capitaux fait jouer la concurrence, ce qui a pour
conséquence la baisse des coûts de financement bancaire [Pagano,
Panetta et Zinagles 1998]. La nécessité d'une diversification des
sources de financement se présente ainsi comme une
nécessité dans la réduction des coûts du capital.
Il est également important de revenir sur la
réduction des coûts de vérification pour les
épargnants, d'un quelconque agent en quête de capitaux. Il est
difficile et coûteux pour un épargnant de collecter et traiter
l'information sur plusieurs agents à besoin de capitaux. Par
conséquent, pour minimiser les risques, il est préférable
pour un épargnant de ne pas investir (il en résulte une
allocation sous optimale des ressources). Cependant il est plus aisé
pour les intermédiaires spécialisés d'exercer cette
fonction parce qu'ils disposent de plus d'expertise et de pouvoir qu'un petit
épargnant. Les banques parce qu'elles sont très proches des
agents à besoin de capitaux, peuvent facilement assurer ces tâches
[Stiglitz, 1985]. Toutefois les banques peuvent abuser de cette position, si
bien que des épargnants à besoin de capitaux, pour
réaliser de nouveaux projets, vont préférer y renoncer. Il
va en résulter un sous investissement et une allocation non optimale des
ressources.
En présence d'un marché boursier, la
possibilité de tirer profit de l'information privée incite
à sa recherche, toute chose qui la rend rapidement publique et favorise
une meilleure allocation de l'épargne [Kyle, 1984]. De plus les menaces
de prise de contrôle hostile qui pèsent en permanence sur les
entreprises cotées et la possibilité d'indexer la
rémunération des gestionnaires
au cours de bourse des titres sont des aspects qui
contraignent à une bonne gestion de l'entreprise et des capitaux
levés [Stein (1988) et Jensen et Murphy (1990)].
Les rôles de la bourse, précédemment
étudiées, ont mis en exergue la rencontre des offreurs et des
demandeurs des titres, renvoyant aux fonctions de mobilisation et d'allocation
de l'épargne. Mais pour savoir si elle a pleinement joué son
rôle, il convient d'examiner si le financement par les titres peut se
substituer à la finance indirecte en raison d'un système bancaire
imparfait.