Avec des loisirs modernes, les jeunes citadins
n'arrivent plus à adhérer aux séances de divertissement
traditionnel puisque l'école a transformé les facteurs
socio-traditionnels de créativité. Rappelons que notre
société s'était montrée à l'attention du
colonisateur la plus assimilée et la plus intellectuelle ce qui a valu
au Dahomey l'appellation " Quartier Latin".
L'élève, l'étudiant se trouvent ainsi
dans un dilemme. S'ils s'attardent aux distractions de son milieu d'origine,
ils ne représentent dans son nouveau milieu qu'un individu
dépassé. En adoptant les distractions modernes, ils perdent ce
qui faisait jusqu'alors son originalité. Cependant c'est à une
assimilation qu'on assiste. Le pire est la dépravation des moeurs due
à la prolifération des films érotiques, à la
fréquentation des boîtes de nuit, à la fréquentation
des lieux d'ivrognerie, des machines à sous, des lieux de violence, de
prostitution et de procuration de drogue d'où la délinquance
juvénile.
La prolifération de certains loisirs engendre l'une
des formes d'acculturation, de dépersonnalisation et de
déracinement progressifs qui se traduisent de nos jours et parmi
d'autres cas par l'oubli quasi total de nos distractions traditionnelles. Cela
nous conduit à dire que notre société est peu à peu
dénuée de ses valeurs ce qui, s'il est continuel finira par la
priver de son identité culturelle. L'attachement et la
fidélité à la culture d'origine engage l'individu dans le
courant de sa société qui le dote d'un modèle de
comportement. L'identité culturelle en tant que force vivante se
révèle finalement comme une puissance forte de résistance
contre les influences culturelles dominantes. Elle protège contre
l'unicité de sa propre culture, de sa langue ainsi que les
systèmes de valeurs qui s'y rattachent.
« L'identité culturelle est l'expression de la place de
chacun dans le monde. Chaque personne porte en soi la conscience de son
identité » UNESCO (1996, p.16).
« Lorsque les êtres humains perdent
confiance en leur propre culture, lorsque les jeunes se coupent des traditions
de leur communauté, ils se privent de l'éventail de choix qu'ils
pourraient tirer des réalisations de leur propre culture, ils
choisissent librement les éléments d'autres cultures qui leur
conviennent. » UNESCO (1998).
Par ailleurs la pratique des activités de distraction
moderne peut être utile dans le développement et la
maturité de l'individu et de la société. Pris sous cet
angle, les loisirs étrangers interviennent dans l'ouverture de notre
société sur le monde étranger. Aucun groupe ne peut vivre
dans une autarcie, dans une introversion culturelle. Ce qui explique l'avantage
non moins précieux de l'introduction des loisirs modernes dans notre
société.
3.4- SUGGESTIONS
Toute volonté de réaliser un
développement endogène passe par la prise de conscience des
valeurs culturelles et par de nouvelles initiatives qui prennent racine dans
l'affirmation de l'identité culturelle. Ainsi les valeurs sont reconnues
comme étant une composante essentielle du développement
intégral des individus et des communautés. « Il est
bon de retirer quelque chose de l'expérience des autres malgré
les différences particulières quitte à faire un tri
judicieux et à adapter les apports tout en étant jaloux de sa
propre tradition : le Japon la Chine et l'Inde en portent
témoignage. » UNESCO (1990, P 26).
Pour ce qui concerne les loisirs traditionnels, il faut
procéder de la façon suivante :
q Restaurer à la mémoire collective lesdits
loisirs,
q Faire leur analyse fonctionnelle,
q Faire leur transcription et leur codification,
q Elaborer leur mise en outil didactique,
q Créer une unité de production des
matériaux ludiques
Il ne s'agira pas de les préserver de la disparition et
de les sauvegarder en les traitant comme archives. Il faudra leur assurer une
large diffusion au moyen des livres et de la presse. Il faudrait accorder une
place importante aux loisirs traditionnels.
A la radio et à la télévision il serait
bon de diffuser des émissions ludiques, des contes et des devinettes ou
de danses traditionnelles, promouvoir les musiques du terroir comme CONAVAB
(Coupe Nationale des Vainqueurs de la Musique Béninoise ) et la
quinzaine de la musique béninoise sur la radio nationale.
Cela suppose qu'il faut accorder plus de chance aux
activités de distraction traditionnelle dans les centres de loisirs, les
maisons des jeunes, les espaces aménagés en organisant des
compétitions de loisirs traditionnels.
Dans le milieu scolaire ou universitaire, il faut
décoloniser l'esprit de l'enseignement par la révision des
programmes. Il faut insérer dans ces programmes des distractions
traditionnelles en tant que disciplines d'éveil (cas des écoles
maternelles) ou en Education Physique et Sportive. L'école doit
désormais être le milieu de rencontre des cultures traditionnelles
et modernes et non un lieu de rupture, afin d'assurer la continuité du
développement psychomoteur, affectif et cognitif de l'enfant.
Dans les familles, il faut axer l'éducation sur l'amour
du patrimoine culturel, organiser des séances de divertissement
traditionnel à l'image de celle de ludo, de belote ou de dame
etc....Nous souhaitons qu'il soit fait de l'école et de la famille des
lieux de préservation de l'identité béninoise.
« Etant donné que la culture est une
entité vivante qui doit être soigné et nourrie pour
survivre, il est nécessaire que les traditions nationales soient
intégrées dans les plans de
développement. » WANDE ABIMBOLA (1983, P 20).
En somme, il faut que les structures étatiques ou
privées d'offre de loisirs organisent périodiquement des jeux
traditionnels, de manifestations culturelles itinérantes, de
séances de contes pour enfants, de festivals de musique et des
poésies ; on donnera à ces oeuvres issues de la tradition orale
des possibilités d'une promotion moderne et systématique à
travers la radio et la télévision.
Nous apporterons sans doute beaucoup au monde au point de vue
de la chorégraphie et de la musique en revalorisant nos chansons, nos
danses comme le font déjà les Ivoiriens, les
Sénégalais, les Maliens, les Camerounais, les Congolais pour ne
citer que ces pays.
Nous sommes dans un contexte de vie de plus en plus difficile
au plan économique où la distraction n'a plus de valeur pour
certains. Il faudrait donc que ces personnes aient une certaine
considération pour la notion de divertissement pour leur
épanouissement et leur développement.
Certes, pour concrétiser toutes les idées que
nous avons émises il faut formuler un programme d'action. Dans cette
tâche de réhabilitation et de sauvegarde, le Service des
Opérations et celui de la Prospection et du Développement de la
Direction Nationale des Loisirs (DNL) qui ont respectivement en charge de
vulgariser et de développer les jeux traditionnels et de stimuler et
encourager la recherche dans le domaine des loisirs traditionnels et d'en
constituer une banque de données, doivent jouer leur partition.
CONCLUSION
Au terme de ce travail, nous constatons que Abomey dispose
d'une variété d'activités de loisirs dont les fonctions
sociales sont indéniables. Ces activités concourent aussi
à la détermination de l'identité culturelle. Les loisirs
traditionnels constituent un volet du patrimoine culturel. Le patrimoine
culturel s'impose donc comme une source de richesse ou de
fécondité. Il ressort de nos investigations et analyses que ces
loisirs traditionnels peuvent jouer le même rôle que les loisirs
modernes après leur mise en outil didactique.
Malheureusement, ce qui retient l'attention de nos jours,
c'est la prolifération et la prédominance des loisirs
étrangers tant dans les centres urbains ainsi que les centres
ruraux.
D'une façon générale, c'est presque toute
la culture traditionnelle qui est menacée de disparition : les
langues, les religions traditionnelles, les modes d'habillement, la
médecine traditionnelle ...
Ainsi, les loisirs traditionnels ont perdu de leur valeur
fondamentale et sont devenus l'apanage de quelques uns. En effet, les quelques
rares activités de distraction traditionnelles préservées
jusqu'à nos jours sont détachées de leur contexte et
assument d'autres fonctions.
Que nous le voulions ou non, nos civilisations sont
désormais engagées dans un monde nouveau où la science et
la technologie prennent de plus en plus de place. Mais quoi qu'il en soit,
l'organisation des loisirs doit tenir compte de nos réalités
socioculturelles « car il n'y a pas de modèles
universellement acceptables de culture, de même n'y a-t-il pas de
schémas universellement valables ou partout adaptables de
développement » UNESCO (1990, P 102).
Pour vivre en symbiose avec d'autres civilisations, nous
devons rester fidèles à notre identité culturelle.
Nous n'avons pas la prétention d'avoir cerné
tous les aspects de la question des loisirs traditionnels encore moins d'avoir
proposé des solutions magiques. Quant à la résolution des
multiples et complexes problèmes que pose l'aspect sur lequel nous nous
sommes penché, c'est juste comme une porte largement ouverte vers
l'avenir.
En dépit de leur caractère spectaculaire, les
ruptures provoquées par la présence européenne n'ont pas
détruit la composition urbaine d'Abomey telle qu'elle a
été élaborée par la royauté. En effet,
Palais, Temples et places publiques, en dépit de leur état
matériel plus ou moins délabré, gardent leurs usages et
significations originels dont la pertinence est aujourd'hui encore largement
affirmée au niveau des diverses composantes sociales de la ville.
Nous serons loin d'être à la veille d'une
autonomie culturelle tant que les gouvernants n'attachent pas à la
question, l'importance nationale qu'elle mérite. Notre pays a-t-il
besoin d'un programme d'ajustement culturel ?
Comme l'a affirmé Senghor (Cité par
HODONOU), « la véritable indépendance on ne s'en
convaincra jamais trop est l'indépendance
culturelle ».
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
1- AGUESSY H. cultures vodoun 382 pages.
2- ANIGNIKIN S. et ANIGNIKIN M. B. Etude sur
l'évolution historique sociale et spatiale de la ville d'Abomey,
1986, 43 pages.
3- Direction des loisirs : Politique de
développement des loisirs en République Populaire du
Bénin. 1987, 65 pages.
4- DUMAZEDIER J. Vers une civilisation du loisir ?
Editions du Seuil, Paris, 1962, 293 pages
5- ETOUNGA-MANGUELLE D. L'Afrique a-t-elle besoin d'un
programme d'ajustement culturel ? Editions Nouvelles du Sud. 1990,140
pages.
6- HOURDIN G. Une civilisation des loisirs, Editions
Calmann-Lévy, Paris.1961.
7- PASSOT B. Le Bénin, Editions l'Harmattan,
Paris, 1993, 335 pages.
8- SUE R. Le loisir. Que sais-je ? N° 1871,
Editions PUF, Paris, 1983, 127 pages.
9- UNESCO Tradition et développement dans l'Afrique
d'aujourd'hui Paris, 1990, 144 pages.
10- UNICEF : Jeux et Jouets traditionnels du
BENIN. Cotonou, 1990, 158 pages
Mémoires
a- AHOYO C.P. Environnement et problème de
santé : cas de la ville d'Abomey. Mémoire de
maîtrise en Sociologie Anthropologie. UNB/FLASH, 1997, 99 pages.
b- HOUNZANDJI D. Pour une politique des loisirs en
République Populaire du Bénin. Mémoire CRAC - LOME,
1981, 64 pages
c- KPADE C. E. Approche opérationnelle d'une
politique de loisirs éducatifs au Bénin :
Réalisation d'un complexe pilote au Bénin, Mémoire
CRAC/ICA LOME, 1987, 118 pages
d- HODONOU D. Pour une politique des loisirs traditionnels
au Sud de la République Populaire du Bénin : Cas de la
Province de l'Atlantique, Mémoire en philosophie, UNB / FLASH, 1989,
159 pages
RAPPORTS DE SEMINAIRES
§ Séminaire National sur la problématique
du loisir en République Populaire du Bénin, INFOSEC - Cotonou du
13 au 17 Février 1984.
§ Séminaire National sur l'organisation du repos,
des cures de repos et des loisirs en République Populaire du
Bénin. INFOSEC - Cotonou du 27 au 31 Décembre 1986.
§ Séminaire National sur le développement
du loisir au Bénin. INFOSEC - Cotonou du 23 au 25 Mai 2000.
REVUES ET AUTRES
- Rapport mondial sur la culture. Edition UNESCO
(1998), Paris, 528 pages.
- Culture, tourisme et développement : les enjeux
du 21ème siècle. Table ronde d'experts
organisée à Paris les 26 et 27 Juin 1996, Collection culture et
développement UNESCO, 30 pages.
- AHOUISSOU A. C. M. : Recueil de jeux, Ministère
de l'Education Nationale, 22 pages.
- MJSL : Charte des loisirs en République du
Bénin, 1999, 7 pages
- MISAT : Monographie concernant Abomey,
collectivité territoriale, 1997, 2 pages.
- MISAT : Atlas monographique des circonscriptions
administratives du BENIN, première édition, Avril 1997.
- MJSL : Arrêté portant attribution,
organisation et fonctionnement de la Direction Nationale des Loisirs, 1998, 5
pages.
ANNEXES
I- Le questionnaire et les guides d'entretien.
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