Si l'une des missions de la Direction Nationale des
Loisirs (DNL) est de " vulgariser et de développer les jeux
traditionnels, stimuler et encourager la recherche dans le domaine des loisirs
traditionnels et d'en constituer une banque de données ", nous
constatons également qu'il y a très peu d `activités
de distraction traditionnelle organisées à l'endroit des
populations.
Les raisons qui ont conduit à la disparition
progressive de nos loisirs traditionnels se trouvent dans nos contacts avec les
civilisations étrangères grâce à toute une panoplie
de moyens dont l'école et les mass médias qui passent pour des
instruments de la propagation de la culture occidentale surtout
française dans notre cas.
C'est ainsi que l'éducation coloniale a
procédé à la « transformation radicale des
peuples indigènes et de leurs institutions non pas par
l'amélioration judicieuse et progressive des coutumes et des
mentalités, mais par leur démolition ou substitution
autoritaire. » KIMONI (1975,p 76).
Ce sont ainsi les premières raisons du
déclin de nos valeurs traditionnelles d'où la négligence
des loisirs traditionnels avec la complicité des indigènes
formés pour servir le colon. C'est par là qu'est né le
mythe de l'"akowé" (l'homme au col blanc), plein de complexes et
persuadé de la supériorité des valeurs de la civilisation
occidentale puisque coupé de ses racines. Ainsi, l'adoption des modes de
la vie occidentale a affecté le modèle traditionnel de loisirs au
profit des modèles de loisir occidentaux.
Retenons que l'administration coloniale a joué
un rôle dissolvant à l'endroit des loisirs traditionnels par la
désacralisation des spectacles coutumiers et religieux. L'organisation
et le développement des loisirs seront donc fortement marqués
à l'époque coloniale par l'idéologie dominante. On a
assisté à la diffusion des activités de sports
modernes, le cinéma, la radio, la presse et leur contenu
déculturant et aliénant. Nous retiendrons également le
processus d'indigénisation amorcé par la mission religieuse qui
agit sur les activités traditionnelles de loisir en pervertissant leurs
formes et leurs sens initiaux. Par exemple, il était interdit d'aller
suivre des spectacles de danses masquées qualifiées de Satan.
Dans la rubrique des influences exogènes, nous avons
retenu l'école et les médias tous liés à la
colonisation. Ils ont tous une importance dans le déclin des loisirs
traditionnels.
Les loisirs traditionnels chez les citadins se
réduisent seulement au jeu Adji. Les établissements scolaires
constituent l'un des milieux d'où part la diffusion et où
s'inculque le goût des activités importées. Entretenues,
développées et institutionnalisées, ses activités
sont notamment des sports modernes dont la majorité est inscrite en
éducation physique et sportive. Par conséquent, ses
activités sont notées d'où l'importance que leur accordent
les élèves. Il est rare de voir les jeunes élèves
s'adonner pendant les récréations à des activités
de distraction traditionnelles. L'école profite avant tout aux personnes
évoluant dans un contexte socio-culturel favorable. Les loisirs
culturels s'adressent à la couche la plus cultivée de la
société. Autrement, ils favorisent en fait la promotion
culturelle de ceux qui sont déjà en situation "d'appétit
culturel" par leur niveau d'instruction et leur origine sociale. Cependant ils
défavorisent ceux que les origines socioculturelles mettent en situation
d'infériorité. Les couches les plus populaires sont les grandes
exclues du loisir moderne parce que n'ayant pied à l'école du
blanc dont « la mission première est de procéder au nom
de l'idéologie colonisatrice à l'aliénation
culturelle des peuples conquis » NEKPO (1999, P 136).
Le poids de l'école sur les loisirs traditionnels se
réalise aussi à travers la langue française et de
l'écriture enseignée à l'école. Véhicule des
traits culturels par excellence, la langue ne peut dans ces conditions que
servir et faciliter l'ouverture de l'esprit des peuples dominés
à la culture et la civilisation occidentale. Il en va de même pour
l'écriture apprise à l'école dont l'oeuvre s'est surtout
ressentie dans la dénaturation du charme des contes traditionnels.
L'école à été l'un des instruments
privilégiés ayant servi dans le péril des loisirs
traditionnels puisque c'est à l'école que l'enfant pourrait
apprendre à gérer son temps libre par l'intermédiaire des
activités d'éveil ou du tiers temps pédagogique. On
observe que l'enseignement qu'on reçoit à l'école
influence le mode de pensée et d'action, les us et coutumes, les
croyances des peuples.
« Le contact de l'école avec les
milieux traditionnels des campagnes dérange, bouscule, bouleverse les
habitudes de vie le mode de pensée, les convictions profondes
liées aux valeurs morales et spirituelles à travers divers cultes
religieux. » NEKPO (1999, P 139).
On constate aisément que les radios et la
télévision diffusent au maximum des musiques
étrangères et des émissions de distraction modernes. Ce
sont pour la plupart des musiques modernes ivoiriennes congolaises et
américaines et des films d'origine brésilienne etc. De l'analyse
des grilles des programmes des radios et de la télévision, il
ressort que celles-ci ont considérablement contribué à
l'abandon de nos distractions traditionnelles ce qui a favorisé la
prolifération et la prédominance des loisirs modernes chez les
jeunes.
L'aliénation s'explique par le fait qu'un groupe humain
tourne dos à sa propre culture en reniant ou tout simplement en
méprisant de façon inadmissible les valeurs fondamentales en se
tournant vers de nouvelles idéologies.
Les cultures africaines ont d'abord été
méconnues puis déformées par des moyens d'information et
de formation puissants.
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