II.2.6 Chteibo, le royaume du piratage
d'électricité, à quoi ressemble cette agglomération
?
Afin de donner une vue d'ensemble sur la
localité de Nedjma (ex Chteibo) avec ses 80 000 habitants,
réputée par son commerce de brocante, de ferraille, mais aussi
par le taux incroyable de fraude massive d'électricité, j'ai
tenté de présenter brièvement ce territoire. De nos jours
à quoi ressemble Chteibo ?
Figure N°16 Vue aérienne de
l'agglomération de Nedjma ex : Chteibo
Source : Google maps 2008, annotation faite par l'auteur,
2009
A l'origine Nedjma était un recasement,
implanté à quelque huit kilomètres de la métropole
Oranaise. Appelé ex Chteibo, est devenue une immense bourgade qui fait
penser à n'importe quel bidonville d'une cité des pays en voie de
développement. Et pourtant, cette agglomération qui ne cesse de
s'étaler, n'existait presque pas avant le début des années
1980.
Chteibo a une réputation régionale,
puisqu'elle était surtout connue pour son marché de la
pièce détachée et de la brocanterie. Oran, à la fin
des années 1970, Oran qui manquait d'assiettes foncières,
était incapable de contenir ses excroissances, déversait sur
cette périphérie et sur bien d'autres tous ceux qu'elle ne
pouvait pas loger. Selon Bendraoua F. et Souiah S. (18), «
les solutions préconisées par les pouvoirs publics
ne font qu'amplifier la marginalité des plus pauvres en les
déplaçant de la ville intramuros vers un site marécageux
à l'écart de la ville ». C'est le cas de
relogement de la population d'El berki en 1987 qui a constitué un
évènement particulier.
Au milieu des années 1980, alors que la crise
du logement est à son pic, on venait de nuit à Chteibo pour
tracer son emplacement et, le lendemain, construire à la va-vite son
gîte. Parfois, quand on pouvait, on s'achetait des terrains à 5
000 dinars les 200 m2. Ne pouvant ni freiner cette ruée ni offrir un
toit, les autorités laissaient faire.
Chteibo compte aujourd'hui plus de 80 000 âmes.
Des infrastructures en tous genres ont été érigées
: mairie, écoles, CEM, casernement de la garde communale, centre de
soins, et même bureau de poste. Chteibo, est considéré
comme un important vivier électoral rattaché à la commune
de Sidi Chahmi. Elle compte 7 îlots d'habitations qui n'ont ni
dénomination propre ni adresse officielle. Des constructions illicites
collées les unes contre les autres et qui poussent comme des
champignons. Ni espaces de jeux pour les enfants, ni espace vert. Que des
décharges sauvages. Le facteur se perd dans ce labyrinthe où
toutes les ruelles se ressemblent.
(18) Bendraoua, F. et Souiah, S., Quand les pouvoirs
publics produisent de nouvelles marginalités urbaines: les
recasés de Nedjma à Oran (Algérie), 2008
Clichés HADRI K. juin 2009
Les habitants de 5 îlots d'habitations, sur les
7, n'ont aucun document officiel justifiant leur propriété. Sans
les documents officiels, aucun propriétaire ne peut vendre son bien,
même les grands travaux d'aménagement -assainissement, AEP et
voirie- exigent un plan de masse global qui délimiterait la
propriété cadastrale de tous les lots de terrains. D'ailleurs
c'est la raison qui a empêché SONELGAZ de développer son
réseau de gaz de ville. L'agence foncière de la Sénia qui
a commencé à s'occuper de ce problème, a été
dissoute et le problème reste toujours posé.
Située dans le périmètre de la
zone d'activité de la localité de Chteïbo, la 7ème
tranche reste en plus dépourvue du strict minimum et des
commodités urbaines indispensables. Seul le réseau d'alimentation
en eau potable est en cours de réalisation. Les travaux de canalisation
ont été déjà entamés, mais ils devraient
connaître du retard au vu de la cadence du chantier. Hormis cela, aucune
autre commodité urbaine n'est à signaler dans ce labyrinthe
architectural.
Les fosses septiques, le terrain marécageux et
l'absence d'un réseau AEP ou d'assainissement rendent toute extension
immobilière incertaine. Il n'y a guère de bâtisses qui
dépassent le 1er étage. Durant les longs mois d'été
la poussière n'épargne aucune maison et aucun commerce. En hiver,
c'est la boue jusqu'aux chevilles, la paire de bottes devient un accessoire de
première nécessité. Les tracteurs à citerne d'eau
se disputent la voie aux nombreux camions, charretiers et cars de transport
public. Chteibo c'est aussi une immense zone d'activité industrielle. De
nombreuses manufactures employant une très importante main d'oeuvre y
activent. Toutes ces usines ont un registre de commerce immatriculé dans
d'autres wilayas. C'est pour cela que, ni la localité, ni la commune de
Sidi Chahmi ne profitent de la fiscalité.
Côté alimentation en énergie
électrique et gaz de ville, la situation est plus catastrophique.
Chteibo est le royaume des branchements illicite, ils sont monnaie courante,
surtout que 80% des constructions sont illicites et la régularisation de
leur situation est confrontée à plusieurs problèmes. Les
fils électriques fusent de partout, formants de véritables toiles
d'araignées.
Après avoir quantifié et qualifié
l'état de ce type de service public, la gestion de la distribution de
l'électricité et le gaz, les obstacles, les problèmes que
rencontrent l'entreprise et la population dans le territoire de Sénia,
j'ai tenté de savoir, comment SONELGAZ va essayer de réaliser de
nouveaux investissements pour faire face à cette demande grandissante en
énergie dans les années à venir? Quel sera le rôle
de l'état après l'ouverture totale du secteur et notamment la
filiale de la distribution ? Et que peut représenter ce cas local par
rapport au pays ?
II.2.7 L'emprunt obligataire, une issue pour financer les
projets d'investissement locaux et renforcer les capacités de production
électrique
SONELGAZ avait lancé deux emprunts obligataires
grand public en 2007 et 2008 d'un montant de 25 milliards de DA. Cet emprunt
obligataire réparti en cinq millions d'obligations d'une valeur nominale
de 5.000 DA avait permis de réaliser d'importants projets
d'investissements. C'est, semble-t-il, l'un des moyens qui s'offre à la
l'entreprise nationale de l'électricité et du gaz pour
éviter de procéder à la hausse de ses tarifs.
Le dernier emprunt obligataire, visait couvrir une
partie du programme d'investissement de l'entreprise qui consiste notamment
dans la réalisation d'ouvrages de production, de transport
d'électricité, de transport de gaz, de distribution
d'électricité et du gaz et en la réhabilitation des
ouvrages de production et de transport d'électricité.
Il faut savoir que la demande en énergie
électrique en Algérie devrait connaître une croissance
moyenne de 6,7% par an, passant de 31.000 GWh en 2007 à plus de 55.515
GWh en 2016. Tout comme le nombre de clients passera de 6,5 millions en 2008
à près de 8 millions en 2016. Ainsi pour couvrir la demande d'ici
l'année 2017, ce sont près de 885 milliards de DA, soit 12,3
milliards de dollars, qui devraient être investis par la SONELGAZ pour
produire de l'électricité, selon le responsable de du
département des techniques de l'électricité, de SONELGAZ,
la direction régionale d'Oran.
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