II - 1 Étude des filières
laitières maghrébines : introduction
Le Maghreb se présente comme un ensemble
géopolitique important de la rive Sud de la mer
Méditerranée. Au seuil de l'Europe, les trois pays constituant ce
groupe territorial, à savoir le Maroc, l'Algérie et la Tunisie,
forment une transition entre le monde tempéré et le monde
tropical. D'ailleurs, certains géographes désignent le Maghreb
comme la zone la plus méridionale de la région
tempérée, tandis que d'autres le situent dans la sphère
subtropicale [PONCET, 1962 ; BALTA, 1990 ; DURAND-DASTES et MUTIN, 1995].
En dépit de son ancrage africain, la Méditerranée reste le
véhicule des civilisations qui ont fleuri sur les rives du Maghreb.
L'agriculture et l'élevage représentent des
activités essentielles de la vie au Maghreb, par leur rôle
d'aménagement du territoire et surtout de régulation sociale
[COULEAU, 1968], et une majorité de projets de développement et
les réformes sociales dans ces trois pays s'articulent
inévitablement autour d'eux [LERY, 1984]. L'agriculture au Maghreb, avec
sa composante élevage, est une, dans la mesure où elle est
méditerranéenne, et elle est aussi multiple étant
donné la disparité des milieux géographiques et aussi pour
des raisons structurelles de différences entre régions [TULLY,
1990]. L'élevage laitier intensif, malgré ses aspects novateurs
pour le paysage agricole traditionnel des trois pays (aucun n'a de culture
laitière originellement établie et encore moins de races bovines
ou de pratiques agricoles orientées spécifiquement vers la
production laitière et sa transformation), constitue un axe important
des interventions des pouvoirs publics dans le domaine agricole. En effet, pour
une meilleure valorisation des maigres ressources fourragères
disponibles, des politiques d'élevage privilégiant le secteur
laitier ont été instaurées [BOURBOUZE et al.,
1989]. Ces expériences de développement de la production locale
sont actuellement en cours, et elles connaissent diverses fortunes, et de
nombreux réajustements par rapport aux prévisions initiales, tant
pour des raisons endogènes (stabilité sociale, équilibres
financiers...) [BETHEMONT, 2000], que pour des facteurs liés à la
conjoncture mondiale du marché du lait et des produits d'exportation de
ces pays [GEORGE, 1991].
Dans les trois pays, l'exiguïté des surfaces
agricoles utiles, le poids des aléas climatiques et des habitudes
héritées de l'histoire agraire conjugués à une
croissance démographique soutenue créent des impératifs
analogues de résolution des problèmes d'approvisionnement
alimentaire des populations [ABAAB et ELLOUMI, 1997 ; AKESBI, 1997 ;
CHAULET, 1991]. Ainsi, au Maroc, la population a crû entre 1960 et 1995
à un rythme de près de 2,3 % par an pour plus de 2,7 % en
Algérie et 2,0 % en Tunisie. Les pouvoirs publics ont tenté par
plusieurs moyens d'initier des politiques à même de pallier les
insuffisances structurelles et les variations annuelles des productions,
notamment pour les produits de base dans les us alimentaires : les
céréales, et le lait comme principal fournisseur de
protéines animales. Mais ce défi reste d'actualité et se
pose avec de plus en plus d'acuité dans un contexte où les trois
pays ont entamé des réformes de leurs finances, dans le cadre de
ce qui est communément appelé programme d'ajustement structurel
[TALHA, 1994], et dont les répercussions sur l'essor économique
est plus que négatif, car certains jugent que ces types de programmes
ont détruit les économies nationales, et donc avili le secteur
productif, dont l'agriculture n'est pas des moindres [CHOSSUDOVSKY, 1998].
Dans cette revue bibliographique, une synthèse globale
de l'état actuel et des perspectives de développement de la
production laitière dans les pays du Maghreb sera
présentée. Pour ce faire, le cadre naturel de l'agriculture et de
l'élevage maghrébins sera détaillé (partie II-2),
puis les politiques laitières dans les trois pays seront exposées
(partie II-3). Ensuite, les performances des filières laitières
seront abordées, en mettant l'accent plus particulièrement sur
l'amont de ces filières, à savoir les élevages laitiers et
leur environnement (partie II-4). Pour conclure, les perspectives de
développement de ces filières laitières seront
passées en revue, à la lumière de la conjoncture
économique interne et aussi en relation avec le marché
international du lait (partie II-5).
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