Dans leur travail de caractérisation des
différences entre exploitations de bovins laitiers, DOBREMEZ et BOUSSET
[1996], en rappelant que cette hétérogénéité
n'a jamais été souhaitée par les décideurs [COLSON,
1985], insistent sur l'importance des analyses factorielles qui peuvent
restituer l'extraordinaire richesse de l'information issue des RSE. Ils
soulignent aussi qu'une des finalités de ces analyses est de dresser une
typologie des exploitations étudiées, ce qui représente
une tendance fort récente des méthodes d'étude des
systèmes d'élevage [LANDAIS et BONNEMAIRE, 1996]. L'objectif est
de répondre à la question : qui produit du lait et selon
quelles modalités ? La résolution de cette
problématique est importante, car au-delà de la simple
classification, elle pose tout un ensemble de questionnements sur l'avenir des
interventions des décideurs dans le domaine laitier [PERROT,
1990].
Dans le contexte des pays en développement où de
telles bases de données sont rarement disponibles, par manque de
l'infrastructure nécessaire à la collecte de l'information et
aussi en raison des craintes des éleveurs à se voir appliquer de
nouvelles taxes [DE JONG, 1996], les chercheurs sont le plus souvent
contraints d'aller chercher eux-mêmes les caractéristiques des
élevages laitiers sur le terrain. LHOSTE [1984] rapporte qu'avant
d'entamer la collecte et l'analyse de données, il faut tout d'abord
commencer par se renseigner sur les niveaux d'organisation influant sur les
résultats des élevages. Cet auteur propose un organigramme
général déterminant le fonctionnement des systèmes
de productions animales, qui constitue comme un inventaire exhaustif des objets
d'étude du chercheur intéressé par ces entités
(Tableau 5). A travers cette représentation simplifiée à
l'extrême du fonctionnement des systèmes d'élevage, il est
clairement affirmé que leur compréhension va bien au-delà
de la seule connaissance du cheptel bovin.
C'est seulement en se fixant un objectif de collecte
des informations, qu'il faut ensuite réfléchir aux voies d'y
parvenir, surtout lorsque peu de moyens sont disponibles [LABE et PALM, 1999].
A ce niveau, ROELEVELD et VAN DEN BROEK, [1999] distinguent deux types
d'approche : l'enquête informelle et le suivi d'élevage. Pour
ces auteurs, ces deux volets du travail sont complémentaires et le choix
de privilégier l'un par rapport à l'autre est nécessaire
lorsque les moyens matériels ne suffisent pas à les assumer
pleinement. Un survol de la bibliographie disponible sur les études de
systèmes laitiers en zone tropicale montre que les travaux adoptent
généralement les deux démarches, allant d'abord d'une
description générale des modalités de production
basée sur une enquête rapide ou informelle [HANYANI - MLAMBO et
al., 1998 ; LOSADA et al., 1998], à une phase plus
détaillée avec un formulaire d'enquête plus
élaboré et permettant d'avoir une vision plus
détaillée du fonctionnement des systèmes laitiers.
Tableau 5. Les composantes, éléments et
paramètres des systèmes d'élevage.
Composantes
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Éléments
|
Paramètres
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Territoires villageois et
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Structuration
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· Composition du fourrage
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systèmes de cultures
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· Répartition - surface
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Production primaire
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· Phytomasse
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· Composition chimique
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· Valeur nutritive
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Utilisation par le bétail
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· Accessibilité
|
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· Appétibilité et ingestibilité
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Evolution dans le temps
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· Variations saisonnières
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· Variations interannuelles
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· Reproduction
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Interface
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Comportement alimentaire
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Bilans
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Bilan fourrager
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- Matière organique
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- Fertilité et système de culture
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Troupeau
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Structure (statistiques)
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· Espèces, races et effectifs
|
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· Composition
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Dynamique
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· Reproduction et mortalité
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· Exploitation et croît
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Animal
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· Age, et état sanitaire
|
|
|
· Stade physiologique
|
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· Performances individuelles
|
|
Conduite
|
· Du troupeau
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|
|
· De l'alimentation
|
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· De la reproduction
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Production
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· Viande, lait, laine,...
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· Fumier, traction,...
|
Interface
|
Pratiques
|
Soins
Conduite
Savoir-faire
|
Rôle du bétail (économique et
socio-culturel)
|
Modes de valorisation
du bétail
|
Eleveur
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Ethnie, famille, histoire
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|
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Projets
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Organisation du secteur
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Besoins / revenus
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Relations avec la communauté
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Services de l'élevage
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Interface
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Organisation foncière
|
Gestion des pâturages
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Stratégie : transhumance
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D'après LHOSTE [1984]
La part de l'analyse économique est
prépondérante dans ce genre d'études car elle renseigne
sur la viabilité de cette activité et sur les options de
production retenues par les éleveurs [DEBRAH et al., 1995].
Généralement, elle consiste surtout en un calcul de la marge
brute des élevages laitiers qui, selon JOHNSON [1985], représente
« la différence entre la valeur du chiffre d'affaires,
à savoir la totalité des ventes de tous les produits, tels que le
lait, les animaux, et le fumier, et l'ensemble des coûts inhérents
au processus de production ». Une autre préoccupation des
chercheurs sur les systèmes d'élevage laitier dans les pays en
développement revient à s'intéresser aux
répercussions de l'aval de la filière laitière sur la
structuration des étables laitières [MEYER et DENIS, 1999]. A
l'opposé de la situation en pays développés, où
l'organisation des droits à produire (quotas en Europe) garantit des
possibilités certaines de commercialisation du lait, la majorité
des producteurs des pays en développement écoulent leurs
productions selon des canaux aléatoires et non pérennes. Ainsi,
ALARY [1999] rappelle la fragilité du système coopératif
laitier en Inde face à l'épreuve de la libéralisation,
dans un contexte où le gouvernement indien a fortement
protégé cette filière, et pose la question de l'avenir des
producteurs. Ces derniers s'étaient accoutumés à ce
protectionnisme et avaient adapté leurs modes de production en
conséquent, optant pour des systèmes très peu
intensifiés. Au Maroc, il a aussi été clairement vu que
les effets des possibilités d'accéder au marché du lait
étaient variables selon les saisons, notamment à cause des
changements climatiques et des périodes de célébrations
religieuses (mois du Ramadan), et ceci induisait des ajustements certains au
niveau de l'organisation de la production [SRAÏRI et MEDKOURI, 1999].
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