De nombreux travaux récents se sont
focalisés sur la description et l'analyse des systèmes de
production laitière, afin de saisir la variabilité spatiale de ce
genre d'activités. Dans les pays en développement, ce genre
d'activités a souvent pour justification le diagnostic de l'efficience
technico-économique de production des systèmes [LHOSTE, 1984],
l'étude de l'acclimatation des races exotiques en conditions tropicales
chez de petits éleveurs, ainsi que l'analyse de l'approvisionnement des
centres urbains [SRAÏRI et BAQASSE, 2000 ; MSANGA et al., 2000 ;
HANYANI - MLAMBO et al., 1998 ; LOSADA et al., 1998 ; METZGER et
al., 1995 ; HOLMAN et al., 1992 ; MBAP et NGERE, 1989]. En pays
développés, au delà des objectifs
précédents, c'est aussi la caractérisation des variations
régionales et leurs effets sur les politiques d'aménagement du
milieu qui sont visés dans ces travaux [REINHARD, 1999 ; BONNEVIALE
et al., 1989]. La méthodologie retenue varie énormément en
fonction du matériel de base disponible, à savoir la
quantité de données relatives au fonctionnement des
étables laitières et leurs relations avec leur environnement
économique et social.
Ainsi, il est possible de remarquer que dans les pays
développés ou dans des projets de promotion agricole dans les
pays du Tiers-Monde, l'existence de bases de données du genre RICA
(Réseau d'Information Comptable Agricole) en France, ou du type DHI
(Dairy Herd Improvement) aux Etats-Unis, ou encore SCB (Statistical Central
Bureau) en Suède, ou Baobab au Sénégal [LANCELOT et al.,
1988], qui comportent toutes les observations issues des recensements agricoles
et du contrôle laitier, permet de se livrer à des analyses
statistiques poussées et régulières sur cette somme
d'informations, moyennant les méthodes d'analyse des données
multidimensionnelles. Le but est d'exploiter la diversité et le nombre
d'informations brassées au cours d'un diagnostic des élevages
laitiers [BONNEVIALE et al., 1989], pour ressortir les facteurs qui influent
significativement sur leurs performances. Ceux-ci peuvent être aussi bien
liés au milieu (effet étable), à la
génétique (race) ou même aux caractéristiques
sociales des éleveurs [CHATELLIER et al., 1997 ; LEDIN et LEMA,
1996]. Parfois, l'analyse de type systémique basée sur
l'exploitation d'une base de données peut être combinée
à une expérimentation chez les éleveurs pour tester
l'effet d'un paramètre d'élevage (alimentation notamment) sur les
caractéristiques des produits, surtout en zone AOC (Appellation
d'Origine Contrôlée) [COULON et al., 1988]. De même, ce
genre de travaux peuvent être l'occasion de se pencher sur
l'évolution de certaines tendances des élevages laitiers, comme
par exemple les taux butyreux et protéiques du lait [SARGEANT et al.,
1999]. Dans ces études, BONNEVIALE et al. [1989] affirment qu'il est
nécessaire d'analyser les pratiques des éleveurs,
c'est-à-dire leur manière de gérer au jour le jour leurs
troupeaux, car comme l'a rappelé BROSSIER [1973], « les
agriculteurs, comme tous les individus, ont un comportement rationnel,
c'est-à-dire qu'il y a cohérence entre les objectifs qu'ils
cherchent à atteindre et les moyens mis en oeuvre». Cette nouvelle
dimension acquise par les actions entreprises par les éleveurs,
puisqu'ils deviennent objet d'étude et non pas seulement d'analyse,
n'est pas sans bouleverser de manière radicale le comportement du
chercheur en sciences animales [LANDAIS et DEFFONTAINES, 1988]. Le tableau 4
reprend de manière détaillée les différences
fondamentales qui distinguent l'approche systémique de l'approche
conventionnelle pour l'étude des élevages.
Tableau 4. Caractéristiques schématiques de
deux démarches différentes pour la recherche et l'action.
Démarche analytique
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Démarche systémique
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Seul le résultat compte. Des solutions sont
recherchées en priorité aux problèmes
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C'est le processus qui est important. Il faut bien poser le
problème
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Le complexe est décomposé en
éléments qu'il faut analyser
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Articulation et relation des éléments entre
eux et avec le tout
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Supériorité de l'expert qui sait (schéma
descendant de la connaissance)
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Humilité de l'expert qui cherche à comprendre
et qui apprend des choses et des gens
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L'expert croit à la meilleure solution
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Il pense qu'il y a plusieurs solutions satisfaisantes
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Construction d'une théorie fondée sur les
mathématiques : priorité donnée au quantitatif.
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Construction d'un modèle que l'on sait
réducteur.
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Validation par la preuve expérimentale.
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Validation par l'efficacité dans la transformation du
réel.
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Enseignement disciplinaire (juxtaposition).
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Transdisciplinarité.
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Linéarité, monorationalité,
monocritère dans la décision
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Plurirationalité, pluricritère.
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Indépendance des fins et des moyens.
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Récursivité des fins et des moyens.
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Les connaissances sont la découverte de ce qui
préexiste (univers câblé).
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Les connaissances sont construction du réel, elles
agissent sur lui.
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Mise à l'écart des contradictions pour rendre la
réalité conforme au schéma.
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Prise en compte des conflits et des contradictions.
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L'expert est comme une « abeille » pour
laquelle tout est codé. Auguste Comte est la référence
historique et épistémologique de cette conception.
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L'homme est un « architecte » libre qui
construit. Léonard De Vinci semble être le référence
adéquate.
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Adapté de LE MOIGNE [1984]
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