III - 5 Synthèse générale des
typologies d'élevage bovin et implications pour des études de
cas
Les trois études précédentes relatives
à l'établissement de typologies d'élevages de bovins dans
deux zones agroécologiques du Maroc ont permis de dresser une image
réelle de la situation du secteur de la production laitière dans
ce pays.
L'idée première était avant tout de
rassembler des données fiables à même de
générer une vision précise des performances de
l'élevage bovin dans deux zones agricoles aux caractéristiques
a priori très différentes. Ceci a permis de
dépasser l'absence de références sur les
réalités de la production bovine au Maroc.
Un deuxième objectif a été d'ordonner et
de hiérarchiser les données ainsi obtenues pour mieux comprendre
les options de production retenues par les éleveurs. Il est ainsi
apparu, de manière synthétique, que l'analyse des modes de
production bovine (lait en intensif, lait à base de fourrages, mixte,
allaitant...) et des objectifs des éleveurs, qui transparaît
à travers les variables d'affouragement, d'intensification et de ventes
des bovins, est bien plus importante que les considérations liées
à la taille des exploitations agricoles. Il en découle que,
quelle que soit la zone considérée, quatre grands groupes
d'élevage ont pu être distingués :
1) un premier groupe constitué d'étables qui
commencent à se spécialiser en production laitière,
à travers des rendements laitiers par vache et par an supérieurs
à 4 000 kg, et qui ne s'appuient que très peu sur les ventes des
bovins pour atteindre des seuils de rentabilité
intéressants ;
2) un deuxième groupe rassemblant des étables
déficitaires en raison d'une insuffisante maîtrise technique des
fondamentaux de la production bovine laitière (rationnement notamment)
conjuguée à la rareté de capitaux ;
3) un troisième groupe qui consiste en des fermes avec
une stratégie de production bovine bien plus extensive que celles du
premier groupe, tant sur le plan du rendement laitier que sur le plan de
l'affouragement (plus d'aliments grossiers et plus d'ha de fourrages par vache
et moins de concentrés), mais avec pour souci des performances
économiques positives par vache ;
4) un quatrième groupe représenté par
des étables qui peuvent être qualifiées de « hors
- sol », qui gaspillent des aliments onéreux (les
concentrés) sans avoir de résultats de productivité
laitière par vache intéressants et dont l'équilibre
économique ne repose que sur les ventes de bovins.
Un autre constat qui ressort de nos investigations sur le
terrain est lié à la proportion d'étables qui peuvent
être considérées comme ayant franchi le pas vers un
début de spécialisation laitière : à peine 25
% en zone suburbaine de Rabat - Salé pour un ratio assez proche (28 %)
en ce qui concerne les fermes du périmètre irrigué Gharb.
Cette répartition en quatre groupes présente de
la similitude frappante dans les deux régions, irriguée du Gharb
et suburbaine de Rabat - Salé, ce que confirme nettement l'étude
comparative qui leur est consacrée. Ce résultat mérite
d'être souligné puisqu'il va à l'encontre des
hypothèses généralement admises lors de la discussion des
voies d'évolution de l'élevage laitier au Maroc. En effet, il est
généralement entendu, notamment dans le discours officiel, que
l'élevage bovin laitier est bien plus intensif en zones irriguées
que dans les régions à la merci des aléas
climatiques ; hypothèse qui est largement contredite par les
résultats de notre travail.
Il faut aussi à ce stade rappeler que certains types
d'étables, fort accessibles et où des collectes de données
sur le fonctionnement se font de manière régulière, ont
dues être mises à l'écart lors de l'établissement
des typologies. Il s'agit notamment des étables étatiques de la
SODEA, qui, en raison de leurs paramètres structurels fort
différents des élevages usuels, constituaient des observations
qui amenuisaient l'intérêt des analyses statistiques
effectuées. Ces étables, mériteraient toutefois une
étude approfondie de leurs modes de fonctionnement, car
représentatives d'une voie d'intensification poussée de la
production bovine laitière en tenant compte de la
spécificité du milieu d'élevage au Maroc.
Aussi, pour étudier plus en détail des
situations d'élevage laitier au Maroc, et pour mieux comprendre les
incidences des choix des éleveurs sur les performances des vaches, nous
avons songé à appliquer à la suite de ces typologies, une
série d'études de cas représentatifs. C'est ce qui fera
l'objet de la quatrième partie de ce doctorat.
Le choix s'est d'abord porté sur les étables de
la SODEA, où une masse de données permettait de se livrer
à une analyse plus fouillée des modes d'élevage intensif
dans ce type de fermes. Les résultats de ces recherches sont
présentés dans le premier chapitre de la quatrième
partie.
Dans le deuxième chapitre, nous avons reporté
notre attention sur une étable spécialisée, située
en zone d'agriculture pluviale (province de Ben Slimane) pour illustrer les
variations de ses performances en relation avec les fluctuations annuelles du
climat.
Dans les deux chapitres qui suivent, nous avons opté
pour cibler nos efforts de recherche sur le cas des étables suburbaines,
tant il est vrai que les typologies ont confirmé que les grands groupes
distingués étaient similaires entre les deux
régions, suburbaine et irriguée. Ainsi, pour éviter
de se dissiper dans de longs et coûteux déplacements que supposent
des suivis rapprochés et afin d'aboutir à des études de
cas plus pertinentes, basées sur une collecte d'informations plus denses
(jusqu'à un passage mensuel par étable), nous nous sommes
limités aux étables limitrophes à notre lieu de travail,
à savoir les élevages suburbains de Rabat - Salé.
Dans le troisième chapitre, un suivi longitudinal de
sept de ces fermes a été réalisé sur deux
années agricoles successives (2000/2001 et 2001/2002), grâce
à la description des variations annuelles de leurs performances et
à l'analyse de la corrélation entre la productivité
laitière et les consommations de concentrés.
Dans le quatrième et dernier chapitre, une ouverture
sur les aspects de la qualité du lait et ses relations aux modes
d'élevage des vaches a été envisagée. Il s'agit de
caractériser la situation actuelle de la qualité du lait à
la sortie des étables, et ses évolutions tout le long de
l'année. L'objectif est d'identifier, après le diagnostic
technique et économique des élevages laitiers suburbains, les
principales failles liées à la qualité du lait.
Ces études de cas se veulent ainsi comme un
approfondissement de l'analyse des grandes tendances de l'élevage bovin
laitier au Maroc, en vue d'en cerner davantage les modalités et les
performances. Elles permettraient alors de mieux cibler les axes prioritaires
de développement de ces structures de production à l'issue de
l'affinage de leur diagnostic. Ce serait en pleine conformité avec la
philosophie globale de recherche systémique qui sous-tend ce travail.
IV - Etudes de cas d'elevages de bovins laitiers au
Maroc
IV.1. Performances et modalités de l'élevage
laitier en étables étatiques : cas de six fermes de la
SODEA
IV.2. Résultats économiques et techniques
d'une unité de production laitière dans la région
d'agriculture pluviale de Ben Slimane
IV.3. Evaluation des résultats de sept élevages
de bovins laitiers dans la zone suburbaine de Rabat - Salé à
travers un suivi régulier
IV.4. Incidences des pratiques d'élevage sur la
qualité du lait : étude dans cinq étables suburbaines
de Rabat - Salé
Le problème du Maroc, c'est le greffage des
modèles et l'absence d'innovations.
Paul Pascon (1980).
Études rurales.
Société Marocaine des Editeurs Réunis,
Rabat, 158 p.
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