III-4-3 Résultats et discussion
III-4-3-a Aperçu général sur les
caractéristiques des exploitations et des performances
laitières
Les paramètres moyens décrivant les
exploitations agricoles retenues dans ce travail sont rapportés dans le
tableau 22. En raison de la présence dans l'échantillon
étudié de fermes à paramètres structurels
très dispersés, la moyenne pour les paramètres de taille
(effectifs bovins et superficie agricole) était supérieure
à l'écart - type. Par exemple, il y avait 16,3 #177; 52,8 ha de
superficie arable par exploitation agricole avec plus de 80 % des fermes
utilisant moins de 25 % de la surface agricole totale. Dans le
périmètre irrigué du Gharb, la sole fourragère
représentait 18 % de la surface totale et était
emblavée principalement en bersim (Trifolium alexandrinum)
qui occupe 60 % de la superficie fourragère, suivi de la luzerne et
du maïs (tous trois bénéficiant d'irrigations d'appoint).
Dans la zone suburbaine de Rabat - Salé, les fourrages
représentent 31,7 % de la superficie totale et étaient à
base de cultures pluviales telles que l'avoine, l'orge et les lupins, avec un
complément de cultures irriguées estivales (luzerne et maïs)
dans 32 exploitations.
Il y a en moyenne 9,6 #177; 14,3 vaches par ferme
étudiée. Comme pour la superficie arable, il est possible de
constater une importante variabilité dans les effectifs de vaches en
raison du choix dans l'échantillon de fermes de situations très
diverses (fermes spécialisées, fermes étatiques, petites
exploitations...). La structure génétique du cheptel bovin est
dominé par les vaches des races Holstein et Frisonne (77 % des effectifs
totaux), suivies des vaches de type croisé « locales x
Holstein ou Frisonne » (21 %) et des vaches des populations locales
(2 %). Le rendement laitier moyen par vache était de 2 844 #177; 1 105
kg. L'analyse de l'alimentation des vaches a montré que les fourrages ne
représentaient que 59,7 % de l'énergie dérivée des
concentrés.
Tableau 22. Paramètres moyens de structure et de
fonctionnement décrivant les 118 fermes laitières
étudiées dans les zones suburbaine et irriguée.
Variables
|
Minimum
|
Moyenne #177; é.t.
|
Maximum
|
|
|
|
|
Superficie agricole utile, SAU (ha)
|
0,0
|
16,3 #177; 52,8
|
388
|
Superficie fourragère, SF (ha)
|
0,0
|
4,38 #177; 4,07
|
20,8
|
Charge (ha de fourrage/vache)
|
0,0
|
0,38 #177; 0,42
|
3,4
|
Effectifs de vaches
|
1
|
9,6 #177; 14,3
|
106
|
Moyenne économique, ME (kg/vache)
|
727
|
2 844 #177; 1105
|
6 602
|
Concentrés/kg de lait, UFL cc/kg lait
|
0,09
|
0,70 #177; 0,55
|
2,3
|
Concentrés/vache/an, UFL cc/v/an
|
159,6
|
1 734 #177; 757
|
3 959,1
|
Ratio Fourrages/Concentrés FCC (%)
|
12,2
|
59,7 #177; 50,2
|
83,3
|
Ratio Bovins/Lait, VAL (% de ventes)
|
8,3
|
62,0 #177; 71,3
|
76,9
|
Aliments/Charges totales, CAT (%)
|
44,1
|
80,4 #177; 14,7
|
98,9
|
Prix de revient du kg de lait, PRK (DH)
|
1,6
|
3,6 #177; 1,9
|
11,2
|
Bénéfice par vache, BV (DH)
|
- 9 652
|
1 611 #177; 2584
|
12 522
|
L'importance quantitative des concentrés
combinée à leur diversité qualitative (son de blé,
pulpes déshydratées de betterave et d'agrumes, orge grain,
maïs, tourteaux de tournesol et de soja) dans des formules alimentaires
très variables, a souvent résulté en des rations
alimentaires déséquilibrées. Les concentrés
servaient alors beaucoup plus d'aliments de base plutôt que de
compléments aux fourrages et contribuaient alors plus à la
satisfaction des besoins d'entretien des vaches plutôt qu'à la
production laitière à proprement parler, surtout dans les
situations (fermes à fortes charges animales à l'hectare et
saisons défavorables) de carences chroniques en fourrages. Le lait est
principalement vendu à travers un réseau de colportage local au
prix moyen d'environ 3,2 DH par litre dans l'environnement suburbain, tandis
qu'au Gharb, du fait de l'absence de marchés potentiels à
proximité, il est écoulé en majeure partie à
travers les centres de collecte coopératifs au prix moyen de 2,8 DH.
Les performances de reproduction du cheptel n'ont pu
être calculées que pour 117 vaches, en raison de l'absence de
fichiers de données régulièrement tenus sur les
exploitations. Ces performances étaient quelque peu décevantes,
avec un intervalle moyen entre vêlages de 429 jours. Le
bénéfice par vache était très variable, de positif
(12 522 DH) à déficitaire (- 9 650 DH), avec une moyenne de 1 610
DH. Les charges liées à l'alimentation du cheptel
représentaient 78,6 % des charges totales, témoignant de
l'importance des pratiques alimentaires, non seulement sur les résultats
économiques globaux mais aussi par rapport à la stratégie
générale d'élevage adoptée par les gestionnaires
d'étables.
III-4-3-b Evaluation des différences entre
régions de l'activité laitière des exploitations
agricoles
Une comparaison générale des statistiques
élémentaires décrivant les étables de Rabat -
Salé et celles du Gharb est représentée au tableau 23.
Elle montre de prime abord, que les variables liées à
l'intensification de la production laitière (rendement par vache,
allocation en concentrés par vache, effectifs de vaches par troupeau et
ratio des ventes du lait par rapport aux ventes totales) sont plus
élevées dans la région de Rabat - Salé par rapport
au périmètre du Gharb. Ce résultat semble paradoxal par
rapport aux atouts que présente le Gharb, puisque ce
périmètre, avec son infrastructure d'irrigation, devrait
être plus propice à la production de fourrages et donc garantir de
meilleures conditions pour un élevage laitier intensif.
Tableau 23. Comparaison générale des fermes
laitières au périmètre irrigué du Gharb et dans la
ceinture suburbaine de Rabat - Salé.
Paramètres
|
Moyenne #177; écart type
|
|
Rabat - Salé
|
Gharb
|
|
|
|
Charge (ha de fourrages/vache)
|
0,53 #177; 0,67
|
0,47 #177; 0,42
|
Variation d'inventaire Relative, VIR (%)
|
-0,22 #177; 0,85
|
-0,06 #177; 0,52
|
Moyenne Economique, ME (kg/vache)
|
3 219 #177; 1 087a
|
2 588 #177; 1 121b
|
Concentrés/kg de lait, UFL cc/kg lait
|
0,73 #177; 0,28a
|
0,59 #177; 0,38b
|
Concentrés/vache/an, UFL cc/v/an
|
2 209 #177; 758a
|
1 187 #177; 760b
|
Ratio Fourrages/Concentrés, FCC (%)
|
60,6 #177; 63,1b
|
116,0 #177; 126,2a
|
Ventes de bovins/ ventes de lait, VAL (%)
|
52,2 #177; 86,3
|
73,0 #177; 81,9
|
Charges alimentaires/charges totales, CAT (%)
|
81,0 #177; 15,1
|
77,8 #177; 14,5
|
Prix de revient du kg de lait, PRK (DH)
|
3,8 #177; 1,8
|
3,4 #177; 1,9
|
Bénéfice par vache, BV (DH)
|
1 553 #177; 4 287
|
1 777 #177; 3 472
|
a,b Les moyennes avec des lettres
différentes sur la même ligne sont significativement
différentes (P<0,05).
Au contraire, les étables du périmètre du
Gharb semblent adopter des pratiques d'élevage plus extensives que
celles de Rabat - Salé, avec des ventes de bovins plus importantes
(73 % de la valeur du lait vendu par rapport à 52,3 % à
Rabat - Salé), une moindre utilisation de concentrés alimentaires
par vache (1 188 UFL contre 2 209 UFL à Rabat - Salé),
et des rendements laitiers par vache inférieurs (2 588 kg contre
3 218 kg à Rabat - Salé). De plus amples analyses des
pratiques adoptées par les éleveurs montrent que dans 45
étables du Gharb, un arrêt total de la distribution de
concentrés aux vaches a été observé dès que
le fourrage principal (bersim) devient disponible (du mois de novembre à
la fin du mois de mai). Ceci y résulte en une contribution plus
importante des fourrages à l'apport énergétique global
(ratio Fourrages/Concentrés de 116,0 contre 60,6 % à Rabat -
Salé). Dans la zone de Rabat - Salé, de telles pratiques
étaient totalement absentes, puisque toutes les étables ont
distribué des concentrés, tout le long de l'année, en
quantités variables.
Il n'y avait pas d'écarts importants entre les deux
régions vis-à-vis du bénéfice moyen
dégagé par vache (1 553 DH à Rabat - Salé et 1 777
DH au Gharb). Les deux régions ont présenté des valeurs de
rentabilité par vache très variables, avec pour les deux des
écart - types supérieures au double de la moyenne. Les
résultats économiques moyens par vache sensiblement plus
élevés au Gharb pourraient être expliqués par les
ventes plus intensives de bovins dans les étables de cette
région.
Cette comparaison préliminaire des styles
d'élevage entre les deux régions n'est cependant basée que
sur une analyse de moyennes générales. Or, comme tous les
paramètres décrivant les fermes sélectionnées sont
caractérisés par une ample variabilité (moyenne
généralement inférieure à l'écart type), des
analyses statistiques complémentaires seraient nécessaires pour
ordonner les observations par rapport aux groupes de variables les plus
déterminantes et pour se focaliser concrètement sur l'effet
éventuel de la région. Ceci affinerait les comparaisons et
permettrait ensuite de se débarrasser des effets liés à la
région afin d'entreprendre une classification non biaisée des
élevages laitiers.
III-4-3-c Résultats des analyses statistiques
multidimensionnelles
A l'issue de la mise à l'écart des 4 fermes aux
caractéristiques de taille trop écartées du reste, une ACP
générale a été appliquée aux 114
étables restantes. Les trois premiers axes factoriels obtenus ont ainsi
expliqué 69,9 % de la variation totale.
.
L'axe 1 avec 29,4 % de la variation totale
caractérise concrètement les pratiques d'alimentation du
cheptel bovin sur les exploitations. Il est fortement
corrélé aux variables « Concentrés par kg de
lait , UFL cc/kg lait» et « Ratio Fourrages sur
Concentrés dans le bilan alimentaire global, FCC ». Cet axe va donc
différencier les exploitations à fortes consommations de
concentrés par kg de lait et à faibles utilisation de fourrages
dans l'alimentation des vaches, de celles à caractéristiques
opposées.
L'axe 2 représente 21,7 % de la variation totale.
Il peut être considéré comme un axe reflétant
l'intensification laitière, puisque uniquement corrélé
à la variable « Moyenne Economique, ME ». Il va donc
opposer les fermes avec un important rendement laitier par vache à
celles avec des vaches moins productives.
L'axe 3 constitue 18,7 % de la variation totale. Il est
surtout corrélé aux variables reflétant le poids des
ventes de bovins dans les fermes étudiées, telles que
« valeur des animaux par rapport au lait, VAL » et
« Variation d'Inventaire Relative, VIR ». Par
conséquent, cet axe discrimine les élevages avec d'importantes
ventes de bovins et des variations de stock négatives des fermes avec
des caractéristiques orientées vers l'augmentation de stocks
animaux et la réduction des ventes de bovins.
Cette ACP globale sur les 114 étables des deux
régions ne permet pas de différencier les étables selon
leurs performances économiques. C'est pourquoi, nous avons opté
pour un approfondissement de l'étude des différences
régionales par la mise en oeuvre d'analyses inter et intra
régionales, afin de clarifier, d'une part, l'ampleur de cet effet de la
région, et d'autre part, d'éliminer cet effet de la
région.
Une ACP inter régions a été
appliquée au jeu de données en vue de mettre en relief un
éventuel impact de la région sur les caractéristiques
d'élevage laitier. Un seul axe factoriel en est résulté,
avec un test de Mantel très significatif (P < 0,05). L'illustration
graphique de cette ACP inter région est représentée dans
les figures 16 et 17.
UFL cc/
kg lait
UFL cc/
v/an
Charge
PRK
BV
VIR
VAL
FCC
ME
CAT
Axe factoriel 1
- +
BV : Bénéfice par Vache ; CAT :
Charges Alimentaires par rapport aux charges Totales ; Charge :
Charge bovine exprimée en ha de fourrages par vache ; FCC : Rapport
Fourrages sur Concentrés dans le bilan alimentaire ; ME :
Moyenne Economique ; PRK : Prix de revient du kg de lait ; UFL
cc/ kg lait : Unités Fourragères Lait par kg de lait ; UFL
cc/v/an : Unités Fourragères Lait des concentrés par
vache et par an ; VAL : Valeur des ventes d'animaux par rapport au
lait ; VIR : Variation d'inventaire Relative.
Figure 16. Projection des variables sur l'axe factoriel issu
de l'ACP inter régions.
Il apparaît de ces deux figures que les exploitations de
la région du Gharb sont liées à toutes les variables
retenues pour caractériser le fonctionnement des élevages
laitiers, ce qui confirme que cette région groupe une plus large gamme
de types d'élevages bovins par rapport à la zone suburbaine de
Rabat - Salé. Cette dernière, comme nous l'avions
déjà évoqué à l'analyse des moyennes par
zone, semble au contraire plus liée aux variables reflétant
l'utilisation des concentrés et leurs effets sur la production
laitière (moyenne économique), ce qui constituerait une
indication préliminaire sur une intensification relative de la
production laitière dans cette zone.
Ces résultats impliqueraient que la
spécialisation laitière souhaitée par les organismes de
développement après le lancement des mesures du « Plan
Laitier » est loin d'avoir été atteinte. En fait, la
production laitière semblerait plus intensive dans la ceinture
périurbaine de Rabat - Salé, même avec moins de fourrages
de bonne qualité par vache.
Axe factoriel 1
- +
Figure 17. Projection des exploitations des régions
suburbaine de Rabat - Salé (R) et irriguée du Gharb (G) sur l'axe
factoriel issu de l'ACP intra régions.
L'ACP intra région a été effectuée
en vue d'éliminer les effets liés à la localisation
géographique. Les résultats qui en découlent montrent que
les trois premiers axes représentent 68,3 % de la variabilité
totale (Tableau 24). L'interprétation de la signification de ces trois
axes peut être obtenue à partir des corrélations qui les
lient aux variables (figure 18).
Tableau 24. Résultats de l'ACP intra
région : définition des axes.
Axe
|
Corrélation des variables aux axes
|
Proportion
|
Variation cumulée
|
|
Variables
|
Corrélation à l'axe
|
(%)
|
(%)
|
|
|
|
|
|
1
|
UFL cc/kg lait
|
0,71
|
|
|
|
PRK
|
0,62
|
29,0
|
29,0
|
|
|
|
|
|
2
|
VIR
|
0,66
|
|
|
|
BV
|
0,53
|
21,0
|
50,0
|
|
|
|
|
|
3
|
UFL cc/v/an
|
0,48
|
|
|
|
ME
|
0,46
|
18,3
|
68,3
|
BV : Bénéfice par Vache ; ME : Moyenne
Economique ; PRK : Prix de Revient du kg de lait ; UFL cc/kg
lait : Unités Fourragères Lait des concentrés par kg
de lait ; UFL cc/v/an : Unités Fourragères des
concentrés par vache et par an ; VIR : Variation
d'inventaire.
L'axe 1, avec 29,0 % de la variation totale, reflète
l'efficience économique de valorisation des concentrés
alimentaires en lait (corrélé fortement aux variables
« Prix de Revient du kg de lait, PRK » et
« Unités Fourragères issues des concentrés par
kg de lait, UFL cc/kg lait »). Cet axe va logiquement opposer les
fermes qui gaspillent des concentrés et auront par conséquent des
prix de revient du kg de lait élevés, à d'autres qui
extériorisent de meilleures valorisations métaboliques de
l'énergie des concentrés en lait avec des prix de revient du lait
limités.
L'axe 2 (21,0 % de la variation globale) est encore plus
lié à l'économie de l'élevage
laitier, puisque corrélé aux variables Variations
d'Inventaire Relative « VIR », et
Bénéfice par Vache « MBV ».
Axe 2
Finalement l'axe 3 (18,3 % de la variation) est liée
à l'intensification laitière, à travers
sa liaison à la variable Unités Fourragères des
Concentrés consommées par vache et par an « UFL
cc/v/an », et ses conséquences sur le rendement laitier par
vache ou Moyenne Economique « ME ». Aussi, cet axe est-il
caractéristique des fermes avec des rendements laitiers moyens par vache
élevés et des consommations de concentrés
supérieures à la moyenne.
Axe 1
BV : Bénéfice par Vache ; CAT :
Charges Alimentaires par rapport aux charges Totales ; Charge :
Charge bovine exprimée en ha de fourrages par vache ; FCC : Rapport
Fourrages sur Concentrés dans le bilan alimentaire ; ME :
Moyenne Economique ; PRK : Prix de revient du kg de lait ; UFL
cc/kg lait : Unités Fourragères Lait par kg de lait ; UFL
cc/v/an : Unités Fourragères Lait des concentrés par
vache et par an ; VAL : Valeur des ventes d'animaux par rapport au
lait ; VIR : Variation d'inventaire Relative.
Figure 18. Projection des variables techniques et
économiques caractérisant les fermes laitières sur le plan
principal défini par l'ACP intra régions.
Ainsi, il apparaît qu'avec la mise à
l'écart de l'effet région, à travers l'ACP
intra région, l'interprétation des axes a
évolué pour rassembler toutes les caractéristiques des
étables, notamment les aspects de rentabilité qui se trouvent mis
en exergue. En effet, avec l'ACP globale, qui ne tenait pas compte des
différences entre régions, la rentabilité de
l'élevage laitier n'était pour ainsi dire pas prise en compte.
La dernière étape de cette série
d'analyses multidimensionnelles a visé la constitution d'une typologie
générale de ces 114 exploitations étudiées,
à travers les scores obtenus par l'ACP intra-régions. Quatre
groupes d'exploitations laitières ont été définis.
Les résultats de la classification ascendante hiérarchique
établie sont reportés au tableau 25.
Tableau 25. Caractéristiques moyennes des types
d'élevage bovin identifiés par la classification ascendante
hiérarchique.
Groupe
|
a
|
b
|
c
|
d
|
|
|
|
|
|
Nombre de fermes
|
41
|
40
|
26
|
7
|
Charge (ha fourr./v)
|
0,4 #177; 0,4
|
0,4 #177; 0,4
|
0,4 #177; 0,5
|
1,7 #177; 1,0
|
VIR (%)
|
- 0,6 #177; 0,7
|
0,1 #177; 0,3
|
0,3 #177; 0,5
|
0,3 #177; 0,6
|
ME (kg de lait/vache)
|
2 334 #177; 805
|
3 731 #177; 888
|
2 163 #177; 681
|
2 655 #177; 825
|
UFL cc/kg lait
|
1,54 #177; 0,74
|
0,97 #177; 0,29
|
1,08 #177; 0,48
|
0,45 #177; 0,44
|
UFL cc/v/an
|
2 819 #177; 1 150
|
3 148 #177; 1 355
|
2 117 #177; 1 316
|
988 #177; 1 134
|
FCC (%)
|
98,4 #177; 87,5
|
98,6 #177; 86,3
|
167,4 #177; 158,2
|
685,4 #177; 425,2
|
VAL (%)
|
122,6 #177; 94,0
|
24,3 #177; 20,5
|
11,7 #177; 22,4
|
116,1 #177; 71,2
|
CAT (%)
|
83,3 #177; 14,5
|
73,7 #177; 11,9
|
86,7 #177; 11,5
|
60,2 #177; 15,8
|
PRK (DH/kg de lait)
|
4,3 #177; 2,1
|
2,4 #177; 0,5
|
4,0 #177; 1,5
|
2,5 #177; 0,9
|
BV (DH/vache)
|
2 289 #177; 4 143
|
2 489 #177; 2 261
|
- 2 311 #177; 2 790
|
4 684 #177; 2 728
|
BV : Bénéfice par Vache ; CAT :
Charges Alimentaires par rapport aux charges Totales ; Charge :
Charge bovine exprimée en ha de fourrages par vache ; FCC : Rapport
Fourrages sur Concentrés dans le bilan alimentaire ; ME :
Moyenne Economique ; PRK : Prix de revient du kg de lait ; UFL
cc/kg lait : Unités Fourragères Lait par kg de lait ; UFL
cc/v/an : Unités Fourragères Lait des concentrés par
vache et par an ; VAL : Valeur des ventes d'animaux par rapport au
lait ; VIR : Variation d'inventaire Relative.
L'interprétation des résultats de la
classification ascendante hiérarchique montre que le groupe (a) est
constitué de 40 exploitations pour lesquelles les variables Prix de
Revient du kg de lait « PRK » et Unités
Fourragères des concentrés par kg de lait « UFL
cc/kglait » sont largement supérieures à la moyenne. Ce
sont aussi des exploitations qui affichent des valeurs supérieures
à la moyenne pour la variable Variation d'Inventaire Relative
« VIR ». Par conséquent, les exploitations de ce
groupe (a) seront projetées principalement sur la partie négative
des deux axes 1 et 2 de l'ACP intra-régions. Ces fermes laitières
peuvent ainsi être considérées comme gaspilleuses
de concentrés avec des ventes massives de bovins pour
réaliser l'équilibre économique, sans aucune
spécialisation en lait.
Le groupe (b) rassemble 41 fermes. Leur caractéristique
principale est la recherche de rendement laitier (3 731
kg/vache) par rapport à une moyenne générale de 2 844
kg/vache. Les consommations de concentrés par kg de lait sont
réduites. Ces exploitations seront donc principalement projetées
positivement sur les axes 1 et 3 de l'ACP intra-régions. Toutefois, la
rentabilité moyenne par vache demeure modérée en raison de
ventes de bétail moins importante que dans le premier groupe.
Le groupe (c), avec 26 fermes, représente les
fermes déficitaires. Toutes les fermes le constituant sont
projetées exclusivement sur la partie positive de l'axe 2, tandis que
leurs autres caractéristiques sont proches de la moyenne
générale pour tout l'échantillon de fermes
étudiées. Ce groupe rassemble donc les fermes déficitaires
eu égard à l'atelier d'élevage laitier.
Le groupe (d) est constitué de 7 fermes
d'élevage bovin qui peuvent être qualifiées de
mixtes extensives. Il présente des ateliers de vaches
tous projetés positivement sur l'axe 1 et négativement sur l'axe
3. Il représente donc les fermes avec une importante valeur pour la
variable « Charge » (superficie fourragère par vache
laitière) mais un rendement laitier limité par vache
présente. Le ratio Charges alimentaires par rapport au total des charges
est en conséquent réduit. Les fourrages représentent
près de sept fois (685 %) les allocations en concentrés, dans le
bilan énergétique global. C'est pourquoi ces exploitations
peuvent être davantage considérées comme productrices
extensives de viande bovine que laitières, à l'instar du groupe
des éleveurs extensifs avec un penchant vers la production de viande
distingué dans la typologie effectuée dans le
périmètre irrigué du Gharb.
En analysant la répartition par région des
fermes au sein des groupes identifiés par la classification ascendante
hiérarchique, il s'avère que seul le groupe (d) est typiquement
lié à la région du Gharb, avec six des sept fermes qu'il
contient étant situé dans ce périmètre
irrigué. Les groupes a) (19 étables au Gharb, 21 à
Rabat -Salé), b) (26 du Gharb, 15 de Rabat - Salé) et c) (17
du Gharb, 9 de Rabat - Salé), présentent la
caractéristique commune de rassembler des étables des deux
régions.
IV-4-4-d Discussion des résultats de la
typologie comparative des étables laitières à Rabat -
Salé et dans le Gharb
L'ACP inter régions a mis en exergue des
différences quant aux pratiques d'élevage, principalement
liées à l'usage des concentrés, entre la région
suburbaine de Rabat - Salé et le périmètre irrigué
du Gharb. Une tendance similaire a été rapportée par
EDDEBBARH [1986] lorsqu'il a comparé des étables du Gharb
à des élevages laitiers de la ville de Fès, au Maroc. Cet
auteur a aussi trouvé des rendements laitiers annuels par vache plus
élevés en zone suburbaine (2 525 kg) par rapport à ceux
enregistrés en périmètre irrigué (1 654 kg),
notamment grâce à un usage plus important de concentrés.
En éliminant l'effet région, grâce
à une ACP intra région, il apparaît que toutes les
variables caractérisant les exploitations sont bien
représentées (rendement laitier par vache, rentabilité et
pratiques alimentaires). La typologie réalisée par une
classification hiérarchique montre que les fermes des trois premiers
groupes constituent 105 des 114 exploitations étudiées. Ces trois
groupes illustrent des échantillons très divers de
stratégies d'élevage laitier : des fermes qui gaspillent des
concentrés et qui ont recours à des ventes de bovins pour
accéder à l'équilibre économique (groupe a), des
fermes qui réalisent des rendements laitiers élevés par
vache et se dispensent de ventes d'animaux (groupe b) et enfin des fermes avec
un important déficit économique par vache (groupe c). Il n'a pas
été noté de lien spécifique entre un groupe
donné et une location géographique, ce qui confirme les
assertions de MEYER et DENIS [1999] à propos de la diversité des
systèmes d'élevage laitier en pays du Sud. Selon ces auteurs,
cette variabilité des performances et des modes d'élevage bovin
est bien plus en relation avec l'efficience de conversion des aliments
plutôt qu'avec la disponibilité des aliments ou les
facilités d'irrigation des fourrages.
En fait, avec un rendement moyen en lait de 3 218 kg par
vache, la région de Rabat -Salé réalise une performance
bien meilleure que celle du périmètre irrigué du Gharb.
Toutefois, cette intensification est totalement due à des consommations
plus élevées de concentrés par vache à Rabat -
Salé (2 210 UFL) qu'au Gharb (1 188 UFL). Ce début
d'intensification de la production laitière en zone suburbaine n'est
cependant pas synonyme de spécialisation en lait [SRAÏRI et LYOUBI,
2003]. En effet ces fermes conservent toutes de jeunes mâles à
l'engraissement. L'intensification semble en revanche plus liée aux
facilités de commercialisation du lait dans cette zone. En effet, dans
le périmètre du Gharb, avec les centres de consommation
éloignés des fermes, le lait ne peut être vendu qu'au
travers de centres de collecte collectif à un prix inférieur de
près de 15 % à celui qui est offert par les réseaux de
collecte privée (colporteurs) dans les abords des grandes villes. Ce
genre de situations est très commun dans les pays en voie de
développement et implique l'émergence de « bassin
laitier » dans les banlieues de nombreuses agglomérations
[DEBRAH et al., 1995 ; LOSADA et al., 2000]. Par
conséquent, et même paradoxalement, la production bovine
laitière de type « hors-sol » basée sur des
apports massifs de concentrés, semble économiquement plus
efficace en zones urbaines que dans les périmètres agricoles
irrigués, même si dans ces derniers les fourrages sont plus
abondants. Les exploitations étatiques qui ont été
ôtées des analyses multivariées pour des raisons de taille
du cheptel et de superficie, représentent le pic de cette
intensification laitière reposant sur des quantités massives de
concentrés (3 908 UFL par vache).
Par ailleurs, les exploitations caractérisées
par un rendement laitier très réduit et une orientation
allaitante (groupe d) sont quasi exclusivement situées dans la
région du Gharb (6 sur 7). Ce résultat est en accord avec les
observations précédentes relatives aux différences du prix
du lait à la ferme entre zones rurales, mêmes irriguées, et
ceintures urbaines. Il peut aussi être attribué à des prix
du lait offerts aux éleveurs par les industriels en stagnation depuis
plus de 10 ans [AKESBI, 1997], et aussi par les fréquentes
pénalités, souvent non justifiées, qu'appliquent les
usines laitières aux centres de collecte collectifs [SRAÏRI et
MEDKOURI, 1999]. Toutefois, cette orientation viandeuse d'étables
dotées de vaches de type Holstein, et qui est passible de se renforcer
si les termes du marché du lait frais demeurent tels qu'ils sont,
nécessite des mesures d'accompagnement ciblées (non des moindres,
la constitution d'un cheptel de races à caractères viandeux
meilleurs que la Holstein). En effet, au Maroc, la production de viande
continue d'émaner de troupeaux considérés à tort
comme laitiers, dans un contexte d'absence d'importations de races bovines
à viande.
Dans une optique de développement, il est
évident que des recherches et la vulgarisation adaptées à
la réalité de l'élevage bovin intensif avec des vaches de
type Holstein sont nécessaires. Ceci pour tirer efficacement profit des
populations bovines importées massivement depuis le début des
années septante. A un moment où le conseil technique est rare
pour les éleveurs, en raison du manque de moyens dans les services
d'encadrement zootechnique, des actions à travers des
démonstrations de rationnement même avec des fourrages de
piètre qualité, pourraient être très fructueuses.
Comme les concentrés sont très largement usités, c'est
principalement l'amélioration de l'efficience de leur valorisation en
lait qui demeure la clé de tout progrès. Comme l'a fait remarquer
EDDEBBARH [1986], l'émergence d'une infrastructure de collecte du lait
(centres coopératifs) a déjà stimulé, même
les élevages aux dimensions les plus modestes, à livrer
quotidiennement leur production. Ces mêmes centres pourraient constituer
une plate-forme propice à toute action de vulgarisation ciblée,
pour peu qu'un choix politique clair soit effectué en direction d'une
augmentation de la production laitière locale. Dans le contexte
suburbain, des initiatives privées se sont manifestées pour
un rendement laitier accru et certaines exploitations s'acheminent vers la
spécialisation [SRAÏRI et LYOUBI, 2003]. Cette tendance pourrait se
renforcer pour les fermes qui s'investiraient davantage dans l'augmentation du
prix auquel elles commercialisent leur lait cru, en le transformant en
dérivés (fromages, beurre, petit lait fermenté...), comme
le mentionne DE BOER [1985] dans son analyse des évolutions possibles de
l'élevage bovin dans les pays en développement.
III-4-4 Conclusion
Cette série de suivis d'élevage bovins laitiers
dans deux sites agricoles du Maroc foncièrement différents, a
confirmé la prééminence des facteurs de conduite des
troupeaux sur les paramètres de taille quant à l'efficience
économique et les performances techniques par vache. Elle a aussi
dévoilé que la présence de moyens d'irrigation, avec ce
qu'il en était supposé de bienfaits pour la production
fourragère, n'était pas synonyme d'augmentation de la
rentabilité et encore moins des rendements laitiers par vache. Au
contraire, c'est dans l'abord de l'agglomération urbaine que se
retrouvent les étables les plus productives, stimulées par des
approvisionnements bien plus réguliers et massifs en
concentrés.
Pareils résultats suggèrent que les habituelles
typologies esquissées et qui sont uniquement fondées sur des
paramètres de taille (nombre de vaches et superficie totale de
l'exploitation) sont erronées et incomplètes pour
appréhender la complexité de l'élevage bovin au Maroc. En
outre, ces typologies de taille ne peuvent en aucun cas embrayer sur des
actions efficaces de développement au niveau des élevages bovins,
car elles butent immédiatement sur la réalité crue :
plus de 85 % des vaches sont situées dans des étables de
moins de cinq vaches. Au contraire, en s'intéressant aux pratiques
d'élevage et à leurs incidences, il est alors possible
d'identifier des genres différents de stratégies. Celles-ci
nécessitent des actions ciblées et spécifiques pour
rehausser la rentabilité et la productivité en lait et même
en viande des fermes, étant donné la proportion fort importante
d'élevages mixtes rencontrés. C'est là une condition
sine qua non pour assurer le maintien, voire l'essor, de
l'élevage bovin et de canaliser à bon escient les faibles moyens
encore investis dans la vulgarisation agricole.
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