2.4. Structure du récit
Ce point sera consacré à l'étude du temps
et de l'espace dans Noces sacrées. Dominique M'Fouillou abonde
dans le sens où se trouve le roman de Badian que nous
étudions : « c'est le lieu des amours, sinon interdites,
du moins cachées » (cité par Coussy, 2000 : 13).
Mais Coussy est bien précise avec la situation où se trouve
Besnier après le rapt du dieu-fétiche : « c'est
là où des amoureux s'enfuient pour échapper aux diktats
des dieux qui ont décrété leur mort »
(2000 : 13).
Ça c'est pour l'espace où les tourments
débutent en Afrique pour se transférer sur l'Occident (Marseille
puis Londres) accompagnés par la mort de Jules qui s'est
suicidé.
2.4.1. L'étude du temps et
de l'espace
2.4.1.1. L'Afrique et l'Europe
2.4.1.1.1. L'Afrique des
connaissances cachées
L'Afrique est restée un continent des connaissances
cachées depuis les temps dont on ne saurait pas capable de dater avec
aisance. Maints écrivains ont dépeint cela dans les romans ou
dans les oeuvres critiques. Le roman Noces
sacrées montre avec hermétisme ce monde caché et
ses valeurs traditionnelles.
Djibril Tamsir Niane dans Soundjata ou
l'épopée mandingue en parlant des griots dit que
« toute science véritable doit être un
secret ». Ainsi l'arrivée de Besnier dans le monde noir n'est
qu'une « descente aux enfers » métaphore
utilisée par les écrivains et les critiques pour désigner
la quête de l'artiste noir à la recherche de son identité
problématique.
En face de mythe, Sartre a donné son titre à
l'un des textes les plus importants de
l'après-guerre : Orphée noir en
guise de préface à l'Anthologie de la nouvelle poésie
nègre et malgache de langue française (1948) par L.S.
Senghor.
Dans ce texte capital, Sartre se fait le porte-parole et le
héraut des hommes du monde noir. C'est aussi ce surgissement du lyrisme
et la profondeur de la parole noire qui se remarque dans cette oeuvre. Besnier
se retrouve dans ce monde où les masques-dieux sont érigés
en puissance.
Comme l'a dit Coussy (2000 : 11)
« Au sein de toutes ces inquiétudes, de tous
ces questionnements, les points de repère qui structuraient la
société africaine en viennent à s'estomper et même
à disparaître et la littérature reflète cette anomie
tout en essayant de la dépasser ».
Devant cette situation anomique, Badian essaie de raviver ce
monde en disparition. Les féticheurs, les dieux et les déesses
trônant dans les nuées abondent dans l'univers du roman. Et en
parlant de ce monde des connaissances cachées le roman nous en
éclaire suffisamment : « Tu porteras dans ton esprit une
poignée de termites. J'éclatai de rire à
nouveau » (N.S. : pp. 14-15).
Besnier, ayant démystifié le sacré
africain, prenait tout à la légère. Il pensait tout en
science matérielle oubliant la science secrète des Africains. Il
ne connaissait pas « L'Afrique des vieux chasseurs
hiératiques, hérissés d'amulettes, le bonnet couleur de
terre avec ses franges de cuir ; ses cauris... » (N.S. :
29).
De la science exacte les écrivains dont Badian passent
à la science secrète. La science de Besnier est très
critiquée, car elle n'arrivera pas à le défaire des
tribulations imposées par l'affabulation à l'égard du
sacré africain : « A mon avis, dit Mornet, la
« science » n'est pas tout ; ou si vous aimez mieux,
il n'existe pas qu'une science, la nôtre .» (N.S. :
41).
Dans Les yeux du volcan (1980), Sony Labou Tansi
détourne cette situation de façon originale :
« Toutes nos histoires et nos racontars tentent de nous sortir de la
géométrie tracée par cette réalité moribonde
où nous enferment le dénuement matériel de la
déverginalisation de notre conscience. » (1980 : 143).
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