CHAPITRE II. ANALYSE LITTERAIRE DE NOCES SACREES
2.1 Le
corpus
Noces sacrées est un roman, parmi d'autres
romans de Seydou Badian, pour lequel nous allons insister dans la suite. Au
niveau du vécu, Badian y a mis beaucoup de lui-même. Ce
vécu est celui de l'enracinement de la longue mémoire, il
signifie un retour à ce qui, en deçà des remous de
l'histoire, manifeste la pérennité de l'être au
sacré africain, lieu de permanence d'un savoir et de pratiques
ancestraux.
En ce lieu réside le peuple noir entendu en sa masse
immense, mais gardien légitime, loin du bruit, de la fureur et de la
frivolité, de sa parole et de ses pouvoirs. Ce corpus, en exhibant les
schèmes manichéens montre tout d'abord le drame de la violation
du sacré africain en plein milieu initiatique, un monde
protégé par les dieux - masques, habitant les lieux que nul
humain non initié ne peut atteindre. Ainsi, du rapt de N'tomo et de son
absence, naît le drame.
2.1.1
Le titre du récit et la littérature orale traditionnelle en
Afrique
En pleine ère coloniale, Noces
sacrées recrée brillamment l'univers du
sacré, l'univers allégorique et dramatique où la
sous-estimation de la tradition africaine n'est plus autorisée. Sous
une forme la plus détournée, Badian regrette la disparition de la
tradition et déplore les dommages qui s'en sont suivis. Jacques Chevrier
le dit aussi en ces termes :
« Si l'occident exerce sur l'Afrique une
séduction dont les effets sont partout visibles, l'univers traditionnel
reste encore néanmoins très présent dans l'oeuvre de la
plupart des écrivains africains contemporains, qui paraissent
hésiter entre le rejet brutal et la conciliation prudente à
l'égard de l'héritage du passé. » (1990 :
255).
Avec Noces sacrées, dont la publication
date de 1977, Badian apporte à ce débat un témoignage qui
ne manquera pas de surprendre ou d'irriter.
En effet, le héros N'tomo construit par l'auteur refuse
une trop facile antinomie entre l'Afrique et l'Occident. Noces
sacrées s'apparente par là au Piège sans fin
(1979) d'Olympe Bhêly-Quenum où : « L'Afrique est
victime de tout un ensemble de croyances archaïques et pratiques occultes
au moyen desquelles d'habiles imposteurs ont su établir leur empire sur
les âmes faibles » (Chevrier 1990 : 255).
En guise de conclusion, Noces sacrées
veut raviver la tradition africaine déjà en graduelle
démolition. Comme l'a souligné Jacques Chevrier (1981 : 6),
« Noces sacrées [...], s'attache à
revaloriser des attitudes et des modes de pensées hérités
du passé ».
L'on ne peut pas passer sous silence le fait que la tradition
est contestée dans d'autres oeuvres, surtout l'aspect en rapport avec la
réification de la femme. Ramatoulaye héros
révolutionnaire le témoigne dans Une si longue lettre
(1979) de Mariama Bâ.
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