INTRODUCTION
A
Côté de la relation des citoyens avec le pouvoir politique, proche
et distinct d'eux à la fois, s'établit dans tous les
régimes, une relation directe entre les citoyens et l'Administration.
Les citoyens ont des droits que
l'administration peut consacrer ou méconnaître ;
l'administration a des pouvoirs dont elle risque d'abuser1(*).
L'activité de
l'Administration comme toute activité des particuliers, peut être
génératrice de dommages, d'autant plus fréquents et lourds
qu'elle met en oeuvre des moyens puissants.
Nous pouvons maintenant nous
poser la question de savoir si les victimes de ces dommages peuvent obtenir
réparation et à quelles conditions.
Est-il possible d'appliquer
à l'Administration le principe général d'après
lequel celui qui cause injustement un dommage à autrui est tenu de la
réparer ?
L'irresponsabilité de la
puissance publique apparaissait, en France, dans la première
moitié du XIXe siècle, comme un cordillère de la
souveraineté. Cette solution très rigoureuse pour les
particuliers, était acceptable, en pratique dans la mesure où
l'Etat libéral, limitant étroitement ses activités, avait
relativement peu d'occasions de causer des dommages2(*).
En Belgique par contre,
l'irresponsabilité de l'Etat était admise, jusqu'en 1920, aux
actes de l'Etat personne publique agissent de son imperium contrairement
à cette affirmation de l'irresponsabilité de l'Administration,
l'ampleur des dommages dus à l'Administration croissant avec le
développement de ses moyens à fait que l'on abandonne cette
irresponsabilité de l'Administration. La réparation de ses
dommages étant considérée comme une
nécessité sociale3(*).
Le souci constant qui marque
cette évolution du droit de la responsabilité de la puissance
publique est celui d'améliorer le sort de la victime. Une fois
abandonné le principe de l'irresponsabilité, il a permis la
substitution de la responsabilité de l'Etat à son agent, et a
aménagé le régime de responsabilité pour aller le
plus loin possible dans la voie de l'indemnisation. L'évolution
s'inscrit dans un mouvement général de
« socialisation » des risques qui tend à faire de la
puissance publique une sorte d'assureur tous risques des dommages pourrant
survenir aux administrés4(*).
La responsabilité
envisagée ici est une responsabilité extracontractuelle (civile).
En droit, la théorie de la responsabilité présente une
extrême importance pratique et théorique ; la
possibilité pour les administrés d'obtenir réparation des
dommages imputables à la puissance publique est une pièce
essentielle de l'Etat de droit ; par delà sa valeur pratique, toute
théorie de la responsabilité reflète une certaine forme de
civilisation.
Généralement,
l'Administration engage sa responsabilité lorsqu'elle a commis une
faute. Cette faute peut être individuelle commise par un agent
déterminé, ou encore elle peut consister dans une faute anonyme
dont l'auteur n'apparaît pas de manière précise5(*).
Dans ces deux cas, des
mécanismes de réparation sont préétablis et nous
allons le voir. Par contre affirmons que l'Administration n'est pas
responsable seulement quant elle a commis une faute. La jurisprudence du
conseil d'Etat est allée au delà de la responsabilité pour
faute : elle admet que l'Administration puisse être responsable des
ses agissements même non fautifs6(*). Dans ce même ordre d'idée, Jean LEAUTE
surenchérir en affirmant que les personnes publiques doivent garantir la
réparation des dommages causés accidentellement par leurs
services ou leurs biens, sans que les victimes aient à établir
qu'une faute a été commise et sans que la preuve de l'absence de
toute faute ait d'effet exécratoire7(*).
Pour bien appréhender
cette notion de responsabilité sans faute, analysons d'abord le
problème qu'elle pose.
I. PROBLEMATIQUE
Responsabiliser l'Administration au-delà de ses actes
est presque une dangereuse Chimère quand bien même les actions
contre celle-ci seraient bien introduites.
Longtemps, il a paru suffisant de fonder la
responsabilité de l'auteur d'un dommage sur la faute commise par lui. Le
texte de base, c'est-à-dire les articles 1382 et suivants des codes
civils français et belge (article 258 et suivants du C.C.CL III),
répondait à cette idée simple et traditionnelle :
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer ». A la victime, il appartenait donc, pour obtenir
réparation du dommage qu'elle a subi, de prouver la faute de l'auteur du
dommage, conformément au droit commun de la preuve.8(*)
La domination quasi exclusive de la faute comme fondement de
la responsabilité a de nos jours pris fin. La multiplication des
accidents, matériels ou corporels que le développement de la
société industrielle a entraînée dans son sillage
prouve cette évolution vers une nouvelle conception de la
responsabilité.9(*)
Le problème trouve sa délicatesse quand on
aborde la notion de responsabilité sans faute de l'Administration. En
effet, cette théorie objective de la responsabilité
créée par SALEILLES, est loin d'être négligeable.
Elle trouve son fondement en France comme en Belgique dans l'idée
d'égalité des citoyens devant les charges publiques et pose
l'unique condition de présenter un caractère anormal.10(*) Les jurisprudences
française et belge bien avancées en la matière, admettent
que l'Administration puise être responsable même de ses agissements
non fautifs.
Plusieurs cas témoignent cette nouvelle tendance,
notamment quand il s'agit des dommages de travaux publics, du risque
exceptionnel qui est soit une responsabilité du fait des
activités dangereuses (les prisons sans barreaux, les détenus en
permission de sortie, les aliénés en sortie d'essai, les maladies
contagieuses), la responsabilité sans faute en matière
hospitalière, le refus d'exécution des décisions de
justice, la responsabilité du fait de certaines mesures d'ordre, les
accidents survenus aux collaborateurs de l'Administration et tant d'autres.
La France a même légiféré dans le
souci de garantir la sécurité juridique des administrés en
engageant la responsabilité de l'Administration sans aucune faute de sa
part en ce qui concerne le risque professionnel, les dommages causés par
les attroupements et rassemblements, les dommages corporels vaccinatoires,
l'indemnisation des personnes ayant subi un préjudice du fait de
certaines procédures pénales, et tant d'autres encore.11(*)
En Belgique, la loi-programme du 1er août
1985 contient une série de dispositions (art 28 à 41) mettant
à charge de l'Etat l'indemnisation des victimes d'acte de violence. En
vertu de l'exposé des motifs de cette loi,
« l'indemnité trouve son fondement, non point dans une
présomption de faute qui reposerait sur l'Etat n'ayant pu empêcher
l'infraction, mais dans un principe de solidarité collective entre les
membres d'une même nation ». Cela va aussi dans le sens d'une
responsabilité sans faute posée par cette loi.12(*)
Pour ce qui est de la responsabilité du fait de l'une
responsabilité sans faute, l'arrêt « LA
FLEURETTE » en France, a rompu avec le dogme de
l'irresponsabilité totale de l'Etat législateur13(*). Cette responsabilité
administrative étendue se fonde, en France comme en Belgique, sur
l'idée d'une obligation de sécurité que l'Etat doit
garantir aux particuliers14(*).
En ramenant toute cette théorie en droit congolais,
certaines préoccupations ouvrent sujet à réflexion. Qu'en
est-il de l'application de la théorie du risque de l'Administration en
droit congolais ? Le droit congolais responsabilise-t-il autant
d'Administration du fait de ses différents risques de manière
à en répondre devant la société ?
A quelles conditions peut-elle être tenue à
réparer les dommages ainsi survenus sans aucune faute de sa part ?
Pour tenter d'éclairer nos lecteurs et surtout dans le but de satisfaire
aux exigences d'une bonne rédaction, voyons en terme
d'hypothèses, en quoi consisterait cette responsabilité sans
faute en droit congolais.
II. HYPOTHESES
En droit congolais, la puissance publique interviendrait
quelque fois dans la réparation des dommages des particuliers en dehors
de l'activité administrative15(*). La théorie du risque serait d'application,
d'après le décret loi-organique du 29 juin 1961, en cas des
risques professionnels.
Le droit congolais serait en tâché de beaucoup
d'insuffisances quant à la nation de responsabilité pour risque
de l'Administration. Le principe en droit congolais serait
l'irresponsabilité de l'Etat pour les risques qu'il crée. La
responsabilité civile de l'Administration ne serait, en
République Démocratique du Congo, dit De BURLET, qu'une
responsabilité à base de faute16(*).
La responsabilité envisagée ici étant
une responsabilité extracontractuelle, pourrait amener un
administré à obtenir réparation du préjudice subi
par une action directe ou indirecte de l'Administration, si seulement il arrive
à prouver que cette action lui a causé un dommage, en vertu des
articles 258 et 259 du CCCL III.
Nous pouvons, maintenant démontrer les
intérêts que revêt l'analyse de ce sujet.
III. CHOIX ET INTERET DU
SUJET
Le choix de ce sujet présente un double
intérêt :
- Traiter de la responsabilité pour risque de
l'Administration nous permet entant qu'étudiant en faculté de
droit et surtout futur praticien du droit, d'approfondir cette question
spéciale du droit administratif et contribuer ainsi à notre
formation.
- Ce travail permettra aussi de susciter une réflexion
sur la question aux autres étudiants, aux chercheurs et praticiens du
droit pour arriver à déterminer si l'Etat congolais garanti les
actes dommageables causés aux administrés par le fait du risque
qu'il crée.
Qu'en est-il alors des méthodes et technique
utilisées ?
IV. METHODE ET TECHNIQUE
Dans ce travail, nous avons utilisé les méthodes
juridiques et comparatives. La méthode juridique nous a aidé
à analyser les textes juridiques dans les systèmes
français, belge et congolais. La méthode comparative nous a
permis de confronter le droit congolais aux droits français et belge.
Néanmoins, ces méthodes sont inséparables
de la technique documentaire qui a consisté à la recherche ;
à la récolte et au traitement des documents écrits :
ouvrages, textes législatifs, revues, etc.
V. PLAN SOMMAIRE
Ce travail s'articulera autour de deux chapitres :
Le premier traitera de la théorie
générale de la responsabilité administrative et le second
portera sur la responsabilité sans faute de l'Administration en droits
comparés français, belge et congolais.
CHAPITRE I : THEORIE
GENERALE DE LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE
Section : NOTIONS
GENERALES
A coté du principe de la légalité, celui
de la responsabilité de la puissance publique constitue le second
facteur essentiel de libéralisme dans le régime administratif.
Ces deux principes sont considérés comme des piliers
systématiques du système de garanties des
administrés17(*).
En quels termes se pose en droit administratif le
problème de la responsabilité ?
Le fonctionnement des services publics peut entraîner
des dommages pour les administrés : un ouvrage public s'effondre et
endommage un immeuble contigu, un maire néglige de réglementer
par des mesures de police une manifestation au cours de laquelle des
particuliers sont blessés,... Qui sera responsable dans ces cas ?
le fonctionnaire sur ses deniers personnels ou la collectivité publique
sur son patrimoine ?
Les solutions du droit administratif français et belge
sont caractérisées par l`élargissement progressif dont la
responsabilité a été l'objet dans l'intérêt
des administrés. Le droit administratif français , dit De
LAUBADERE, connaît à la fois une responsabilité personnelle
du fonctionnaire et une responsabilité de l'Administration18(*).
A quelles conditions ces responsabilités seront-elles
engagées ?
La mise en cause de ces responsabilités a
été facilitée :
La responsabilité du fonctionnaire a été
débarrassée d'une condition qui l'entrava longtemps et qui
était l'autorisation des poursuites par le conseil d'Etat
français.
Pour la responsabilité de l'Administration, jusqu'en
XIXe Siècle, le principe était
l'irresponsabilité de l'Etat. Aujourd'hui, la responsabilité est
la règle, l'irresponsabilité l'exception. Le fondement de cette
responsabilité s'est étendu dans la mesure où il s'est
détaché de la stricte notion de la faute.
§ 1 : La
responsabilité personnelle du fonctionnaire
a. Conditions de mise en jeu
La distinction entre la responsabilité de
l'Administration et celle du fonctionnaire repose sur l'opposition fondamentale
entre la faute de service et la faute personnelle.
Le dommage provoqué par une faute d'un agent public
engage la responsabilité de l'Administration si cette faute est une
faute de service.
On est dans un cas de faute de service lorsque la faute
génératrice du dommage a été commise par un agent
individuellement identifiable dit KABANGE NTABALA19(*).
Le dommage est par contre à charge du fonctionnaire
lui-même, sur ses deniers propres, si la faute est une faute personnelle.
C'est celle qui et due à la défaillance personnelle de
l'agent ; lorsque l'acte dommageable révèle l'homme avec ses
faiblesses, ses passions et ses imprudences20(*).
b. Du Régime contentieux
Pour ce qui est de la compétence, ce sont les
tribunaux judiciaires qui sont compétents pour connaître des
actions en responsabilité personnelle dirigées contre le
fonctionnaire, ce qui est logique, l'agent public étant ici
recherché comme le serait un simple particulier.
c. De la responsabilité du fonctionnaire
vis-à-vis de l'Administration
Pendant longtemps le principe a été celui de
l'irresponsabilité du fonctionnaire vis-à-vis de
l'Administration. Ce principe a été abandonné par le
conseil d'Etat dans l'arrêt « Laruelle » du 28
juillet 1951 : le fonctionnaire répond désormais
pécuniairement vis-à-vis de l'Administration, des
conséquences dommageables de ses fautes personnelles.
§ 2 : La
responsabilité de l'Administration
Nature du dommage
Pour que l'Administration soit déclarée
responsable, le dommage doit être imputable au service public, il doit
être également certain, direct et spécial. Toutefois la
jurisprudence administrative française admet aussi la réparation
du dommage moral tel que l'atteinte à la réputation ou à
une liberté d'ordre spirituel ; mais longtemps cette jurisprudence
administrative a écarté, contrairement à la jurisprudence
préjudice, la réparation du judiciaire d'affection (douleur
morale causée par perte d'un être cher). Elle a cependant
abandonné cette position et admet aujourd'hui ce genre de
réparation.
a. Nature du fait dommageable
Le problème de la détermination de la nature du
fait dommageable prend la forme du dilemme bien connu : faute ou risque,
la responsabilité pour risque étant celle qui exige seulement
comme condition l'existence d'un lien de cause à effet entre l'acte
dommageable et le préjudice qui l'a suivi, la responsabilité pour
faute exigeant, outre ce lien de causalité, le caractère
répressible, fautif, de l'acte dommageable.
1° La responsabilité administrative
pour faute
L'Administration est d'abord responsable du dommage
causé par sa faute. La faute de l'Administration peut revêtir
deux aspects : elle peut consister dans une faute individuelle, commise
par un agent déterminé et dont on peut identifier l'auteur ;
elle peut encore consister dans une faute anonyme dont l'auteur
n'apparaît pas de manière précise, du moins sous la forme
d'un fonctionnaire déterminé ; c'est le service dans son
ensemble qui a mal fonctionné, don le comportement n'a pas
été ce que l'on aurait pu normalement attendu (c'est la faute du
service public)21(*).
L'appréciation d'une faute dans le chef de
l'administration n'est pas toujours facile.
En effet, comme l'observe Jack De Burlet
« l'Administration n'est pas nécessairement en faute là
où un particulier le serait ». Car si l'on sait que
« la faute consiste dans la lésion d'un droit,
c'est-à-dire d'un intérêt juridiquement
protégé, l'on sait aussi que certains intérêts
« juridiquement protégés » dans les rapports
entre simples particuliers ne le sont pas dans les rapports entre les personnes
publiques et les particuliers »22(*).
Pour bien apprécier ce problème, voici
l'hypothèse analysée par NTABALA KABANGE : Au cours de leur
ronde nocturne, des policiers surprennent des bandits entrain de cambrioler une
banque. Après sommation d'usage, ils tirent parce que les bandits n'ont
pas répondu à la sommation qui les invitait à
déposer les armes. Mais en tirant, une balle perdue atteint et tue une
sentinelle qui gardait un bâtiment situé dans les environs de la
banque.
Il est évident, d'après cet auteur, que dans
cette hypothèse aucune faute ne saurait être retenue à
l'endroit de l'Administration ; les forces de l'ordre se sont servies de
leurs armes d'une manière normale et conforme aux exigences de la
mission qu'elles assumaient.
En laissant à l'Administration le soin
d'apprécier souverainement l'opportunité et les mesures à
prendre pour assurer la sécurité et l'ordre public, le
législateur prive les victimes éventuelles du droit à
l'obtention, sur base du droit commun de la responsabilité, de la
réparation des dommages qui pourraient résulter de ces
mesures.
Le système de responsabilité civile uniquement
fondé sur la faute est « inapte à réglementer
adéquatement des rapports entre des personnes qui ne sont pas
placées sur pieds d'égalité » car loin de
constituer une protection efficace pour les particuliers, il favorise
l'irresponsabilité des personnes publiques, dans une série des
cas ou l'équité exige une réparation intégrale du
dommage causé23(*). Seuls dans ces conditions, l'admission et
l'extension à côté de la responsabilité pour faute,
d'une responsabilité administrative pour risque assureraient plus
efficacement et complètement les intérêts des
administrés24(*).
2° La responsabilité administrative
pour risque
Cette forme de responsabilité, d'après la
jurisprudence du CE français, est celle qui amène
l'Administration à réparer, même de ses agissements non
fautifs25(*).
L'admission de la responsabilité pour risque constitue
naturellement la principale originalité de la théorie par rapport
au droit civil.
Cependant, il convient de ne pas s'exagérer sa
portée, l'application de la responsabilité pour risque reste, en
droit administratif, encore limitée par la jurisprudence et par la loi
à certains domaines que nous allons énumérer
ultérieurement26(*).
Section II : DE
L'EVOLUTION DU DROIT DE LA RESPONSABILITE ADMINISTEATIVE
Toute l'évolution du droit de la responsabilité
administrative est marquée par le souci constant d'améliorer le
sort de la victime27(*).
Il sera question dans cette section, de présenter la
situation initiale qui a prévalu avant le 19e S en premier
lieu, ensuite, de montrer les critiques qui ont fait à ce qu'on
abandonne le principe de l'irresponsabilité de la puissance publique et
enfin, de relever la tendance nouvelle du problème de la
responsabilité administrative.
§ 1 : conception
traditionnelle du problème
a. La situation initiale : l'irresponsabilité
de l'Etat.
La question qui se pose ici est celle de savoir s'il est
possible d'appliquer à l'Administration le principe
général d'après lequel celui qui cause injustement un
dommage à autrui est tenu de le réparer.
Dans les pays qui ont, les premiers, admis la
responsabilité de la puissance publique, l'attitude sur ce point fut
d'abord négative. Il était exclu que l'Etat, puissance publique,
voit engager sa responsabilité. Cette position s'expliquait et
était acceptable dans la mesure où l'Etat, cantonné
essentiellement dans le rôle de l'Etat gendarme, limitait ses
activités et avait peu d'occasion de causer des dommages.
b. L'abandon de l'irresponsabilité de
l'Etat
A partir du moment où l'Etat a cessé
d'être « Etat gendarme » pour devenir
« Etat providence », il a étendu et
développé son action dans le domaine économique, social,
technique, bref, dans presque tous les secteurs d'activités
nationales ; ses possibilités de causer des dommages sont alors
devenues réelles, nombreuses et d'autant plus redoutables28(*). La réparation de ces
dommages devint alors une nécessité sociale.
En France, il a fallu attendre au XIXe Siècle avec la
création des tribunaux administratifs destinés à lutter
contre les abus de l'Administration, pour voir se dessiner le premier mouvement
vers la conception d'une responsabilité de l'Etat. Cette
responsabilité fut reconnue partiellement car les administrés
restaient privés de tout recours contre les dommages occasionnés
par les actes de la puissance publique29(*).
Malheureusement, même cette reconnaissance partielle de
responsabilité civile de l'Etat sera très vite handicapée
par de sérieux conflits de compétence. La cour de cassation et
les autres juridictions judiciaires estimaient en effet, que lorsque la
responsabilité civile de l'Etat était admise, elles devaient
être les seules juridictions compétentes et que seules devaient
être applicables les règles de droit commun de la
responsabilité civile, en l'occurrence les articles 1382 et suivants du
code civil.
A l'opposer, le Conseil d'Etat, déclarait qu'en vertu
de la règle de la séparation des autorités administratives
et judiciaires, il fallait rejeter les principes de droit civil en
matière de responsabilité publique ; l'Administration seule
était compétente pour connaître des litiges mettant en
cause la responsabilité de l'Etat.
En Belgique par contre, avant l'arrêt du 5 novembre
1920, la jurisprudence, par une fausse interprétation du principe
constitutionnel de la séparation des pouvoirs, distinguait :
- D'une part les actes de l'Etat, personne publique agissant
de son imperium (armée, police, voirie, services publics ) pour lesquels
les tribunaux étaient incompétents, l'Etat souverain étant
en dehors du droit civil.
- Et d'autre part, les actes de l'Etat considéré
comme personne privée, c'est-à-dire intervenant dans le commerce
juridique et pour lesquels le juge civil était compétent30(*).
Ce conflit de compétence dura jusqu'au fameux
arrêt Blanco du 8 février 1873 qui, de façon nette,
proclama que la responsabilité de l'Etat était admise en principe
pour les services publics, mais que cette responsabilité était
soustraite aux règles de droit civil et soumise à un droit
autonome pourtant non codifié à l'époque et qui sera
créé par la jurisprudence du Conseil d'Etat31(*).
Autant, en France, l'arrêt Blanco fit une
démarcation entre l'ancienne et la nouvelle conception de la
responsabilité civile de l'Etat, autant, en Belgique, l'arrêt du 5
novembre 1920 marqua un renversement entre l'ancien et la nouvelle
jurisprudence.
Les faits de la cause étaient les suivants : un
arbre qui avait grandi sur un terrain appartenant à la ville de Bruges
s'était abattu en causant des dégâts aux plantations d'un
établissement horticole voisin dont le propriétaire
réclamait des dommages et intérêts. Il fondait son action
sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil Belge (équivalents des
articles 258 et 259 du CCCL III), relevant une faute dans le fait que la ville
n'avait pris aucune précaution spéciale, alors que les racines de
l'arbre étaient complètement détachées du sol et
constituaient un danger constant. Le Tribunal de Bruges, jugeant en
degré d'appel, s'était déclaré compétent
pour examiner s'il y avait faute et éventuellement la sanctionner ;
l'arbre avait-il décidé, se trouvait sur le domaine privé
de la Commune.
La cour de cassation proclama qu'une « dès
lors que personne qui se dit titulaire d'un droit civil allègue qu'une
atteinte a été portée à ce droit et qu'elle demande
la réparation du préjudice qu'elle a éprouvé, le
pouvoir judiciaire peut et doit connaître de la contestation et est
qualifié pour ordonner, le cas échéant, la
réparation du préjudice, même au cas où l'auteur
prétendu de la lésion serait l'Etat, une commune ou quelque autre
personne de droit public, comme aussi au cas où la lésion serait
causé par un acte illicite d'Administration publique.
De cet arrêt nous dégageons deux principes bien
nets :
- le pouvoir judiciaire est compétent pour statuer sur
la lésion d'un droit civil, que cette lésion soit la
conséquence d'un acte de l'Administration ou d'une personne
privée ;
- l'acte administratif peut être fautif au sens de la
loi aquilienne32(*).
En République Démocratique du Congo, jusqu'en
1930, le principe retenu et appliqué par la jurisprudence était
que l'Etat ne pouvait être responsable du fait qu'étant souverain,
il agit dans l'intérêt supérieur et
général33(*). On admettait en revanche, que l'Etat soit soumis
aux règles du droit civil et réponde comme tout commettant, du
fait de ses agents lorsqu'il les préposait à des fonctions qui
n'étaient pas l'émanation de sa puissance politique ou lorsque,
agissant comme personne civile, il exerçait le droit de
propriété par un particulier.
Des principes adoptés depuis l'arrêt du 5
novembre 1920, pris par la cour de cassation belge qui était aussi celle
du Congo belge, on relève notamment celui selon lequel
« l'Etat n'a pas d'autres pouvoirs que ceux que lui accordent la
constitution et les lois, notamment celles qui organisent les droit
civils » et que « pas plus que le particulier, l'Etat n'a
pas le pouvoir de léser les droits civils ». S'il lèse
ces droits, ses actes sont accomplis sans pouvoir, ils sont illégaux et
constitutifs de faute.
- Tout d'abord, l'ampleur des dommages dus à
l'Administration qui augmentent avec le développement de son action et
la puissance de ces moyens, militait contre le maintien de
l'irresponsabilité administrative et faisait de la répartition
une nécessité sociale.
- D'autre part, pour bon nombre d'auteurs, la
responsabilité administrative et l'obligation de réparer sont la
conséquence du principe de l'égalité des citoyens devant
les charges publiques.
En effet, l'action de l'Administration étant
menée dans l'intérêt général de la
collectivité, il serait injuste que les victimes éventuelles des
dommages résultant de cette action ne soient pas
dédommagées. Le dédommagement rétabli donc
l'équilibre rompu à leur détriment.
§2. : La tendance
nouvelle du problème de la responsabilité administrative
En parlant de la tendance nouvelle du problème de la
responsabilité administrative, relevons que l'évolution est
actuellement en France dans un sens d'une extension constante de la
responsabilité civile de l'Etat. Le développement des services
publics, dont la gestion a entraîné de nombreux dommages
professionnels ainsi que divers préjudices aux particuliers, a fait
qu'à l'heure actuelle tous les actes de l'Etat sans distinction,
engagent sa responsabilité civile et donnent lieu à
réparation, qu'il s'agisse d'actes de gestion privée ou d'actes
de puissance publique34(*).
La jurisprudence française s'est orientée dans
le sens d'une extension continue de la responsabilité sous l'action des
facteurs convergents : l'accroissement des activités publiques, le
développement des idées de solidarité et
l'égalité, l'extension et la responsabilité privée
liée à la généralisation des assurances35(*).
Cette extension s'est manifestée dans trois
directions :
a. Sur le terrain initial de la responsabilité pour
faute de service on assiste, actuellement, au déclin de l'exigence, en
certaines hypothèses, d'une « faute lourde ». On se
rapproche donc d'une situation dans laquelle tout fait quelconque de
l'Administration causant un dommage à l'administré pouvait
engager la responsabilité de la puissance publique.
b. Parallèlement s'est développée une
responsabilité de plus en plus importante de l'Administration, en dehors
de toute faute ; le cas même qui fait l'objet de nos
préoccupations tout au long de ce travail.
c. Enfin on a assisté à la disparition des
derniers vestiges de l'irresponsabilité de la puissance publique :
c'est le cas notamment de la responsabilité du fait des actes du pouvoir
législatif, du fait de l'activité juridictionnelle, du fait des
services de police36(*).
Comme en France, la responsabilité administrative
étendue se fonde en Belgique sur l'idée d'une obligation de
sécurité que l'Etat doit garantir aux particuliers. L'arrêt
du 7 mars 1963 introduit déjà ce fondement en laissant de
côté toute idée de faute et la distinction artificielle
parmi les actes dommageables de l'Administration.
A en croire KALONGO MBIKAYI, l'éminent doctrinaire et
docteur en droit, cette nouvelle tendance confirme simplement un mouvement de
socialisation des risques et de la responsabilité civile qui gagne tous
les pays. Partout, on se préoccupe du sort des victimes, et pour leur
venir en aide, on ne veut pas être arrêté par des conditions
d'indemnisation trop rigides comme la preuve de la faute dommageable. On
proclame au contraire que la victime a un droit subjectif à la
sécurité et que le corps social tout entier doit pouvoir la
sauvegarder et la garantir contre les nombreux risques de la vie, qu'ils
proviennent de l'activité administrative ou non37(*).
Dans la section qui suit, nous allons maintenant aborder le
vif de notre sujet, qu'est la théorie de la responsabilité sans
faute et pour risque de l'Administration.
Section III : LA
THEORIE DE LA RESPONSABILITE SANS FAUTE ET POUR RISQUE DE LADMINISTRATION
§.1 : Problème
de terminologie, origine et fondement de la responsabilité sans faute de
l'Administration
a. Problème de terminologie
Plusieurs auteurs voudraient bien parler en
effet, d'indemnisation sans faute plutôt que de la responsabilité
sans faute. KALONGO MBIKAYI qui nous semble se rallier à cette
conception écrit justement que « l'indemnisation ne recouvre
nullement l'entier domaine de la responsabilité même si parfois
les deux institutions empruntent les mêmes voies ».
« Réparer » un dommage, dit-il, c'est le faire
disparaître dans la personne de celui qui l'a subi. En
« répondre », c'est avouer et racheter une
culpabilité. Tout le monde peut réparer et la
société s'en charge volontiers. Seul, au contraire, l'auteur
d'une faute peut véritablement en
« répondre », c'est-à-dire assumer sa
sanction. Plutôt que de l'avènement d'une
« responsabilité sans faute » c'est donc celui d'une
« indemnisation sans faute » qu'il aurait fallu
parler38(*).
Et même si nous gardons encore l'expression
« responsabilité sans faute » nous visons beaucoup
plus le phénomène de la réparation de la victime sans nous
préoccuper de l'idée de faute. Ceci, voyons en quels termes
s'explique l'origine de la responsabilité sans faute de la puissance
publique.
b. Origine
Longtemps, il paru suffisant de fonder la
responsabilité de l'auteur d'un dommage sur la faute commise par lui. A
la victime, il appartenait donc, pour obtenir réparation du dommage
qu'elle a subi, de prouver la faute de l'auteur du dommage, conformément
au droit commun de la preuve.
Cette théorie de la faute était devenue
impuissante à expliquer la responsabilité, et
particulièrement celle de l'Etat pour des dommages professionnels.
Ceux-ci n'ont cessé de se multiplier depuis le début du
19e Siècle par suite du développement
plus grand des services publics et de l'ingérence sans cesse accrue de
l'Etat et des collectivités secondaires dans la vie privée.
Cette intervention généralisée de l'Etat
dans presque tous les secteurs était devenue génératrice
de dommages d'autant plus fréquents et lourds imposés par les
moyens puissants qu'ils mettaient et continue à mettre en oeuvre. Ce qui
a poussé le droit positif, dans le but de renforcer la
sécurité juridique des administrés, à imposer une
nouvelle réflexion sur le fondement de la responsabilité parce
que la notion traditionnelle de faute ne permettait plus d'expliquer toutes les
solutions.
c. Fondement de la responsabilité sans
faute
Plusieurs théories ont été
avancées pour fonder la responsabilité sans faute et notamment
deux théories pour fonder celle de l'Etat.
Avant de les énumérer, voyons en terme
d'idées les pensées des auteurs sur l'indemnisation fondée
sur le risque.
1° L'indemnisation fondée sur
l'idée du risque
C'est aux premiers auteurs qui se sont
intéressés à la recherche de règles juridiques
assez larges pour aider les victimes, que l'on doit l'idée de risque.
Ayant observé la variété et l'intensité des risques
qui sont venus menacer la personne humaine et son patrimoine à la suite
des transformations économiques du 19e siècle, ils ont
tout naturellement pris pour objet principal et central de leurs études
ces risques : leur origine et leurs effets. Ils se sont efforcés de
préciser dans quelles circonstances leur création pouvait
être une source autonome de responsabilité : d'où la
fortune de l'idée de risque, idée nouvelle, proposée comme
pouvant et devant soit remplacer, soit compléter la notion de faute,
notion traditionnelle, impuissante désormais à satisfaire les
besoins sociaux.
SALEILLES et JOSSERAND, les premiers théoriciens en la
matière, n'hésitèrent pas de déformer par leurs
interprétations les textes actuels de la responsabilité.
SALEILLES proposait une définition nouvelle de la faute, voulant la
trouver dans tout « acte générateur de
risques ».
Quant à JOSSERAND, il prétendait déduire
de l'article 1384 (art. 260 du CCCLIII), paragraphe premier un principe
général de responsabilité obligeant l'homme qui se sert
d'une chose quelconque à réparer les dommages dans la production
des quels celle-ci serait intervenue.
Ces deux doctrines aboutissaient en définitive,
à substituer à la notion de faute un principe de
responsabilité plus large, celui du risque39(*). Mais en réalité
il y eut plusieurs théories du risque dont le seul dénominateur
commun était la recherche de solutions favorables aux victimes en dehors
de toute idée de faute.
2° Différentes théories
avancées
1. La théorie du risque ou risque profit,
C'est la théorie selon laquelle, celui qui, à
l'occasion d'une activité dont il tire profit crée un risque de
dommages, doit, si ce risque se réalise, répondre du dommage
causé, car il ne saurait retenir les profits de son active sans en
assurer les charges40(*).
D'après les critères du professeur KALONGO
MBIKAYI, cette idée était juste et morale, mais, à elle
seule, insuffisante. Elle ne valait en effet que dans les cas où
certaines personnes subissaient des dommages en exécutant un travail qui
profitait à autrui, généralement dans le cadre d'une
entreprise ou d'une industrie.
Le législateur, d'après toujours lui, s'est
inspiré de cette idée pour instituer certains cas de
responsabilité sans faute dont on peut trouver l'exemple le plus
significatif dans le régime de réparation des accidents de
travail instauré jadis en France par la loi du 9 avril 1898 et en
Belgique par la loi du 24 décembre 190341(*).
Mais en dehors de ces cas réglementés par la
loi, le problème de réparation des dommages causés sans
faute a subsisté. D'où l'élaboration d'une autre
théorie du risque, celle du risque créé.
2. Les risque créé
M. SAVATIER qui défend cette tendance précise
que « la responsabilité fondée sur le risque consiste
dans l'obligation de réparer des faits dommageables produits par une
activité qui s'exerce dans notre intérêt.
Cet intérêt, dit-il, n'est pas d'ailleurs
nécessairement un bénéfice pécuniaire. On est
responsable également des forces que l'on utilise dans un
intérêt moral »42(*).
Selon cette deuxième théorie du risque,
« tout fait de l'homme, toute activité est source de
répartition des dommages causés à autrui par cette
activité. La constatation d'une faute est inutile.
A son tour cette théorie n'a pas échappé
à la critique. On lui oppose d'abord une objection d'ordre
économique.
Mettre à la charge de l'individu les risques qu'il
crée le mal social causé par l'absence de répartition de
certains accidents, en provoquer un plus grave et plus général,
en entravant tout essor économique et tout progrès. De peur
d'engager sa responsabilité l'homme se détournerait en effet de
toute action et serait condamné à l'inertie.
D'autre part cette théorie n'est pas satisfaisante
non plus sur le plan moral. On fait observer que la condamnation fondée
sur la faute a une valeur sociale et morale que ne possède pas la
condamnation fondée sur le risque. La société, dit-on,
accepte facilement la condamnation pour faute car elle tolère qu'on
réprime les activités nuisibles à la bonne harmonie d'une
société donnée, alors qu'elle peut même se
révolter de voir qu'on condamne quelqu'un simplement pour les risques de
son activité43(*).
3. La théorie électrique
Une théorie plus complexe a été
proposée. D'après elle, la responsabilité civile
s'alimente à deux sources : la faute et le risque. Mais la
faiblesse de cette théorie réside dans le fait qu'il n'a pas
été possible de préciser les champs d'application
respectifs de ces deux sources. Et d'ailleurs si l'on reconnaît au risque
le rôle d'une source autonome de responsabilité même en
concurrence avec la faute, on se heurte malgré tout, aux mêmes
objections que celles que rencontre la théorie du risque
généralisé44(*).
4. La rupture de l'égalité devant les
charges publiques
Cela arrive lorsque l'on constate que l'action de
l'Administration, entreprise dans l'intérêt général,
cause un dommage à une personne ou à un petit nombre de personne.
Ainsi, dans l'intérêt général, certaines personnes
ont subi un préjudice que le reste de la population n'a pas subi.
L'équité à elle seule suffit à
expliquer que soit autant que possible compensé le sacrifice ainsi
imposé à un citoyen ou à un groupe des citoyens dans
l'intérêt général45(*).
§ 2 : Les formes de
responsabilité
a. La responsabilité civile
La responsabilité civile est l'institution par
laquelle une personne est tenue de réparer un dommage subi par une autre
personne.
Cette responsabilité peut être délictuelle
ou contractuelle. Elle est délictuelle lorsqu'elle ne résulte pas
de l'inexécution d'un contact ; par exemple un piéton,
victime d'un accident de circulation, réclamera à l'automobiliste
ou à son assureur une indemnité délictuelle, car
manifestement cet accident ne se rattache pas à l'existence d'un contrat
liant le piéton et l'automobiliste.
La responsabilité civile peut aussi être
contractuelle, lorsque le dommage dont se plaint la victime résulte de
l'inexécution d'un contrat46(*) ; par exemple le retard de livraison des
marchandises dans un contrat de vente.
La responsabilité civile étant
réparatrice et non sanctionnatrice, l'on
« répond » d'une personne, d'une chose ou d'un fait
lorsqu'on est obligé de tenir indemne celui qui éprouve un
dommage causé par cette personne, cette chose ou ce fait. Dans ce sens,
on ne s'attache plus au fondement de l'institution, mais à son
résultat47(*).
La responsabilité envisagée dans le cadre de
notre travail est une responsabilité civile extracontractuelle qui
amène les personnes publiques à réparer les dommages
qu'elles causent accidentellement par leurs services ou leurs biens, sans que
les victimes aient à établir qu'une faute a été
commise.
b. La responsabilité
pénale
A la différence de la responsabilité civile qui
a pour préoccupation la réparation des dommages causés
à un particulier, la responsabilité pénale a pour but la
défense de la société contre les actes plus ou moins
graves qui troublent la paix publique48(*).
Elle peut être définie comme l'obligation pour
une personne impliquée dans une infraction d'en assurer les
conséquences pénales, c'est-à-dire subir la sanction
attachée à cette infraction49(*).
La responsabilité pénale suppose que l'auteur
de l'infraction a commis une faute, tantôt intentionnelle ou de
négligence (homicide ou blessures involontaires). Il n'existe pas en
droit pénal, sauf de cas très exceptionnels, de
responsabilité du fait d'autrui50(*).
La responsabilité pénale étant
définie et expliquée, nous montre à suffisance que dans le
cadre de notre travail l'Administration ne peut être pénalement
responsable. Son activité crée un risque, et parce qu'elle tire
profit de cette activité, elle doit supporter en contre partie, la
charge des dommages qui en découlent. C'est une responsabilité
sans faute et extracontractuelle.
Chap.II. DE LA
RESPONSABILITE SANS FAUTE DE L'ADMINISTRATION EN DROIT FRANÇAIS, BELGE
ET CONGOLAISE
Dans ce chapitre nous aborderas successivement la notion de
responsabilité sans faute de l'Administration en droit français
(section I), en droit Belge (section II) en droit congolais (section III).
Nous verrons également les avancées de ces
droits étrangers par rapport au droit congolais (section IV).
Section. I. LA
RESPONSABILITE SANS FAUTE DE L'ADMINISTRATION EN DROIT FRANÇAIS
Il est impérieux, pour parler de la
responsabilité sans faute de l'Administration en France, de
connaître son évolution historique et les différentes
critiques qui ont conduit à sa création (§1), pour enfin
examiner son application concrète par les juridictions françaises
(§2.)
§.1. Evolution historique
de la théorie de responsabilité sans faute de l'Administration
A. Fondement
D'aucuns n'ignorent qu'il existe en France une
dualité juridictionnelle qui range d'une part, les juridictions du droit
commun pouvant connaître des litiges qui opposent les particuliers, et
d'autre part les juridictions de l'ordre administratif pouvant connaître
des litiges qui opposent l'Administration et les particuliers ou les
Administrations entre elles.
Pour fonder la responsabilité civile de
l'Administration, les juridictions administratives, devant appliquer un droit
exorbitant du droit commun, ont dû chercher quelque fondement pour
justifier leurs solutions. Tantôt, ce sont les thèses civilises
qui leur servaient de modèle, tantôt c'est le droit public qui
leur fournissait le fondement de leur position.
1. Les thèses civilistes
En se référant aux thèses civilistes,
les tribunaux administratifs ont repris avec leurs défauts, les
fondements invoqués en droit privé pour expliquer la
responsabilité civile des particuliers. Les critiques furent les
mêmes. C'est d'abord l'idée de faute, puis celle du risque que
l'on a reprise au droit civil pour essayer de fonder la responsabilité
de l'Etat.
a. La faute
Pour déclarer l'Etat responsable, le conseil d'Etat
exigeait au début, que soit prouvée la faute à l'origine
du dommage. Il a ainsi refusé d'admettre la responsabilité d
l'Etat pour un dommage causé par un agent dans l'exercice de ses
fonctions, lorsque aucune faute n'avait pû être relevée. La
responsabilité administrative n'était engagée, comme nous
l'avons dit tantôt, que par la faute administrative.51(*)
a.1. Critique de ce fondement
Affirmer que la responsabilité de l'Administration se
fonde sur la faute est une contradiction dans les termes, car ce que l'on
présente comme une responsabilité pour faute est en
réalité une responsabilité sans faute du responsable, tout
au moins une responsabilité pour autrui. L'Administration, personne
morale ne peut matériellement commettre une faute.
b. Le risque
Après l'idée de faute, bien qu'elle reste
encore le fondement principal de la responsabilité de l'Etat,
l'idée du risque s'est introduite peu à peu, consacré
déjà par la loi et soutenue par la jurisprudence.
Suivant cette théorie du risque, on proclame alors
qu'il est juste et équitable que la collectivité toute
entière, de par le fait qu'elle profite de ces avantages que sont les
services publics, supporte la charge de la réparation du
préjudice exceptionnel causé par ceux-ci. En effet, il ne faut
pas que seuls certains particuliers en supportent anormalement le poids.
L'idée sous - jacente à cette théorie
est celle de garantie. Elle n'est pas encore bien exprimée mais elle est
présente. L'Administration par ses services publics crée en
même temps des risques contre lesquels elle doit garantir les
administrés.
b.1. Limitation à ce
fondement
Si la responsabilité pour risque n'a pas une
portée générale en droit administratif malgré son
progrès constant, cela tient surtout à des raisons pratiques
d'ordre financier : on craignait en effet de voir les patrimoines
administratifs affectés de trop lourdes charges. Dans presque tous les
cas où peut jouer la théorie du risque, la jurisprudence du
Conseil d'Etat lie l'application de celle-ci à l'existence d'une
donnée exceptionnelle, anormale, qui n'est du reste pas toujours la
même. Elle exige tantôt un préjudice exceptionnel,
tantôt un risque exceptionnel, parfois même les deux ou encore la
contrepartie d'une prérogative exceptionnelle52(*).
2. Les thèses publicistes
a. La théorie de l'Etat assureur
Cette théorie considère que l'Etat doit
pouvoir réparer tout dommage causé à ses
administrés, comme un véritable assureur. Comme il a reçu
une prime constituée par une partie des impôts versés
directement ou indirectement par les citoyens, il doit assurer ceux-ci contre
les dommages provenant de l'activité étatique.
On peut reprocher à ce fondement, disons-le avec
Kalongo Mbikayi, de reprendre une image incorrecte, celle du contrat
d'assurance. Il n'y a pas de contrat d'assurance entre l'Etat et les individus
et on ne verrait pas sur quelle base les individus exigeraient
réparation de l'Etat, si l'on s'en tient à cette
théorie53(*).
b. La théorie de l'égalité
des citoyens devant les charges publiques
Nous avons déjà fait allusion à cette
théorie quand nous avons parlé du fondement de la théorie
du risque. L'idée qu'elle reflète est que si la loi
préconise l'égalité des citoyens aux fonctions, elle vise
aussi l'égalité devant les charges. Et le rôle des
juridictions est alors de rétablir l'égalité entre les
citoyens qui ont souffert et ceux qui n'ont pas souffert de l'activité
étatique, en allouant une indemnité payée sur le budget de
l'Etat aux victimes de préjudices subis indûment.
Cette théorie a été à son tour
critiquée. On lui reproche de confondre la cause et l'effet de la
responsabilité de l'Etat. On fait remarquer à juste titre
d'ailleurs, que « l'idée de l'égalité des
charges est la conséquence et non le fondement de la
responsabilité de l'Etat. Le fondement de la responsabilité ne
peut pas trouver sa cause dans ce qui n'en est que l'effet. La
réparation du préjudice est une chose, la répartition de
cette réparation en est une autre »54(*).
c. La théorie de la
sécurité : Fondement nouveau
Le fondement de cette théorie tourne autour de
l'idée de sécurité que l'Etat doit assurer à ses
administrés.
Les tenants de cette thèse font observer que la
sécurité des individus est la raison même de la vie
juridique des peuples et de l'organisation des sociétés et que
l'Etat doit y veiller constamment. Ils comparent alors la situation de l'Etat
à celle d'un commettant de droit privé. Ils considèrent
qu'il doit, tout comme ce denier, répondre des dommages causés
par ses agents dans l'exercice de leur fonction, non pas parce qu'il a pu
commettre quelque faute, créer un risque ou rompre
l'égalité des charges entre les citoyens, mais parce qu'il a
l'obligation de garantir la sécurité des individus contre les
actes dommageables de ceux qui exercent une activité en son nom et pour
son compte.
§.1. Application de la
responsabilité civile de l'administration sur les risques qu'elle
crée.
L'application de la responsabilité sans faute de
l'Administration trouve son origine en France dans la jurisprudence et la
législation.
A. Responsabilité sans
faute d'origine jurisprudentielle
La jurisprudentielle française énumère
plusieurs cas où la responsabilité civil de l'Administration est
engagée sans aucune faute de sa part notamment :
1) Les dommages de travaux publics
Le dommage causé par un travail ou un ouvrage public
peut obliger l'Administration à réparer sans qu'il y ait eu
nécessairement faute commise, c'est-à-dire
irrégularité dans le travail, défectuosité de
l'ouvrage55(*).
2) La responsabilité du fait des
activités dangereuses
Lorsque l'Administration entreprend des activités qui
présentent par elles-mêmes un danger, le juge français
applique la responsabilité sans faute si celles -ci provoquent un
dommage56(*).
a. Les prisons sans bureaux
Il s'agit de l'utilisation des méthodes modernes pour
la rééducation des mineurs délinquants. Ces
méthodes sont caractérisées par la substitution, au
régime antérieur d'incarcération, d'un système plus
libéral d'internat surveillé.
b. Les détenus en permission de sortie
Les dommages causés par ces détenus entrent
dans le cadre de la responsabilité sans faute de l'Etat et doivent
être réparés par ce dernier.
3) Le risque professionnel
a) Accidents du travail subis par les agents de
l'administration
La loi sur les accidents du travail date de 1898 en France.
Avant cette loi, le conseil d'Etat avait déjà admis l'obligation
de réparer le dommage causé par un accident de travail, à
un ouvrier d'une manufacture de l'Etat sur la seule base du risque
créée57(*).
b) Les requis et collaborateurs bénévoles du
service public
1) Les requis, ne faisant pas partie de L'Administration ne
peuvent bénéficier des textes sur les accidents du travail et les
pensions. On leur applique donc, s'ils sont victimes d'un accident, la
responsabilité sans faute, parce que celle-ci est fondée sur
l'idée de sécurité sociale.
2) Les collaborateurs bénévoles : le
principe de la responsabilité sans faute pour eux a été
posé par le C.E dans l'arrêt commune de Saint-Priest-la-Plaine (le
22 novembre 1946 GAJAn°60). On a fait la critique que cette jurisprudence
exposait de petites communes rurales à supporter de très
importants préjudices à la suite du zèle intempestif de
certains collaborateurs. Quant à nous, estimons que l'Etat doit leur
garantir les risques éventuels quelques soient les circonstances, parce
qu'ils sont à sont service.
4) Le refus d'exécution des
décisions de justice
Le refus de l'Administration de prêter main-forte
à l'exécution d'une décision de justice peut
entraîner la responsabilité sans faute s'il n'est pas
justifié. Mais s'il est inspiré par l'intérêt
général, par exemple, parce que l'exécution risquerait
d'entraîner de graves troubles, il y a responsabilité sans
faute58(*).
5) La responsabilité du fait des certaines
mesures d'ordre économique et social
Il arrive que l'Administration impose à des
particuliers dans l'intérêt général, des mesures
d'ordre économique et social, qui leur porte préjudice ; il
y a alors responsabilité sans faute.
La responsabilité de l'Administration a ainsi
été retenue notamment dans les cas suivants :
- Refus par l'Administration d'engager une action en
démolition d'une construction édifiée en
méconnaissance des règles d'urbanisme.
- Refus opposé à une entreprise, par
l'inspection du travail, de licencier une partie de son personnel, afin,
d'éviter des troubles sociaux ;
- Pressions sur une entreprise, lors d'un conflit du travail,
pour qu'elle adopte une solution lui portant un grave préjudice.
6) La responsabilité sans faute en
matière hospitalière
Après avoir abandonné l'exigence de la faute
lourde en matière hospitalière, le Conseil d'Etat français
a franchi un nouveau pas en admettent la possibilité d'une
responsabilité sans faute en ce même domaine.
La responsabilité en matière
hospitalière est soumise à une double condition :
- Que le risque que le traitement fait courir au malade ait un
caractère exceptionnel ;
- Que les dommages aient un caractère d'extrême
gravité.
Cette responsabilité, dans l'esprit du juge, doit
avoir un caractère exceptionnel. Cependant, elle a été
étendue à un accident causé par une anesthésie.
Il en a été de même en ce qui concerne la
responsabilité des centres de transfusion sanguine à
l'égard des victimes de transfusions de sang contaminé par le
virus du SIDA.
Le Conseil d'Etat a également accepté de faire
jouer la responsabilité sans faute du fait de la défaillance des
produits et appareils de santés utilisées59(*).
Dans une affaire C.A. A Lyon, 20 septembre 1993,
Hôpital. Joseph - Imbert d'Arles, le C.E français a
décidé que lorsqu'un acte médical nécessaire au
diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont
l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et
dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit
particulièrement exposé, la responsabilité du service
public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la
cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient
comme avec l'évolution prévisible de cet état et
présentant un caractère d'extrême gravite60(*).
B. La responsabilité sans faute d'origine
législative
Le législateur français est intervenu pour
rétablir l'égalité devant les charges publiques. Sa
compétence en la matière découle de la formule de l'art.34
de la constitution française faisant figurer dans le domaine de la loi
« La détermination des principes fondamentaux du régime
des obligations civiles ».
Nous ne saurons pas énumérer tous les cas
où le législateur français intervient pour
réglementer une de responsabilité sans faute ; en voici
quelques uns notamment :
1) Le risque professionnel
a) Les accidents du travail
La notion d'accident de travail on le sait, n'est pas
définie clairement par le législateur français
La doctrine et la jurisprudence française
définissent l'accident de travail comme :
1) Un événement soudain
2) Un événement anormal
3) Une action imprévue d'une force extérieure,
et
4) Une lésion corporelle entraînant une
incapacité de travail ou la mort.
Cela doit se passer pendant que l'agent public se trouve dans
le service ou en dehors du service (s'il est entrain d'exercer sa profession en
dehors de son service mais pendant les heures de travail et pour le compte de
l'Administration).
b) Extension du régime d'accident de travail aux
accidents de trajet
Les ouvriers et employés accomplissent souvent entre
leurs domiciles et entreprise, de longs trajets et utilisent soit les
transports publics, soit leurs engins personnels. Ce fait entraîne un
nombre assez considérable d'accidents de circulation
particulièrement groupés aux heures de pointe, le matin et le
soir.
Avant la loi française du 30 octobre 1946, on
refusait en règle générale de reconnaître le
caractère d'accidents du travail aux accidents dont était victime
le salarié lorsqu'il se rendait au lieu de son travail où en
revenait. Cette solution était logique tant qu'on se trouvait dans un
système de responsabilité civile. En effet, le patron
n'était responsable et que dans la mesure où le salarié se
trouvait sous son autorité. Or, pendant le trajet entre le lieu du
travail et son domicile, le salarié n'est plus sous l'autorité de
l'employeur et l'activité de ce dernier n'est pas à l'origine.
Le législateur français ne s'est pas
fondé sur cet argument pour venir au secours des victimes d'accidents de
trajet. C'est l'équité qui a exigé que le
législateur intervienne61(*).
2) Les dommages causés par les
attroupements et rassemblements
a) Origine et évolution du problème en
France
1. Le décret du 10 vendémiaire An IV (le 2
octobre 1795)
Rendue nécessaire à l'époque de la
Révolution française notamment en 1795, pour lutter contre les
adversaires actifs de la Révolution parmi les populations de certaines
régions, notamment dans l'Ouest de la France et la vallée du
Rhône lors de l'insurrection de la Vendée, la loi du 10
vendémiaire An IV avait organisé un système très
particulier de responsabilité collective à l'endroit des
habitants des communes troublées, elle les considérait comme
coupables de s'être conduits en émeutiers, ou du moins de n'avoir
pas sû empêcher le désordre. La charge de l'indemnité
pesait en conséquence non sur le budget communal, mais directement sur
les habitants de la commune frappés d'une imposition spéciale,
doublée d'une amende perçu par le trésor, et dont ils ne
pouvaient se libérer qu'en prouvant que l'attroupement était venu
de l'extérieur.
Les habitants de la commune étaient alors jugés
fautifs pour n'avoir pas participer au maintien de l'ordre dans la commune.
Quant à celle-ci, elle ne pouvait se dégager qu'en prouvant
que :
a) Le rassemblement comprenait des gens étrangers
à son territoire ou que ses habitants n'avaient pas participé
à l'action.
b) Qu'elle avait tout fait pour prévenir les dommages,
puis pour identifier les auteurs.
La caractéristique la plus importante de ce rejet
reste le fait que la présomption de faute pèse non sur la commune
mais sur les habitants.
2. la loi municipale du 5 avril 1884
Cette loi a modifié le système de 1795 en
instaurant cette fois une présomption de faute sur la commune. La faute
présumée n'était donc plus la non participation au
maintien de l'ordre par les habitants, mais la défaillance de la police
municipale : mauvaise organisation ou mauvaise mise en oeuvre de la
police.
Cette présomption visait donc la commune et non plus
l'ensemble de ses habitants. C'était une présomption de fait, car
la commune pouvait s'exonérer en prouvant qu'elle avait fait toute
diligence pour prévenir les troubles et qu'elle avait mis tout en oeuvre
pour identifier les auteurs.
Mais, par ailleurs, la charge de l'indemnité continuait
de peser sur les seuls habitants de la commune, à l'exclusion des
contribuables non résidents.
A ce système, deux critiques principales furent
adressées. On fit remarquer d'une part, que la responsabilité
cessait de jouer, aux termes même de la loi, dans les grandes villes
dotées d'une police d'Etat : le pouvoir de police y échappe
aux autorités municipales alors que les risques de troubles ou
d'émeutes y sont les plus graves. D'autre part, la victime du dommage,
lorsqu'elle était domiciliée dans la commune, contribuait
elle-même à l'impôt spécial destiné à
l'indemniser62(*).
3. la loi du 16 avril 1914
Elle a substitué à la présomption de
mauvaise organisation de la police « l'idée de
solidarité face à un risque social ».
Elle fait en effet, de la responsabilité de la commune
à l'égard de la victime, une responsabilité pour risque,
l'idée de faute réapparaissant seulement dans les rapports entre
la commune et l'Etat.
Ce qui caractérise cette loi c'est qu'elle assure
à la victime réparation certaine de ses dommages puisque d'une
part, vis-à-vis de celle-ci, la commune à la charge de
l'indemnisation intégrale du dommage et que d'autre part elle ne peut
jamais opposer son insolvabilité, l'Etat assurant une obligation de
contribution dans la réparation.
Ce système de 1914 ne constitue pas comme autrefois,
une responsabilité collective des habitants de la commune. Elle
constitue plutôt une responsabilité collective de la commune
elle-même sur son budget.
Actuellement la loi du 7 janvier 1983 (relative à la
répartition des compétences entre l'Etat et les
collectivité territoriales) est venue poser le principe de la
responsabilité sans faute de l'Etat sous réserve de l'action
récursoire qu'il peut exercer à l'encontre de la commune lorsque
la responsabilité de celle-ci se trouve engagée.
Il a été fait application de cette
responsabilité, par exemple pour des dégradations causées
à des bâtiments publics par des jeunes qui s'étaient
regroupés à la suite du décès accidentel d'un
jeune homme poursuivi par la police.
Dans ce cas, il n'est pas nécessaire que le
rassemblement ait un caractère protestataire. La responsabilité
joue même si la victime participait au rassemblement63(*).
La même loi de 1983 permet la réparation des
préjudices commerciaux causés par les attroupements (ex :
Manifestants occupant sur une autoroute les postes de péages et laissant
passer gratuitement les usagers) ; ou la perte d'exploitation
provoquée par l'interruption du trafic ferroviaire. Là encore,
on n'exige pas un dommage anormal et spécial. La responsabilité
de l'Etat est d'ordre public, c'est-à-dire qu'elle doit s'appliquer
même si le requérant ne l'invoque pas.
Il faut enfin signaler que dans ce cas précis de
responsabilité sans faute d'origine législative, la
responsabilité de l'Administration n'est pas engagée s'il n'y a
pas de délit ou si les auteurs du délit sont restés
clandestins et ne faisaient pas partie des manifestants ou si la preuve que le
dommage est dû à un attroupement n'est pas établie.
4. les dommages corporels résultants d'une
infraction pénale
L'Etat français indemnise (responsabilité sans
faute) certaines personnes victimes de dommages corporels résultants
d'une infraction pénale (la loi en la matière est celle du 3
janvier 1977).
Cette loi a comblé une lacune incontestable du
système français : celle où la victime d'une
infraction pénale ne peut obtenir réparation, soit parce que l'on
ne connaît l'auteur de l'infraction, soit parce que ce dernier est
insolvable.
Deux cas sont à distinguer. Il y a indemnisation
intégrale du préjudice lorsque celui-ci consiste en des atteintes
à la personne, causées soit par une infraction ayant
entraîné la mort immédiate de la victime ou une
incapacité de travail supérieure à un mois, soit s'il
s'agit d'un attentat aux moeurs. Si non on indemnise les victimes d'un vol,
d'une escroquerie ou d'un abus de confiance à la condition qu'elle se
trouve de ce fait dans « une situation matérielle
grave »64(*).
5. l'indemnisation de personnes ayant subi un
préjudice du fait de certaines procédures
pénales
La loi française, en cette matière
prévoit la réparation intégrale des préjudices
matériel et moral causés par la détention.
L'indemnisation est allouée par le premier
président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a
été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement. L'appel est possible devant une commission nationale
d'indemnisation placée auprès de la Cour de cassation65(*).
6. L'indemnisation des victimes du SIDA
La législation française établit une
« responsabilité sans faute » de l'Etat à
l'égard des personnes victimes d'une contamination par le virus
d'immunodéficience (SIDA) à la suite d'une transfusion sanguine
ou d'infection par des produits dérivés du sang. Pour assurer la
charge des indemnités, la loi française crée un fonds
d'indemnisation financé tout à la fois par l'Etat et par une
contribution des compagnies d'assurances.
Le législateur français n'a pas donné
un caractère obligatoire à cette procédure
d'indemnisation. Les victimes peuvent donc, pour obtenir leur indemnisation,
utiliser également les procédures de droit commun66(*).
7. Quelques arrêts sur la
responsabilité sans faute de l'Etat
a) L'arrêt Regnant - Desroziers (C.E, Fr)
(C.E, Fr,28 mars 1919, S., 1919, 3,25 et note HAURIOU), rendu
à l'occasion de l'explosion du fort de la Double couronne au Nord de
Saint -Denis, retient la responsabilité de l'Etat français en
raison du risque anormal de voisinage créé par l'accumulation
d'une quantité de grenades à proximité d'une
agglomération et la manutention constante de ces engins, dans des
conditions d'organisation sommaire.
b) L'arrêt Dame Saulze (6 novembre 1968, G.P, 15
février 1969)
Considère comme engageant la responsabilité de
l'Etat le fait pour une institutrice en état de grossesse, lors d'une
épidémie de rubéole, d'être exposée en
permanence aux dangers de la contagion, ce qui comportait pour l'enfant
à naître un risque spécial et anormal ayant d'ailleurs
entraîné des dommages graves pour la victime.
c) L'arrêt Sieur Dalleau (T.A de la Réunion,
9 décembre 1970, A.J.D.A, 1971, II, 555 et C.E ?Fr, du 6 juillet
1973, D.740)
Retient la responsabilité sans faute de l'Etat
français à l'égard d'un usager dont la voiture avait
été écrasée par un éboulis de roches
détaché de la falaise surplombant une route de corniche.
L'arrêt relève que l'ancien tronçon de la
R.N.I se révélant en raison de son tracé sinueux et
dangereux à travers la montagne, de moins en moins praticable, les
pouvoirs publics avaient décidé la construction d'une voie
nouvelle, directe et aisée, adaptée aux besoins croissants du
trafic ; « que placés devant un choix entre un
tracé en souterain assurant à haut prix la sécurité
des usagers et un tracé en corniche généralement à
ciel ouvert, exposé notamment aux éboulements des terrains
dominants mais d'un bon marché relatif, les pouvoirs publics ont
opté pour la solution la moins onéreuse, que ce faisant ils ont
créé à l'égard des usagers de la nouvelle route un
risque calculé excédant celui contre lequel les usagers des voies
publics sont tenus de se prémunir ... »67(*)
8. la responsabilité de l'Etat du fait des
lois contraires aux engagements internationaux
Cette responsabilité a été
consacrée par l'arrêt Gardedieu pris par l'assemblée du
contentieux du Conseil d'Etat français le 8 février 2007. Par
cet arrêt, la haute juridiction française a modifié sa
jurisprudence relative à la responsabilité des lois, tirant les
conséquences de l'obligation pour l'Etat de respecter les engagements
internationaux. La responsabilité de l'état français peut
désormais être engagée du fait du préjudice
causé directement par une loi contraire à de tels engagements.
Un considérant de principe synthétise l'Etat du
droit, tel qu'il résulte de cette décision, dans les termes
suivants : « considérant que la responsabilité
de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, d'une
part, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les
charges publiques, pour assurer la réparation des préjudices
nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait
pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice dont il est
demandé réparation, revêtant un caractère grave et
spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme
une charge incombant normalement aux intéressés, d'autre part, en
raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des
conventions internationales par les autorités publiques, pour
réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de
l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des
engagements internationaux de la France »68(*). Deux cas de
responsabilité du fait des lois sont ainsi désormais ouverts.
- Le premier cas, fondé sur la rupture
d'égalité devant les charges publiques et donc sur la
responsabilité sans faute.
Il permet d'engager la responsabilité de l'Etat du fait
de l'adoption d'une loi sans que soit discutées ni la
constitutionalité, bien sûr, ni même la
conventionalité de celle-ci. Responsabilité objective, elle
aboutit à la réparation du préjudice anormal et
spécial causé par cette loi, même
« légale ». En clair, seules des situations
exceptionnelles peuvent donner lieu à indemnisation.
- Le second cas constitue l'apport de l'arrêt. Il s'agit
de la possibilité d'engager la responsabilité de l'Etat du fait
de la contrariété d'une loi à un engagement international,
sur le terrain de la responsabilité pour faute. Nul n'est alors le
besoin de prouver un préjudice anormal et spécial, tout
préjudice étant susceptible d'être indemnisé.
Ainsi, le conseil d'Etat a condamné l'état
à verser à un assuré social la somme de 2.800 euros,
correspondant au préjudice subi du fait de l'adoption d'une loi de
validation contraire aux stipulations de l'article 6§1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme.69(*)
En effet, l'assuré social avait sollicité le
remboursement de ses cotisations sociales devant le tribunal des affaires de
sécurité sociale, juridiction qui l'avait débouté
de sa demande en lui opposant la loi de validation. Or, cette loi étant
incompatible avec la convention européenne des droits de l'homme, elle
aurait dû être écartée du litige si l'assuré
en avait excipé l' « illégalité »
car l'inconventionnalité d'une loi n'étant pas un moyen d'ordre
public, elle ne pouvait être relevé d'office.
Dès lors, deux chose l'une. Soit le requérant
n'avait pas correctement assuré sa défense en émettant de
soulever l'exception, et il a alors lui-même commis une faute qui devait
être de nature à atténuer la responsabilité de
l'Etat, soit l'exception a été rejette à tort par le
tribunal et alors le préjudice retenu par le Conseil d'Etat ne
résultait pas de cette loi, mais du jugement lui-même. Cette
dernière hypothèse serait particulièrement choquante,
puisqu'il n'appartient pas au juge administratif de statuer sur la
responsabilité de l'état du fait des actes juridictionnels des
tribunaux judiciaire en france.70(*)
Section II. LA
RESPONSABILITE SANS FAUTE DE L'ADMINISTRATION EN DROIT BELGE
Nous avons suffisamment démontré
l'évolution de la responsabilité administrative en Belgique dans
le premier chapitre. Dans cette section il sera question d'indiquer les
tendances modernes de la responsabilité civile de l'Etat en Belgique.
§1. La présentation
du problème
Alors que l'un des principes dégagés de
l'arrêt du 5 novembre 1920 affirmait que tout acte administratif pouvait
être fautif au sens de la loi aquilienne, les suites de cet arrêt,
en ont restreint les applications aux seuls actes d'exécution, en
établissant une immunité à l'égard des actes de
décisions. La tendance introduite depuis l'arrêt du 7 mars 1963 et
celui du 26 avril 1963 étend nettement le domaine de
responsabilité de l'Etat même à ses actes de
décision dont particulièrement les actes
réglementaires71(*).
a. L'arrêt du 7 mars 1963
Les faits
La victime d'un dérapage de voirie exige à
l'Etat réparation du dommage subi en fondant son action sur la faute de
l'Etat qui consistait, selon elle, en une « Signalisation
insuffisante d'un danger exceptionnel ».
La cour d'appel de Bruxelles condamna déjà
l'Etat le 10 juin 1961 et la cour de cassation confirma cet arrêt en
arguant que « les pouvoirs publics ont l'obligation de
n'établir et de n'ouvrir à la circulation publique que de voies
suffisamment sûres, et que, hormis le cas où une cause
étrangère qui ne peut leur être imputée les
empêche de remplir l'obligation de sécurité qui leur
incombe, ils doivent par des mesures appropriées, obvier à tout
danger anormal ; et que, au surplus, l'Administration dans sa mission
d'intérêt général, n'est pas soustraite au devoir de
prudence qui s'impose à tous.
Dans sa note sub cet arrêt, M. Dabin approuve cette
décision de la cour suprême. Il estime que « parfois
les décisions même de l'Etat peuvent être mal prises. Il
estime d'autre part que la légitime confiance trompée doit
s'appliquer non seulement aux actes d'exécution, mais aussi aux actes
de décision72(*).
§2. Le fondement de la
responsabilité administrative étendue en Belgique
Cette responsabilité administrative étendue se
fonde en Belgique, comme en France, sur l'idée d'une obligation de
sécurité que l'Etat doit garantir aux particuliers.
L'arrêt du 7 mars 1963 introduit déjà ce fondement en
laissant de côté toute idée de faute et la distinction
artificielle parmi les actes dommageables de l'Administration.
Cette tendance a été suivie plu tard
encore73(*). Elle confirme
simplement, nous l'avons déjà dit, un mouvement de socialisation
des risques et de la responsabilité civile. Partout, on se
préoccupe du sort des victimes, et pour leur venir en aide, on ne veut
pas être arrêté par des conditions d'indemnisation trop
rigides comme la preuve de la faute dommageable. On proclame au contraire que
la victime a un droit subjectif à la sécurité et que le
corps social tout entier doit pouvoir la sauvegarder et la garantir contre les
nombreux risques de la vie, qu'ils proviennent de l'activité
administrative ou non.
Nombreuses jurisprudences françaises son similaires
à celles de la Belgique en cette théorie. Cependant, il faudra
ajouter que l'évolution est a ce jour, en France comme en Belgique,
notamment par la loi - programme du 1er Août 1985 en Belgique
et la loi du 3 janvier 1977 en France, vers une responsabilité sans
faute de l'Etat en ce qui concerne les actes de terrorisme (actes de
violence).
Conformément à la loi précité,
il est crée en Belgique « un fonds spécial d'aide aux
victimes d'acte intentionnellement violents » alimenté d'une
part, par une contribution, ajoutée par le juge à chaque
condamnation à une peine principale, correctionnelle ou criminelle. Est
instituée également une commission « pour l'aide aux
victimes d'actes intentionnels de violence » qui statue sur les
demandes d'aide et dont les membres sont nommés par le Roi.
Les personnes qui peuvent bénéficier d'une
aide sont celles qui ont subi de graves atteintes au corps ou à la
santé, à la suite d'un acte intentionnel de violence. L'aide est
fixée en équité et n'a donc pas de caractère
indemnitaire.
Par ailleurs, la loi du 1er août 1985
prévoit encore l'octroi d'une indemnité spéciale en cas
d'acte intentionnel de violence contre les membres des services de police et de
secours et contre les particuliers secourant une victime d'un acte
intentionnel de violence.
Alors que la première forme d'aide ne donne pas
naissance à un droit mais représente une possibilité
laissée à l'appréciation, en équité, d'une
commission « ad hoc », la deuxième forme d'aide
crée un droit subjectif en faveur de la victime ou de ses ayants
droits74(*).
Section 3. DE LA
RESPONSABILITE CIVILE DE L'ADMINISTRATION EN RDC
§1. Principe et
justification de la responsabilité administrative
a. Principe
Le principe général consacré par le
code civil, et selon lequel celui qui cause injustement un dommage à
autrui est tenu de le réparer, n'a pas toujours été
appliqué à l'Administration.
Jusqu'en 1920 nous l'avons déjà dit, le
principe retenu et appliqué par la jurisprudence était que l'Etat
ne pouvait « être responsable du fait de ses fonctionnaires
auxquels il délègue une partie de ses pouvoirs politiques et par
lesquels, en tant qu'Etat souverain, il agit dans un intérêt
supérieur et général ».
En 1920, la cour de cassation Belge a renversé cette
jurisprudence dans son arrêt du 5 novembre qui a consacré
l'application des articles 1382 et suivants (équivalents des articles
258 et suivants du C.C.C.LIII) aux pouvoirs publics.
Cet arrêt a consacré le principe selon lequel
« l'Etat n'a pas d'autres pouvoirs que ceux que lui d'accordent la
constitution et les lois, notamment celles qui organisent les droits civils et
que pas plus que le particulier, l'Etat n'a pas le pouvoir de léser les
droits civils ». Cela a été l'un des principes
fondamentaux sur lesquels s'est fondée l'idée d'une
responsabilité civile en droit congolais.
b. Justification
Deux types de justifications sont apportés pour
expliquer ce principe : en premier lieu, on prend en compte l'ampleur
des dommages dus à l'Administration qui s'augmentent sans cesse avec le
développement de son action et la puissance de ses moyens, pour
justifier l'abandon de son l'irresponsabilité.
En second lieu, la responsabilité administrative et
l'obligation de réparer sont, pour bon nombre d'auteurs, la
conséquence du principe de l'égalité des citoyens
devant les charges publiques.
§2. Application
concrète
a. Cas où la responsabilité de
l'Administration est engagée sans faute.
1) Le risque professionnel
Aux termes du décret-loi organique du 29 juin 1961
sur la sécurité sociale en RDC, il fut créé
l'Institut National de Sécurité Sociale (INSS) pour s'occuper de
trois branches de la sécurité sociale qui sont : la branche
des risques professionnels comprenant les accidents de travail et les maladies
professionnelles ; la branche des pensions comprenant l'invalidité,
la vieillesse, les décès ; et la branche des allocations
familiales comprenant les charges des familles75(*).
1°) Condition pour qu'il y ait
réparation
Pour que le risque professionnel soit réparé,
il faut tout d'abord que l'employeur soit affilié à la Direction
générale de l'Inss territorialement compétente.
Il devra adresser une demande d'application, d'après ce
décret-loi dans les huit jours qui suivent le premier embauche, ou le
début d'apprentissage, de l'enseignement, de la garde ou du stage. Il
recevra en retour un certificat portant un numéro d'affiliation.
2°) Eventualités couvertes
Aux termes du décret-loi du 29 juin 1961, la branche
des risques professionnels s'étend à des prestations de
sécurité sociale en cas d'accidents du travail et de maladie
professionnelle.
Ainsi, selon l'exposé des motifs de ce
décret-loi, le mot « accident » est perçu
comme « un événement soudain, anormal, produit par
l'action subite d'une force extérieur ».
Ainsi perçu, l'accident de travail survenu à un
travailleur pendant le trajet de sa résidence ou du lieu où il
prend ordinairement ses repos, au lieu où il effectue son travail ;
dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou
détourné par un motif dicté par un intérêt
personnel. Concernant le lieu du travail, le tribunal de grande instance de
Kinshasa / Gombe avait trouvé, le 05 août 1997 dans l'affaire Dame
Mata Sekana contre la société Travydro, que
« l'élément capital est le lien de subordination du
travail, dans l'intérêt de l'employeur pendant que
l'événement se produit soudainement .... »76(*).
Le professeur Mukadi Bony, spécialiste du droit de
travail et de la sécurité sociale s'insurge contre cette position
et trouve qu'il s'agit là d'une interprétation trop restrictive
« qui met l'accident sur la responsabilité de
l'employeur ».
Cette interprétation restrictive aboutirait, si elle
était appliquée systématiquement, à exclure le
caractère professionnel des accidents survenus notamment aux
grévistes sur les lieux du travail, aux travailleurs en stage de
perfectionnement hors de l'entreprise et à ceux qui, en préavis
de licenciement, se rendent à la sortie du travail auprès d'un
futur employeur.
Il propose ainsi que « le critère de
l'accident du travail devrait être recherché dans « le
rapport existant entre les fonctions du salarié et le préjudice
subi par lui »77(*).
L'accident de travail s'analyserait ainsi comme un risque de
l'emploi, et non un risque de l'employeur.
Toutes ces dispositions sur les accidents de travail sont
étendues aux maladies professionnelles qui peuvent être
définies comme celles contractées dans le cadre de
l'accomplissement de la profession, suite à l'exposition continue et
prolongée à l'action d'un agent pathogène.
3°) Modes de répartition
Le principe est que, tout travailleur lié par un
contrat de travail, est bénéficiaire de la réparation des
risques professionnels, même si au moment du risque il n'avait
été ni déclaré, ni affilié à l'Inss.
Il en découle la possibilité offerte à la victime,
d'obtenir une réparation en initiant une action en responsabilité
civile, conformément au droit congolais. Cette action sera
dirigée soit contre l'employeur ou ses préposés, soit
contre un tiers. La victime du risque dispose du droit de réclamation en
cas de refus d'une prestation, ou de contestation sur sa qualité.
La réparation forfaitaire prévue par la
législation sur les risques professionnels (décret du
1er Août 1949) tient uniquement compte des dommages corporels,
et seulement pour autant qu'il en résulte une incapacité de
travail. En cas de décès de la victime, le risque professionnel
devra être déclaré soit par l'employeur, soit directement
par les ayants droit de la victime. L'obligation de l'employeur est
régie par les articles 27 et 29 de l'arrêté
ministériel du 21 octobre 1961 portant règlement
général d'assurance, tel que modifié par
l'arrêté ministériel du 28 novembre 1977.
L'employeur doit déclarer à l'Inss tout
accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Il doit aussi
déclarer à l'Inss toute maladie visée par les
dispositions du décret-loi sur la sécurité sociale, qui
aura occasionné soit la mort, soit l'incapacité du travail
médicalement constatée. Cette déclaration doit être
faite dans les quinze jours qui suivent l'accident et pour les maladies
professionnelles dans les quinze jours de la constatation médicale.
Dans l'affaire Bat Zaïre contre Osaka Djama, la cour
d'appel de Kinshasa /Matete avait estimé dans son arrêt du 30
juillet 1997, que « lorsque l'examen de la déclaration
d'accident du travail fait ressortir que le travailleur n'a pas un
numéro d'immatriculation à l'Inss, le défaut de
numéro équivaut à l'absence d'affiliation à
l'accident ».
Le professeur Mukadi Bony, qui ne partage pas cet avis,
estime que l'employeur pourrait prouver par toutes voies de droit que le
travailleur était affilié à l'Inss78(*).
En cas de risque professionnel, l'obligation de
réparer pèse sur l'Inss, sur l'employeur pendant les trente
premiers jours après l'accident ou la déclaration de la maladie
professionnelle sur l'employeur ou un tiers en cas de faute qui leur serait
imputée.
Aux terme de l'article 21 du décret-loi du 29 juin
1961, les prestations à la charge de l'Inss comprennent : les soins
médicaux nécessités par la lésion résultant
de l'accident de travail, l'indemnité journalière, la rente des
survivants et une allocation des frais funéraires.
Conformément au deuxième alinéa du
même article, l'employeur doit faire l'avance à la victime des
indemnités journalières et des frais médicaux. Cette
avance doit être remboursée ultérieurement par l'Inss.
2) La responsabilité de l'état et
des collectivités publiques en cas de trouble.
Les communes et les circonscriptions ont été
rendues responsables des dégâts et dommages résultant des
infractions commises à l'aide de violences ou de menaces sur leurs
territoires, par des attroupements de rassemblements armés ou non
armés, soit envers les personnes, soit contre les
propriétés publiques ou privées, par l'ordonnance -loi
n°141/592 du 20 novembre 1959.
Cette ordonnance-loi est restée non applicable aux
communes depuis 1968, par suite de la mise en vigueur des ordonnances -lois
n°68/024 et 68/029 du 20 janvier 1968 qui ont supprimé la
personnalité juridique des communes79(*). La ville est restée depuis lors la seule
à conserver une personnalité et la commune est devenue une simple
subdivision administrative de celle-ci ; la responsabilité des
troubles incombe donc à la ville et si elle est mise en cause, ce sera
le patrimoine de celle-ci qui devra supporter les frais de l'indemnisation des
victimes80(*).
La constitution du 18 février 2006 en son article 3,
a réinstauré cette personnalité juridique de la commune et
l'a étendue aux autres entités territoriales
décentralisées que sont le secteur et la chefferie.
Parce que celles-ci vont jouir, d'après la
constitution, de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs
ressources économiques, humaines,financières et techniques, nous
préconisons qu'elles redeviennent responsables des troubles et
dégâts commis sur leurs territoires comme il fut le cas en
1959.
1°) Nature de la responsabilité
édictée par l'ordonnance -loi du 20 novembre 1959.
Cette responsabilité n'est pas basée
uniquement sur la faute ; elle apparaît comme également
basée sur le risque. Cette idée de risque est expressément
mentionnée à l'article 3 de la dite ordonnance - loi mais elle
n'apparaître qu'en ce qui concerne la responsabilité de l'Etat.
2°) Les conditions de la
responsabilité
a) Le dommage
Pour que l'Etat ou l'entité territoriale
décentralisée engage sa responsabilité, il faut qu'il y
ait un dommage ; celui-ci doit être la conséquence d'une
infraction commise à l'aide de violences ou de menaces envers les
personnes ou contre les propriétés publiques ou
privées ; l'infraction doit provenir d'un attroupement ou d'un
rassemblement armé ou non armé, sur le territoire de la ville ou
de la circonscription.
b) La faute
La faute ne consiste pas uniquement dans la
négligence des autorités de l'entité territoriale
décentralisée ; s'il en était ainsi, il suffirait
à la personne publique décentralisée, de prouver qu'elle a
mis tout en oeuvre pour lutter contre les rassemblements qui ont
été cause du dommage. Or, il n'en est rien. Cette preuve lui
permettra seulement, précise l'ordonnance -loi du 20 novembre 1959 en
son article 3, d'exercer un recours contre l'Etat pour récupérer
une partie des sommes versées par elle à titre
d'indemnité. Le vrai fondement de la responsabilité des
entités territoriales décentralisées est double : il
consiste dans la faute des autorités et dans celle des habitants de
l'entité territoriale décentralisée qui, par leur
passivité ont encouragé l'attitude des émeutiers81(*). Pour pouvoir
s'exonérer totalement de sa responsabilité, la personne publique
décentralisée doit prouver que les rassemblements étaient
formés d'individus étrangers à la ville ou à la
circonscription et qu'elle a pris toutes les mesures qui étaient en son
pouvoir à l'effet de prévenir ou de réprimer ces
rassemblements.
c) Le risque
Si la responsabilité des villes et des
circonscriptions exige une faute, celle de l'état est basée sur
le risque social82(*)
(art.3, al.1 de l'ordonnance-loi du 20 novembre 1959) ; elle subsiste par
conséquent même si aucune faute ne peut être retenue
à charge de la personne publique décentralisée.
On considère que l'Etat dans l'exercice de sa mission
a exposé certaines personnes à un risque particulier. Le risque
se réalise sans faute de sa part. l'obligation lui est ainsi faite, dans
certaines hypothèses, d'indemniser et le fait générateur
de cette obligation c'est la réalisation du risque volontairement
crée.
3) La réparation
En principe, la réparation des dommages est
supportée pour moitié par l'Etat et pour moitié par la
personne publique décentralisée sur le territoire de laquelle le
rassemblement dommageable a eu lieu. (Art.3 de l'ordonnance -loi du 20 novembre
1959).
Toutefois, lorsque la personne publique
décentralisée a manqué à ses devoirs par inertie ou
connivence avec les émeutiers, l'Etat peut exercer un recours contre
elle à concurrence de 60 % des sommes qu'il a dû débourser.
Si au contraire, la personne publique décentralisée prouve
qu'elle a pris toutes les mesures qui étaient en son pouvoir à
l'effet de prévenir ou de réprimer les troubles, c'est elle qui
pourra exercer un recours contre l'Etat à concurrence de la même
somme (art. 3 de l'ordonnance-loi précitée).
L'ordonnance-loi n° 69/044 du 1er octobre
1969 a remplacé la législation antérieure en
matière de responsabilité des pouvoirs publics pour dommages
causés par les émeutes. De l'analyse de cette ordonnance -loi il
ressort que le principe posé est désormais
l'irresponsabilité de l'Etat à l'égard des victimes
directes des dommages causés par les émeutes. Entendons par
victimes directes, les personnes qui ont subi un dommage dans le champ
même du déroulement des émeutes, que ces dommages soient
causés par des émeutiers ou insurgés où qu'ils le
soient par les forces de l'ordre agissant contre ceux-ci83(*).
L'Etat reste en effet responsable à l'égard des
tiers au trouble ou précisément les victimes des dommages
causés par les forces de l'ordre en dehors du déroulement
même des opérations dirigées contre les émeutiers ou
insurgés, et résultant d'une faute des forces de l'ordre.
Appréciation de cette ordonnance -loi
L'ordonnance -loi susvisée ne parle que de l'Etat et
non des communes et circonscriptions. Est-ce que ces dernières
continuent à être responsables des dommages causés par les
troubles sur leurs territoires ? La réponse, affirme Kabange
Ntabala, semble devoir être négative car l'ordonnance-loi a
abrogé l'ordonnance législative qui régissait cette
matière.
Le problème important reste celui des
« victimes directes des troubles ». Sont- elles
désormais dépourvues de toute action et de tout droit à la
réparation des préjudices subis par suite des émeutes ou
des l'insurrection ?
Kabange Ntabala s'insurge contre cette position, et pour
cause, il estime que le texte législatif n'exclut que les actions
basées sur le droit commun de la responsabilité civile. Ce qui
implique qu'il pourra être possible à la victime de fonder son
action sur le risque social.
En dehors de cette hypothèse la victime pourrait
éventuellement introduire une demande en indemnité pour
préjudice exceptionnel.
4) L'intervention de l'Etat en cas de
catastrophes, sinistre et autres accidents.
L'article 7, §1 de la loi Belge du 23 décembre
1946 accordant au conseil d'Etat Belge la compétence d'avis dans le
domaine du contentieux de l'indemnité, permet, dit KALONGO MBIKAYI,
d'élargir, bien que subsidiairement, le domaine de la
responsabilité sans faute de l'Etat84(*).
Cet article assure une indemnisation aux particuliers victimes
de dommages exceptionnels.
b) Réparation en cas de responsabilité sans
faute et du Préjudice exceptionnel
1) Principe
L'exigence d'une faute constitue le droit commun de la
responsabilité administrative. La victime d'un acte ou d'un fait
Administratif dommageable ne peut obtenir réparation que si l'agissement
de l'Administration est répréhensible ou fautif.
Néanmoins dans certains cas exceptionnels, notamment
ceux qui font l'objet de notre travail, la victime peut obtenir indemnisation
en dehors de toute faute que l'administration aurait commise.
C'est ce que prévoit l'art.155, al.3 de la
constitution du 18 février 2006 qui charge le Conseil d'Etat de
« connaître, dans le cas où il n'existe pas d'autres
juridictions compétentes, de demandes d'indemnité relatives
à la réparation d'un dommage exceptionnel, matériel ou
moral résultant d'une mesure prise ou ordonnée par les
autorités de la République. Et dans ce cas, il se prononce en
équité en tenant compte de toutes les circonstances
d'intérêt public ou privé.
En attendant la fixation par une loi organique de
l'organisation, la compétence et le fonctionnement des juridictions de
l'ordre administratif en RDC, nous pouvons affirmer partiellement que cette
disposition constitutionnelle fait de la compétence du Conseil d'Etat
une compétence résiduaire, car son intervention ne peut avoir
lieu que s'il n'existe pas d'autres juridictions compétentes.
Cette introduction du Conseil d'Etat, comme en France et en
Belgique, dans l'ordre juridictionnel administratif congolais est d'une
importance capitale car elle assure d'une part l'indépendance des
juridictions d'ordre administratif qui sont maintenant coiffées par un
Conseil d'Etat et d'autre part la célérité dans la
procédure contentieuse.
2) Fondement
La réparation sans faute et en cas du
préjudice exceptionnel peut être fondée
généralement sur l'idée d'équité et
spécialement sur le principe de l'égalité des citoyens
devant les charges publiques85(*).
Selon l'équité, c'est-à-dire ce qui est
considéré comme juste, il peut paraître anormal, en effet,
de ne pas dédommager, quelqu'un qui a subi un préjudice dû
par exemple au risque pris par l'Administration, où à l'exercice
par celle-ci des prérogatives exorbitantes. L'Administration peut dans
certains cas mettre en oeuvre ses prérogatives exorbitantes d'une
manière correcte mais dommageable.
Ce serait le cas par exemple lorsque voulant détruire
un immeuble insalubre, l'Administration opère par le feu. Cet incendie
volontairement provoqué se communique aux maisons voisines et y cause
des dégâts.
Il serait également inique de ne pas indemniser la
victime d'une mesure administrative prise dans un intérêt commun.
Ce fut le cas part exemple en France ; une loi avait interdit la
fabrication de certains produits alimentaires dérivés du lait,
en eux-mêmes parfaitement inoffensifs mais qui, ayant une teneur
laitière trop faible, paraissaient nuire à l'écoulement
des produits laitiers. Cette mesure législative atteignant
principalement la société « la
Fleurette » ; le Conseil d'Etat lui alloua une indemnité
en considérant que le préjudice subi était nettement
spécial, que le législateur avait eu en vue la protection
d'autres intérêts professionnels - ceux des producteurs du lait et
que « rien, ni dans le texte même de la loi ou de ses travaux
préparatoires, ni dans l'ensemble des circonstances de l'affaire, ne
permet de penser que le législateur français a entendu faire
supporter à l'intéressé une charge qui ne lui incombe pas
normalement » (Arrêt « La Fleurette », du
14 janvier 1938, GAJA, 4e éd., n°64, p.238)86(*).
Dans toutes ces hypothèses, on se trouve en
présence d'une mesure entachée d'aucune faute, mais
exceptionnelle, qui inflige, à un particulier, pour les besoins de
l'intérêt général, un préjudice, anormal,
exceptionnel, qui, à raison de sa gravité, ne saurait être
regardé comme une charge lui incombant normalement87(*).
Le caractère exceptionnel du dommage veut donc dire
qu'il ne doit pas s'agir d'un dommage normal, c'est-à-dire d'un dommage
qui peut atteindre toute personne se trouvant dans une situation analogue ou en
d'autres termes d'un dommage pouvant être considéré comme
une charge incombant normalement à la victime, et ne dépassant
pas les sacrifices courants inhérents à la vie en
société. Le dommage doit outre son caractère exceptionnel,
être constitutif d'un appauvrissement.
Ce serait sacrifier la victime d'une telle mesure à
la collectivité que de la laisser seule faire les frais d'une
décision prise dans l'intérêt commun.
Si le principe de l'égalité de tous devant
les charges publiques justifie toutes les hypothèses de la
responsabilité aux yeux de nombreux auteurs, la rupture de cette
égalité n'entraîne la responsabilité que s'il y a
faute. Mais ici ce principe joue en quelque sorte à l'état pur et
constitue à lui seul le fait générateur de la
responsabilité88(*).
Section IV. LES AVANCEES
DUES DROITS ETRANGERS PAR RAPPORT AU DROIT CONGOLAIS DANS LA CONCEPTION DE
RESPONSABILITE POUR RISQUE DE L'ADMINISTRATION
Nous avons précédemment
énuméré quelques cas où la responsabilité
sans faute de l'Administration est engagée en France, en Belgique et en
RDC. Cela avait pour principal but de montrer comment la théorie de la
sécurité juridique des victimes d'actes anormaux a eu des
avancées dans ces droits étrangers comparativement au droit
congolais.
Dans le but de protéger les victimes d'accidents
devenus nombreux à la suite du développement industriel, il y a
eu en France comme en Belgique la suppression de la responsabilité
civile comme mode de réparation et l'instauration d'un système de
garantie sociale.
Cette élimination de la responsabilité civile
par la sécurité sociale a pour avantages l'indemnisation d'un
nombre plus grand de victimes grâce à l'assouplissement des
conditions d'indemnisation, mais aussi elle permet d'éviter les dommages
grâce à de nombreuses mesures préventives.
Les droits français et belge tendent de plus en plus
à améliorer le sort des victimes, qui ne sont plus
obligées de prouver que le préjudice subi est dû à
une faute de l'Administration (lorsque l'une de ses décisions les a
mises dans un état d'inégalité devant les charges
publiques) ou que l'accident était dû à la faute de leur
employeur (cas des ouvriers victimes d'accidents corporels dans leur
travail).
La question est de savoir si l'Institut national de
sécurité sociale est doté de moyens nécessaires
pour couvrir les risques professionnels sur toute l'étendu de la
République ou encore de savoir si tout travailleur a, si le risque se
crée, la chance d'obtenir réparation intégrale du
préjudice subi.
Le problème est d'autant plus complexe que l'on ne
saurait y apporter une solution adéquate.
L'irresponsabilité de l'Etat est devenue presque totale
Les cas de responsabilité sans faute de
l'Administration rencontrés à l'étranger tels que :
- La responsabilité du fait des activités
dangereuses que l'Etat entrepreneur ;
- La responsabilité de l'Etat du fait de certaines
procédures pénales ;
- La responsabilité de l'Etat du fait du refus
d'exécution des décisions de justice ;
- La responsabilité sans faute en matière
hospitalière ;
- La responsabilité du fait de certaines mesures
d'ordre économique et social ;
- La responsabilité du fait de la
contrariété des lois aux engagements internationaux est loin de
trouver leur application en RDC. Certes, nous comprenons la difficulté
aujourd'hui, l'Etat congolais n'a pas suffisamment de moyens pour garantir les
administrés contre tous ces actes. Dans l'avenir, il faudra que le
législateur congolais s'y penche pour règlementer en faveur des
victimes des différents risques que l'Administration crée et
généraliser ainsi l'intervention de l'Etat dans la
réparation de ces risque. Cela pourra non seulement garantir la
sécurité juridique, mais aussi la sécurité sociale
des administrés et témoigner ainsi le développement du
pays.
A l'étranger on est allé jusqu'à
créer un fonds de garantie pour les victimes d'actes de violence, cela
par une loi.
Nous connaissons des cas similaires de
méchanceté gratuite, de violence intentionnelle ... et comme
conséquence, des mêlée de gens assassinés chaque
jour, laissant derrière eux d'innombrables veuves, veufs et orphelins,
sans que l'on ne songe à compenser tant soit peu les préjudices
moraux et matériels dont ils sont victimes.
Il faudra que l'Etat congolais adhère aussi à
cette évolution étrangère, en créant un fond de
garantie pour les victimes, non seulement d'actes de violence
intentionnelle.
CONCLUSION
Nous voici au terme de ce travail qui a porté sur
« la responsabilité sans faut de l'Administration en droit
français, Belge et Congolais.
Nous avons traité ce travail en deux grands
chapitres :
Le premier a porté sur la théorie
générale de la responsabilité administrative. Dans
celui-ci nous avons montré que toute l'évolution du droit de la
responsabilité administrative est marquée par le souci constant
d'améliorer le sort de la victime. Pour parvenir à
dégager la responsabilité sans faute de l'Administration, nous
avons révélé que la théorie de la faute
était devenue impuissante à expliquer la responsabilité
de l'Etat pour les dommages professionnels ». Ce qui a poussé
le droit positif à imposer une nouvelle réflexion sur le
fondement de la responsabilité parce que la notion traditionnelle de
faute ne permettait plus d'expliquer toutes les solutions. C'était la
naissance de la théorie du risque ou la responsabilité sans
faute.
Le deuxième chapitre a abordé la notion de
responsabilité sans faute en droits français, Belge et Congolais.
Dans celui-ci, nous avons montré qu'en France, bien que l'idée de
faute reste encore le fondement principal de la responsabilité de
l'Etat, l'idée de risque s'est introduite peu à peu,
consacrée par la loi et soutenue par la jurisprudence. Elle a en suite
été étendue au-delà des dommages professionnels
pour garantir tout préjudice résultant du risque
créé par l'Administration aux administrés.
Nous avons en suite indiqué qu'en Belgique, comme en
France, on est allé jusqu'à la création d'un fonds de
garantie pour réparer les dommages causés par les actes
intentionnels de violence.
En RDC, nous avons remarqué que le seul cas où
la responsabilité de l'Etat était engagée sans faute,
c'est dans le domaine du risque professionnel, essentiellement les accidents du
travail. Nous avons révélé en suite que la
création de l'institut national de sécurité sociale (Inss)
par le décret-loi du 29 juin 1961 ne suffisait pas pour garantir les
risque professionnels, mais qu'il faudrait le doter de moyens
nécessaires pour couvrir les risques de manière intégrale
et pour que les victimes se retrouvent dans la réparation.
Nous avons en suite révélé qu'en ce qui
concerne la responsabilité de l'Etat et des collectivités
publiques en cas de trouble, la constitution du 18 Février a
restauré la personnalité juridique des communes, jadis bannie par
le décret lois de 1968, et l'a entité vont jouir de la libre
administration, de l'autonomie de gestion de leurs ressources
économiques, humaines, financières et techniques, elle doivent
redevenir responsables des troubles et dégâts commis sur leurs
territoires comme ce fut le cas en 1959.
Pour conclure ce travail, nous pouvons dire que les
avancées relevées dans l'application de la responsabilité
sans faute en droit français et Belge s'avèrent importantes pour
le renforcement de la sécurité juridique des administrés.
Parmi les cas concrets que nous avons eu à
énumérer, justifions justifier nos précédents
propos par le cas des dommages causés par les attroupement et
rassemblements. La législation française en la matière,
celle du 7 janvier 1983, pose le principe de la responsabilité sans
faute de l'Etat ; et ajoute que cette responsabilité joue
même si la victime participait au rassemblement. L'Etat français
répare donc tout le préjudice et pour cela, conserve une action
récursoire qu'il peut exercer à l'encontre de la commune lorsque
la responsabilité de celle-ci se trouve engagée.
En RDC, la législation en vigueur en cette
matière, celle du 1er octobre 1969, pose le principe de
l'irresponsabilité de l'Etat à l'égard des victimes
directes des dommages causés par les émeutes ; il n'est
responsable que des tiers au trouble.
Nous avons eu à énumérer quelques cas
où la législation étrangère est intervenue pour
rendre l'Etat responsable sans faute, notamment dans l'indemnisation des
personnes ayant subi un préjudice du fait de certaines procédures
pénales, l'indemnisation des victimes du Sida, l'indemnisation des
victimes des dommages corporels résultant d'une infraction pénale
et tant d'autres. L'on ne peut donc que regretter, que la
responsabilité civile de l'Administration soit encore en RDC une
responsabilité à base de faute, un tel système est inapte
à réglementer adéquatement des rapports entre des
personnes qui ne sont pas placées sur le même pied
d'égalité, loin de constituer une protection efficace pour les
particuliers, il favorise l'irresponsabilité des personnes publiques
dans une série de cas où l'équité exige une
réparation. Il est regrettable que le législateur congolais
n'ait pas jusqu'ici généralisé le principe d'une
responsabilité administrative pour risque ; la
sécurité des administrés ne pourrait qu'y gagner. Il est
très normal que l'Etat indemnise une femme qui a subi des dommages
corporels résultant du viol par exemple, une personne qui a subi des
coups de balles résultant du vol à mains armées ... la
sécurité juridique des administrés est, nous pouvons
l'affirmer, à la base d'un Etat de droit.
Disons enfin que le législateur congolais a encore
beaucoup à faire pour réglementer en faveur des victimes des
préjudices exceptionnels résultats de toute activité,
qu'elle soit de l'Administration ou des auteurs inconnus.
Dans le même cadre, il sera mieux que l'Etat congolais
soit doté de moyens nécessaires pour garantir la
sécurité juridique et permettre aux victimes qui auront subi un
préjudice exceptionnel d'obtenir réparation intégrale,
sans avoir à fournir quelconque preuve de faute, car les conditions de
son indemnisation seront élargies d'abord, mais aussi il y aura dans ce
cas nombreuses mesures préventives qui pourront aider à
éviter les accidents dommageables.
BIBLIOGRAPHIE
I. LEGISLATIONS ET JURISPRUDENCES
1. Décret du 30 juillet 1960 portant code civil
congolais Livre III.
2. Elis, 16 /4/ 1961, R.J., 1932.
3. C.E., 30 novembre 1923, Couiteas, GAJA n°42.
4. Cass. Belge, 28 Janvier 1965, in J.T, 1965
5. Dabin, note sub.cass, 7 mars 1963, R.C.J.B, 1963
II. OUVRAGES
1. BRAIBANT, G. QUESTIAUX, N. et WIENER, C., Le
contrôle de l'administration et la protection des citoyens, Paris,
CUJAS, 1973.
2. DE BURLET, J., Précis de droit administratif
congolais, T.I, Principes généraux, Bruxelles, Ferdinand
Larcier, 1969.
3. DE LAUBADERE, A., VENEZIA, J.C et GAUDEMET, Y., Droit
administratif, 16ème éd., L.G.D.J., Paris,
1999.
4. DE PAGES., H., Traité élémentaire
de droit civil Belge, Principes, doctrine et jurisprudence, 2e
éd, T.II, Bruxelles, Bruylant, 1940.
5. FLAMME, M.-A., Droit administratif, T.II, Bruxelles,
Bruylant, 1989.
6. KABANGE NTABALA, Droit administratif,T.I, Kinshasa,
1997
7. KALONGO MBIKAYI, Responsabilité civile et
socialisation des risques en droit Zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1979.
8. RIVERO, J. et WALINE, J., Droit administratif,
20e éd., Paris, Dalloz, 2004.
9. STARCK, B., Droit civil : obligations, Paris,
1972.
10. TERRE, F., Introduction au droit, Paris, Dalloz,
1991.
11. TERRE, F., SIMPLER, P., et LEQUETTE, Y., Droit
civil : les obligations, 9e éd., paris, Dalloz,
2004.
12. VEDEL, G. et DELVOLVE, P., Le système
français de protection des administrés contre
l'administration, Paris, Sirey, 1991.
III. DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPEDIES
1. CABRILLAC, R., « Dictionnaire du vocabulaire
juridique », Paris, Litec, 2004.
2. LEAUTE, J., « Responsabilité
administrative », in Encyclopedia universalis, corpus 14, Paris,
1985.
IV. SOURCES ELECTRONIQUES
1. TSHILOMBO MUNYANGAYI, « Une structure loin des
attentes des retraités » sur http :
//www.lepotentiel.com, consulté le 30 octobre 2007.
2. « Responsabilité administrative pour
risque » sur http : //
www.google.com consulté le
30 octobre 2007.
3. François GILBERT, « Droit administratif
général » sur http : //
www.google.fr, consulté le 20
février 2008.
TABLE DES MATIERES
I. PROBLEMATIQUE
3
II. HYPOTHESES
5
III. CHOIX ET INTERET DU SUJET
5
IV. METHODE ET TECHNIQUE
6
V. PLAN SOMMAIRE
6
CHAPITRE I : THEORIE GENERALE DE LA
RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE
7
Section : NOTIONS GENERALES
7
§ 1 : La responsabilité
personnelle du fonctionnaire
8
§ 2 : La responsabilité de
l'Administration
9
Nature du dommage
9
Section II : DE L'EVOLUTION DU DROIT DE LA
RESPONSABILITE ADMINISTEATIVE
11
§ 1 : conception traditionnelle du
problème
11
§2. : La tendance nouvelle du
problème de la responsabilité administrative
15
Section III : LA THEORIE DE LA RESPONSABILITE
SANS FAUTE ET POUR RISQUE DE LADMINISTRATION
17
§.1 : Problème de
terminologie, origine et fondement de la responsabilité sans faute de
l'Administration
17
§ 2 : Les formes de
responsabilité
21
Chap.II. DE LA RESPONSABILITE SANS FAUTE DE
L'ADMINISTRATION EN DROIT FRANÇAIS, BELGE ET CONGOLAISE
23
Section. I. LA RESPONSABILITE SANS FAUTE DE
L'ADMINISTRATION EN DROIT FRANÇAIS
23
§.1. Evolution historique de la
théorie de responsabilité sans faute de l'Administration
23
A. Fondement
23
§.1. Application de la
responsabilité civile de l'administration sur les risques qu'elle
crée.
27
A. Responsabilité sans faute d'origine
jurisprudentielle
27
Section II. LA RESPONSABILITE SANS FAUTE DE
L'ADMINISTRATION EN DROIT BELGE
39
§1. La présentation du
problème
39
§2. Le fondement de la
responsabilité administrative étendue en Belgique
40
Section 3. DE LA RESPONSABILITE CIVILE DE
L'ADMINISTRATION EN RDC
41
§1. Principe et justification de la
responsabilité administrative
41
§2. Application concrète
42
Section IV. LES AVANCEES DUES DROITS ETRANGERS PAR
RAPPORT AU DROIT CONGOLAIS DANS LA CONCEPTION DE RESPONSABILITE POUR RISQUE DE
L'ADMINISTRATION
51
CONCLUSION
54
BIBLIOGRAPHIE
57
TABLE DES MATIERES
59
* 1 G. BRAIBANT, N. QUESTIAUX
etc. WEINER, le contrôle de l'Administration et la protection des
citoyens, éd. CUJAS, Paris, 1973, p.34
* 2 J.RIVERO et J. VALINE,
Droit administratif, 20e éd, Paris, Dalloz, 2004, p.
393
* 3 KALONGO MBIKAYI,
Responsabilité civile et socialisation des risques en droit
zaïrois, Kinshasa,PUZ, 1979,p.159.
* 4 Ibidem
* 5 A. DE LAUBADERE, J-C.
VENEZIA et Y. GAUDEMENT, Droit administratif, 16e éd.,
Paris, L.G.D.J, p, 145
* 6 Ibidem, p.146
* 7 J. LEAUTE,
« Responsabilité administrative », in Encyclopedia
universalis, corpus 14, Paris, 1985, p.1023.
* 8 F.TERRE, P. SIMPLER et Y.
LEQUETTE, Droit civil : les obligations, 9e éd,
Paris, Dalloz, 2005, p.669.
* 9 Ibid, p.670.
* 10 A. DE LAUBADERE,
Op.cit, p.147
* 11 J. RIVERO et J. WALINE,
Op. cit, pp.420-430.
* 12 M.-A. FLAMME, Droit
administratif, T II Bruxelles, Bruylant, 1989, p1299.
* 13 Ibidem, P1288.
* 14 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, P166.
* 15 KALONGO MBIKAYI, Op.cit,
p.167
* 16 J. DE BURLET,
Précis de Droit administratif congolais, T.I, Principe
généraux, Bruxelles, Ferdinand Larcier, 1969, p.247.
* 17 A. DE LAUBADERE et alii,
Op.cit, p.137.
* 18 Ibid, p.138
* 19 KABANGE NTABALA, Droit
administratif, T.I, Kinshasa, 1997, p.202.
* 20 A. DE LAUBADERE, Op.
cit, p.139.
* 21 A . DE LAUBADERE, Op.cit,
p 145.
* 22 J. DE BURLET,
Op.cit, p.247
* 23 KABANGE NTABALA,
Op.cit, p.198.
* 24 A. DE LAUBADERE,
Op.cit, p.146.
* 25A. DE LAUBADERE,
Op.cit, p.146.
* 26 Cf.Chapitre II,
* 27 J.RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p.393
* 28 KABANGE NTABALA,
Op.cit, p190.
* 29 KALONO MBIKAYI,
Op.cit, p.148
* 30 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p.159
* 31 Ibid, p149
* 32 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p.161
* 33 KABANGE NTABALA,
Op.cit, p.190
* 34 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p157 .
* 35 J. RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p399.
* 36 J. RIVERO et WALINE,
Op.cit, p.400.
* 37 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p166.
* 38 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p.127.
* 39 KALONGO MBIKAYI ,
Op.cit,p.128
* 40 J.RIVERO et J.WALINE,
Op. cit, p.405
* 41 KALONGO MBIKAYI, Op.
cit, p.129
* 42 R. SAVATIER, Les
règles générales de la responsabilité civile,
in Rev. crit. 1934, n°29 ; note de KALONGO MBIKAYI, Op. cit,
p.129.
* 43 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p.130
* 44 Ibidem
* 45 M.A.FLAMME, Op.cit,
p1285.
* 46 B. STARCK, Droit
civil : Obligation, Paris, 1972, p.12.
* 47 H. DE PAGE,
Traité élémentaire de droit civil Belge, principes,
doctrine et jurisprudence, 2e éd, TII, Bruxelles, Bruyant, 1940.
* 48 B. STARCK, Op. cit,
p.14.
* 49 F. TERRRE, Introduction
au droit, Paris, 1991, p.227
* 50 B. STARCK, Op. cit,
p.13.
* 51 KALONGO MBIKAYI, Op.cit,
p.152
* 52 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p. 153.
* 53 Ibidem, p.156.
* 54 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p.157
* 55 A. DE LAUBADERE,
Op.cit, p. 147
* 56 J. RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p.422.
* 57 J. RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p. 420.
* 58 C.E, 30 novembre 1923,
couiteas, GAJA, n°42, note J. RIVERO et J. WALINE
* 59 J.RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p.423.
* 60 DE
LAUBADERE,Op.cit, p.150
* 61 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit, p.23
* 62 KALONGO MBIKAYI,
Opcit, p.169
* 63 J. RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p.430
* 64 J. RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p. 426.
* 65 Ibidem
* 66 J. RIVERO et J. WALINE,
Op.cit, p.438
* 67 M. - A. FLAMME,
Op.cit, p. 1298
* 68 F.GILBERT,
« Droit administratif général », sur
http. : //www, google.fr, consulté le 20 février 2008
* 69 F. GILBERT, Op.cit,
p.2
* 70 Ibidem, p3.
* 71 KALONGO MBIKAYI,
Op.cit 164
* 72 Dabin, note sub. Cass, 7
mars 1963, R.C.J.B, 1963, p.101. note KALONGO MBIKAYI, p.
* 73 Cass. Belge, 28 janvier
1965, in J.T, 1965, p.260
* 74 M. - A. FLAMME,
Op.cit, p.1300.
* 75 TSHILOMBO MUNYENGAYI,
« Une structure loin des attentes des retraités »
sur http : //www.le potentiel.com, consulté le 30 octobre 2007.
* 76 TSHILOMBO MUNYENGAYI,
Op.cit, p2.
* 77 Ibidem
* 78 TSHILOMBO MUNYENGAYI,
Op.cit., p.3
* 79 J. DEBURLET.,
Op.cit, p 257 ; KABANGE NTABALA, op.cit, p218
* 80 Ibidem, Op.cit,
p.257.
* 81 J. DE BURLET,
Op.cit, p.259.
* 82 Ibidem : KABANGE
NTABALA, Op.cit, p.218.
* 83 KABANGE NTABALA,
Op.cit, p225
* 84 KALONGO MBIKAYI, Op.cit,
p.173
* 85 KAMBANGE NTABALA, Op.cit,
p.214
* 86 M.-A.FLAMME,
Op.cit, p.1288.
* 87 KABENGE NTABALA,
Op.cit, p.215
* 88 Ibidem
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