CHAPITRE 1
I. LE JOURNALISTE DE RADIO-BENIN DANS LA MOUVANCE
PLURALISTE
1.1 Genèse et évolution de
Radio-Bénin
La Radiodiffusion du Bénin (Radio-Dahomey à
l'origine) a vu le jour le 07 mars 1953 dans un local des PTT6 avec
un petit effectif de cinq (05) personnes dont un directeur et sa
secrétaire, un technicien locuteur en langue nationale Fon7.
Le programme quotidien à l'époque était de 75 minutes.
La Radiodiffusion nationale va connaître une
évolution grâce au développement spectaculaire de la radio
rurale. D'une seule langue nationale au départ, elle est passée
progressivement à six (06) langues à douze (12) et enfin à
dix-huit (18) en 1977, année au cours de laquelle le gouvernement
révolutionnaire d'alors a eu recours aux langues nationales pour
populariser la loi fondamentale.
Les programmes de la Radiodiffusion du Bénin tiennent
compte du caractère de service public de l'organe. Avec
l'avènement de la démocratie, la liberté de l'information
y a atteint un niveau appréciable. Beaucoup d'émissions
traduisent dans les faits la pluralité des courants d'opinions et
l'accès équitable des partis politiques, qu'ils soient de la
majorité ou de l'opposition.
Radio-Bénin promeut les valeurs culturelles nationales.
De par son statut de d'organe de service public, elle appartient à tous
et est au service de tous : Etat (gouvernement, institutions
républicaines), partis politiques, société civile,
paysans, éleveurs, pêcheurs, hommes, femmes, enfants, etc. Ce qui
rend indispensable la recherche constante d'un certain équilibre dans le
traitement de l'information.
6 Postes, Téléphone et
Télécommunications
7 Langue la plus parlée au Sud du
Bénin
1.2 Radio - Bénin dans le paysage
radiophonique
Au Bénin, la libéralisation très tardive
de la radio (seulement en 1997) a placé ce média du service
public au coeur du débat politique avec la revendication de
l'accès à ses micros, de toutes les tendances politiques. Au sein
de l'ORTB, Office de radiodiffusion et télévision du
Bénin, réorganisé en décembre 1991, il y a six
directions dont les directions techniques et relations publiques communes et
les deux directions de Radio-Cotonou et Radio Parakou.
Radio-Cotonou8 avec son centre émetteur
d'Abomey-Calavi9, couvre tout le territoire national grâce
à deux émetteurs en ondes courtes, deux en ondes moyennes et deux
en FM.
La station régionale de Parakou10
créée le 1er avril 1983 fonctionne avec deux
émetteurs ondes moyennes et deux émetteurs ondes courtes. Elle a
une section rurale importante qui produit 50% des émissions. Elle
diffuse le journal parlé de 20 h de Radio-Cotonou. Elle émet en
Français et dans différentes langues africaines.
Le vote en juillet 1997 de la loi sur la libéralisation
de l'Audiovisuel a ouvert les vannes du pluralisme radiophonique au
Bénin. En application de cette loi, la HAAC a autorisé
l'implantation de neuf (09) radios commerciales et de dix-sept (17) radios
noncommerciales. C'est donc dans ce contexte d'émulation et pour faire
face à la concurrence que l'ORTB crée en 1995 une station en FM,
Atlantic FM émettant à Cotonou11. Selon une
étude réalisée sur l'état des médias au
Bénin, trente-cinq (35)
8 98.2 Mhz
9 Localité à la périphérie
de Cotonou, située à une vingtaine de kms du centre ville
10 92.5 Mhz
11 92.2 Mhz
stations de radios avaient pignon sur rue en Juin 2001.
Evidemment, depuis lors, ce chiffre est allé crescendo.
C'est aussi dans cet environnement compétitif que la
Rédaction de Radio-Bénin se bat pour garder la tête haute
tant du point de vue de la qualité de ses prestations que de la
préservation de son image d'aînée, respectueuse de la
déontologie et capable de montrer l'exemple. Elle s'emploie à
atteindre cet idéal grâce à un personnel d'une vingtaine de
professionnels dont la moyenne d'âge est de 35 ans. La plupart d'entre
eux côtoient les quinze années d'expériences avec un niveau
de qualification qui oscille entre le Baccalauréat et le Diplôme
d'études approfondies (DEA).
1.3 Le nouvel environnement institutionnel : source de
contraintes professionnelles
Le Bénin est ce petit pays d'Afrique occidentale qui a
inauguré, en février 1990, la valse des Conférences
nationales en Afrique, amorçant du coup une expérience
démocratique qui a fait beaucoup d'émules. En effet, le
Bénin a connu à deux reprises (1991 et 1996) des alternances au
terme d'élections pacifiques (de Kérékou à Soglo,
puis de Soglo à Kérékou). On considère par ailleurs
que « la présence active de la société civile dans le
forum public et les alternances successives à la tête de l'Etat
n'ont permis à aucun gouvernement de contrôler la presse ou de la
soumettre »12. Mieux, ce contexte a favorisé un
bouillonnement médiatique inattendu avec, bien entendu, ses exigences en
termes de savoir-faire et de professionnalisme.
Certes, aujourd'hui comme hier, le journaliste ne cesse pas
d'être un médiateur entre le pouvoir et le peuple, mais le
pluralisme lui commande d'être un observateur loyal et fidèle
de la vie citoyenne et un serviteur impartial de l'opinion publique dans toutes
ses
composantes. Cela appelle de la part du journaliste davantage
de discernement et de dépassement personnel en même temps qu'il
lui faudra se départir des schémas d'appréciation
officiels du fait politique. En conséquence, c'est toute la philosophie
même du traitement de l'information qui est en cause.
Ainsi, le discours officiel prononcé solennellement par
le président de la République ou le président de
l'Assemblée nationale n'est plus forcément applaudi à
l'unisson. Mais au contraire, il était devenu tout à fait
concevable qu'un tel discours puisse faire l'objet de contradictions, de
critiques de la part des médias et des citoyens qui ont le droit d'y
relever des contre-vérités. Cela est même souhaitable pour
la vitalité de la démocratie. Il n'y avait donc plus rien
d'étonnant à ce qu'un journaliste tende son micro à un
leader de l'opposition ou à un syndicaliste qui trouve à redire
sur les déclarations d'un ministre. Fini, le monopole de la
vérité, d'où qu'elle vienne !
1.4 Rapport médias-gouvernants : le temps des
désillusions
C'est par pure illusion que l'on a pu penser dans certains
milieux que c'est le parfait amour qui caractériserait les relations
entre les médias et les gouvernants à l'avènement du
pluralisme et de la démocratie. Les médias béninois,
très jaloux de la liberté retrouvée, n'ont pas
hésité à utiliser cette nouvelle arme contre les
anciensnouveaux maîtres, donnant ainsi l'impression qu'ils n'ont fait que
changer le fusil d'épaule pour dénoncer les abus du pouvoir. Cela
aussi est dans l'ordre normal des choses quand on sait que, même dans un
régime démocratique, qui détient le pouvoir, a une
tendance naturelle à en abuser. D'où le rôle de garde-fou
dévolu à la presse.
Si à l'inverse de la presse privée, la presse
officielle est souvent mal lotie pour assumer
autre pouvoir qui n'est autre que l'exécutif. A preuve,
c'est au niveau de la presse indépendante que ce rôle de
contre-pouvoir a été véritablement assumé avec
courage pendant que la presse officielle voyait se resserrer par moments,
l'étau de la liberté d'expression. Simple désillusion : le
voeu secret de tout pouvoir est d' « apprivoiser » la presse.
Jean-Louis Servan-Schreiber ne le pense pas moins: « dans la plupart des
démocraties, les rapports de force entre l'Etat et la presse sont aussi
feutrés que permanents. Le pouvoir exécutif juge indispensable
l'existence du quatrième pouvoir comme courroie de transmission entre
lui-même et l'opinion. Mais, le droit d'enquête et d'interrogation
que s'attribuent les médias gène et irrite tous les gouvernements
sans exception »13.
Il n'est pas si rare que le pouvoir emprunte la manière
forte contre ses adversaires pour faire triompher ses vues et tenter à
coups d'intimidations et de pressions de faire rentrer dans les rangs certains
journalistes trop frondeurs. A ce propos, on n'oubliera pas les
mésaventures de ce confrère béninois, alors
rédacteur en chef d'un organe de presse officielle autour des
années 1991-1992, qui s'est fait limoger pour avoir osé braver le
pouvoir en s'insurgeant contre les intrusions de l'autorité politique
dans la vie rédactionnelle de cet organe.
A bien y regarder, c'est finalement un leurre que d'avoir cru
que la démocratisation effacerait toutes les servitudes et vicissitudes
du journaliste béninois. Aujourd'hui, avec un peu de recul, bien des
journalistes ont le sentiment que la démocratie, en tant que
système politique ou modèle institutionnel, n'incarne pas un
espoir absolu pour la presse et que, mieux vaudrait travailler continuellement
à l'émergence d'une réelle culture démocratique
à tous les paliers de la vie sociale.
13 SERVAN-SCHREIBER (Jean-Louis), Le pouvoir
d'informer, éditions Robert Laffont, p. 334
A l'évidence, la Rédaction de Radio-Bénin
a fait, à la faveur du Renouveau démocratique, un progrès
notable en matière de gestion plurielle de l'information. Sauf,
qu'à certaines occasions, des relents de censure et d'autocensure,
entretenus par des journalistes trop frileux, zélés ou partisans,
ont eu raison de la recherche de la vérité et du
professionnalisme. Ainsi, à un moment ou à un autre de sa
carrière, tout journaliste est amené à mesurer le
caractère appauvrissant et frustrant de cette forme de censure qui
inhibe toute motivation et étouffe toute initiative professionnelle pour
peu qu'elle soit osée voire innovante. A tout cela, s'ajoute la gestion
pas aisée des communiqués et contre-communiqués
engagés qui « atterrissent » dans les Rédactions des
organes de presse officielle, in extremis, à quelques minutes du journal
parlé ou télévisé et dont la diffusion n'est pas
négociable.
Là réside en effet l'hypocrisie et la
duplicité de régimes dits démocratiques qui, tout en
clamant urbi et orbi leur attachement à la liberté d'expression,
sont foncièrement mus par l'intention inavouée d'avoir la main
haute sur les médias officiels. Juste une manière subtile et
insidieuse de récupérer par la main droite ce qu'ils ont
concédé par la main gauche. Ce qui a pu laisser craindre,
à tort ou à raison, la résurgence d'un certain dirigisme
dont l'une des manifestations les plus courantes est la tendance à
confondre le statut du journaliste exerçant dans un média d'Etat
avec celui de journaliste du gouvernement.
En tout état de cause, il n'appartient pas au
journaliste d'étouffer, d'immerger le message du gouvernement dans toute
la rhétorique politique nationale où foisonnent et
s'entrechoquent les discours les plus contradictoires. Dans certains organes,
ce risque est quelque peu pallié par la diffusion hebdomadaire dans les
organes officiels d'un commentaire exposant les vues du gouvernement sur des
aspects brûlants de la vie
sociale et politique nationale. De la même
manière, le pouvoir a tout à fait raison d'être sur le
qui-vive pour veiller à ce que les libertés retrouvées au
sortir des conférences nationales ne soient pas
interprétées comme devant réduire le gouvernement au
silence ou le reléguer à un rôle de figurant sur la
scène politique nationale. Il ne saurait non plus être question
d'ériger, en principe, l'idée déjà
controversée d'une prépondérance de la voix du
gouvernement dans les médias officiels ; ce qui ne ferait qu'aggraver le
caractère suspect de l'information officielle. Rien ne vaut la
vérité qui équivaut ici à une restitution
fidèle des faits, non pas tels qu'on souhaite les voir mais plutôt
comme ils se présentent.
En clair, on ne cesse pas d'être journaliste
crédible lorsqu'on s'applique à rapporter fidèlement les
actions et les performances du gouvernement et que l'on se fait le devoir
d'expliquer à l'opinion publique les intérêts et les
objectifs poursuivis. Honnêteté oblige, à défaut de
l' «impossible» objectivité qui est pourtant perçue
sous certains cieux (Etats-Unis d'Amérique), comme la marque du
journaliste compétent et expérimenté.
Pour avoir oeuvré, parmi tant d'autres acteurs, au
difficile accouchement de la démocratie, l'on comprend que les
journalistes béninois veuillent bien être les témoins de sa
gestion et de sa croissance. Car, dans le processus de démocratisation,
forcément progressif et continu, où rien n'est
définitivement acquis, les journalistes plus exposés que
d'autres, savent qu'ils n'ont pas intérêt à ce que les
choses s'arrêtent en si bon chemin.
Heureusement qu'avec liberté d'expression, la presse ne
se fait pas prier pour forcer la main à un pouvoir qui ne prend
presque jamais tout seul l'initiative du changement, même parfois
lorsqu'il s'agit de prescriptions constitutionnelles. On retiendra par
exemple que l'installation, le 07 juin 1993, au Bénin,
de la Cour constitutionnelle est, dans une certaine mesure, le résultat
d'un battage médiatique auquel s'est livrée la presse,
s'illustrant ainsi dans son rôle de relais et de porte voix de la
volonté populaire. Aussi, s'est-elle impliquée dans la campagne
de harcèlement politique ayant conduit au remaniement du 07 septembre
1993.
Autant de raisons de penser que la presse est un
élément régulateur de la démocratie. De la
qualité de la presse, dépendent la qualité et l'avenir de
la démocratie, qui à son tour est également tributaire de
la liberté d'expression et de la faculté des journalistes
à en jouir de façon responsable.
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