Impact de la gestion participative sur les densités et effectifs des populations animales dans l'unité technique opérationnelle de la Benoue au Nord-Cameroun: Cas des ZIC N?°1 et 4 et du Parc National.( Télécharger le fichier original )par Maurice MENDJEMO Université de Liège - Master Complémentaire en Gestion des Ressources Animales et Végétales en Milieux Tropicaux 2009 |
CHAPITRE IV : MATERIEL ET METHODES
4.4. Proposition des mesures complémentaires d'atténuation et/ou de bonification du système de cogestion mis en place. Sur la base des leçons tirées des expériences de cogestion réalisées en Namibie, en Zambie, au Mozambique et au Burkina Faso d'une part, et partant des propositions faites par les parties prenantes consultées, la cogestion des ZIC nécessite, pour être efficace, que certains leviers d'intervention soient pris en compte : les préoccupations des populations environnantes doivent être au centre de la gestion et l'éradication de la pauvreté doit être la clé de voûte de toute action de conservation. CHAPITRE V : RESULTATS ET DISCUSSIONS 5.1. Situation actuelle de la faune dans les ZIC 1 et 4 5.1.1. Effectifs et densités des populations animales Le tableau ci-dessous nous donne une idée de la richesse spécifique du PNBé et des ZIC 1 et 4. Tableau I : Diversité des espèces animales observées dans la zone.
+ catégorie A : espèces intégralement protégées + catégorie B : espèce partiellement protégées + catégorie C : espèces particulièrement protégées. Leur capture et leur abattage sont réglementés suivant des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la Faune. D'une manière générale, la richesse spécifique du PNBé et des ZIC 1 et 4, est évaluée à vingt six (26) espèces de grands et moyens mammifères répartis en six (6) ordres qui sont : les primates, les artiodactyles, les lagomorphes, les proboscidiens, les tubulidentés et les carnivores. Donfack et al, (2004) signalent la présence de 39 espèces de mammifères dans la zone, y compris les mammifères de petite taille comme le rat de Gambie (Cricetomys gambianus) et le lièvre d'Afrique (Lepus crawshayi). Certaines espèces à moeurs particulières (hippopotame, oryctérope et la plupart des carnivores) sont difficilement rencontrées lors des dénombrements car ils sont journaliers et certaines espèces nécessitent des méthodes d'inventaire spécifiques. Parmi les espèces dénombrées, sept (Colobe guéréza, Lion, Panthère, Oryctérope, Girafe, Eléphant et Hippopotame) sont classées au Cameroun dans la classe A (Loi N° 94/01 Du 20 Janvier 1994, portant régime des forêts, de la faune et de la pêche), c'est-à-dire parmi les espèces rares ou en voie d'extinction. Elles bénéficient par conséquent d'une protection intégrale, tandis que onze autres espèces sont de la classe B et sont à cet effet partiellement protégées et peuvent par conséquent être chassées. Parmi cette dernière classe se recrutent l'élan de derby et le buffle qui sont des espèces phares pour la chasse sportive. L'estimation de la densité et de l'effectif a été possible pour huit espèces suffisamment observées. Le tableau II ci-dessous présente les densités et les effectifs estimés à un seuil de confiance de 95% au moyen du Programme Distance. Tableau II : Densité et effectif des animaux suffisamment représentés dans le PNBé et les ZIC 1&4
Il ressort clairement de la figure 6 que le Cobe de Buffon est l'espèce la plus représentée dans le parc et les ZIC 1 et 4 avec 36% des effectifs observés. Il est suivi du Babouin qui est de moindre importance pour la chasse sportive et le tourisme de vision. Cette prolifération du Babouin serait favorisée par la culture musulmane qui interdit la consommation de la viande des primates. Phacochère Hippotrague Bubale Céphalophe à flanc Babouin Céphalophe de grimm Cobe de Buffon Guib harnaché Figure 6 : Proportion des animaux suffisamment représentés dans le PNBé et les ZIC 1&4 Les espèces telles que le Guib harnaché, le Céphalophe à flanc roux, et le bubale ont une faible densité : ceci serait dû au fait qu'elles subissent une forte pression humaine (chasse sportive, chasse villageoise, braconnage, destruction de la végétation) ou que leur dynamique de population (reproduction) est différente. Leur format plus petit les rend vulnérables à la chasse villageoise car ils sont facilement transportables et dissimulables par les petits chasseurs. 5.1.2. Indice kilométrique d'abondance des espèces observées Le programme Distance ne peut fournir des estimations que pour des espèces fortement représentées. Pour celles insuffisamment dénombrées, nous avons utilisé les indices kilométriques d'abondance. Le tableau III donne à cet effet les indices kilométriques d'abondance pour les espèces dont les observations n'ont pas permis une analyse sur Distance. Tableau III : Valeur d'IKA pour les espèces de faibles densités observées dans la zone en comparaison avec celles obtenues en 2006 dans la même zone
* Aucune donnée Les valeurs d'IKA varient selon les espèces mais ces IKA sont assez importantes (1 à 7 individus pour 100 km de transects parcourus) pour certaines espèces telles que le Redunca, l'élan de derby, le buffle et même l'éléphant. D'autres espèces par contre, ont un IKA très faible, environ 0,2 contacts pour 100 km de distance parcourue. Cependant, lorsqu'on considère les ZIC et le parc pris individuellement, et vu la surveillance du parc, ce dernier semble avoir des valeurs d'IKA plus élevées car, les ZIC sont les aires protégées habitées et les activités humaines évoluent au détriment de l'habitat de la faune. D'autre part, la chasse sportive occasionne le déplacement des animaux vers les zones les plus sécurisées, ce qui emmène les animaux à se réfugier davantage dans le parc où ils trouvent plus de sécurité. 2 Valeurs obtenues par Tsakem en 2006 3 Inventaire PNBé et ZIC 1&4, 2008 5.1.3. Evolution des densités, effectifs et de l'abondance relative des principales espèces depuis 1975 Le tableau IV présente l'évolution des densités et des effectifs entre 1975 et 2008. Tableau IV : Comparaison des densités animales et des effectifs de quelques grands mammifères dans la zone entre 1975 et 2008
* Observations insuffisantes. La connaissance des différentes techniques de recensement utilisées est nécessaire pour une meilleure analyse de ce tableau. En effet, tous ces dénombrements ont utilisé la technique des transects linéaires, mais cette technique a évolué suite à une maîtrise de son application sur le terrain et le strict respect de ses règles. Il est aussi impérieux de savoir que ces différents dénombrements ont eu des taux d'échantillonnage différents. Les trois derniers dénombrements ont été faits aussi bien dans le parc que dans les ZIC 1 et 4 (soit 2601,92 km2 de superficie totale) alors que les deux premiers n'ont couvert que le parc uniquement (1800 km2 de superficie). Le biais réside ici dans le fait que le parc et les ZIC ayant des statuts et vocations différents, ne devraient pas constituer une même entité dans les analyses et interprétation des résultats. Le second obstacle est la difficulté d'utilisation du programme Distance. 4 Stark, 1977 5 WWF & FAC, 1998 6 Gomsé & Mahop, 2000 7 Tsakem S., 2006 8 Résultats présent inventaire Le tableau IV montre que les populations des bubales et des Cobes de Buffon sont les plus importantes. Il apparaît très clairement sur ce tableau que les effectifs des populations animales ont considérablement baissé entre 1975 et 2008. Toutefois, le Cobe de Buffon fait exception car sa population s'est accrue entre 1975 et 2000 passant de 2850 à 12229 individus, puis a connu une baisse drastique (5113 individus) entre cette période et 2004 avant de connaître de nouveau une augmentation de plus de 200% en 2008. Ceci s'expliquerait soit par les apports des mesures de cogestion soit par les biais des observations faites dans les années antérieures. La population des bubales a également connu une croissance spectaculaire de 1975 à 2000, passant de 3000 à 27418 individus en 2000 avant de connaître une chute entre 2004 et 2008. Le danger d'extinction des espèces phares de la chasse sportive semble réel. Leurs observations toujours faibles ne permettent pas au logiciel Distance d'estimer leur densité. L'hypothèse d'accroissement des espèces en voix d'extinction dans la zone de la Bénoué comme fruit de la gestion participative semble donc infirmée pour le moment. Les pressions de braconnage et les extensions des surfaces cultivables demeurent toujours problématiques. Les effectifs du Phacochère, malgré son caractère grégaire, et du Guib harnaché sont en baisse sensible. Dépendante, la population des Babouins a presque doublé en 10 ans (1998 à 2008). Cette croissance serait non pas le fruit de la gestion participative, mais plutôt celui des habitudes culturelles des populations de la zone d'étude pour qui la consommation de la viande des primates est prohibée. Ce qui veut dire que l'exploitation des caractères culturels peut être un atout pour la conservation de certaines espèces de faune sauvage. En référence aux travaux antérieurs dans la zone d'étude, la tendance des IKA est en général à la décroissance pour la plupart des espèces, à l'exception des primates et de quelques petites antilopes de moindre importance pour la chasse sportive. Il est toujours démontré que la pression de chasse sportive (dans les ZIC) et du braconnage (Hassan, 1998 ; Kirda, 2000 ; Roulet, 2004) constituent toujours un danger pour la conservation du PNBé et des ZIC adjacentes. Les effectifs de l'Elan de Derby, espèce phare pour la chasse sportive dans la zone, ne cessent de décroître au fil des ans. La régression arithmétique est la même pour le buffle, laissant craindre une disparition rapide, à l'instar du rhinocéros, dans la zone de la Bénoué. 5.1.4. Structure d'âge et sexe des animaux Le tableau V présente les structures des groupes - rapport jeune/adulte et rapports de sexe - de quelques mammifères du PNBé et des environs. Tableau V : Structures des groupes, rapport jeune/adulte et rapports de sexe de quelques mammifères du PNBé
Il ressort de ce tableau que les animaux grégaires (Cobe de Buffon, Bubale, phacochère, etc.) ont une population relativement jeune contrairement aux espèces solitaires (Céphalophe, Guib harnaché). Le grégarisme est important pour la multiplication de l'espèce car elle favorise le contact mâle et femelle lors des chaleurs. Les femelles constituent le socle de renouvellement d'une population pérenne. Les effectifs du Cobe de Buffon reflètent le dynamisme de sa population : 41 mâles pour 100 femelles, ce qui est encourageant sur l'évolution positive future de la population. Le cas de l'Ourébi est plus incertain dans la mesure où le sexe ratio est de 1. Cependant, le fait que la structure de la population soit relativement jeune, témoigne probablement de l'insuffisance des observations et confirme le biais des résultats. Si les observations sont proches de la réalité, il s'en suit que l'Ourébi est également sur la voie de l'extinction. L'analyse est la même pour le Guib Harnaché, l'hippotrague, le céphalophe à flanc roux et le céphalophe de Grimm qui présentent une structure à dominance mâle. Ces ratios corroborent une fois de plus les menaces d'extinction qui pèsent sur la faune du PNBé et de ses environs. 5.2. Nouvelle géométrie de la gestion participative et de préservation de la faune 5.2.1. De la gestion coercitive à la cogestion Par le passé, les ZIC 1 et 4 étaient gérées en régie par le ministère en charge des forêts et de la faune, représenté sur le terrain par le conservateur du parc. Cette forme de gestion était coercitive et la relation entre conservateur et populations riveraines était conflictuelle. Les populations locales étaient exclues du processus et n'avaient que des obligations : conserver la faune et la biodiversité. Elles étaient les gardiens des ressources naturelles mais privées d'exploitation du moins sur le plan de la législation forestière. Cette forme de gestion n'a fait que contribuer à la dégradation des ressources naturelles. L'Etat, pour pallier à cette situation, a pensé à une forme nouvelle de gestion des ressources qui associe les populations riveraines : l'Arrêté N°0580/A/MINEF/DFAP/SDF/SRC du 27 août 1998, a fait des ZIC 1 et 4 des zones d'essais de gestion participative ou cogestion9 de la faune entre les populations locales et l'administration forestière. Ce processus de cogestion a démarré timidement en 1998 par la collecte des données bioécologiques et socio-économiques. Il prendra une ampleur particulière entre 2000 et 2002 avec la multiplication des contacts et des réunions explicatives sur le terrain, les négociations et l'apprentissage par l'action. Cependant cette cogestion est effective sur le terrain depuis 2004. Une structure ultra villageoise par ZIC a été créée, avec l'accord de tous les partenaires (Etat, population locale, SNV, WWF, ...) : le comité villageois de la faune (CVF) constitué de cinq représentants de chaque village des ZIC 1 et 4. L'ensemble des comités villageois de la faune de chaque ZIC (4 villages pour la ZIC 1 et 5 villages pour la ZIC 4) se regroupe au sein d'une union des comités villageois de la faune (UCVF). Les deux membres de l'UCVF siègent dans le comité de gestion (COZIC) avec les responsables du MINFOF. Ces structures locales de gestion ont élaboré un statut et un règlement intérieur et se sont légalisées comme association au niveau de l'administration. Une Assemblée Générale, tenue annuellement, est l'organe décisif de ces structures. Chacune des deux comprend un bureau exécutif de cinq membres nommés pour deux ans et qui gèrent quotidiennement l'association. L'UCVF est le premier responsable de la gestion des retombées financières de la chasse sportive pour les activités de développement dans la zone (50% des taxes de location et 50% des taxes d'abattage proposées). Elle devrait s'occuper également de la répartition de la rétrocession de la viande de chasse sportive, de l'accueil des chasseurs sportifs dans les ZIC, de la désignation des pisteurs et porteurs aux chasseurs sportifs de la zone. Dans le cadre de cette cogestion, en a résulté la subdivision de la ZIC 1 et 4 en trois zones distinctes : des zones de conservation de la biodiversité, des zones à usage multiple (ZUM) pour les activités agro-sylvo-pastorales des populations et des couloirs de transhumance pour réguler l'élevage dans la zone. 5.2.2. Faiblesses du système de cogestion mis en place Malgré la bonne volonté des parties prenantes (MINFOF, populations locales, communautés et collectivités locales, SNV, WWF), le processus de négociation à été très perturbé par l'instabilité de certains membres de l'équipe chargée de son élaboration, ce qui a créé un climat de méfiance entre ces parties prenantes. Il y a eu baisse de motivation des populations rurales. Cette lenteur a installé le doute et les opposants en ont profité pour mettre en cause le travail en cours ou celui déjà abattu, de même que les résultats déjà obtenus. A cette lenteur, s'est ajoutée l'indisponibilité des agents du 9 Forme de gestion participative, où la population riveraine d'une zone de chasse protégée collabore avec le conservateur de cette zone afin de trouver une gestion durable des ressources naturelles de la zone qui est avantageuse pour tous les deux partenaires. (Stellingwerf, 2002) Ministère des forêts et de la faune (MINFOF) à certains moments et même leur affectation. Hors, chaque fois qu'un maillon important (délégué provincial ou conservateur) est affecté le processus est ralenti. Du côté des paysans, il est à noter qu'ils mènent une vie sociale non planifiée (deuils, visites au chef...). Entre mai et janvier, consacrés aux travaux champêtres, la participation aux réunions est faible, ce qui engendre les mêmes effets que les affectations des agents du MINFOF à savoir une répétition des discussions et une réinstauration difficile de la confiance. Les migrations continues dans la zone constituent également de véritables obstacles au processus de gestion mis en place. Chaque année, la zone connaît des migrations importantes favorisées le plus souvent par les chefs du village et la SODECOTON. De plus, chaque processus qui touche les intérêts de certains acteurs crée des oppositions. Les braconniers ne trouvent pas de sources de revenus complémentaires, les chefferies voient leurs taxes traditionnelles diminuer. Après que les négociations soient achevées, l'application des mesures de cogestion convenues n'a pas été respectée. Les safaris ont été organisés sans impliquer les UCVF. La viande issue de cette chasse n'arrivait pas au niveau des UCVF comme prévu. En effet, cette proposition était utopique car le chasseur est libre de la gestion de son produit de chasse. Il s'agit là d'une limite de cette approche qui consiste à faire des propositions pour attirer la sympathie des populations, sans toutefois s'assurer de l'efficacité de ces propositions. La construction concrète du campement de Bel Elan n'avançait pas au rythme souhaité par la population. Après l'achèvement de sa construction et son équipement par la SNV, le campement a été pillé par la population. La coupe de bois augmentait sans que les UCVF ou le personnel du MINEF interviennent. Il y avait des permis illégaux de collecte de viande de chasse et de bois signés qui circulaient dans les ZIC 1 et 4. L'immigration dans la zone s'intensifiait encore et la plupart des corridors ont été violés. La case de santé prévue à Sakdjé n'a jamais été équipée, ce qui a contribué à nourrir davantage la résistance. L'autre faiblesse de cette cogestion relève du cadre institutionnel et juridique en matière des forêts et de la faune au Cameroun. Certes les lois et les textes concernant la gestion participative des ressources naturelles sont très avancés. Toutefois, il est clair que la loi et les textes actuels n'ont pas prévu ou tenu compte de plusieurs aspects du terrain. D'un autre côté, ils sont basés sur la situation de la forêt humide au Sud du Cameroun. Les mesures de cogestion qui ont été convenues pendant le processus dans les ZIC 1 et 4 ont le plus souvent été négociées en tenant compte de ces aspects. Vu le statut expérimental du projet et du processus de cogestion dans les deux zones, certaines mesures ont introduit des règles non décrites dans les lois en vigueur (Partage des redevances des ZIC en régie). D'autres dépassent les limites légales en vigueur. Deux choses introduites sont la redevance des taxes de location et les taxes d'abattage aux UCVF. Or, la chasse communautaire proposée n'existe pas dans les textes et est strictement interdite dans les ZIC. 5.2.3. Echelle limite d'implication des communautés locales à la gestion des ZIC Vu la persistance du braconnage malgré l'implication des communautés riveraines à la gestion des aires protégées, il est urgent que de nouvelles manières de penser se mettent en place. Des mesures doivent être envisagées pour sortir les populations riveraines des aires protégées de la pauvreté. La satisfaction des besoins du futur est en effet secondaire pour une population non auto-suffisante sur le plan alimentaire. Des alternatives au développement du braconnage doivent être envisagées pour améliorer l'autosuffisance alimentaire des populations locales. Il ne peut en effet y avoir de gestion saine de l'environnement tropical sans prise en compte des êtres humains qui en vivent et sans leur assurer un avenir décent (Bahuchet et al., 2000). 5.3. Développement d'alternatives au braconnage : promotion de l'élevage du gibier Quel schéma durable proposer face au constat que même la participation des populations locales ne freine pas le braconnage ? La participation répond-t-elle à une demande ? Pour lutter contre le braconnage, il est impérieux de proposer aux populations locales des sources de revenus viables et durables qui peuvent compenser les revenus tirés de cette activité. Au Cameroun, le ministère en charge des forêts et de la faune, celui en charge de l'élevage et les organisations non gouvernementales concernées admettent que la sauvegarde de la faune sauvage passe par le développement des alternatives au braconnage. L'aulacodiculture est notamment encouragée dans ce contexte. Elle est pratiquée aujourd'hui dans 9 régions sur dix (Engamba, 2007) et suscite un réel enthousiasme au sein des populations camerounaises, au vu de l'évolution des effectifs depuis 2002. Tableau VI : Développement de l'aulacodiculture au Cameroun de 2002 à 2007
Source : Engamba, 2007 L'aulacodiculture, si elle est bien gérée, peut en effet être économiquement plus rentable que l'élevage de beaucoup d'espèces conventionnelles. Le schéma ci-dessous indique la production possible d'une aulacodine par an. Mois 1 Mois 6 Mois 12 4 kg 0,65 kg x 4 3 kg x 4 = 14 kg de viande environs par aulacodine par an, soit un indice de productivité pondérale (kg de jeune par kg de femelle) d'environ 3,65 par an. Le tableau ci-dessous donne des résultats déjà enregistrés au niveau de la ferme de démonstration de Wédbila au Burkina-Faso Tableau VII : Bilan de flux d'une aulacodiculture au Burkina-Faso (Ferme de démonstration de Wédbila)
Source : ( http://www.bf.refer.org/faune/chapitre6.html#aulacodiculture) La motivation des populations pour un tel élevage ne peut découler que d'un exemple réussi initié par les ONG de conservation comme le WWF et la SNV dans la région car le succès constitue une source de motivation pour les populations. En créant une ferme de démonstration, ils réduiront le désoeuvrement des jeunes et par conséquent, réduiront la pression sur les ressources car cette pression ne naît que du besoin de survie. Les projets de développement devraient par ailleurs financer en guise d'encouragement les jeunes qui aimeraient se lancer dans une telle activité en leur apportant une assistance technique et en leur octroyant des géniteurs au début. 5.4. Transformation d'une des ZIC en game ranching pour une rentabilité plus accrue En plus de l'élevage d'aulacodes, des espèces menacées d'extinction peuvent être élevées dans la Bénoué comme c'est fait dans beaucoup de régions au monde. Le rhinocéros aujourd'hui disparu pourrait être réintroduit dans une ZIC de l'unité technique opérationnelle (UTO) de la Bénoué, et mieux contrôlé afin de favoriser sa reproduction. Pour ce faire, une population de rhinocéros doit impérativement être importée là où il y en a (Botswana, Afrique du Sud, Namibie, Kenya et Tanzanie). Cette population sera multipliée et suivie en captivité d'abord puis progressivement relâchée dans le parc et les ZIC. Cette réintroduction est d'autant plus réaliste que la zone de l'UTO de la Bénoué constitue l'aire de répartition naturelle du rhinocéros et que ses conditions de reproduction sont aujourd'hui maîtrisées. Les enjeux multiples de réintroduction d'une telle espèce justifient son élevage. Le rhinocéros fait partie des « Big 5 »10 africains et ses trophées sont recherchés. Le développement du game ranching pourrait ainsi contribuer de façon significative au développement du tourisme de vision. 5.5. Obstacles possibles à l'élevage non conventionnel et au game ranching dans la zone Dans les ZIC 1 et 4, les populations ont pendant longtemps été habituées à la consommation de la viande de gibier. Elles sont convaincues que la faune sauvage sera toujours là et que les vastes aires protégées qui les entourent disposent des potentialités illimitées. La principale interrogation est celle de savoir si ces populations auront un intérêt à réduire le temps alloué aux activités agricoles pour se consacrer à l'élevage du gibier qui nécessite des moyens financiers assez important, alors que la nature leur offre déjà cette ressource. L'élevage des petits ruminants pourrait ne pas intéresser le braconnier, car il préfère le gros gibier qui lui donne beaucoup de viande. Cependant, pour une population qui vit au seuil de la pauvreté comme celle riveraines de la Bénoué, la rentabilité financière de l'activité, si elle est substantielle, pourrait être une motivation. Les ONG et les autres partenaires ne doivent pas 10 Expression utilisée dans le passé par les chasseurs pour indiquer les animaux les plus dangereux d'Afrique (Lion, Léopard, Eléphant, Rhinocéros et Buffle). Aujourd'hui le terme indique la faune sauvage et passionnante qu'on puisse voir pendant un safari en Afrique seulement les aider à élever, mais aussi à écouler les produits issus de cet élevage dans les grands centres urbains. Enfin, la réintroduction du rhinocéros n'offre pas de garantie pour sa conservation. Vu les enjeux multiples pour cet animal et la demande énorme de ses cornes, le rhinocéros élevé tout d'abord en enclos pourrait être braconné après sa libération dans le parc si la surveillance est inadéquate. |
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