Dynamique entrepreneuriale en territoire de Lubero( Télécharger le fichier original )par January KASEREKA KOMBI Université catholique du Graben - Licence 2008 |
II.3. APPROCHE HISTORIQUE : DU SALARIAT A L'ENTREPRENEURIATDans cette section, nous analysons la dynamique entrepreneuriale du territoire de Lubero du point de vue historique. Partant du salariat (ou de l'employabilité) à l'entrepreneuriabilité (l'emploi indépendant ou l'emploi autonome). En effet, le salariat ou l'employabilité consiste à un travail rémunéré, un travail dépendant, où on a un employé et un employeur alors que l'entrepreneuriabilité ou l'emploi indépendant représente les activités autonomes où parfois le propriétaire est gestionnaire et employé. Il est l'homme orchestre ; c'est lui-même qui fournit le capital et gère au quotidien son activité. C'est un fruit de l'initiative individuelle. Pour l'OCDE 82(*)(2000), « un emploi indépendant est un emploi dont la rémunération est directement liée aux bénéfices et dont le titulaire prend les décisions de gestion affectant l'entreprise ou est tenu pour responsable de la bonne santé de l'entreprise ». Il n'y a donc souvent pas de relation employeur-employé. On crée pour son propre compte et on gère soi-même. Ainsi, en territoire de Lubero, on est passé de l'employabilité à l'époque coloniale via l'agriculture à l'entrepreneuriabilité vers les années 1990 et plus précisément pendant la guerre. Nous ne donnons pas les analyses de la période précoloniale suite au manque des données chiffrées. Cela ne signifie pas qu'il n'existait pas d'entrepreneuriat ou d'initiatives avant cette période. Nos analyses commencent à partir de 1930, car c'est à cette date que nous disposons des données. En bref, la dynamique est passée de l'entrepreneuriat formel à l'entrepreneuriat informel ou mieux du salariat à l'entrepreneuriabilité ou la créativité. II.3.1. L'entrepreneuriat colonialPendant la période coloniale, les initiatives entreprises étaient plus l'oeuvre des étrangers ou des colonisateurs en territoire de Lubero. Les « indigènes »83(*)étaient presque inexistants dans le domaine entrepreneurial. Ils étaient travailleurs des colons et occupaient des postes des vendeurs dans des établissements commerciaux des ces colons. Ils étaient « boys », cantonniers, ouvriers de ces colons,... Ainsi, les cadres étaient plus des blancs, les noirs n'ayant pas pour un bon nombre de formation scolaire. Les entreprises étaient plus créées par les belges, les grecs, les anglais, les français,... Le tableau ci-après permet de visualiser la dynamique entrepreneuriale pendant cette période coloniale. Nous avons eu seulement les données chiffrées pour ces 6 années. Les archives du service de l'économie territoire de Lubero ne contiennent pas les données de toute la période coloniale. Tableau n°5 : tableau numérique des établissements exerçant leurs activités en territoire de Lubero : 1930, 1935, 1936, 1937, 1943 et 1944.
Source : Archives, service de l'économie, territoire de Lubero.
Il ressort de ce tableau qu'en 1930, les entreprises implantées en territoire de Lubero étaient uniquement belges (la Belgique étant le pays colonisateur). Il y a eu au total 7 établissements exerçant leurs activités en territoire de Lubero en 1930. Ainsi, de ces 7 établissements, 3 étaient des établissements commerciaux qui s'occupaient de l'achat de l'ivoire ; 1 seulement dans le domaine agricole (cultures vivrières pour le ravitaillement du territoire) et 3 autres établissements industriels (briqueterie et menuiserie, garage de la MGL). Ainsi, en 1930, aucun indigène n'a figuré parmi les entrepreneurs de cette époque. L'entrepreneuriat était totalement belge. Après 5 ans, soit 1935 ; les établissements indigènes sont restés inexistants. Mais, pour les non indigènes, on a pu constater l'arrivée de certains autres entrepreneurs autres que belges notamment les anglais, les grecs et les asiatiques. Les belges ont augmenté leurs investissements dans les établissements industriels passant de 3 en 1930 à 13 établissements en 1935. Dans les domaines commerciaux, les établissements belges ont diminué passant ainsi de 3 à 2 dans l'espace de 5 ans. Ce commerce était surtout un commerce de traite. Ainsi, en 1935, on a eu 15 établissements belges (industriels, commerciaux) soit 60 % des établissements établis en territoire de Lubero ; 1 établissement industriel anglais (4 %) ; 7 établissements grecs (28%) et 2 établissements asiatiques (2%) soit un total de 25 établissements de non indigène contre aucun établissement indigène. Les congolais ne sont pas encore visibles dans les activités commerciales. Une année après, soit en 1936, les établissements belges sont passés de 15 à 19 (soit 48,72 %) ; les anglais avec 1 seul établissement. Les grecs ont augmenté leurs établissements passant ainsi de 7 en 1935 à 15 établissements en 1936, soit une augmentation de plus du double dans l'espace d'un an. Les asiatiques ont aussi augmenté leurs établissements de 2 à 3 établissements. Les français aussi ont été visibles pendant cette année avec 1 établissement commercial. C'est au cours de cette année que le commerce de traite s'est développé considérablement. Au cours de l'année 1937, la situation n'a pas bougé par rapport à la précédente, les établissements des noirs restent toujours invisibles. Est-ce parce qu'ils manquaient d'esprit d'entreprise. Les établissements belges sont passés ainsi de 19 à 21 établissements à l'espace d'un an, ceux des britanniques de 1 à 5 établissements (avec 1 seulement industriel), les établissements français de 1 à 3 établissements alors que les grecs n'ont eu toujours que 14 établissements. Tous ces établissements grecs étaient commerciaux. Les grecs ont plus investis dans le commerce que dans l'industrie, comme les asiatiques avec toujours 3 établissements en 1937. Ainsi, sur 39 établissements existants en territoire de Lubero en 193, 21 établissements étaient commerciaux, 17 industriels et 1 seulement commercial et industriel84(*). Vers les années 1943 et 1944, l'engouement a été observé avec l'arrivée des sud-africains, des russes, des portugais. Mais les belges et les grecs ont eu toujours le dessus avec respectivement 36 et 24 établissements en 1943 et 44 et 27 établissements en 1944 sur un total de 73 et 74 établissements pour les années respectives. En somme, on est passé de 7 établissements en 1930, 25 établissements en 1935, 39 établissements en 1936, 46 établissements en 1937, 76 établissements en 1943 et enfin 90 établissements non indigènes en 1944. Ainsi en 1944, les belges avaient 44 établissements dont 1 dans le commerce et industrie, 3 dans le domaine agricole et industriel, 12 dans le secteur commercial, 11 dans l'agricole et 16 dans le domaine industriel. Les grecs quant à eux avec 27 établissements étaient plus dynamiques dans le secteur commercial avec 24 établissements commerciaux et 3 établissements agricoles. Les britanniques avaient 1 établissement commercial, les sud-africains 3 établissements industriels et commerciaux, les luxembourgeois 2 établissements : un commercial et un autre agricole. Les portugais avaient 3 établissements commerciaux, les russes avec 1 établissement agricole et enfin les américains avec aussi deux établissements agricoles. Sur 83 établissements non indigènes existants en 1944, on avait un seul établissement industriel commercial et agricole (belge), deux établissements commercial et agricole, 19 établissements commercial et industriel, 5 établissements agricoles et industriels, 20 établissements commerciaux, 19 établissements agricoles et 17 établissements industriels. On remarque que les colons ont plus entrepris dans le commerce que dans l'industrie. Or, le commerce est vulnérable à la conjoncture économique nationale que mondiale. Néanmoins, on constate que c'est vers les années 1943 que les indigènes commencèrent aussi à entreprendre. En 1943, on a 4 indigènes congolais qui se lacent surtout dans le commerce de traite85(*) et dans le secteur agricole (1 établissement agricole d'un indigène). Les établissements indigènes commerciaux sont passés de 4 à 6 de 1943 à 1944 alors que l'établissement agricole est resté le seul (plantation café). Etant donné l'existence de ces établissements agricoles, industriels et commerciaux en territoire de Lubero, les indigènes ont été employés dans ces établissements. Ils devraient donc occuper quelques postes dans ces établissements ou devenir ouvriers des colons. De même, le traçage des routes était une des préoccupations des colons pour faciliter l'évacuation de leurs produits vers les centres de commercialisation qui étaient à l'époque Butembo, Bunia, Beni,... Ainsi plusieurs personnes devaient y travailler. Par rapport à l'implantation d'établissement dans divers secteurs pendant différentes années, nous avons le tableau ci-dessous : Tableau n°6 : Nombre d'établissements selon les secteurs d'activités.
Source : nos calculs Il ressort de ce tableau que ce sont les 4 derniers types d'établissement ou d'activités qui étaient plus entrepris par les colons c'est-à-dire les domaines commerciaux et industriels mais aussi agricoles. Ainsi on constate que de 1930 à 1937, les établissements industriels, commerciaux et agricoles ; les établissements industriels et agricoles ; les établissements commerciaux et agricoles n'étaient pas visibles pendant toute cette période et même jusque 1943 pour les premiers types d'établissements. Ce sont surtout les établissements commerciaux et les établissements industriels qui ont été plus créés pendant la période coloniale. Ainsi, on est passé de 4 à 17 établissements industriels de 1930 à 1944 et pour les établissements commerciaux, on est passé de 2 à 26 de 1930 et 1944. Aussi, ce sont ce deux types d'établissements qui ont été visibles pendant toute la période allant de 1930 à 1940. Pour les établissements agricoles, on assiste aussi à une augmentation du nombre d'établissements passant d'un seul en 1930 à 20 établissements en 1940. * 82 OCDE (2000), La renaissance partielle du travail indépendant, Paris, p. 166. * 83 Les gens de couleur noir, les congolais * 84 Rapport économique du 31/12/1937, établissements exerçant leurs activités en territoire de Lubero. * 85 Les quatre indigènes sont : Kabangu Joseph, Abdulahamar, peruzi et Kalumendo qui font tous le commerce de traite. |
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