L'attitude des états de la CEMAC face au conflit de Bakassi et ses effets sur l'institution( Télécharger le fichier original )par Sali Aliyou Université de Dschand - D E A 2008 |
A- Le deal diplomaticostratégique entre la Guinée Equatoriale et le Nigeria.Face aux Etats en compétition120(*) la Guinée Equatoriale, contre toute attente, va s'allier au Nigeria au détriment du Cameroun. Ce ralliement se manifeste par l'entretien des relations diplomatiques entre les deux Etats (1) d'une part et d'autre part par le renforcement des contacts militaires (2). 1-Les relations diplomatiques entre la Guinée Equatoriale et le Nigeria A partir de 1994, soit un an après l'occupation manu militari de la presqu'île de Bakassi, un intense ballet diplomatique s'instaure entre les deux capitales nigériane et équato-guinéene. Ces relations diplomatiques sont variées et se font à deux niveaux : entre les épouses des chefs d'Etats des deux pays et entre ces derniers même. En effet madame Constancia Mangue épouse du chef d'Etat équato-guinéen se rendra en visite officielle à Abuja au courant des années 1994 et 1997 sur invitation de Madame Abacha épouse du président nigerian. Dans la même lancée, le président Equato-guinéen Téodoro Obiang Nguema Mbasogo se rendra à Abuja et sera reçu les 3 et 4 juin 1998 et les 18 et 19 septembre 1998, respectivement par le chef d'Etat nigerian, le général Sani Abacha et son successeur le général Abdu Salami Abubakar. Ce dernier sera reçu à son tour à Malabo les 21 et 22 avril 1999121(*). Ces multiples rencontres entre les deux chefs d'Etats s'accompagnent des contacts au plan militaire. 2- Le renforcement des contacts au plan militaire entre la Guinée Equatoriale et le Nigeria. Les contacts militaires entre la Guinée Equatoriale et le Nigeria se sont également renforcés pendant le conflit de Bakassi, on a noté l'audience accordée par le président équato-Guinéen au chef d'Etat Major de la Marine Nigériane122(*). Il était question lors de cette rencontre d'octroyer des facilités militaires au Nigeria lui permettant ainsi de poursuivre son encerclement militaire du Cameroun123(*). Ces facilités ont été perçues comme une menace pour la sécurité civile et économique du Cameroun dans son flanc sud.124(*)Il est nécessaire de rappeler que la partie insulaire de la Guinée Equatoriale où se trouve Malabo est celle qui intéresse le plus le Nigeria, Malabo se trouvant à 10 minutes de vol d'avion du port et des installations pétrolières de Limbé125(*) . Le Cameroun devait fortement s'inquiéter de ce deal diplomaticostratégique entre les deux Etats. Mais la Guinée Equatoriale ne va pas s'arrêter là, elle va rallier la cause nigériane devant la Cour Internationale de Justice. B- Le ralliement de la Guinée Equatoriale à la cause Nigériane devant la Cour Internationale de Justice126(*). La Guinée Equatoriale est intervenue devant la CIJ en faveur du Nigeria. Ses intentions étaient claires : elle voulait apporter son soutien au Nigeria. En effet dès 1995, elle a porté plainte contre le Cameroun motif pris de ce que dans leur requête de 1995 auprès de la Cour, les autorités camerounaises revendiquaient un territoire équato-guinéen, la zone pétrolifère de Zafiro en l'occurrence. Elle introduisit une autre requête en juillet 1999 auprès de la Cour demandant que ses intérêts soient pris en considération dans le verdict qu'elle viendrait à rendre dans l'affaire Bakassi. Pour les uns127(*), ces requêtes permettent à la Guinée Equatoriale de devenir directement un acteur du conflit de Bakassi. Pour les autres, la Guinée Equatoriale cherchait à entrer de plein pied dans le litige et ne voulait pas être prise pour un simple témoin128(*). La préoccupation de la Guinée Equatoriale voire son inquiétude se situe à la frontière maritime. C'est au nom de la protection de ses intérêts vitaux qu'elle est intervenue. Pendant le procès129(*) en effet, l'agent de la Guinée Equatoriale, Ricardo Mangue Obama N'Fabé, faisant valoir les arguments de la Guinée Equatoriale, estimait d'une part que « la position du Cameroun devant la Cour Internationale de Justice est radicalement différente de celle adoptée dans le cadre des relations diplomatiques entre les trois Etats voisins et d'autre part que la revendication maritime du Cameroun, dans le cadre d'un litige avec le Nigeria porte préjudice aux intérêts de la Guinée Equatoriale »130(*). La Guinée Equatoriale soutenait aussi que la délimitation de la frontière proposée par le Cameroun empiéterait sur ses intérêts et que la décision de la Cour, si elle faisait droit à la demande du Cameroun lui causerait « un préjudice irréparable » et entraînerait la plus grande confusion ».131(*) Ainsi, la Guinée Equatoriale a demandé à la Cour, de n'accorder aucun crédit à la position camerounaise. A l'observation, on se rend compte que la Guinée Equatoriale a repris les arguments développés par le Nigeria devant les juges de la Cour Internationale de justice. C'est ce qui fera d'ailleurs dire au Professeur Alain Pellet132(*) co-agent du Cameroun que la « Guinée Equatoriale intervient dans cette affaire aux côtés du Nigeria ; elle fait avec lui cause commune »133(*). La Guinée Equatoriale est donc apparue devant la Cour Internationale de Justice comme un allié stratégique objectif du Nigeria au détriment du Cameroun et non comme un tiers au procès. Comment faut-il donc comprendre cette attitude de la Guinée Equatoriale qui porte atteinte au Cameroun, Etat membre de la CEMAC comme elle? * 120 Le Cameroun et le Nigeria. * 121 Chouala (Y.A) Op.Cit p.5. * 122 Ibidem. * 123 Ibidem. * 124 Ibidem. * 125 Ibidem. * 126 V.annexe I. * 127 Koufan Menkene (J.), Tchudjin (C) Op.Cit p.330. * 128 Roitman (J.) et Roso (G.) Op.Cit p.20. * 129 Les débats au fond devant la CIJ ont commencé le lundi 18 février 2002. La Guinée Equatoriale est intervenue le 18 mars de la même année. * 130 Chouala (Y.A) Op.Cit.p.5. * 131 Arrêt du 10 octobre 2002, affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun C. Nigeria ; Guinée Equatoriale (intervenant), paragraphe 284, p. 133. * 132 L'un des avocats du Cameroun. * 133 Cité par Chouala (Y.A) Op.Cit p.6. |
|