2. Problématique, cadre
conceptuel et bibliographie
Considérant cette population en situation de migration
forcée et de dispersion, nous avons été amené
à revisiter le concept de diaspora appliqué à un groupe
ethnique numériquement très faible dans le contexte
régional et local. En choisissant de nous centrer avant tout sur
« l'ici » et sur l'observation des pratiques spatiales, au
cours de la migration et dans la société d'accueil, et celle des
modes d'intégration dans la société d'installation, nous
nous sommes interrogé d'une part sur la nature des liens susceptibles
d'exister avec les autres pôles de la diaspora - lieux et pays de
réinstallation et pays d'origine -, et d'autre part sur le rôle du
contexte dans les rapports aux lieux entretenus par cette population. C'est
pourquoi nous avons choisi d'organiser cette recherche à partir d'une
problématique privilégiant la notion de rapport aux lieux.
v Problématique et axes de recherche
Au cours des ancrages/désancrages successifs des Hmong
en transplantation du Laos en France, quels rapports aux lieux les individus,
les familles, le groupe ont-ils entretenus et entretiennent-ils
aujourd'hui ? Qu'en est-il dans un contexte d'une très petite ville
où le nombre de familles appartenant à cette communauté
est particulièrement réduit ? Ces rapports aux lieux
révèlent-ils le maintien d'un lien avec le pays d'origine et
l'existence d'une diaspora ?
Cette recherche a été menée selon trois
axes qui ont permis le recueil de données à la fois quantitatives
et qualitatives : le premier est à dominante démographique,
le second prend en compte la dimension spatio-temporelle de la migration, le
troisième concerne les « espaces vécus »,
réels ou idéels.
Le premier axe de recherche vise à repérer et
quantifier l'objet d'étude, et à analyser son implantation dans
le contexte urbain d'installation. Le recensement des membres de la
communauté Hmong du Maine-et-Loire, qui semblait être le
préalable indispensable, n'a pas été possible pour les
raisons énoncées plus haut. Il aurait permis de spatialiser son
implantation au niveau départemental et de vérifier l'existence
de foyers polarisant cet espace. Ce travail a été mené
exclusivement à l'échelle de la commune de Montreuil-Bellay, dont
le choix peut, a priori, paraître arbitraire : nous nous sommes
interrogé sur les raisons de la présence, dès les
années 1980, d'une communauté hmong dans une très petite
ville, fait unique dans l'histoire migratoire de cette commune. Une
réserve doit cependant être émise quant à la
fiabilité des données numériques sur le temps long, car
nous sommes en présence d'une population toujours mobile, en particulier
en ce qui concerne les individus de la deuxième
génération. Cette première étape a également
permis de recueillir des données sur les compositions familiales et les
caractéristiques socioprofessionnelles des individus, et de mieux
connaître les niveaux d'intégration sociale dans la
société d'accueil. Cela conduit à s'interroger sur
d'éventuelles variations selon l'âge et le sexe.
Le deuxième axe porte sur
l'observation des étapes migratoires : originaires du Laos, ces
familles ont, au cours de leur exil, suivi des trajectoires migratoires
diverses, partant de multiples villages, passant des camps de
réfugiés thaïlandais aux centres d'accueil dans les pays de
destination, avant de s'ancrer dans un lieu résidentiel, de
manière durable mais pas forcément définitive. Nous avons
pu ainsi étudier la part d'initiative individuelle dans les choix
résidentiels, toutefois relative dans le cadre de cette transplantation
forcée. Parallèlement, il a été possible de
superposer sur cette mobilité résidentielle les évolutions
de la cellule familiale (mariage, naissances, décès) au cours de
la migration. Enfin, nous nous sommes interrogé sur les
opportunités et les moyens qui avaient facilité les regroupements
communautaires. Quel avait été le rôle des acteurs
institutionnels ? Fallait-il voir dans la présence de cette
communauté la marque de l'existence d'un lien direct avec les
communautés villageoises d'origine et pouvait-on parler de
« villages-bis » ?
Le troisième axe concerne
les « espace vécus » qu'ils soient matériels
ou idéels et symboliques. Installés dans le Maine-et-Loire depuis
plus de vingt ans, les Hmong se sont approprié des espaces et ont
construit des territorialités spécifiques multiscalaires :
le logement, le quartier, la ville, le département... Selon quelles
modalités ces « espaces vécus »
s'articulent-ils et se hiérarchisent-ils aujourd'hui pour l'individu, la
famille et le groupe ? Existe-t-il des liens avec les populations des
villes voisines et celles vivant dans les autres espaces de la diaspora et en
particulier dans le pays d'origine ? Quelle est la nature de ces
liens ? Quel attachement les individus ont-ils avec ce pays d'origine
selon les générations ? Telles sont les questions
principales que nous avons été amené à nous
poser.
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