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Réfugiés Hmong à  Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) - rapports aux lieux et diaspora

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par Pilippe MICHEL-COURTY
Université de POITIERS - Migrinter - Master 2 2007
  

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v Les Hmong, un groupe ethnique

Longtemps utilisé par les Hmong eux-mêmes pour s'autodésigner - Hmong figure dans la liste des prénoms choisis pour les garçons de certaines familles - ce terme renvoie à une identité ethnique. Il peut être pris dans une double acception : l'homme, à savoir le représentant de l'humanité, et le montagnard, celui qui vit « en-haut ».

Descendants des San Miao, les Hmong ont progressivement quitté le bassin du fleuve Jaune pour les montagnes du centre et du Sud de la Chine, spécialement la région du Guizhou, d'où ils ont été repoussés au cours du XIXe siècle vers la péninsule indochinoise. Sur le plan linguistique, ils ne constituent qu'une branche des populations que les Chinois ont appelées Miao. Ce terme correspondait à une vague catégorie, quelque chose comme  « aborigènes », utilisée pour classer ceux qui n'étaient pas Han dans la Chine du Sud. Etre appelé Miao-tse au début du XXe siècle en Chine, écrit avec la clef du chien8(*), était particulièrement méprisant. En mandarin, ce terme signifie actuellement « jeune pousse de riz », idée que l'on retrouve, avec une coloration péjorative, chez les Vietnamiens, Lao et Thaï qui les appellent encore Mèo, ce qui signifie « riz cru ».

La dénonciation de pratiques alimentaires vise à catégoriser des populations nomades peu intégrées. D'autre part, selon J. LEMOINE, Miao ou Mèo, homophones du mot « chat sauvage » dans les deux langues, sont à considérer comme des termes péjoratifs9(*). Cet exonyme illustre l'existence de « frontières ethniques » qui, à l'époque, séparent de la société laotienne les populations montagnardes (HASSOUN, 1997). En effet, lorsque le Laos est placé sous protectorat français en 1893, les Hmong sont contraints de s'installer dans des zones montagneuses où la seule technique agraire praticable est l'essartage - ou culture sur brûlis. Cette migration a donné lieu à des interprétations parfois étonnantes, comme celle-ci : « comme c'étaient des gens pacifiques, plutôt que de faire la guerre, ils se sont repliés sur les montagnes du Nord de l'Indochine - d'où leur nom de « Montagnards ». Ils vivent plus facilement sur ces flancs de montagnes où ils cultivent leur pavot » (DUPONT-GONIN, 1980 : 22).

Le terme Hmong entre dans la littérature scientifique de l'école d'anthropologie française, impulsée par Claude LEVI-STRAUSS, grâce à Jacques LEMOINE qui, à partir des années 1960, en fait un sujet de recherche. Dans le contexte politique des années 1970, cette « population sans écriture et sans Etat propre [est] projetée dans l'Histoire moderne » (HASSOUN, 1997 : 15) et dispersée sur l'ensemble de la planète. L'approche scientifique que l'on en a alors est davantage sociologique : sous la plume de J. P. HASSOUN sont publiées plusieurs études portant sur les pratiques culturelles et rituelles des Hmong dans les nouveaux pays d'installation et tout particulièrement en France.

Dans ce même contexte historique, c'est le discours politique, relayé par la presse, qui évoque les Hmong pour dénoncer, au nom des Droits de l'Homme, les persécutions dont ce peuple est l'objet de la part du gouvernement communiste laotien. Régulièrement, la presse française évoque cette situation. Le quotidien Le Monde a consacré, à partir des années 1950, un certain nombre d'articles à cette population10(*). Quelques titres peuvent nous éclairer sur l'évolution de la perception que l'on en a eue : Les Meos (1952), Le pays Meo (1953), Montagnards meo (1959), Plaine des Jarres : colonnes de montagnards meo (1961), Tribus meo (1970), les Mercenaires de Van Pao (1970), Le calvaire du peuple meo, petit peuple des collines transporté de camps de réfugiés en camps de réfugiés (1971), Hmong (1975), Les Hmong dans les Alpes françaises (1979), Les Meos restés au Laos et les Hmong (1980). Comme on peut le constater, si pendant longtemps cette population a été observée à la loupe de l'anthropologue étudiant les Meos, à partir des années 1970, il est question des Hmong, que l'on oppose aux Meos restés au Laos. Avec la dispersion hors des frontières du Laos, on assiste à l'émergence d'une véritable identité hmong englobée jusqu'alors dans le groupe ethnique Meo. Cela est dû en grande partie aux leaders hmong eux-mêmes et aux intellectuels qui ont voulu, pendant la guerre du Vietnam, reprendre le terme ethnique Hmong, inconnu du plus grand nombre, comme on a pu le constater à la lecture de la presse.

Récemment toujours dans la presse, l'hebdomadaire l'Express affirmait : « Les Hmong qui, autrefois, défrichaient les collines pour y planter riz, légumes et pavots sont condamnés, à présent à creuser le sol pour en extraire ces longues racines qu'ils cuiront, recuiront et grignoteront deux ou trois fois par jour... Selon les estimations, entre 5 000 et 10 000 personnes, en majorité des Hmong, dont au moins la moitié d'enfants, répartis en une dizaine de communautés sur le territoire laotien, subissent le même sort »11(*). Les nouvelles technologies de communication et Internet vont alors servir de vecteur à la création d'une identité hmong revendiquée par ces déracinés qui recomposent avec leurs origines et tentent de préserver un héritage. Des sites tels que www.hmongarchives.org et www.hmongstudies.org témoignent de la vitalité de cette population dans la quête d'une reconnaissance identitaire. Nous sommes face à un paradoxe : « une population sans écriture » se trouve aujourd'hui productrice elle-même d'une importante littérature visant à faire connaître son histoire et à promouvoir sa culture et son identité. Est-ce le signe de la vitalité de la diaspora ?

Il existe une carte, établie en 1972 par J. LEMOINE12(*) avant la réunification du Vietnam, permettant la localisation de la population hmong dans le Sud de la Chine et le Nord de la péninsule indochinoise, essentiellement au Laos, Vietnam et Thaïlande (carte n°3). Cette carte montre l'existence de très nombreux foyers de tailles très diverses et leur extrême dispersion sur « un territoire en archipel » (TAPIA, 2005), indépendamment des frontières politiques, et qui, selon l'auteur, à l'époque où il a établi le document, ne devait pas dépasser le 16ème parallèle. Les zones d'implantation des Hmong correspondent aux régions montagneuses, au delà de 2 000 m d'altitude, du Yunnan (Chine), du Nord du Laos, de la Thaïlande et du Vietnam. Au sud du 16ème parallèle, le relief beaucoup moins accidenté cède la place aux plateaux et aux plaines traversées par un très important réseau hydrographique. Ce n'est plus le domaine des Montagnards.

Carte n°3 : Lieux d'implantation des Hmong dans la péninsule indochinoise

Leur recensement précis paraît difficile voire impossible. Il a été toutefois tenté par les Etats concernés et les organisations internationales. Cela met à notre disposition un certain nombre d'estimations. Ainsi, en Chine, c'est le cinquième groupe ethnique en terme d'individus parmi les 56 nationalités, et le recensement chinois de 1989 estime leur nombre à environ 7 millions. L'ONU fournit des chiffres indiquant que les Hmong vivant au Laos représentent 7,4 % de la population laotienne13(*), soit environ 438 300 personnes. Ils font partie des 49 ethnies recensées par le gouvernement laotien en 1989. Le caractère approximatif de ces chiffres tient également au fait qu'aujourd'hui une partie des Hmong est encore réfugiée dans la jungle, dans la zone de Xaysomboun, traquée par les armées laotiennes et vietnamiennes pour avoir aidé les Français pendant la guerre d'Indochine, puis les Américains pendant la guerre du Vietnam. En 2005, ils n'y sont plus que 8 000 alors qu'ils étaient plus de 30 000 il y a une dizaine d'années14(*). Voulant s'opposer au régime communiste de l'époque, cette ethnie paye donc aujourd'hui un lourd tribut.

Au cours des dernières décennies, une forte population de Hmong a été réinstallée aux États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Allemagne, Japon, Argentine et France (estimation à 30 000 selon Chô LY, 2004), dont environ 2 000 en Guyane française. La plus grande partie vit encore en Asie du Sud-Est : Chine, Vietnam, Laos, Thaïlande et Birmanie. Souvent assimilés à tort aux « boat people » vietnamiens, cette population entre dans la catégorie des réfugiés du Sud-Est asiatique.

* 8 Les « clés » ou « radicaux » sont les 214 caractères élémentaires de l'écriture chinoise dont la combinaison permet de former une multitude de sinogrammes.

* 9 LEMOINE, J. 2005, What is the actual number of the Hmong in the World ? Hmong Studies Journal 6 : 1-8

* 10 HASSOUN, 1997 : 65

* 11 L'Express, 21/08/2003

* 12 LEMOINE , J. 1972. L'initiation du mort chez les Hmong. L'Homme, XII, 1 p. 105-134

* 13 Source : ONU (2003)

* 14 Guerre secrète au Laos de Grégoire DENIAU, 2005 - France2

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