Réfugiés Hmong à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) - rapports aux lieux et diaspora( Télécharger le fichier original )par Pilippe MICHEL-COURTY Université de POITIERS - Migrinter - Master 2 2007 |
v La mobilité contrôléeAu terme de ce séjour dans le centre d'accueil, qui constitue un nouveau sas à franchir, l'individu ou la famille entreprend d'entrer réellement dans le « corps social » et, soit par la mobilisation des réseaux familiaux, soit par les opportunités qui leur sont proposées, prend une nouvelle destination. Nous retiendrons 2 exemples parmi les témoignages recueillis pour illustrer cette nouvelle forme de mobilité. J'ai travaillé une fois à Brive aussi. C'était là aussi un stage... Au foyer, ils voulaient que j'essaye d'élever les canards pour les foies... J'ai essayé pendant 2 mois, mais ça n'a pas marché... Ce premier témoignage permet de rappeler un principe qui avait été adopté à l'époque en matière de politique d'accueil des réfugiés. Afin d'éviter la formation de concentrations urbaines trop denses, mais également parce que « le mythe, en tant que discours politique, produit un idéal-type humain, une société, un paysage et un territoire » (DI MEO, 2005 : 79), on avait « une image du Hmong paysan des montagnes présenté comme un infatigable marcheur » (HASSOUN, 1997, 64), on tenta alors pour une partie d'entre eux, une insertion en milieu rural31(*), dans les Cévennes, le Limousin, la Corrèze. Lors de journées d'information et de réflexion de la scolarisation des enfants réfugiés de l'Asie du Sud-Est organisées par le CEFISEM32(*), en 1980, il avait été dit que « leur insertion en milieu rural concorde mieux avec leur tendance innée à se regrouper en famille. Il y a l'exemple de la Guyane dont le climat et la végétation rappellent beaucoup l'Indochine, où les Hmong semblent bien s'adapter. Il y a aussi l'exemple de la Lozère où depuis deux ans une action d'implantation de Hmong est engagée » (DUPONT-GONIN, 1980 : 23). Autant en Guyane on a pu constater un réel ancrage dans la durée, autant dans les départements de la métropole tous ces projets prirent fin au bout d'un à trois ans. Les « ruraux » partaient rejoindre des « parents » qui avaient été directement installés en ville. L'idéal-type construit par la société occidentale n'a pas résisté longtemps. Le second témoignage... Je suis arrivé à Paris en 1980. Je suis resté 15 jours dans un centre d'accueil, puis on a été amenés à Bourges dans un foyer. Là il a fallu attendre les papiers, les cartes de séjour, les cartes de travail... ça a duré 6 mois. Moi je n'avais pas de travail. Un jour, on nous a proposé du travail à Montreuil-Bellay : mes deux femmes pouvaient travailler dans les caves de champignon. On est arrivé à la fin 1980. Moi, je n'avais pas de travail, j'ai gardé les enfants à la maison. On habitait dans un appartement... J'ai fait de la couture... On distinguera plusieurs phases dans ces « histoires de vie » : la première, commune à tous les réfugiés enquêtés fait suite à la prise en charge par les dispositifs d'aide aux réfugiés, sous la responsabilité de France-Terre d'Asile qui gère les différents centres d'hébergement provisoire. Elle est marquée par une grande dispersion. Ainsi certains membres du clan TCHA se retrouvent dans le centre de la France (Bourges, Limoges), d'autres dans le Sud (Port-Leucate). C'est aussi une phase transitoire : encore assisté dans sa vie quotidienne, le réfugié acquiert peu à peu une forme d'autonomie qui passe d'abord par l'apprentissage de la langue et d'un mode de vie, symbiose de traditions et de nouveautés. La seconde phase est caractérisée par un changement de statut social de l'individu. Il devient désormais davantage acteur de sa mobilité et entame des migrations secondaires, qui permettent le regroupement communautaire sous la forme de petites concentrations de familles possédant une unité linguistique, culturelle et une histoire commune (CHORON-BAIX,1988). Ces migrations secondaires sont par ailleurs complexes car elles ne cessent jamais totalement33(*), d'où la difficulté d'établir une carte des localisations (HASSOUN, 1997). * 31 CONNOIR, 1984 et HASSOUN, 1983. * 32 CEFISEM : centre de formation et d'information pour la scolarisation des enfants de migrants. * 33 « On ne peut se fier aux estimations concernant les réfugiés asiatiques... à la suite des migrations secondaires » (SCARLETT, 1984 : 13) |
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