Master 2 droit & économie
Mention « Administration Locale et Territoires »
Spécialité « Administration des
Collectivités Territoriales ». M.BALEYNAUD Patrick, coordinateur de
la spécialité, Maître de conférences en droit
public.
Mme LEROUSSEAU Nicole, Professeur en droit public.
LE STATUT JURIDIQUE
DES OUVRAGES
HYDRAULIQUES
NEAUX Anthony, étudiant, stagiaire, 2007/2008
SMVT, M.CONSTANTIN Olivier, technicien rivières
IIBSN, M.CHARRIER Antoine, ingénieur coordonnateur
rivières - inondation
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Messieurs Antoine CHARRIER,
Olivier CONSTANTIN et Guillaume CHARRUAUD pour m'avoir fait confiance en me
permettant de réaliser cette étude, ainsi que pour leur patience
et leur pédagogie lors de nos échanges au sujet d'une
problématique rivière qui était nouvelle pour moi, mais
néanmoins passionnante et très enrichissante.
Je souhaite également remercier les agents et
techniciens de l'Institution Interdépartementale du Bassin de la
Sèvre Nantaise ainsi que son directeur, Monsieur Boris LUSTGARTEN, et
les agents du Syndicat Mixte de la Vallée du Thouet pour leur soutien et
leur aide.
Je remercie particulièrement Madame Nicole LEROUSSEAU,
directeur de ce mémoire, pour ses précieux conseils, son
investissement et son temps consacré à mes travaux. Je remercie
aussi Monsieur Patrick BALEYNAUD, directeur du master 2 administration des
collectivités territoriales et Madame Isaline HERRY secrétaire de
ce master.
Enfin, je remercie les personnels des services des archives
départementales des DeuxSèvres, de Loire-Atlantique, du
Maine-et-Loire, de Vendée et les documentalistes des
bibliothèques universitaires de la faculté de droit de Tours, de
Poitiers, et de La-Roche-surYon pour leur aide et leurs conseils lors de mes
recherches.
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS 3
SOMMAIRE 4
INTRODUCTION 6
§ 1. / Propos liminaires 6
§ 2. / La place du droit de l'eau dans le système
normatif français 8
§ 3. / Les cours d'eau 9
§ 4. / Le classement des cours d'eau 10
§ 5. / L'organisation administrative de la gestion des
cours d'eau : structures et compétences 15
§ 6. / Le droit de riveraineté d'un cours d'eau
17
§ 7. / La responsabilité civile du
propriétaire riverain 19
PARTIE 1 : ANALYSE DES DIFFERENTS CAS 22
CHAPITRE 1.1. : ETABLISSEMENT DU CONTEXTE JURIDIQUE 23
Section 1.1.1. : Les premières grandes lois sur l'eau
de 1898 et 1919 23
Section 1.1.2. : La notion de droit d'eau 27
Section 1.1.3. : La consistance légale du droit d'eau
28
CHAPITRE 1.2. : LES DROITS D'EAU « FONDES EN TITRE
» OU USINES AYANT UNE « EXISTENCE
LEGALE » 30
Section 1.2.1. : Définition 30
Section 1.2.2. : Preuve du droit fondé en titre
33
Section 1.2.3. : Modification des ouvrages fondés en
titres à l'initiative du propriétaire de l'ouvrage 34
Section 1.2.4. : La perte du droit fondé en titre
41
CHAPITRE 1.3. : LES DROITS D'EAU « FONDES SUR TITRE »
OU « FONDES EN DROIT » 45
Section 1.3.1. : Définition 45
Section 1.3.2. : Les règlements d'eau 46
Section 1.3.3. : Recherche des règlements d'eau
47
CHAPITRE 1.4. : LES EVOLUTIONS POSSIBLES D'UN DROIT D'EAU 48
Section 1.4.1. : Cession du droit d'usage de l'eau 48
Section 1.4.2. : Renonciation au droit d'usage de l'eau
49
Section 1.4.3. : Prescription du droit d'usage de l'eau
50
Section 1.4.4. : Fin normale du titre 51
CHAPITRE 1.5. : LES OUVRAGES QUANT A LEUR(S) PROPRIETAIRE(S)
53
Section 1.5.1. : Les biens sans maître 53
Section 1.5.2. : Les clapets et autres seuils 54
§ 1.5.2.1. / La théorie de l'accession 54
§ 1.5.2.2. / La prescription acquisitive ou usucapion 57
Section 1.5.3. : Les ouvrages dépourvus d'unité
foncière entre les mains d'un seul propriétaire 59
PARTIE 2 : TRAITEMENT DES DIFFERENTS CAS 62
CHAPITRE 2.1. : LES INTERVENTIONS POSSIBLES DES DIFFERENTES
ADMINISTRATIONS 62
Section 2.1.1. : La déclaration d'intérêt
général 63
Section 2.1.2. : Les différents motifs légaux
d'intervention 64
§ 2.1.2.1. / La protection des écosystèmes :
une compétence décentralisée 65
§ 2.1.2.2. / La salubrité publique 70
§ 2.1.2.3. / L'autorité du schéma
d'aménagement et de gestion des eaux 74
Section 2.1.3. : L'absence d'indemnisation du titulaire du
droit évincé pour cause d'intérêt
général 76
CHAPITRE 2.2. : LES USINES ET MOULINS FONDES EN TITRE 78
Section 2.2.1. : Les cas d'usines ou de moulins dont le
fondement en titre est tombé et les conséquences à
en tirer 79
§2.2.1.1. / Les pouvoirs des services de la police de l'eau
79
§ 2.2.1.2. / Les prérogatives des
collectivités territoriales et de leurs groupements 81
Section 2.2.2. : Les cas d'usines ou de moulins dont le
fondement en titre perdure et les conséquences à en
tirer 82
§ 2.2.2.1. / Les pouvoirs des services de la police de l'eau
83
§ 2.2.2.2. / Les prérogatives des
collectivités territoriales et leurs groupements 85
CHAPITRE 2.3. : LES USINES ET MOULINS FONDES SUR TITRE 88
Section 2.3.1. : Les pouvoirs des services de la police de
l'eau 88
Section 2.3.2. : Les prérogatives des
collectivités territoriales et leurs groupements 91
Section 2.3.3. : Les ouvrages dont le règlement d'eau
est introuvable 92
CHAPITRE 2.4. : LES OUVRAGES IRREGULIERS OU SOUMIS A UNE
LEGISLATION NOUVELLE 93
Section 2.4.1. : Les pouvoirs des services de la police de
l'eau 93
§ 2.4.1.1. / L'esprit de la nomenclature IOTA 94
§ 2.4.1.2. / Les ouvrages irrégulièrement
établis, antérieurs à la nomenclature IOTA 95
§ 2.4.1.3. / Les ouvrages irrégulièrement
établis, postérieurs à la nomenclature IOTA 97
§ 2.4.1.4. / Les ouvrages réguliers, soumis à
la nomenclature du fait de son adoption ou de sa modification 98
Section 2.4.2. : Les prérogatives des
collectivités territoriales et leurs groupements 100
CONCLUSION 102
BIBLIOGRAPHIE 104
TABLE DES ANNEXES 110
ANNEXE 1 : LEXIQUE 111
ANNEXE 2 : REGLEMENT D'EAU DE L'USINE DE LA MAILLERAYE
122
ANNEXE 3 : REGLEMENT D'EAU DU MOULIN DE GRANGEARD
128
ANNEXE 4 : ARRET RENDU PAR LE CONSEIL D'ETAT LE 07
FEVRIER 2007 « MONSIEUR ET MADAME SABLE » 134
ANNEXE 5 : CARTE DU THOUET ET DES COMMUNES MEMBRES DU
SMVT 137
ANNEXE 6 : CARTE DU THOUET EN DEUX-SEVRES 138
ANNEXE 7 : CARTE DE L'IIBSN ET DES SYNDICATS DE RIVIERE
139
ANNEXE 8 : DETERMINATION DU MODE D'INTERVENTION EN
FONCTION DU STATUT DE L'OUVRAGE ET DE LA PERSONNE PUBLIQUE EN VUE
DE L'ATTEINTE DU BON ETAT ECOLOGIQUE 140
INTRODUCTION
« L'eau n'est pas nécessaire à la vie,
elle est la vie » Antoine De Saint-Exupéry
§ 1. / Propos liminaires
« Si quis mulinum aut qualemcumque clausuram in
aquà facere voluerit, sic faciat ut nemini noceat. Si ambae ripae sunt
suae, lincentiam habeat. Si autem una alterius est, aut roget, aut comparet
».
« Si un riverain veut construire un moulin ou tout autre
barrage sur une eau courante, qu'il le fasse à la condition de ne nuire
à personne. Si le barrage est nuisible qu'il soit démoli dans sa
partie préjudiciable à autrui. Si les deux rives appartiennent au
riverain, celui-ci a plein droit pour construire, mais si une rive appartient
à un autre propriétaire, il doit obtenir son consentement ou
l'indemniser ».
Cette citation traduite du latin et provenant d'un capitulaire du
Roi Dagobert rédigé en 632, reste d'actualité
aujourd'hui.
L'étude sur le statut juridique des ouvrages
hydrauliques intervient au coeur d'un processus plus global de gestion des
cours d'eau. L'institution interdépartementale du bassin de la
Sèvre Nantaise (IIBSN) et le Syndicat mixte de la Vallée du
Thouet1 (SMVT) s'inscrivent dans une démarche
d'amélioration de l'état écologique des cours d'eau afin
d'atteindre le bon état écologique conformément aux
objectifs de la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 20002,
transposée en droit français par la loi du 21 avril
20043. Cet objectif nécessite pour être atteint de
restaurer une certaine continuité sédimentaire et
écologique afin de permettre tout à la fois le transport des
sédiments par l'eau et l'avalaison et la montaison des espèces
migratrices, comme le rappel la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du
30
1 Voir annexe 4 et 5.
2 Directive cadre sur l'eau n°2000/60/CE du 23
octobre 2000.
3 Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004.
décembre 20064. Après avoir
étudié l'impact des ouvrages hydrauliques sur la qualité
de l'eau et le milieu aquatique, un classement a permis de dégager les
ouvrages qui ne présentaient pas un intérêt collectif fort
ou qui ont un impact négatif sur la qualité de l'eau, afin
d'envisager une intervention allant soit vers une gestion de l'ouverture des
vannages, soit vers un effacement total de l'ouvrage. Ce travail a permis de
mettre en évidence différents cas types de situations juridiques,
plus ou moins complexes, devant faire l'objet d'une étude approfondie
afin de permettre la tenue de travaux ultérieurs.
Ainsi des situations types sont apparues :
- les ouvrages propriétés d'une personne publique
sur une parcelle appartenant à la même personne publique,
- les ouvrages construits par une personne publique ou
privée sur une parcelle appartenant à une personne privée
distincte (les clapets installés dans les années 1960-80),
- les ouvrages fondés en titres,
- les ouvrages fondés sur titres,
- les ouvrages sans règlement d'eau ou dont le
règlement d'eau est introuvable,
- les ouvrages dont la propriété est scindée
entre plusieurs propriétaires (moulin/chaussée),
- les ouvrages qui ont changé d'affectation,
- les ouvrages partiellement détruits ou
délabrés (chaussée sans moulin, etc...), - les ouvrages
démantelés,
- Les ouvrages construits depuis la Révolution mais
n'ayant pas fait l'objet d'une demande d'autorisation.
Les recherches menées dans la législation, la
doctrine et la jurisprudence ont permis de cibler parmi ces différentes
situations, lesquelles il était pertinent de mettre en évidence
sur le plan du droit. Ainsi il s'est dégagé une trame de fond
constituant le fil directeur de cette étude. Cette dernière
portant sur le statut juridique des ouvrages hydrauliques est donc
centrée sur la situation des ouvrages au regard du droit, de leur
légalité ou de leur irrégularité. Le statut foncier
de l'ouvrage, s'il est tout à fait secondaire dans la première
partie de cette étude, prend une place plus importante dans un
deuxième temps puisqu'il va influer sur la manière dont seront
appréhendés les ouvrages et les travaux envisagés par
l'IIBSN ou le SMVT.
4 Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur
l'eau et les milieux aquatiques.
Les études historiques montrent qu'environ 95% des
moulins existaient avant la Révolution. Cela s'explique par un fort
engagement de l'Etat en faveur du développement des ouvrages utilisant
la force hydraulique. En effet, afin de permettre la construction de moulins
à farine, il est apparu nécessaire de règlementer leur
implantation et ainsi de permettre à leur propriétaire de
s'assurer d'une certaine viabilité de l'entreprise. Dès lors le
pouvoir royal a institué la banalité. La banalité est le
droit qu'avait un noble d'obliger la population habitant sur son fief d'aller
faire moudre son grain dans son moulin, d'aller cuire son pain au four banal,
etc. La banalité a facilité le développement des moulins
à farine. Cependant, quand les moulins sont devenus plus nombreux, la
population a souhaitée ne plus être contrainte à des
déplacements inutiles jusqu'au moulin banal, puisque souvent d'autres
moulins pouvaient être plus proches de leurs habitations. Dès lors
la banalité a été considéré comme un
privilège des nobles et du clergé que la Convention a
supprimé conformément aux demandent faites sur les cahiers de
doléances.
§ 2. / La place du droit de l'eau dans le système
normatif français
Intégré au droit de l'environnement, le droit de
l'eau est une matière plus restreinte quant à son objet, mais en
lien permanent avec de nombreux autres domaines du droit. N'ayant pas fait
l'objet, à ce jour, d'une codification par le législateur
français, le droit de l'eau se retrouve dispersé. L'ouvrage de
Bernard Drobenko et Jacques Sironneau << code de l'eau »5
permet cependant de réunir la matière en un seul document,
rendant par là même son accès plus aisé. Droit
privé et droit public ont une place tout aussi importante dans notre
étude. Le droit civil d'une part, notamment le droit de la
propriété, constitue un pan important des règles de droit
applicables sur les cours d'eau non domaniaux. Le droit administratif, d'autre
part, est fortement présent puisque les règlements d'eau sont
avant tout des arrêtés préfectoraux, c'est-à-dire
des actes administratifs. Enfin le droit de l'environnement organise
également la protection des milieux aquatiques et a donc une place
prépondérante dans notre étude, tout comme le droit rural,
le droit de l'expropriation et le droit de la domanialité publique.
5 << Code de l'eau » de Bernard Drobenko et Jacques
Sironneau, 1ère édition, 2008, éditions
Johanet.
§ 3. / Les cours d'eau
Bien que le législateur se réfère aux
cours d'eau6 ainsi qu'aux cours d'eau non domaniaux7, il
n'en donne aucune définition. C'est la jurisprudence qui a
établis les critères permettant de les identifier. La Cour
administrative d'appel de Nancy a posé trois critères dès
1954 permettant la qualification de cours d'eau dans un arrêt du 20
octobre 19548 :
- la permanence du lit,
- le caractère naturel du cours d'eau ou son affectation
à l'écoulement normal des eaux, - un débit suffisant
pendant une durée significative au cours de l'année.
Le Conseil d'Etat a précisé dans l'arrêt
« Pourfillet » du 27 février 19809 que la simple
alimentation en eau pluviale ne peut conduire à constituer un cours
d'eau.
Cette définition jurisprudentielle a été
synthétisée par une circulaire du 2 mars 2005 relative à
la définition de la notion de cours d'eau10 :
« Si les cours d'eau (et plans d'eau) domaniaux font
l'objet d'un classement qui les répertorie, il n'en va pas de même
s'agissant des cours d'eau non domaniaux, le législateur ne les ayant
pas définis a priori eu égard à la diversité des
situations contrastées que l'on peut rencontrer sur le territoire
français.
La qualification de cours d'eau donnée par la
jurisprudence repose essentiellement sur les deux critères suivants
:
- la présence et la permanence d'un lit naturel
à l'origine, distinguant ainsi un cours d'eau d'un canal ou d'un
fossé creusé par la main de l'homme mais incluant dans la
définition un cours d'eau naturel à l'origine mais rendu
artificiel par la suite, sous réserve d'en apporter la preuve - ce qui
n'est pas forcément aisé ;
- la permanence d'un débit suffisant une majeure
partie de l'année appréciée au cas par cas par le juge en
fonction des données climatiques et hydrologiques locales et à
partir de présomptions au nombre desquelles par exemple l'indication du
« cours d'eau » sur une carte IGN ou la mention de sa
dénomination sur le cadastre. »
Cette définition qui nous ait donnée par le
Ministère de l'environnement et du développement durable en
2005 par voie de circulaire permet de conforter les critères
jurisprudentiels sans
6 Article 643 du code civil.
7 Chapitre V, titre I, livre II du code de
l'environnement.
8 Publié à la gazette du palais de 1954
page 387.
9 Note à l'AJDA 1980 page 487.
10 Publiée au BOMEDD n°9, 2005.
toutefois les consacrer législativement. Il reste donc
pertinent de se référer à la jurisprudence,
éclairée par la circulaire de 2005, pour donner à un cours
d'eau cette qualification juridique.
Les cours d'eau se divisent en cours d'eau domaniaux et cours
d'eau non domaniaux.
Concernant les eaux domaniales, c'est essentiellement la
navigabilité et la flottabilité qui permettaient de classer ces
eaux dans le domaine public fluvial. A la Révolution les lois du
1er décembre 1790 et du 28 septembre 1791 permettent
d'identifier la domanialité publique à partir de ces deux
critères. L'évolution législative qui suivra au cours du
XIXème et du XXème siècle aura quant à elle pour
objet de réglementer l'usage de ces eaux. Depuis la loi de 1964 (article
2911), la domanialité résulte d'un acte administratif
dont les motifs peuvent être variables, tandis que le classement peut
intéresser des biens naturels (cours d'eau et lac) ou artificiels
(canaux, plan d'eau,...). Cependant notre étude ne concerne que les eaux
non domaniales, le bassin de la Sèvre Nantaise, du moins pour la partie
qui intéresse notre étude, et le Thouet n'étant pas
classés en domaine public fluvial, ce sont des cours d'eau non
domaniaux, de très loin les plus nombreux en France (275000 Km contre
6700 Km de cours d'eau domaniaux).
Concernant les eaux courantes non domaniales, « sont
considérées comme telles les fleuves, les rivières, les
ruisseaux ou les torrents, etc., c'est-à-dire en fait les eaux qui
s'écoulent et qui peuvent être dénommées cours d'eau
» (B. Drobenko). De cette manière, sont non domaniaux, tous
les cours d'eau qui n'ont pas fait l'objet d'un classement administratif dans
le domaine public fluvial.
§ 4. / Le classement des cours d'eau
Outre le classement distinguant domaine public fluvial et
cours d'eau non domaniaux, le législateur a établit depuis
longtemps un classement des cours d'eau qui permet selon leurs
caractéristiques communes de leur appliquer une législation plus
adaptée. Ainsi dès le début du XXème siècle
certains cours d'eau étaient classés pour la protection du
saumon, mais la pratique montre aujourd'hui que ces cours d'eau sont de
véritables successions de barrages. Il est donc apparu nécessaire
de faire évoluer la typologie du classement des cours d'eau.
11 Codifié à l'article L 2111-12 du code
général de la propriété des personnes publiques.
Jusqu'à l'adoption de la loi sur l'eau et les milieux
aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, le classement existant
distinguait deux régimes différents : les rivières
réservées au titre de l'article 2 de la loi de 1919 et les
rivières classées au titre de l'article L432-6 du code de
l'environnement. Le classement actuel résulte de l'article 6 de la loi
sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 qui ajoute au
chapitre 4 du livre 2 du code de l'environnement une section 5 intitulée
<< Obligations relatives aux ouvrages ». Les modalités
d'application sont précisées par le décret
n°2007-1760 du 14 décembre 2007 << portant dispositions
relatives aux régimes d'autorisation et de déclaration au titre
de la gestion et de la protection de l'eau et des milieux aquatiques, aux
obligations imposées à certains ouvrages situés sur les
cours d'eau, à l'entretien et à la restauration des milieux
aquatiques et modifiant le code de l'environnement ». En outre la
circulaire12 du 6 février 2008 << relative au
classement des cours d'eau au titre de l'article L214-17-I du code de
l'environnement et aux obligations qui en découlent pour les ouvrages
» vient apporter les explications nécessaire à l'application
de ce nouveau classement.
L'article L214-17-I du code de l'environnement issu de la LEMA
met à la charge du préfet coordonnateur de bassin
d'établir (après avis des conseils généraux, EPTB
et comités de bassins) :
- Une liste de cours d'eau ou partie de cours d'eau,
« en très bon état écologique ou
identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de
gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir
biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon
état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans
lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant
alternativement en eau douce et en eau salée est
nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut
être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils
constituent un obstacle à la continuité écologique
». Sur ces cours d'eau le renouvellement de concession ou
d'autorisation des ouvrages existants est « subordonné à
des prescriptions permettant de maintenir le très bon état
écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état
écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la
protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en
eau salée ». La circulaire du 6 février
2008 précise que « si la notion d'ouvrage nouveau s'applique au
renouvellement des titres des ouvrages existants, elle doit être
appliquée de manière éclairée
12 Circulaire n°2008/25.
lorsqu'il s'agit de modifications des
caractéristiques d'ouvrages existants. Si ces modifications
améliorent ou n'aggravent pas la situation par rapport à la
situation particulière ayant motivé le classement, il y a tout
lieu de considérer qu'il ne s'agit pas d'ouvrages nouveaux ».
La circulaire donne également à titre d'exemple différents
types de prescriptions possibles afin de maintenir le très bon
état écologique des eaux. Il s'agit notamment de la construction
de dispositifs de franchissement pour la montaison et/ou la dévalaison
du poisson, ou encore de la construction de dispositifs de gestion
adaptée du transport solide.
- Ce même article L214-17-I prévoit
également que doit être établit une liste des cours d'eau
ou partie de cours d'eau « dans lesquels il est nécessaire
d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation
des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être
géré, entretenu et équipé selon des règles
définies par l'autorité administrative, en concertation avec le
propriétaire ou, à défaut, l'exploitant ».
Ces listes ne peuvent être établies
qu'après une étude d'impact du classement, premièrement
sur la prévention des inondations et la préservation des
écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides,
deuxièmement sur la protection des eaux et la lutte contre toute
pollution, troisièmement sur la restauration de la qualité de ces
eaux et leur régénération, quatrièmement sur le
développement, la mobilisation, la création et la protection de
la ressource en eau, cinquièmement sur la valorisation de l'eau comme
ressource économique, et enfin sixièmement, sur la promotion
d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en
eau.
Les obligations qui résultent du premier classement
n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le
propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et
exorbitante.
L'établissement de ces listes par le préfet rend
les obligations qui en découlent applicables immédiatement
concernant les cours d'eau en très bon état, alors que celles
résultants du second classement ne sont applicables que cinq ans
après publication des listes. Dès que ces obligations sont
applicables, le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16
octobre 1919 et l'article L. 432-6 du code de l'environnement ne sont plus
applicables aux cours d'eaux concernés. « A l'expiration du
délai précité, et au plus tard le 1er janvier
2014,
le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du
16 octobre 1919 précitée est supprimé et l'article L.
432-6 précité est abrogé » (article L214-7-III
du code de l'environnement).
Le décret du 14 décembre 200713 est
venu préciser ce qu'est un cours d'eau qui joue le rôle de
réservoir biologique au sens de l'article L214-17-I. Il
s'agit de « ceux qui comprennent une ou plusieurs zones de
reproduction ou d'habitat des espèces de phytoplanctons, de macrophytes
et de phytobenthos, de faune benthique invertébrée ou
d'ichtyofaune, et permettent leur répartition dans un ou plusieurs cours
d'eau du bassin versant » (article R214-108 du code de
l'environnement).
De même ce décret précise ce qu'est un
obstacle à la continuité écologique au
sens de l'article L214-17-I et de l'article R214-1. Il s'agit d'un ouvrage
« entrant dans l'un des cas suivants :
1° Il ne permet pas la libre circulation des
espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement
leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur
croissance, leur alimentation ou leur abri ;
2° Il empêche le bon déroulement du
transport naturel des sédiments ;
3° Il interrompt les connexions latérales avec
les réservoirs biologiques ;
4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des
réservoirs biologiques ».
La circulaire du 6 février 200814 vient
préciser deux points importants. D'abord, les impacts sur la libre
circulation des espèces doivent être appréhendés non
pas uniquement à l'échelle individuelle mais également
être restitués à l'échelle du bassin. En pratique,
selon la circulaire, les ouvrages entièrement nouveaux
nécessitants un dispositif de franchissement ne pourront probablement
pas démontrer l'absence d'obstacle à la continuité.
Ensuite, la notion de bon déroulement du transport naturel des
sédiments est relativement nouvelle au regard de celle de libre
circulation des espèces biologiques. C'est pourquoi il faudra veiller
à ce que l'étude d'impact ou le document d'incidence du projet
démontre la transparence sédimentaire de l'ouvrage en fournissant
des éléments d'information détaillés sur les effets
du projet quant au transport des sédiments, notamment les particules
grossières et sableuses. En pratique, selon la circulaire, les ouvrages
barrant intégralement le cours d'eau ne pourront probablement jamais
satisfaire à ce dernier critère.
13 Décret n°2007-1760.
14 Circulaire n°2008/25.
Le Thouet, en sa totalité, est actuellement
classé au titre de l'article L432-6 du code de l'environnement, lequel
prévoit que « tout ouvrage doit comporter des dispositifs
assurant la circulation des poissons migrateurs. L'exploitant de l'ouvrage est
tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien de ces dispositifs. Les
ouvrages existants doivent être mis en conformité, sans
indemnité, avec les dispositions du présent article dans un
délai de cinq ans à compter de la publication d'une liste
d'espèces migratrices par bassin ou sous-bassin fixée par le
ministre chargé de la pêche en eau douce et, le cas
échéant, par le ministre chargé de la mer ».
La Sèvre Nantaise et la Maine, quant à elles,
sont classées au titre de l'article L432-6 du code de l'environnement
uniquement pour sa partie situé dans le département de la «
Loire-Atlantique ».
A ce jour ni le Thouet ni la Sèvre Nantaise ne sont
concernés par la publication d'une liste d'espèces migratrices.
Dès lors la mise en conformité des ouvrages avec l'article L432-6
ne s'effectue qu'à l'occasion de travaux soumis à autorisation.
Toutefois, dès 2009 il devra y avoir un classement de cours d'eau au
titre de l'article L214-17 du code de l'environnement pour les anguilles compte
tenu de la place stratégique de la Sèvre et du Thouet pour cette
espèce migratrice.
Notons aussi qu'au-delà des considérations
attachées au partage des usages et au respect dû à la
propriété privée des riverains, le législateur a
très tôt pris en compte l'aspect environnemental de la
rivière, laquelle ne devait dès lors plus faire l'objet que d'une
gestion patrimoniale. C'est ainsi que dès le début du XIX
ème siècle, une loi du 15 avril 1829 (article 15) interdisait aux
maîtres des moulins de fermer en même temps toutes les ouvertures
de leur digue (vanne de décharge, pas-le-roi de flottage,...), et ce,
afin que subsiste en tout temps un passage plus aisément franchissable
par les migrateurs.
§ 5. / L'organisation administrative de la gestion des
cours d'eau : structures et compétences
Notons d'abord la présence, au niveau national, d'un
ministère chargé de l'environnement. Ce ministère est
dénommé « ministère de l'écologie, du
développement et de l'aménagement durable »15,
auprès duquel un secrétariat d'Etat chargé de
l'écologie est délégué16. Il comporte
trois directions ayant compétence dans le domaine de l'eau : la
direction de l'eau, la direction de la prévention des pollutions et des
risques, et enfin, la délégation au développement
durable.
La plupart des autres ministères étant
intéressés par le domaine de l'eau, la coordination entre les
autres ministères et le ministère en charge de l'environnement
est assurée par le comité interministériel pour le
développement durable et par la mission interministérielle de
l'eau.
Au niveau régional, bien que les directions
régionales de l'environnement aient un rôle clé dans le
domaine de l'eau, c'est le préfet qui dirige l'action de l'Etat et
coordonne la politique à mener entre les différentes directions.
Au niveau départemental, les directions départementales de
l'équipement ont compétences concernant les implications
d'aménagement et d'urbanisation. Les directions départementales
de l'agriculture et de la forêt ont également compétences
en raison de l'impact de cette activité sur l'eau et les milieux. Enfin
les DSV (direction des services vétérinaires) et les DDASS
(direction départementales des affaires sanitaires et sociales) ont
aussi une compétence en la matière compte tenu des
préoccupations d'hygiène, de sécurité et de
salubrité publique. L'organisation départementale est
actuellement assez obscure en raison du nombre important de directions en
charge du domaine de l'eau. La réorganisation des services de l'Etat
devrait conduire, à terme, à un rapprochement entre les DDAF et
la DDE, ainsi qu'entre les DSV et les DDASS. La coordination est actuellement
assurée par le préfet de zone, la commission administrative de
bassin, et la mission interservices de l'eau (MISE).
Au niveau décentralisé, les collectivités
territoriales ont un rôle entier à jouer dans le domaine de l'eau.
Les régions interviennent notamment à raison de leurs
compétences en matière d'aménagement du territoire et
d'économie. Les départements interviennent quant à
15 Instauré par le décret du 18 mai 2007
relatif à la composition du Gouvernement (Journal Officiel du 19 mai
2007).
16 Créé par le 2ème
décret du 19 juin 2007 relatif à la composition du Gouvernement
(JO du 20 juin 2007).
eux en raison de leurs compétences en matière
d'aménagement rural, de gestion des espaces naturels sensibles et de
leurs possibilités d'intervention dans les espaces périurbains.
Enfin, les communes et leurs groupements sont historiquement au coeur de la
gestion locale de l'eau. Elles disposent de compétences en
matière de préservation des milieux, mais aussi en matière
de gestion des services (captage et distribution d'eau potable, assainissement
des eaux usées). Les collectivités territoriales, les communes et
les départements le plus généralement, peuvent se
regrouper en syndicat mixte et en établissement public territorial de
bassin. Ces formes de coopérations permettent aux collectivités
de gérer leurs compétences de manière cohérente en
tenant compte des réalités géographiques, ce qui en
matière de gestion des cours d'eau s'avère
particulièrement pertinent.
La société civile joue également un
rôle en matière de gestion de l'eau et des milieux aquatiques.
Notons par exemple l'existence des associations de protection de
l'environnement, des associations de pêche de loisir ou encore des
associations de pêche professionnelle.
Enfin, il existe des institutions spécialisées
intervenant dans le domaine de l'eau. Il s'agit au niveau national du
comité national de l'eau, de l'office national de l'eau et des milieux
aquatiques et du comité technique permanent des barrages et des ouvrages
hydrauliques. Au niveau du bassin, il s'agit du comité de bassin et des
agences de l'eau. Et enfin, au niveau du sous-bassin, il s'agit de la
commission locale de l'eau et des établissements publics territoriaux de
bassin. Les agences de l'eau, créées par la loi de 1964, ont
été instituées dans chacun des six bassins (Loire -
Bretagne, Adour - Garonne, Rhône - Méditerranée - Corse,
Seine - Normandie, Rhin - Meuse, Artois - Picardie). Ce sont des
établissements publics à caractère administratif
placées sous la tutelle du ministre chargé de l'environnement.
Leurs principales fonctions sont financières et d'étude.
Concernant plus particulièrement l'ONEMA17,
c'est un établissement public administratif de l'Etat, placé sous
la tutelle du ministre en charge de l'environnement, qui peut mettre en place
des délégations régionales ou départementales. Sa
mission est de « mener et soutenir au niveau national des actions
destinées à favoriser une gestion globale, durable et
équilibrée de la ressource... »18.
17 Office National de l'Eau et des Milieux
Aquatiques.
18 Article 83-II de la loi sur l'eau et les milieux
aquatiques du 30 décembre 2006.
Bien que les acteurs soient multiples à intervenir dans
le domaine de l'eau, il ne faut pas oublier l'importance des droits et devoirs
du premier de ces acteurs : le propriétaire riverain.
§ 6. / Le droit de riveraineté d'un cours d'eau
« Le droit de riveraineté peut se
définir comme l'ensemble des droits dont le propriétaire d'un
fonds bordant un cours d'eau non domanial, ou traversé par lui, est
titulaire », telle est la définition qui nous est
proposée par Pascal Gourdault-Montagne dans son ouvrage de
199419. Cette définition témoigne de l'incertitude qui
pèse sur la matière, d'autant que le droit de riveraineté
est inséparable de la notion de cours d'eau, qui, nous l'avons vu plus
haut, est << incomplète et malaisée » selon les mots
de Johan De Malafosse en préface de ce même ouvrage.
Le propriétaire foncier d'un fonds bordé par un
cours d'eau non domanial est titulaire de deux catégories de droits
distincts et complémentaires constituant le droit de riveraineté.
« Il s'agit d'une part des droits découlant du droit de
propriété qui est reconnu au riverain sur le lit depuis la loi du
8 avril 1898, et d'autre part des droits issus du droit d'usage
préférentiel qu'il exerce sur les eaux courantes qui bordent ou
traversent son héritage en application de l'article 644 du code civil
»20 selon Pascal Gourdault-Montagne.
En effet le propriétaire d'une parcelle de terrain qui
borde un cours d'eau non domanial est, sauf titre ou prescription contraire,
propriétaire du lit jusqu'au milieu du cours d'eau (article L 215-2 du
code de l'environnement), à charge pour lui de l'entretenir. Il s'agit
là d'une innovation apportée par la loi de 1898, laquelle
s'opposait à la doctrine de l'époque qui faisait du lit, au
même titre que l'eau qui y coule, une chose commune. La loi de 1898 ne
change pas le statut de l'eau de la rivière, elle reste chose commune ;
le propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial peut user de
l'eau à la condition de la rendre à son cours ordinaire, sans en
dénaturer la qualité ni la rendre impropre à son usage
normal afin de ne pas porter atteinte aux droits des riverains
inférieurs21. En outre, l'article 215-1 du code de
l'environnement
19 << Le droit de riveraineté :
propriété, usages, protection des cours d'eau non domaniaux
» de Pascal GourdaultMontagne, 1994, éditions Lavoisier.
20 Le droit de riveraineté, édition
Lavoisier 1994 page 11.
21 Article 644 du code civil.
dispose que « les riverains n'ont le droit d'user de
l'eau courante qui borde ou qui traverse leurs héritages que dans les
limites déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer,
dans l'exercice de ce droit, aux dispositions des règlements et des
autorisations émanant de l'administration ». L'eau de la
rivière étant res communis, c'est-à-dire chose
commune, tout le monde devrait avoir le pouvoir d'en disposer, cependant ce
droit n'est attribué qu'aux riverains par le législateur. Ce
régime préférentiel a pour origine un arrêt du
Parlement de Paris du 12 juillet 1787 qui considère le droit d'usage de
l'eau comme la contrepartie des inconvénients que subissent les
propriétés riveraines (crues, érosion,...).
André Hauriou écrit dans sa thèse
<< La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non
navigables ni flottables »22 en 1921 que « tout le
monde, bien entendu, puisque l'eau courante est considérée comme
une chose commune, peut puiser l'eau, se laver, ou abreuver des bestiaux dans
les petites rivières, le public peut même y circuler librement en
bateau, là oil les ouvrages d'art n'interdisent pas la navigation, mais
les deux utilités principales de l'eau courante : l'irrigation et la
force motrice sont, ou du moins pour cette dernière étaient
jusqu'à la loi du 16 octobre 1919 réservées aux seuls
riverains. Armé de ce caractère d'exclusivité, les droits
de riverainetés sont de plus cessibles comme la jurisprudence l'a
très vite admis. Il en résulte qu'un riverain, lorsqu'il ne peut
pas ou ne veut pas se servir de son droit à l'eau, à la
faculté de le céder à un tiers, son propre droit restant
dans ce cas la mesure du droit du cessionnaire »23.
Enfin, l'article L 214-6 du même code précise que
« dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent
réservés ». Il s'agit là d'un des aspects
premiers de la philosophie qui sous-tend tout le droit de l'eau, et tout
particulièrement le droit des cours d'eau non domaniaux puisqu'il s'agit
de rivières dont le lit appartient, en général, aux
propriétaires des fonds bordants. Il en découle
l'applicabilité des règles classiques en matière de droit
de la propriété privée, de voisinage, et donc une certaine
protection due aux droits qui y sont attachés.
22A. Hauriou, << La mainmise de l'Etat sur
l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables »,
thèse, Toulouse, 1921, 112 pages.
23 Voir section 1.4.1 page 48.
§ 7. / La responsabilité civile du
propriétaire riverain
L'article 1382 du code civil dispose que « Tout fait
quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par
la faute duquel il est arrivé à la réparer ».
L'article 1383 du même code ajoute que « Chacun
est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait,
mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Enfin, l'article 1386 pose que « Le
propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé
par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par la suite du défaut
d'entretien ou par le vice de sa construction ».
Ces trois articles peuvent fonder une action en
responsabilité civile contre le propriétaire d'un ouvrage
hydraulique qui sera à l'origine d'un dommage, sur une
propriété riveraine notamment. Une mauvaise gestion des vannages,
un défaut d'entretien, ou bien encore un vice de construction peuvent
être sources de nuisances causant des dommages aux propriétaires
tant avals qu'amonts. Une brusque montée dans eaux, ou au contraire, un
subit abaissement de la ligne d'eau, causé par une mauvaise gestion ou
un mauvais entretien de l'ouvrage, sont autant d'évènements
constitutifs d'un fait dommageable susceptible de mettre en jeu la
responsabilité civile du propriétaire de l'ouvrage à
l'égard de celui qui, victime d'un dommage, aura prouvé le lien
de causalité entre le fait dommageable et son dommage.
Les troubles de voisinages peuvent également servir de
base légale à une action en responsabilité civile. C'est
là un des développements de la responsabilité sans faute.
Elle est mise en jeu dès lors que la victime a subit des troubles
disproportionnés au regard des conditions habituelles de vie. Ainsi,
l'assèchement du sol d'un voisin, consécutif à une
plantation de peupliers a, par exemple, suffit à justifier une
condamnation à des dommages et intérêts par la
deuxième chambre de la Cour de Cassation dans un arrêt du 29 juin
2000 « Mme Annie C-F »24.
La théorie de la pré-occupation exonère
le responsable d'un dommage dans l'hypothèse où l'implantation de
ce dernier est antérieure à celle du tiers qui se prévaut
du dommage. Cette théorie s'applique sous réserve que soient
respectées les règles relatives à
24 Pourvoi n°98-20.519, arrêt
n°708.
l'exploitation de l'ouvrage. En cas de méconnaissance, la
responsabilité de l'exploitant peut être mise en jeu lorsque ledit
voisinage en a subit des préjudices.
Cependant la réparation civile suppose de remplir
plusieurs conditions :
- il faut, en premier lieu, la réalisation d'un
dommage. Le préjudice doit être certain ; la jurisprudence admet
le préjudice futur dans la mesure où la certitude de sa
réalisation est prouvée. Le préjudice doit encore
être direct. Enfin, le préjudice doit être personnel. La
jurisprudence a, par exemple, admis l'indemnisation du voisin d'un
propriétaire d'étang dont le terrain avait été
inondée et par là même était devenu
inutilisable25.
- il faut, en second lieu, un intérêt à
agir. C'est le requérant qui doit le démontrer relativement
à sa situation. Dans le cas d'associations, c'est l'objet associatif qui
détermine l'intérêt à agir. Ainsi, les associations
agréées, titulaires de droit de pêche, participent à
la protection et à la gestion du milieu piscicole, dés lors elles
subissent un dommage du fait de la destruction de poissons26.
- il faut, en dernier lieu, un lien de causalité entre
le dommage subit et l'auteur dudit dommage. La deuxième chambre civile
de la Cour de Cassation a par exemple jugé dans l'arrêt « M.
Prieur » du 1er avril 199927, que le défaut
d'entretien des digues d'un étang est directement la cause d'une
inondation.
La mise en jeu de la responsabilité civile se
résout soit par l'octroi de dommages et intérêts, soit par
une action en réparation.
Enfin l'article L215-11 du code de l'environnement
précise que « Les propriétaires ou fermiers de moulins
et usines, même autorisés ou ayant une existence légale,
sont garants des dommages causés aux chemins et aux
propriétés ». Il n'y a donc pas de distinction à
faire entre les usines et moulins fondés en titre ou fondés sur
titre. Le fondement en titre n'exonère pas son titulaire de la
responsabilité qu'il peut voir engager en cas de dommage du fait de son
ouvrage sur des propriétés ou chemins amonts ou avals.
Notre étude, sans écarter totalement la question de
la responsabilité, sera plus particulièrement centrée sur
le statut juridique des ouvrages hydrauliques. Pour cela il
25 Cour de Cassation, 3e chambre civile, 18
mai 2004, Gaillard contre Benoît, pourvoi n°03-11.345.
26 Cour de Cassation, chambre criminelle, 4
février 1986, Fédération départementale des
associations agréées de pêche et de pisciculture des
Alpes-Maritimes, pourvoi n°85-93.156.
27 Pourvoi 97-17.960, arrêt n°554.
conviendra d'étudier d'abord les différents
types de statuts que la loi et la jurisprudence ont mis à jour tout au
long du XIXème et du XXème siècle dans une analyse des
différents cas d'ouvrages hydrauliques (partie 1), puis d'étudier
comment les services de la police de l'eau et les collectivités
territoriales peuvent intervenir sur ces ouvrages en fonction de leur statut en
traitant les différents cas (partie 2).
Partie 1 : ANALYSE DES
DIFFERENTS CAS
L'analyse des différents cas d'ouvrages hydrauliques
qu'il est possible de rencontrer en droit français nécessite
d'établir le contexte juridique (chapitre 1.1.) ayant conduit à
la situation actuelle. En effet, notre droit actuel est issu
d'évolutions législatives et jurisprudentielles marquées
depuis la Révolution française de 1789 par des philosophies
différentes qui ont fortement imprégnées le cadre
légal des ouvrages hydrauliques. Ainsi, si la Révolution s'est
voulue comme une rupture avec l'Ancien Régime, elle n'en a pas pour
autant mis fin à tous les droits qui en étaient issus. Les
moulins construits sur les cours d'eau non domaniaux avant l'abolition des
droits féodaux conservent en effet un régime particulier que
certains qualifieront de « privilégier >> et sont dès
lors bénéficiaires d'un « droit d'eau fondé en titre
>>, ce sont les usines et moulins ayant une existence légale
(chapitre 1.2.). Cependant la période de trouble juridique initié
par l'avènement d'un nouveau régime politique et d'une nouvelle
organisation administrative a fait émerger la nécessité
d'une réglementation particulière aux moulins et usines
hydrauliques, lesquels devront désormais être autorisés et
par là même « fondés sur titre >> (chapitre
1.3.). Bien que le statut de ces différents ouvrages soit fixé de
manière précise, l'évolution du régime juridique de
chaque ouvrage pris individuellement est susceptible d'évolutions
(chapitre 1.4.) permettant ainsi une diversité de situations sans
empêcher toutefois l'émergence de cas particuliers quant à
leur situation foncière (chapitre 1.5.).
Chapitre 1.1. : Etablissement du contexte juridique
Le contexte juridique relatif au statut des ouvrages
hydrauliques a d'abord été marqué par l'adoption des
premières grandes lois sur l'eau de 1898 et de 1919 (section 1.1.1.),
lesquelles ont contribuées à fixer la définition du droit
d'eau (section 1.1.2.) ainsi que la consistance légale des droits d'eau
(section 1.1.3.) dont sont en principe titulaires les propriétaires
riverains des cours d'eau.
Section 1.1.1. : Les premières grandes lois sur l'eau
de 1898 et 1919
La loi sur le régime des eaux de 1898 définit
les droits et obligations des riverains que l'on retrouve aujourd'hui dans le
code de l'environnement au chapitre V du livre II << dispositions propres
aux cours d'eau non domaniaux». Le titre Ier << eaux pluviales et
sources » de la loi de 1898 a modifié les articles 641 à 643
du code civil, lesquels sont encore aujourd'hui issus de cette version. Mais
c'est le titre II sur les << cours d'eau non navigables et non flottables
» qui nous intéresse ici plus particulièrement. La loi de
1898 est venue confirmer la thèse de la doctrine du XIXème
siècle selon laquelle l'eau des cours d'eau non navigables ni flottables
est res communis (chose commune). L'article 3 de cette loi qui apporte une
véritable innovation, allant contre l'opinion dominante de la doctrine
de l'époque, puisqu'il dispose que « le lit des cours d'eau non
navigables et non flottables appartient aux propriétaires des deux rives
».
Il existait quatre systèmes présentés par
la doctrine et la jurisprudence du XIX ème siècle : le premier
défendu par Proudhon et Rives disait que les rivières non
navigables ni flottables appartenaient au domaine public au même titre
que les rivières navigables ; le deuxième défendu par
Championnière et Daviel accordait au contraire la
propriété du lit et du cours d'eau aux riverains ; le
troisième, qui était celui de la jurisprudence, posait que le lit
et
les cours d'eau sont choses communes qui n'appartiennent
à personne et dont l'usage est commun à tous aux termes de
l'article 714 du code civil ; enfin, le quatrième système qui lui
avait peu de défenseurs mais qui fut consacré par la loi de 1898
accordait la propriété du lit aux riverains tandis que le cours
d'eau n'appartenait à personne.
Concernant l'usage de l'énergie hydraulique,
jusqu'à la loi de 1898 la prétention de l'administration de
vouloir soumettre l'usage de la force motrice à une autorisation
administrative n'était appuyée sur aucun texte, et nombreux
étaient ceux qui comme Trolong déclaraient que cet usage
n'était « qu'un abus et un débris de l'esprit
envahisseur de l'administration impériale »28.
Sont ensuite posées les obligations des
propriétaires des fonds bordants que nous retrouvons aujourd'hui aux
articles L215-1 et suivants du code de l'environnement. Avec la loi de 1898,
c'est la première fois que l'Etat intervient pour réglementer les
usages de la rivière par un système d'autorisation que nous
appellerions aujourd'hui << police de l'eau ». Cependant il ne
s'agit pas, à la fin du XIX ème siècle, de répondre
à des impératifs d'ordre environnementaux, mais plutôt
d'assurer le respect de la salubrité publique et donc de la
sécurité publique face à l'important développement
industriel qu'a déjà connu la France. En protégeant le
statut de l'eau et en en faisant une chose commune, cette loi a
également le souci de veiller à ce que tous les agriculteurs
puissent avoir accès à la ressource, et notamment ceux
situés en aval.
Un règlement d'administration publique de 1905 et une
circulaire ministérielle du 1er juin 1906 arrêtent les bases de la
police des cours d'eau. Ces textes toujours en vigueur sont repris au niveau
départemental sous forme de règlements de police des cours d'eau
signés par les préfets dans le courant du second semestre
1906.
Quant à l'usage hydraulique (l'usage industriel), c'est
pour l'essentiel un usage qui est régi par la loi sur l'énergie
hydraulique du 16 octobre 1919, précisé et adapté par les
textes successifs postérieurs. La plus grande partie des << vieux
» moulins d'une puissance inférieure à 150 kW ne sont pas
visés par la loi de 1919. Qu'ils aient bénéficié
d'un règlement d'eau antérieur à 1919 ou qu'ils soient
fondés en titre, ils sont autorisés sans formalité et
sans
28 Tiré de la thèse de A. Hauriou
<< La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non
navigables ni flottables ».
limitation de durée. Contrairement aux autorisations
accordées dans le cadre de la loi de 1919, leurs droits d'eau sont
cessibles, ils suivent le moulin en cas de changement de propriétaire.
Cette loi de 1919 marquait à l'époque l'entrée de l'Etat
dans le domaine de l'énergie hydraulique. En effet après avoir
attribué le lit des cours d'eau non domaniaux aux riverains par la loi
de 1898, mais fait de l'eau des cours d'eau une chose commune, l'Etat semble
s'approprier l'énergie hydraulique. C'est en tout cas ce que
développe André Hauriou dans sa thèse pour le doctorat
politique présenté à Toulouse en 1921 « La mainmise
de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables
». Selon lui « un problème allait alors se poser,
dès l'entrée de l'Etat dans le domaine de la production, de la
solution duquel dépendrait sa réussite ou son échec comme
producteur : se procurer sans grever trop lourdement les finances du pays et,
par conséquent, sans expropriation, ces biens qui sont le point de
départ indispensable de toute action industrielle et qui porte le nom de
sources de production. Le législateur de 1919 a résolu le
problème pour les mines et pour l'énergie hydraulique, mais non
sans léser gravement des intérêts particuliers
»29. Et d'ajouter « la mainmise de l'Etat est
encore plus nette en matière d'hydro-électrique ou la plus grande
partie de l'énergie, celle produite par les cours d'eau non navigables
ni flottables et qui se trouvait encore avant 1919, dans le patrimoine des
riverains ou des usiniers, est nationalisée et passe dans le domaine de
l'Etat »30. Les statistiques du ministère de
l'agriculture nous montrent d'ailleurs qu'en 1918 il existait 42 025
entreprises d'une puissance motrice inférieure à 500 kW, et
seulement 168 étaient d'une puissance motrice supérieure à
500 kW.
L'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 pose que
« nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des
lacs, des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou
une autorisation de l'Etat ». Pour André Hauriou, cet article
1er « consacre l'avènement d'un bien nouveau,
l'énergie hydraulique, envisagée pour la première fois
comme distincte de l'eau qui lui sert de véhicule. Get article place
l'énergie hydraulique hors du commerce ordinaire des choses
».
L'article 2 de cette loi, modifié par la loi du 15
juillet 1980, pose que « sont placés sous le régime de
la concession les entreprises dont la puissance31
excède 4500 kW (500 kW à l'origine), sont placés sous le
régime de l'autorisation toutes les autres entreprises ».
29 Page 8 de la thèse d'André
Hauriou.
30 Page 9 de la thèse d'André
Hauriou.
31 Produit de la hauteur de chute par le débit
maximum de la dérivation.
Enfin, l'article 1832 de cette même loi
prévoit que « les dispositions des paragraphes 1er,
2, 3 et 4 du présent article (prévoyant notamment que les
entreprises autorisées avant le 16 octobre 1919 demeurent soumises au
même régime pendant 75 ans puis sont assimilables aux entreprises
arrivant en fin de concession ou d'autorisation) ne sont pas applicables
aux entreprises dont la puissance maximum ne dépasse pas 150 kW ; ces
entreprises demeurent autorisées conformément à leur titre
actuel et sans autre limitation de durée que celle résultant de
la possibilité de leur suppression dans les conditions prévues
par les lois en vigueur sur le régime des eaux courantes ».
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 5 juillet 2004
« SA Laprade énergie »33, fait application de cette
loi et rappelle « qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 16 octobre
1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, Nul ne
peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours
d'eau, quelque soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de
l'État ; qu'en application de l'article 2, sont placées sous le
régime de la concession les entreprises dont la puissance excède
4 500 kilowatts et sous le régime de l'autorisation les autres
entreprises ; que l'article 29 de la loi exempte les usines ayant une existence
légale de la soumission à ces régimes ».
Au final, la loi de 1919 relative à l'utilisation de
l'énergie hydraulique soumet au régime de la concession les
entreprises dont la puissance motrice excède les 4500 kW et au
régime de l'autorisation toutes les autres, tout en prévoyant
d'exclure de ces obligations les entreprises ayant une existence légale
ou ayant une force motrice ne dépassant pas les 150 kW.
32 Non modifié, non abrogé.
33 Conseil d'Etat, 6ème et 1ère sous-sections
réunies, 5 juillet 2004, n° 246929.
Section 1.1.2. : La notion de droit d'eau
Il existe deux types de droits d'eau : les droits d'eau
fondés en titre et les droits d'eau fondés sur titre.
Les droits d'eau fondés sur titre résultent de
l'adoption par l'administration d'un règlement d'eau34. La
notion de droit d'eau fondé en titre quant à elle est apparue au
début du XXème siècle sans toutefois faire l'objet d'une
définition officielle. La doctrine a pu en donner une définition.
Aussi Fabreguettes écrira en 1911 dans son ouvrage « traité
des eaux publiques et privées »35 que « ce sont
des droits acquis antérieurement à l'abolition de la
féodalité, soit par convention, prescription, destination du
père de famille ou même déclaration d'utilité
publique, en vertu de quoi aurait été conféré un
droit d'usage de l'eau ».
Mélinda Jadault dans son rapport de stage sur
« les ouvrages et droits d'eau fondés en titre
»36 définira le droit d'eau comme « un
droit afférent à une prise d'eau dont le détenteur peut
invoquer à la base de son occupation du cours d'eau, soit un document
autre qu'une simple autorisation administrative, soit certaines situations de
fait anciennes ».
Un ouvrage est fondé en titre ou a une existence
légale « quand ses droits sont afférents à des
prises d'eau établies en vertu d'un contrat d'albergement, contrat par
lequel les seigneurs féodaux, qui possédaient des droits utiles
de jouissance ou d'usage sur les rivières non navigables ni flottables,
concédaient leurs droits à des tiers afin d'en tirer un revenu.
L'est également celui dont les droits sont afférents à des
prises d'eau fondées sur une vente de biens nationaux, suite à la
mainmise par l'Etat sur les biens des ecclésiastiques et sur ceux des
émigrés ». En outre, et comme le souligne Paul
Denozière dans son ouvrage « l'Etat et les eaux non domaniales
»37, « le caractère d'établissement
fondés en titre peut résulter évidemment de la production
d'un titre antérieur à la Révolution mais, à
défaut d'un tel titre, il est admis en doctrine et en jurisprudence que
la légalité d'un établissement résulte suffisamment
du seul fait de son existence incontestée avant l'abolition le 4
août 1789 du
34 Voir supra.
35 Tome II page 669.
36 Rapport de stage sur « les ouvrages et droits
d'eau fondés en titre » réalisé par Mélinda
Jadault, étudiante à la faculté de droit de Poitiers, en
juillet 1997 auprès de la DDAF de la Vienne.
37 « L'Etat et les eaux non domaniales », de Paul
Denozière, 1985, édition TEC et DOC.
régime féodal » Cette existence
incontestée peut être le fait de mentions précises dans un
contrat de vente ou de louage, de recherche sur la carte de Cassini, ...
La Révolution en supprimant la banalité a
augmenté le nombre de procès issus de conflits entre meuniers ou
entre meuniers et riverains. Le Directoire pour limiter ce
phénomène réalisa des enquêtes sur les moulins.
L'instruction du 19 thermidor an VI précise que toute demande relative
à l'établissement ou la régularisation de moulin ou usine
doit être soumise à une enquête préalable de vingt
jours. C'est ainsi que sont apparus les premiers règlements d'eau et par
là même, les ouvrages fondés sur titre. Ce n'est qu'en 1853
que l'Etat précisa par arrêté au service des Ponts et
chaussées comment réaliser les enquêtes devant
déboucher sur la fixation des hauteurs d'eau maximales. Cette
réglementation avait pour objectif la meilleure protection du droit de
propriété des riverains trop souvent victimes d'inondations dont
les moulins étaient la cause lors des crues habituelles. Dès lors
les ouvrages que l'on considère aujourd'hui comme fondés en titre
font à l'époque l'objet de règlements d'eau afin de les
modifier pour raison d'intérêt général. Ces ouvrages
deviennent donc « autorisés » ou « fondés en droit
» (« fondé sur titre »). C'est le cas le plus souvent des
moulins situés en plaine dont l'impact lors des crues pouvait être
le plus négatif pour les riverains. Néanmoins, concernant les
moulins situés en tête de bassin, qui causaient moins d'ennuis aux
riverains, ils furent que très ponctuellement l'objet de
règlements, et ils peuvent donc ne pas avoir
bénéficié de décret d'autorisation. C'est pour ces
derniers ouvrages qu'il s'avère nécessaire d'apporter la preuve
de leur fondement en titre.
Section 1.1.3. : La consistance légale du droit
d'eau
La consistance légale du droit d'eau définie
l'ensemble des principales caractéristiques du droit à l'usage de
l'eau dont est titulaire le propriétaire d'un fonds bordant un cours
d'eau. Il s'agit donc de fixer l'amplitude des droits dont
bénéficie ce dernier dans l'usage qu'il fait de l'eau, puisque
propriétaire du lit de la rivière, il n'a aucun droit de
propriété sur l'eau qui y coule ; il n'a qu'un droit d'usage de
l'eau dans les limites fixée par la réglementation
générale. En l'espèce la consistance légale du
droit d'eau sera constituée par la hauteur maximale de l'ouvrage, le
nombre et la taille des vannages, la puissance motrice qui en
résulte, les modalités d'utilisation de la force
motrice (limites dans le temps, ...). En l'absence d'ouvrages hydrauliques la
consistance légale du droit d'eau est une consistance de droit commun
telle qu'elle ressort du code civil et du code de l'environnement. Lorsque le
propriétaire fait un usage accrût de la rivière par
l'implantation notamment d'un ouvrage hydraulique, il convient de
définir l'étendu du droit d'eau attaché à
l'utilisation de cet ouvrage.
Plusieurs hypothèses sont alors envisageables :
- Soit la consistance légale du titre de
propriété est indiquée sur le titre lui-même. Mais
les titres anciens sont souvent imprécis et ne permettent de
déterminer la consistance légale du droit d'eau que de
façon indirecte. Dans cette hypothèse, il convient de tenir
compte du rendement des moteurs et des circonstances de fait. Le Conseil d'Etat
fait ainsi référence à la force hydraulique
nécessaire pour actionner les différents éléments,
meules, rouets, martinets indiqués dans le titre dans un arrêt du
26 décembre 1917 « Vincienne >>38.
- Soit il existe un titre, mais celui-ci ne donne aucune
indication quant à la consistance légale du droit d'eau. Il
convient alors de tirer toutes les indications utiles des circonstances de
fait.
- Soit il n'y a pas de titre authentique (le droit
résulte d'une possession antérieure à 1789). Dans cette
troisième hypothèse, il faut prendre en considération
l'état de chose ancien ayant permis de fixer les droits du
détenteur de la prise d'eau fondée en titre. La consistance
légale doit être présumée conforme à sa
consistance effective actuelle. Cependant l'administration peut prouver que la
force motrice a augmentée depuis la date à laquelle l'usine a
acquis son existence légale. C'est ce qu'a jugé le Conseil d'Etat
dans un arrêt du 13 mars 1966 « Ministre de l'agriculture contre
Etablissement Etchegoyen >> dans lequel il considère que
« détruit en 1875, le barrage a été reconstruit
en 1905 ; des installations nouvelles ont été
aménagées et le niveau de la retenue élevé. Des
modifications ont entraîné une augmentation de la hauteur de la
chute et par voie de conséquence, un accroissement de la force motrice
de l'ouvrage,..., qu'il en résulte une modification de la consistance de
l'ouvrage ».
38Publié au recueil Lebon page 862.
Après avoir ainsi posé le contexte juridique
dans lequel évoluent les ouvrages hydrauliques, il convient de
s'arrêter plus longtemps sur les cas des ouvrages fondés en titre
puis sur celui des ouvrages fondés sur titre.
Chapitre 1.2. : Les droits d'eau « fondés
en titre >>
ou usines ayant une « existence légale >>
La définition du droit d'eau fondé en titre
(section 1.2.1.) a pu faire l'objet de controverses doctrinales dues à
l'absence de définition législative. Cependant la jurisprudence a
permis grâce à la multitude des espèces rencontrées
de fixer cette définition ainsi que les moyens de preuve d'un droit
fondé en titre (section 1.2.2.). Mais si le fondement en titre d'un
ouvrage peut être établis, cela n'empêche en rien son
propriétaire de modifier son ouvrage (section 1.2.3.) sous certaines
conditions, de même que cela ne présume en rien de
l'éventuelle perte du fondement en titre du droit d'eau attaché
à l'ouvrage (section 1.2.4.).
Section 1.2.1. : Définition
Les droits d'eau fondés en titre sont ceux issus d'une
existence de fait d'un ouvrage hydraulique exploitant la force motrice du cours
d'eau avant l'abolition des droits féodaux. Il s'agit ici d'un
raisonnement assez rare en droit administratif et qui consiste à
déduire le droit à partir d'une situation de fait. En effet si la
Révolution a mis fin à la féodalité, elle n'a pas
pour autant supprimée tous les droits qui avaient pu être
accordés. « Dalloz explique que « laisser l'anarchie
détruire tous les moulins, c'eût été remplacer la
Révolution par la famine »39, pour justifier que la
loi des 15-28 mars 1790 relative aux droits féodaux ait maintenu dans
leurs
39 Répertoire méthodologique et
alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence,
Dalloz, Paris, 1852, tome 19, page 402, n° 290.
droits mouliniers et usiniers, alors même qu'ils
étaient entachés de féodalité et ait enjoint aux
corps constitués de veiller à leur conservation », comme
l'écris Philippe Billet dans sa note40 à la semaine
juridique.
« Un droit fondé en titre est un droit
réel, historique, transmissible, qui ne se perd pas par le non usage,
sauf ruine de l'ouvrage » selon la définition donnée
par Florence DENIERPASQUIER).
Il a été jugé qu'en matière de
droit d'eau fondé en titre, ni les articles 644 et 645 du code civil, ni
les lois de 1790 et 1792 abolissant la féodalité, ne font
obstacle à ce que la jouissance des prises d'eau concédées
autrefois à titre onéreux par les anciens seigneurs soit
maintenue41.
De plus, l'article du décret du 6 novembre
199542 dispose que « les usines fondées en titre
sont considérées comme autorisées en l'application de
l'article 11 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, dans la limite de leur
consistance légale ». En effet l'article 11
précité pose que « Les autorisations
délivrées en application du décret n° 81-375 du 15
avril 1981 (modifiant la loi du 16 octobre 1919 et pris en son application
et qui concerne la forme et la procédure d'instruction des demandes
d'autorisation d'usines hydrauliques), ou des textes auxquels il s'est
substitué, et les autorisations délivrées avant le 16
octobre 1919 aux entreprises d'une puissance maximale brute inférieure
à 150 kW sont assimilées, pour les ouvrages, travaux,
aménagements ou activités existantes, aux autorisations
délivrées en application de l'article 10 de la loi du 3 janvier
1992 sur l'eau. Sont également considérées comme
autorisées, en application de l'article 10 de cette loi, les usines
fondées en titre dans la limite de leur consistance légale
».
Sur les cours d'eau non domaniaux, le titulaire d'un droit
d'eau fondé en titre doit apporter la preuve que l'exercice de ce droit
est antérieur à août 1790. En effet, sont
considérés comme fondés en titre par la jurisprudence les
ouvrages dont l'existence peut-être établis comme
antérieures à l'abrogation des droits féodaux43
lorsqu'ils sont situés sur des cours d'eau non domaniaux, et
antérieures à l'Edit de Moulins de 1566 lorsqu'ils sont
situés
40 La semaine juridique - édition
administrations et collectivités territoriales n°38, 2006,
commentaire n°1210.
41 Cour de Cassation, chambre civile, 4 juin 1834, Gen
Vo Servitudes, n°444 3°.
42 Décret n° 95-1204.
43 Lois des 4 août 1789 et 20 août 1790
sur des cours d'eaux domaniaux. Le Conseil d'Etat a ainsi
jugé dans son arrêt << Monnard » du 29 juillet 1846 que
devaient être considérées comme fondées en titre les
usines qui, sans présenter de titres authentiques d'autorisation,
justifiaient d'une existence de fait incontestée antérieure
à l'abolition du régime féodal (4 août 1789) et plus
spécialement à la loi du 20 août 1790 qui plaçait
les petits cours d'eau sous l'autorité réglementaire. Cette
position a été confirmée par de nombreux arrêts
depuis. En outre, il n'est même pas nécessaire selon le Conseil
d'Etat que l'usine ait eu sous l'ancien droit une existence assez
prolongée pour fonder la prescription. Concernant les cours d'eau non
domaniaux, sont également considérées comme fondés
en titre les usines ayant été comprises dans la vente d'un bien
national après 1789, et les usines existants sur les cours d'eau
réunis à la France après 1790 (cours d'eau du
Comtat-Venaissin et du territoire d'Avignon en 1791, de la principauté
de Montbéliard en 1796, de la Savoie et du Comté de Nice en
1860).
Concernant la nature du droit fondé en titre, Jean
Poiret affirme dans son ouvrage << droit de
l'hydroélectricité »44 la thèse selon
laquelle il s'agit d'un droit réel administratif. A l'appui de cette
thèse il rappelle que Pierre Magnier se réfère << au
père de la notion même de droit réel autre que civil »
c'est-à-dire le doyen Maurice Hauriou qui, dans sa note sous un
arrêt du Conseil d'Etat du 25 mai 190645, qui est << le
berceau de la théorie des droits réels administratifs »,
énumère un certain nombre de droits qu'il considérait
comme des droits réels administratifs, parmi lesquels figurait le droit
des usines fondées en titre sur les rivières navigables.
Cependant, bien que cette théorie ne soit limitée au domaine
publique fluviale de l'époque, l'intervention depuis cette note de 1908
de la loi du 16 octobre 1919 fait entrer l'énergie hydraulique dans le
domaine public de l'Etat, qu'elle provienne d'un cours d'eau domanial ou non
domanial. Dès lors, les usines fondées en titre confèrent
à leur titulaire des droits sur le domaine public.
Ce droit est un droit d'usage comme l'est d'ailleurs le droit
fondé sur titre qui est associé à un acte administratif.
Les limites de ces droits font l'objet d'une importante jurisprudence.
44 << Droit de l'hydroélectricité » tome
1 et 2, de Jean Poiret, EDF et édition économica, 2004.
45 Sirey 1908. III p.65.
Section 1.2.2. : Preuve du droit fondé en
titre
C'est au titulaire et non à l'administration de
rapporter l'existence de ce droit. Le titulaire doit produire les titres
authentiques en vertu desquels la prise d'eau a été
créée. La jurisprudence considère que la seule preuve de
l'existence de l'ouvrage avant 1566, pour les cours d'eau domaniaux, ou 1789,
pour les cours d'eaux non domaniaux, suffit pour que ces titres soient
présumés établis. Telle est la portée des
arrêts du Conseil d'Etat du 30 mars 1846 << de Boisset contre
Ministre des travaux public »46 et du 13 novembre 1903 <<
de la RocheAimon »47. Mais cette présomption simple peut
toujours être renversée par l'administration comme l'a jugé
le Conseil d'Etat dans un arrêt du 16 octobre 1992 << Laroumanie
»48 ; en l'espèce il s'agissait de la mise en place
d'une prise d'eau sur un cours d'eau non domanial pour alimenter un
étang, sans autorisation préalable (« Considérant
que le requérant n'établit pas que la prise d'eau litigieuse
existait préalablement à l'abolition des droits féodaux,
ni qu'elle a été comprise dans une vente de biens
aliénés au profit de la Nation à la suite de la mainmise
de l'Etat sur les biens ecclésiastiques et sur ceux des
émigrés ; que la prise d'eau litigieuse n'avait donc pas de titre
légal ; que dès lors sa régularisation devait faire
l'objet d'une autorisation administrative conformément aux dispositions
de l'article 107 2° du code rural »).
Lorsque les titres authentiques permettant la preuve des
droits fondés en titre existent, ils ne fournissent le plus souvent pas
ou peu d'informations concernant l'étendue de ces droits. C'est pourquoi
le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt «Arriau» du 16
janvier 2006 que « la consistance d'un droit fondé en titre est
présumé, sauf preuve contraire, conforme à sa consistance
actuelle ». La situation de droit est donc déduite, par
présomption, de la situation de fait. Il s'agit là d'une
présomption juris tantum qui peut toujours être combattu par la
preuve contraire. L'administration peut, par exemple, alléguer un fait
précis permettant de déduire que la quantité d'eau
utilisée a augmenté depuis la date à laquelle l'usine a
acquis son existence légale, c'est ce qu'a jugé le Conseil d'Etat
dans l'arrêt du 12 janvier 1983 << Chocolaterie de l'Essonne
».
46 Publié au recueil Lebon page 215.
47 Publié au recueil Lebon page 675.
48 Publié à la revue de droit rural de
1993 à la page 95.
La localisation d'un moulin sur la carte de
Cassini49 est suffisante pour prouver l'existence d'un droit
fondé en titre, mais cela ne permet pas de déterminer
l'étendue de ce droit : il faut pour cela procéder à une
expertise de terrain et/ou avoir recours à des documents (actes de
ventes des biens nationaux, contrat d'albergement,...). Notons qu'en pratique
la localisation sur la carte de Cassini se trouve malaisée du fait
notamment de son imprécision et des changements de noms ayant pu
intervenir concernant l'identification des ouvrages. Ainsi, la Cour
administrative d'appel de Bordeaux, dans l'arrêt « Ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement » du 3
décembre 2003 juge «que la carte dite de Cassini,
dressée entre 1750 et 1770, produite par l'administration, ne permet
pas, à elle seule, d'établir que l'acte du 30 septembre 1424
concernerait non le site sur lequel est implantée l'usine appartenant
à la société hydroélectrique de Lacave mais un
autre moulin (...) » soulevant ainsi l'imprécision de la
cartographie antérieure à la Révolution pour ne pas en
faire, à elle seule, un élément de preuve sur lequel
fonder une décision de justice. Cependant la vérification de
l'existence de l'ouvrage avant la Révolution de 1789 peut se faire
à la lecture des minutes de la carte de Cassini, en effet celles-ci
comportent souvent le nom exact du site. Ces minutes sont conservées par
la cartothèque de l'IGN à Saint-Mandé50.
Si un propriétaire peut apporter la preuve de
l'existence de son moulin avant l'abolition des privilèges, ainsi que
des éléments décrivant la consistance de son droit d'eau
alors il lui est possible de réutiliser la force motrice dans le strict
respect de l'étendue de son droit et des autres dispositions
réglementaires s'appliquant aux ouvrages, sauf perte du droit
fondé en titre dans les conditions fixées par la
jurisprudence.
Section 1.2.3. : Modification des ouvrages fondés en
titres à l'initiative du propriétaire de l'ouvrage
En principe le titulaire d'un droit fondé en titre
peut, dans les limites de leur consistance légale, apporter des
modifications à ses installations sans autorisation nouvelle.
Au-delà, toute modification de la consistance légale est soumise
aux autorisations ou
49 La carte de Cassini a été
établie entre 1760 et 1789 et publiée à partir de 1815.
50 Département du Val-De-Marne.
concessions exigées par l'article 2 de la loi du 16
octobre 1919. Ainsi, lorsque « l'usage de l'énergie est accrue
au-delà des limites fixées par le titre dont dispose l'usinier,
ou résultant de ce titre », ou lorsque « les
modifications envisagées ne sont pas compatibles avec les dispositions
de ce titre » (par exemple lorsqu'elles sont de nature à
influer sur le régime des eaux) la jurisprudence fait une stricte
application de la loi en imposant une autorisation ou une concession.
Le régime (concession ou autorisation) est
déterminé en fonction de l'accroissement de la puissance
réalisée, et non en fonction de la puissance totale de l'usine
après transformation selon l'arrêt de section du Conseil d'Etat du
18 février 1972, << Société hydroélectrique
de Salles-la-source >>51. Ainsi, après lecture
conjointe de la jurisprudence et de l'article 2 modifié de la loi du 16
octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique,
si l'accroissement de puissance est égal ou inférieur à
4500 kW, l'usinier doit faire une demande d'autorisation auprès de
l'administration, si l'accroissement est supérieur à 4500 kW,
l'usinier doit faire une demande de concession. En outre, s'agissant de la
procédure d'autorisation ministérielle instituée par
l'article 6 de la loi du 6 février 2000, les ouvrages dont la puissance
installée n'augmente que de 10 % ne sont assujettis qu'à une
simple déclaration. Une autorisation est tout de même
nécessaire si cette augmentation, même inférieure à
10 %, a pour effet de faire passer la puissance totale au-delà des 4 500
kW.
Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt du 26
juillet 1866 << Ulrich >> « qu'aucune disposition
législative ou règlementaire n'oblige les usiniers à se
pourvoir d'une autorisation pour modifier les ouvrages régulateurs d'une
retenue tant que rien n'a été changé au régime des
eaux et que, sans accroître la force motrice dont ils peuvent disposer,
les usiniers ne font que mieux l'utiliser au moyen d'additions et de
perfectionnements apportés aux vannes motrices, aux coursiers et aux
roues hydrauliques ». Pierre Sablière écrit à
propos de cet arrêt qu'il est pragmatique en ce qu'il décide
« de s'en tenir seulement à deux éléments : la
consistance du canal d'amené et la hauteur de la chute, sans prendre en
compte les améliorations de l'outillage ce qui devait le moment venu
faciliter la reconversion d'anciens moulins fondés en titre en
établissement industriels puis en usines hydroélectriques
»52. L'autorisation par règlement d'eau d'une
augmentation de force motrice issue de travaux sur les ouvrages
régulateurs a ainsi pour effet de rendre l'ouvrage fondé sur
titre. La limitation de
51 Publié au recueil Lebon page 154.
52 AJDA, 2004, page 2219, << prises d'eau
fondées en titre ou ayant une existence légale >> de Pierre
Sablière.
l'autorisation à l'augmentation de la consistance
légale des ouvrages régulateurs du moulin fondé en titre a
été reprise dans la circulaire du 10 juin 1921 en l'application
de la loi du 16 octobre 1919 : « si l'article 19 de la loi stipule que
(les établissements fondés en titre) ne seront soumis à la
nouvelle législation qu'en ce qui concerne la taxe de statistique, cette
disposition vise exclusivement l'usage de la force motrice produite par les
ouvrages ayant une existence légale et non l'énergie
supplémentaire à aménager », le surplus de
puissance n'est donc pas assimilé à la puissance fondés en
titre déjà existante. La jurisprudence récente confirme
cette position puisque le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt
<< Ministre de l'environnement c./ Brauchli » du 19 décembre
1994 que « Considérant que le droit fondé en titre du
Moulin ... n'est pas contesté ... les modifications apportées au
canal d'amené d'eau modifient la consistance de l'ouvrage et ont pour
conséquence un accroissement global de la force motrice produite ... ;
il suit de là que (le propriétaire) devait, avant d'effectuer ces
modifications, solliciter une autorisation administrative »
constitutive d'un fondement sur titre. Dans l'arrêt du 7
décembre 1998 << SARL centrale Mazarin contre Ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement » le juge
administratif suprême juge « qu'il résulte des
pièces du dossier que la puissance actuelle de l'usine
hydroélectrique est supérieure à la puissance existant en
1816 ; dans ces conditions (le propriétaire) ne saurait, en tout
état de cause, invoquer le droit fondé en titre de son usine
[pour la totalité de l'ouvrage existant aujourd'hui]
». Enfin, il juge dans l'arrêt << Tampon contre
Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement
» du 18 janvier 1999 « qu'il est constant que le bief qui
dérive les eaux de la Laize et alimente les moulins ... existait avant
le 4 août 1789 ; qu'il ressort toutefois ... que des modifications
substantielles ont été apportées depuis 1857, sans
autorisation, aux ouvrages de dérivation et de prises d'eau qui ont eu
pour effet d'augmenter la consistance de l'installation ... [le
propriétaire] n'est pas fondé à se prévaloir
d'un droit fondé en titre... [pour la totalité de l'ouvrage]
».
S'il est de jurisprudence constante qu'une autorisation soit
exigée pour la puissance supplémentaire, un doute pourrait
naître de l'interprétation du juge lors de l'application de ce
régime d'autorisation ou de concession à un ouvrage fondé
en titre qui ferait l'objet de travaux pour augmenter sa puissance motrice. En
effet, à la lecture de l'arrêt de section du Conseil d'Etat du 18
février 1972 << Société hydroélectrique de la
vallée de Salles-la-Source », il apparaît que le juge
administratif suprême ne soumette au régime d'autorisation ou de
concession que la part de puissance motrice brute qui est ajoutée
à celle déjà existante. En l'espèce l'usine
exploitée par la Société hydroélectrique de la
vallée de Salles-la-Source était
fondée en titre à hauteur de 530 kW, et sa
puissance motrice brute atteignait 1300 kW après ajout d'un
troisième groupe ; dès lors l'accroissement de puissance est de
770 kW. En jugeant que « la Société
hydroélectrique de la vallée de Salles-la-Source est
fondée à prétendre que la puissance fondée en titre
soit déduite pour le calcul de la puissance maximum à
réglementer », le Conseil d'Etat semble considérer de
manière distincte la part de puissance ajoutée, et donc soumise
à la loi de 1919, et la part de puissance déjà existante.
De même, le tribunal administratif de Toulouse, par jugement du 25
janvier 2007 « société hydro SIA » considère
« qu'un droit fondé en titre conserve la consistance qui
était la sienne à l'origine ; que dans le cas où des
modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet
d'accroître la force motrice théoriquement disponible,
appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du
débit du cours d'eau ou du canal d'amené, ces
transformations ont pour conséquence non de permettre une actualisation
de la consistance du droit fondé en titre, mais seulement de soumettre
l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la
partie de la force motrice supérieure à la puissance
fondée en titre ; que, par suite, les moyens de la
requête tirant argument des améliorations techniques qu'a connues
le moulin sont inopérants à l'appui de conclusions tendant au
calcul de la dite puissance ». Cette jurisprudence aurait donc pu
amener à penser que l'ouvrage fondé en titre restait fondé
en titre pour la part de consistance légale déjà
existante, et devenait fondé sur titre seulement pour la part soumise
à autorisation.
Cependant le doute n'est pas permis puisque le juge
administratif a eu pour objectif de faciliter l'évolution des ouvrages
fondés en titre en les soumettant au régime de l'autorisation ou
de la concession sans pour autant les contraindre de facto au régime de
la concession même pour une légère augmentation de leur
puissance motrice lorsqu'il s'agit d'ouvrages dont la PMB53 est
proche ou supérieure à 4500 kW. Ainsi le juge administratif ne
prend en compte que la part de puissance motrice issue de l'augmentation afin
de ne pas soumettre à la procédure d'autorisation ou de
concession la part déjà autorisée (fondée en titre)
de puissance motrice. Cette solution jurisprudentielle permet de ne pas
remettre en cause un droit existant sans pour autant le condamner à
l'intangibilité. Il faut rapprocher cette solution des arrêts
évoqués plus haut (« Tampon contre Ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement » du 18 janvier
1999) concluant à la perte du droit fondé en titre suite à
une augmentation de la puissance motrice. En effet, à la vue de
l'ensemble de cette jurisprudence,
53 Puissance motrice brute.
si le juge administratif n'a pas voulu condamner les ouvrages
fondés en titre à l'absence d'évolution possible, il ne
leur a pas non plus garantie la pérennité de leur statut, puisque
leur fondement en titre tombant (« priver l'usine de sa qualité
d'établissement fondé en titre »), ils deviennent
fondés sur titre pour la totalité de leur puissance. Le Conseil
d'Etat met fin à toute interrogation possible dans l'arrêt
<< SARL Centrale Mazarin » du 7 décembre 1998 (publié
au cahier juridique de l'électricité et du gaz de 1999,
jurisprudence page 286) puisqu'il nous dit très clairement qu'à
défaut d'autre élément, la puissance pouvait, s'agissant
d'un moulin installé au XIIIe siècle, être fixée
à 64 CV à la suite d'une expertise contradictoire
réalisée par l'administration en 1858 ; mais le décret du
19 novembre 1897 qui avait autorisé la reconstruction de cette usine,
détruite pendant la guerre de 1870, précisait que la demande
comportait « concession d'un supplément de force motrice »
et que la puissance effective, à la suite de cette reconstruction
étant supérieure à celle constatée en 1858,
qu'ainsi il n'était plus possible de considérer l'installation
comme fondée en titre puisqu'elle était devenue fondée sur
titre.
Enfin, et pour être complet, dans l'arrêt <<
SA Laprade énergie » du 5 juillet 2004 le Conseil d'Etat
considère « qu'un droit fondé en titre conserve la
consistance qui était la sienne à l'origine ; que dans le cas
où des modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont
pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible,
appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du
débit du cours d'eau ou du canal d'amenée, ces transformations
n'ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit
fondé en titre, mais seulement de soumettre l'installation au droit
commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice
supérieure à la puissance fondée en titre ».
Pierre Sablière commente cet arrêt54 et en
déduit que « lorsqu'il y a modification de la consistance
légale cela ne veut pas dire qu'il y a disparition des droits
résultant du titre mais simplement qu'il faut, selon les
modalités prévues par la loi du 16 octobre 1919 alors applicable,
une autorisation pour la seule puissance supplémentaire qui en
résulte, le titre restant, en toute hypothèse, acquis
». Le raisonnement serait tronqué s'il n'était pas
souligné que le droit fondé en titre perdure,
malgré une modification non encore autorisée de
l'ouvrage, mais cela uniquement dans l'attente de la mise en oeuvre de la
procédure d'autorisation ou de concession dans les conditions
rappelées plus haut. Il y aurait deux temps à distinguer : le
premier résulte de la modification de la puissance motrice de l'ouvrage
fondé en titre par des
54 Note à l'AJDA 2004, page 2219.
travaux (exhaussement de la ligne d'eau,...) mais sans que ces
travaux n'aient été soumis à procédure
d'autorisation ou de concession, pendant cette première phase le droit
fondé en titre perdure puisqu'il constitue la seule base juridique de
l'ouvrage malgré une contradiction entre les faits et le titre. C'est ce
que nous retrouvons dans la note de Pierre Sablière55 lorsque
celui-ci écrit à propos de l'arrêt « Arriau » du
5 juillet 2004 « dire qu'il y a modification de la consistance
légale ne veut pas dire qu'il y a disparition des droits
résultant du titre mais simplement qu'il faut, selon les
modalités prévues par la loi du 16 octobre 1919 alors applicable,
une autorisation pour la seule puissance supplémentaire qui en
résulte, le titre restant, en toute hypothèse acquis ».
De là découle le deuxième temps, lequel correspond
à la mise en conformité du titre avec l'état de fait, et
donc, d'une certaine manière à la « légalisation
» des travaux ayant abouti à l'augmentation de la puissance de
l'ouvrage. Ce deuxième temps permet de fonder sur titre l'ouvrage et
bien que la procédure à adopté ne soit choisit qu'en
fonction de l'augmentation de puissance réalisée, c'est
l'ensemble de l'ouvrage qui devient fondé sur titre. C'est ce que Pierre
Sablière rappel sous sa note à l'AJDA en illustrant son
développement intitulé : « ... à condition que
l'usage soit conforme à la consistance légale découlant du
titre ». En effet, il site dans ce développement l'arrêt
du Conseil d'Etat du 7 décembre 1998 « SARL Centrale Mazarin
»56 dans lequel le juge administratif suprême
considère « qu'à défaut d'autres
éléments cette puissance pouvait, s'agissant d'un moulin
installé au XIIIème siècle, être fixé
à 64 cv à la suite d'une expertise contradictoire
réalisée par l'administration en 1858, mais que le décret
du 19 novembre 1897, précisait que la demande comportait «
concession d'un supplément de force motrice » et que la
puissance effective, à la suite de cette reconstruction étant
supérieure à celle constatée en 1858, il
n'était plus possible de considérer l'installation comme
fondée en titre ».
Un arrêt récent du Conseil d'Etat permet de
renforcer cette thèse. En effet, le juge administratif suprême
dans un arrêt « société SJS » du 21 mai 2008 (qui
sera mentionné aux tables du recueil Lebon) reconnaît à
l'intérêt à agir de l'établissement fondé en
titre alors que celui-ci avait subit une importante augmentation de puissance
soumise à concession. En effet, l'établissement vendu comme bien
national en 1797 était considéré comme fondé en
titre jusqu'à ce qu'un décret de 1854 relatif à
l'autorisation à la fois de l'usine de fer et de l'ouvrage hydraulique
lui octroi le caractère d'ouvrage fondé sur titre. Cependant
cette autorisation est
55 Note à l'AJDA 2004, page 2219.
56 Publié au cahier juridique de
l'électricité et du gaz de juillet 1999, page 286.
devenue caduque à défaut de renouvellement en
application de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919. Dès lors cette
usine, dont la puissance avait atteint 900kW n'était plus
autorisée pour sa totalité mais redevenait fondée en titre
pour les 180kW qui constituaient sa consistance légale en 1797. Le
Conseil d'Etat considère que « la circonstance qu'elle [la
société SJS] ne bénéficiait pas d'une
autorisation en règle au moment de l'introduction de sa requête ne
la privait pas, au regard de son droit fondé en titre, même
limité, d'un intérêt pour agir contre les
arrêtés fixant les conditions d'exploitation d'une autre
société d'exploitation électrique dont le barrage est
situé en aval du sien et influe sur sa production ».
Dés lors le fondement sur titre tombant, l'ouvrage est à nouveau
considéré comme fondé en titre dans les limites de sa
consistance légale.
Concernant la modification de la puissance de l'ouvrage, elle
a pu faire l'objet de différentes conceptions de la part du juge
administratif suprême. Ainsi le Conseil d'Etat a-t-il d'abord jugé
que toute transformation de l'établissement, même une simple une
amélioration de l'outillage, dont il ressortait une augmentation de la
force motrice, devait être analysée comme une modification de la
consistance légale de l'ouvrage. Cette solution très stricte a
été abandonnée par l'arrêt « Ulrich >> de
1866 dans lequel seulement deux éléments sont retenus, il s'agit
de la consistance du canal d'amenée et de la hauteur de la chute, les
améliorations de l'outillage n'étant alors plus prise en
considération. Cette solution a permis par la suite de faciliter les
reconversions d'usines fondées en titre en leur permettant notamment,
par changement d'outillage, de devenir des établissements industriels
puis des usines hydroélectriques. Cette solution adoptée par le
Conseil d'Etat dès 1866 est encore aujourd'hui d'actualité
puisqu'elle correspond toujours à la position du ministère de
l'équipement. La circulaire57 du ministère de
l'Equipement et du Logement du 22 novembre 1968, applicable aux barrages
fondés ou non en titre, a ainsi invité ses services, lors de
travaux d'entretien, à « s'assurer que soient strictement
observées les conditions de seule remise en état du barrage sans
aucun exhaussement et qu'aucune modification du canal d'amenée ne soit
effectuée en vue d'en augmenter l'ancien débit >>. La
jurisprudence est également constante en ce sens (CE 11 janvier 1946
Société hydroélectrique de la vallée de
Salles-la-Source, Lebon p. 8 ; CE 18 mars 1966 Ministre de
l'Agriculture c/ Société des établissements
Etchegoyen, Lebon p. 218 ; CE 18 janvier 1999 M. Tampon ; CAA
Bordeaux 24 juin 1999 SA Centrale des Vignes).
57 Circulaire n° 68-112 publiée au BOME
n° 22-68, p. 865.
Tout vise donc à faciliter l'adaptation des ouvrages
fondés en titre, que se soit les règles de calcul
définissant la procédure applicable à la
légalisation de l'augmentation de la force motrice (autorisation ou
concession) ou bien les éléments prit en considération
pour calculer une modification de puissance motrice. Cependant, malgré
la << bienveillance » de l'administration et du juge au regard des
ouvrages fondés en titre, ces derniers ne sont pas à l'abri de
toute remise en cause...
Section 1.2.4. : La perte du droit fondé en
titre
Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt de
principe << SA Laprade énergie » n°246929 du 5 mai 2004
que «la force motrice produite par l'écoulement d'eaux
courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un
droit de propriété ; qu'il en résulte qu'un droit
fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est
plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait
de la ruine ou un changement d'affectation des ouvrages essentiels
destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau ;
qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas
été utilisés en tant que tels au cours d'une longue
période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le
droit de prise d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de
nature, à eux seuls, à remettre en cause la
pérennité de ce droit ; ... ».
Ce considérant de principe a été
confirmé à plusieurs reprises depuis, et notamment dans
l'arrêt << Arriau »58 du 16 janvier 2006, et
l'arrêt << M. et Mme Sablé »59 du 7
février 2007 (annexe 4).
Cette jurisprudence nouvelle du Conseil d'Etat va à
l'encontre de la doctrine qui jusque là admettait communément
qu'un droit fondé en titre ne se perdait ni par la ruine ni même
lorsque l'ouvrage était totalement disparu. De même cette
jurisprudence contredit la doctrine qui jusque là admettait parfois
aussi que << les droits à l'usage de l'eau attachés
à la
58 Arrêt du Conseil d'Etat n° 263010,
<< Arriau », du 16 janvier 2006.
59 Arrêt du Conseil d'Etat n°280373,
<< M. et Mme Sablé » du 7 février 2007.
prise peuvent se perdre par le non-usage en dehors de
toute prescription acquisitive »60, et ce à l'appui
notamment de l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de
Cassation du 17 juillet 195861. Or, comme le souligne Jean-Marc
Février dans sa note62 à la revue << Droit
Administratif >> à propos de l'arrêt << Sablé
>>, « le juge considère que « la circonstance que le
droit sur l'eau serait un droit d'usage qui se perdrait par non utilisation est
sans influence sur la pérennité du droit fondé en titre
» (CAA Bordeaux, 28 juin 2001, Poux) ». Le Conseiller d'Etat
Yann Aguila sur l'arrêt du 7 février 2007, << M. et Mme
Sablé >>63, nous rappel d'ailleurs que
« le droit d'eau ne se perd pas par le non usage »
et que si « ce point à été
discuté [le Conseil d'Etat a] expressément
apporté cette précision par sa décision SA Laprade
Energie. Cette solution se comprend bien, puisqu'il s'agit d'un droit
réel immobilier : le non usage ne saurait avoir d'effet sur l'existence
d'un droit ».
Dans l'arrêt « Arriau » le Conseil
d'Etat distingue la ruine du délabrement par la capacité que
l'ouvrage aurait ou non a être de nouveau utilisé,
puisqu'il juge << que si cet ouvrage est partiellement
délabré, ses éléments essentiels ne sont pas dans
un état de ruine tel qu'il ne soit plus susceptible d'être
utilisé par son détenteur ». Il convient dès
lors d'évaluer la possibilité pour le moulin d'être
susceptible d'être remis en fonctionnement, pour savoir si un ouvrage
aujourd'hui en mauvais état, est toujours susceptible de
bénéficier du droit d'eau fondé en titre qui lui est
attaché. A la lecture de la jurisprudence et d'une doctrine bien que
rare en la matière, il semble que la ruine ne soit pas constituée
tant que les éléments essentiels destinés à
utiliser la pente et le volume du cours d'eau (canal d'amené, canal de
fuite, seuil, fosse d'emplacement du moulin ou de la turbine) restent visibles
et, dès lors que quelques travaux de débroussaillage,
débouchage, enrochement complémentaire, ou de petites
consolidations suffisent à les remettre en état de
fonctionnement. En outre, toute ruine n'est pas susceptible d'entraîner
la fin du droit d'eau fondé en titre. En effet, si la ruine est le
résultat d'une crue intervenue alors que le propriétaire de
l'ouvrage avait préalablement fait part de sa volonté de
l'exploiter à nouveau, le droit d'eau fondé en titre demeure,
à la condition toutefois que les éléments existant
permettent de reconstituer l'ouvrage conformément à sa
consistance légale.
60 lexisnexis, JCP - environnement, << eau et
usages >> 2° Prises d'eau ayant une << existence légale
>> ou << fondées en titre >>.
61 Arrêt de la première chambre civile de
la Cour de Cassation, 17 juillet 1958, publié au cahier juridique de
l'électricité et du gaz, 1958, page 186.
62 Droit administratif, avril 2007, commentaire
n°56, << précisions sur les prises d'eau fondées en
titre >>.
63 Publiées à la Revue Française
de Droit Administratif 2007, page 494.
Pour illustration, rappelons l'analyse des faits par le
Conseil d'Etat dans l'arrêt << SA Laprade énergie ».
Pour le juge administratif suprême « le canal d'amenée
n'est qu'obstrué par les travaux de terrassement entrepris dans le cadre
d'une autorisation préfectorale accordée le 8 juillet 1983 puis
annulé par le juge administratif ; que le canal de fuite, s'il est
envahi par la végétation, demeure tracé depuis le moulin
jusqu'au point de restitution ; qu'il pourrait être remédié
à la dégradation subie en son centre par la digue, qui consiste
pour partie en un banc rocheux naturel, par un simple apport d'enrochement ;
qu'ainsi, la possibilité d'utiliser la force motrice de l'ouvrage
subsiste pour l'essentiel ».
De la même manière, la troisième chambre
civile de la Cour de Cassation a jugé dans un arrêt relatif
à l'affaire du << Moulin de Soutière » du
1er avril 1992 « que la renonciation à un droit ne
se déduit pas de la seule inaction de son titulaire et ne peut
résulter que d'actes manifestants sans équivoque la
volonté de renoncer ».
Quant au changement d'affectation d'un ouvrage
susceptible de mettre fin au droit d'eau dont est titulaire le
propriétaire dudit ouvrage, il s'agit d'une utilisation autre que celle
pour laquelle l'ouvrage avait été construit. Lorsque le
droit d'eau fondé en titre avait, par exemple, pour objet de permettre
l'utilisation de la force motrice de la chute d'eau pour en
tirer de l'énergie (pour actionner une roue, produire de
l'électricité, etc.), il y a changement d'affectation dans
l'hypothèse où la retenue d'eau est désormais
utilisée pour l'irrigation, la pisciculture ou encore le loisir. Notons
toutefois que le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt <<
Arriau » de 2006 qu'il n'y avait pas changement d'affectation lorsqu'un
moulin utilisant dans le passé l'énergie de la chute d'eau pour
moudre le grain, et qu'il l'utilise dorénavant pour produire de
l'électricité. Le droit d'eau tombe donc de
lui-même dès lors que ce changement d'affectation rend la force
motrice du cours d'eau insusceptible d'être utilisée par
le détenteur du titre. Il s'agit là, comme pour la ruine, d'une
appréciation au cas par cas. La transformation du moulin en
résidence secondaire, par exemple, est indifférente dès
lors que les éléments essentiels destinés à
l'utilisation de la force motrice ne subissent pas de transformations telles
qu'ils ne puissent plus être utilisés comme prévu à
l'origine.
La pérennité du droit fondé en titre ne
signifie pas qu'il ne puisse pas être révoqué ou
modifié par l'administration pour des motifs d'intérêt
général. Notons cependant que les droits fondés en titre
sont mieux protégés sur les cours d'eau domaniaux où leur
révocation ou
modification entraîne l'indemnisation du titulaire du
titre, y compris lorsque l'intérêt général est
allégué, alors que sur les cours d'eau non domaniaux, aucune
indemnisation n'est prévue dans cette dernière hypothèse.
En outre, lorsqu'un ouvrage fondé en titre n'est plus exploité
depuis une longue période de temps et qu'il ne fait plus l'objet d'un
entretien régulier, cela ne justifie pas la perte de son droit d'eau,
mais l'inaction du titulaire de ce droit peut aboutir à la perte, par ce
dernier, d'un éventuel droit à indemnisation en cas d'atteinte
portée à ce droit par le titulaire d'un autre droit d'eau
concurrent (voire jurisprudence << Arriau »). La Cour Administrative
d'appel de Bordeaux a, par exemple, dans son arrêt du 4 novembre 2003
<< M. Le Scouarnec », admis l'indemnisation du titulaire dont les
droits étaient lésés du fait de la mise en fonctionnement
d'un barrage amont, au motif notamment que son ouvrage se trouvait encore en
état de fonctionnement.
Notons enfin que conformément à l'article
L215-10 du code de l'environnement, le non entretien pendant au moins 20 ans
à compter du 30 mars 1993 pourra, à l'avenir, provoquer non pas
la disparition des droits fondés en titre mais la mise en oeuvre d'une
procédure de révocation sans indemnité, pour ce qui est
des ouvrages installés sur des cours d'eau non domaniaux, ce qui est de
nature à affaiblir encore la solution actuellement retenue. En effet, le
droit d'eau fondé en titre en plus de s'éteindre de
lui-même suite à la ruine ou au changement d'affectation d'un des
éléments essentiels destiné à utiliser la force
motrice du cours d'eau, celui-ci pourra être révoqué sans
indemnité dès lors qu'il sera prouvé un défaut
d'entretien de plus de vingt ans et qu'il s'agira d'un ouvrage installé
sur un cours d'eau non domanial.
Qu'en est-il maintenant concernant les ouvrages dont l'existence
n'est pas antérieure à l'abolition de la féodalité
?
Chapitre 1.3. : Les droits d'eau « fondés
sur titre >>
ou « fondés en droit >>
De même que les ouvrages fondés en titre ont fait
l'objet d'une définition précise, il est possible de
définir les droits d'eau fondés sur titre (section 1.3.1.) par
l'existence notamment de règlements d'eau (section 1.3.2.) qu'il va
être nécessaire de rechercher (section 1.3.3.) pour faire la
preuve de ce droit.
Section 1.3.1. : Définition
Les ouvrages fondés sur titre ont été
réglementés à partir du XIXème siècle par
l'administration64 après enquête du service hydraulique
des ponts et chaussées. Leur consistance légale a
été clairement définie à l'issue d'une
procédure parfois très longue65. Les inventaires
réalisés par les ponts et chaussées, puis par les
ingénieurs du service hydraulique du ministère de l'agriculture
peuvent nous renseigner sur les caractéristiques de ces moulins au
XIXème siècle et au cours du XXème siècle. Ces
ouvrages dits « fondés sur titre >>, par opposition aux
ouvrages établis antérieurement à la Révolution
dits « fondés en titre >>, sont également dits «
fondés en droit >> ou encore « autorisé >> par
opposition aux ouvrages fondés en titre qui eux ont « une existence
légale >>.
64 Par les préfectures à partir de
1853.
65 Jusqu'à 15 ans de mise en place.
Section 1.3.2. : Les règlements d'eau
Le règlement d'eau est un acte administratif qui selon
les époques a pu être une ordonnance royale (avant 1853 le plus
souvent) ou un arrêté préfectoral (depuis 1853). Ce
document intervient soit lors de l'autorisation d'un nouvel ouvrage hydraulique
à partir de la Révolution afin d'en fixer les principales
caractéristiques (hauteur d'eau, vannage, etc...) après
enquêtes publiques et visite des lieux par l'ingénieur du service
hydraulique. L'adoption du règlement d'eau est suivit d'un
arrêté de récolement prenant acte d'un état des
lieux dressé par l'ingénieur du service hydraulique après
construction de l'ouvrage. Le règlement d'eau peut également
être adopté suite à des travaux modifiant les
caractéristiques de l'ouvrage (notamment sans force hydraulique, la
taille des vannages, la hauteur de la ligne d'eau,...) nécessitant une
autorisation administrative. Enfin, le règlement d'eau peut
également intervenir à la demande de certains
propriétaires d'ouvrages fondés en titre qui, soucieux d'avoir
une preuve de la consistance légale de leurs ouvrages, demandent
à ce qu'ils soient « régularisés », or cela
n'est nullement nécessaire puisque la consistance légale d'un
droit d'eau fondé en titre est supposée conforme à sa
consistance effective actuelle.
Le règlement d'eau peut-être modifié ou
abrogé pour des questions motivées d'intérêt
général (article L 214-4 et L 215-10 du code de
l'environnement).
Le décret n°95-1205 du 6 novembre 1995 approuvant
le modèle de règlement d'eau des entreprises autorisées
à utiliser l'énergie hydraulique pose les précisions dont
doit faire état un règlement d'eau. Ainsi, le règlement
d'eau doit indiquer les conditions dont le bénéficiaire de
l'autorisation peut disposer de l'énergie hydraulique, en fixant les
conditions de dérivation, les conditions de prise et d'usage des eaux,
les caractéristiques de l'ouvrage, les mesures permettant d'assurer le
débit de l'écoulement des eaux dans le milieu (débit
minimal et circulation des poissons migrateurs), les conditions de
fonctionnement des installations y compris en période de crise, les
mesures relatives à l'entretien (vidange par exemple) et à la
navigation quand elle intervient, les conditions de surveillance et le suivit
du fonctionnement et des ouvrages dans le temps, enfin les conditions
éventuelles de renouvellement de l'autorisation. Cependant ce
décret ne s'applique qu'au règlement d'eau adopté depuis
sa date d'entrée en vigueur66. En effet, les
règlements d'eau adoptés au cours du XIXème siècle
sont
66 Publication au journal officiel du 11 novembre
1995.
moins complets et ne faisaient que fixer le niveau
légal de la retenue, les caractéristiques du déversoir,
les dimensions des vannages et leurs caractéristiques, la disposition
des canaux de décharge et les conditions de leur entretien, le point
où sera fixé le repère définitif, les conditions de
gestion du niveau des eaux, et les conditions de curage.
Section 1.3.3. : Recherche des règlements
d'eau
La connaissance du statut juridique d'un ouvrage hydraulique
passe par la connaissance de son règlement d'eau, s'il en est
doté. Pour cela, les propriétaires n'ayant pas ou plus ce
document en leur possession, il convient de le rechercher aux archives
départementales en série S, voire également en
série continue pour le département des DeuxSèvres et en
série alpha pour le département du Maine-et-Loire, les directions
départementales de l'agriculture ayant procédé au
versement de leurs données aux services des archives. Ces recherches
permettent de retrouver les règlements d'eau de quelques usines ou
moulins. Pour les autres, l'absence de règlements aux archives ne permet
pas de conclure que ce document n'a jamais existé. Dès lors, si
les ouvrages pourvus d'un règlement d'eau sont fondés sur titre,
et ceux dont l'existence antérieure à la Révolution peut
être prouvée sont fondés en titre, rien ne permet de savoir
si les ouvrages dont on ne trouve pas la trace d'un règlement sont
fondés en titre, sur titre ou bien sont non
réglementés.
La carte de Cassini dressée entre 1756 et 1789 est un
moyen de relevé l'existence des moulins avant la révolution et
ainsi de prouver leur fondement en titre. Cependant cette carte ne se
révèle pas toujours opérationnelle pour ce type de
recherche et elle nécessite une étude cartographique au cas par
cas pour chaque ouvrage. Cette carte, de par la période quelle recouvre,
permet seulement d'établir le fondement en titre d'un ouvrage, elle ne
permet pas de connaître ça consistance légale à la
date de son établissement, ni même de savoir si l'ouvrage a fait
l'objet ultérieurement d'une réglementation. Elle n'est donc pas
utile comme moyen de preuve d'un fondement sur titre d'un ouvrage hydraulique,
mais seulement comme moyen de preuve de son fondement en titre, au moins pour
une part de son passé, un règlement d'eau ayant pu autoriser une
augmentation de la force motrice de l'ouvrage.
Bien que fondé en titre ou sur titre, un droit d'eau
reste susceptible d'évolutions.
Chapitre 1.4. : Les évolutions possibles d'un
droit
d'eau
Les évolutions possibles d'un droit d'eau, qu'il soit
fondé en titre ou sur titre vont être la conséquence soit
de sa cession (section 1.4.1.), soit de sa renonciation de la part du titulaire
de ce droit (section 1.4.2.), soit de sa prescription (section 1.4.3.), soit
enfin de la fin normale du titre (section 1.4.4.).
Section 1.4.1. : Cession du droit d'usage de l'eau
Le droit d'usage de l'eau est dans le commerce, il
peut-être cédé. C'est ce qu'a jugé la chambre civile
de la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 mai 1948. La cession
transfère au cessionnaire le droit d'usage tel qu'il était entre
les mains du cédant, avec ces prérogatives et limites.
La cession des chutes d'eau fondées en titre n'est, par
hypothèse, spécifiquement traitée par aucun texte. C'est
donc le droit commercial commun qui s'applique. Dés lors, toutes les
usines fondées en titre n'ayant pas subi de modifications, telles, que
la chute d'eau ne soit passée sous le régime de l'autorisation ou
de la concession, peuvent être vendues avec les droits à usage de
l'eau dans la limite de leur consistance légale.
La cession des chutes autorisées est
règlementée par l'article 16 de la loi du 16 octobre 1919, lequel
dispose que « Toute cession totale ou partielle d'autorisation, tout
changement
de permissionnaire doit, pour être valable,
être notifiée au préfet qui, dans les deux mois de cette
notification, devra en donner acte ou en signifier son refus motivé.
Cette disposition ne s'applique pas aux ventes en justice ». Elle
repose sur le principe de libre cession.
La cession des chutes concédées est
règlementée par l'article 12 de la loi du 16 octobre 1919, lequel
prévoit que « Toute cession totale ou partielle de concession,
tout changement de concessionnaire ne peut avoir lieu qu'après
approbation ». Le rachat par l'Etat d'une chute
concédée est le moyen pour lui de mettre volontairement fin
à la concession avant terme, et pour le concessionnaire de se retirer
volontairement de la concession.
Section 1.4.2. : Renonciation au droit d'usage de
l'eau
La Cour de Cassation a admis par un arrêt du 28 mars
193867 que le droit d'usage de l'eau est susceptible de renonciation
au profit d'un autre riverain, dans le respect, toutefois, des
intérêts des co-riverains sur le même cours d'eau. Il s'agit
en l'espèce d'une cession de droit réel par laquelle seront tenus
les successeurs, même à titre particulier, du cédant, dans
les conditions du droit commun.
Frédéric Zénati, Professeur à
l'Université Jean Moulin de Lyon III, écrit dans l'article «
renonciation aux droits réel par non-usage »68, que
« la renonciation, pas plus que l'abandon ne peuvent se
présumer, mais cette maxime ne signifie pas l'interdiction absolue d'une
preuve par la présomption. Elle s'interprète comme n'admettant la
renonciation tacite qu'en cas de manifestation de volonté non
équivoque ». Cette interprétation du droit est conforme
à la jurisprudence de la Cour de Cassation dont la troisième
chambre civile a jugé dans un arrêt du 1er avril 1992
en se fondant sur l'article 544 du code civil que « la renonciation
à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire
et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la
volonté de renoncer ». Les tribunaux apprécient
souverainement cette intention69.
67 Dalloz Hebdomadaire (DH) 1938, 338.
68 Publié à la revue trimestrielle du
droit civil (RTDC) de 1993 page 851.
69 Voir note sous tribunal civil de la Seine,
27/02/1935.
La jurisprudence dominante est donc clairement en faveur du
maintien de ces droits acquis même en cas de non-usage prolongé.
Le Conseil d'Etat en a jugé ainsi dès le 9 avril 1897 dans
l'arrêt « Ville de Montpellier >> malgré une absence
d'utilisation pendant plus de 40 ans. Cette décision est
confirmée le 2 février 2004 par l'arrêt «
Communauté de communes Vére-Grésigne >> puisque les
droits de l'usinier fondés en titre sont confirmés malgré
l'absence d'utilisation depuis 1928.
Notons que « l'usinier suspendant, même
totalement l'exercice de son droit demeure astreint à appliquer ou
à continuer à appliquer toutes dispositions nécessaires
à la préservation d'intérêt généraux
qui ne seraient pas ou plus sauvegardés du fait de cette suspension
(protection du milieu aquatique, sécurité des tiers,
écoulement des eaux) » comme l'écrit Jean Poiret dans
le tome 2 de son ouvrage « droit de l'hydroélectricité
>>.
Section 1.4.3. : Prescription du droit d'usage de
l'eau
La prescription trentenaire de droit commun s'applique
également au droit d'usage de l'eau. Ainsi, pour être
réalisée, la prescription suppose le constat d'une contradiction
formelle aux droits du riverain par des ouvrages extérieurs et
apparents, permanents tendant à l'appropriation de l'eau et/ou de son
lit (voir en ce sens l'arrêt de la chambre civile de la Cour de Cassation
du 25 avril 196370). Il apparaît, au surplus, selon la
doctrine, que le droit d'usage préférentiel étant
considéré comme l'accessoire du droit de propriété
du lit, la prescription sur le lit d'un cours d'eau emporte celle du droit
d'usage préférentiel, dès lors, c'est l'ensemble du droit
de riveraineté qui fait l'objet d'une prescription. Selon une doctrine
bien établie, relayée notamment dans l'ouvrage de Picard «
traité des eaux >>71, la contradiction sus
évoquée, susceptible de s'opposer au droit de riveraineté,
résultera soit de la construction de travaux apparents et permanents,
tendant à l'appropriation exclusive ou presque totale du cours d'eau, et
constituant pour le propriétaire inférieur, un empêchement
matériel à l'exercice de son droit, soit d'actes judiciaires,
soit d'actes extrajudiciaires fait à la requête de l'auteur de
pareils ouvrages. Cette analyse doctrinale est conforme à la
jurisprudence puisque
70Publié au bulletin civil, 1, n° 213.
71 Picard, « traité des eaux >>,
tome 2, 2e édition, J. De Rotschild, 1896.
la Cour de Cassation a jugé par un arrêt du 11
janvier 188172 que « si les eaux courantes d'un ruisseau
sont choses communes aux riverains et si les droits de ceux-ci constitues une
faculté naturelle qui ne saurait périr par le non usage si
prolongé qu'on le suppose, ce principe ne fait pas obstacle toutefois
à ce que la prescription puisse être invoquée par le
riverain qui s'est attribué pendant plus de trente ans la jouissance
exclusive du cours d'eau par des ouvrages apparents constituant une
contradiction manifeste aux droits des autres riverains, et un obstacle
matériel à l'exercice des facultés qui leurs sont reconnus
par la loi ». La Cour de Cassation, sans remettre ici en cause le
principe selon lequel les droits du riverain d'un cours d'eau constitue une
faculté naturelle qui ne saurait périr par le non usage si
prolongé qu'on le suppose, fait application de la prescription afin
transférer ces droits au riverains qui s'est attribué pendant
plus de trente ans la jouissance exclusive du cours d'eau par des ouvrages
apparents.
Il faut noter cependant que cette prescription ne produit pas
d'effet à l'égard de l'administration puisque les travaux
réalisés sans autorisation ne lui sont pas opposables.
Section 1.4.4. : Fin normale du titre
Concernant les chutes d'eau fondées en titre, leur
caractère perpétuel implique l'absence de date de fin
prédéterminée. Leur fin résulte de la ruine de
l'ouvrage, de leur abandon volontaire ou de leur suppression d'office par une
mesure de police de l'eau. En cas de cession, son statut subsiste à
l'identique.
Concernant les chutes antérieures à 1919 de
puissance motrice brute inférieure à 150 kW, « ces
entreprises demeurent autorisées conformément à leur titre
actuel et sans autre limitation de durée que celle résultant de
la possibilité de leur suppression dans les conditions prévues
par les lois en vigueur sur le régime des eaux » tel que le
prévoit l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919. Dès lors soit
leur titre demeure, soient elles sont supprimées d'office par une mesure
de police de l'eau.
72 Dalloz Périodique (DP), 81, 1, 134.
Quant aux chutes d'eau antérieures à 1919 dont
la puissance motrice brute est supérieure à 150 kW, «
elles demeurent, pendant soixante-quinze ans, à compter de la même
date, soumises au régime qui leur était antérieurement
applicable » (article 18 loi 16/10/1919) « A l'expiration de
la période de soixante quinze ans, [ces entreprises] sont
assimilées aux entreprises arrivant en fin de concession ou
d'autorisation, sous réserve des dispositions ci-après
applicables aux seules entreprises concessibles ».
Concernant enfin les chutes d'eau (d'une puissance motrice
brute supérieure à 150 kW) établies postérieurement
à la loi de 1919, elles sont soumises de plein droit au régime de
l'autorisation ou de la concession. Ainsi, il est nécessaire de
renouveler l'autorisation ou la concession dans les conditions prescrites par
la loi, à défaut le permissionnaire/concessionnaire est tenu de
rétablir le libre écoulement du cours d'eau.
Quoi qu'il en soit, notons que le comportement du
propriétaire a une grande influence sur le titre de l'ouvrage qu'il
possède, de même que la situation foncière d'un ouvrage
impact fortement le statut de l'ouvrage.
Chapitre 1.5. : Les ouvrages quant à leur(s)
propriétaire(s)
Il existe plusieurs situations foncières susceptibles
d'être rencontrées sur le terrain et dont les conséquences
pour le statut juridique des ouvrages doivent être notées. Il y a
par exemple les biens sans maître (section 1.5.1.), les clapets (section
1.5.2.), et enfin les ouvrages dépourvus d'unité foncière
entre les mains d'un seul propriétaire (section 1.5.3.).
Section 1.5.1. : Les biens sans maître
Il s'agit des biens dont le propriétaire est :
- soit connu mais disparu sans laisser d'héritier (la date
de décès et l'actuel propriétaire du bien ne sont pas
connus).
- soit inconnu : il n'existe aucun titre de
propriété publié à la conservation des
hypothèques et aucun renseignement sur l'identité du
propriétaire au centre des impôts foncier.
- soit connu mais décédé depuis plus de
30 ans, sans héritier ou en laissant des héritiers qui n'ont pas
accepté la succession dans cette période ; ces biens sont donc
sans propriétaire puisque le délai de prescription de 30 ans est
expiré.
Depuis la loi du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales, les biens sans maître
tombent dans le patrimoine de la commune sur le territoire de laquelle ils sont
situés.
Certains ouvrages hydrauliques, de part leur situation
géographique (en fond de vallée, parfois très
éloignés de toute autre habitation, ...) et les contraintes que
les aléas que la rivière
impose (entretien, ...) peuvent devenir des biens sans
maître. L'exode rural accentuant un peu plus encore ce
phénomène, il devient parfois impossible de retrouver
l'identité du dernier propriétaire de l'ouvrage, ainsi que, le
cas échéant, l'existence d'éventuels héritiers. Ces
ouvrages tombent alors automatiquement dans le patrimoine de la commune sur le
territoire de laquelle ils sont situés dès lors qu'ils sont
effectivement déclarés, après les recherches qui
s'imposent, être des biens sans maître.
Section 1.5.2. : Les clapets et autres seuils
Les clapets sont des ouvrages installés à partir
des années 1960 dans le lit des rivières afin de maintenir un
niveau d'eau suffisant tout au long de l'année pour des usages agricoles
et de pêche de loisir notamment. Ces ouvrages présentent la
particularité de ne laisser passer l'eau que par sur-verse, ce qui
provoque d'importants inconvénients pour la migration piscicole et la
continuité sédimentaire. En outre ces ouvrages en plus d'avoir
été dans la plus part des cas installés sans autorisation,
ils l'ont parfois été sur des parcelles privées, en dehors
de toute maîtrise foncière, par les services de la direction
départementale de l'agriculture ou encore par la
fédération départementale de pêche. Les clapets
soulèvent donc en plus des problèmes juridiques d'autorisation
liés à tous les ouvrages installés dans le lit des cours
d'eau, un problème de droit de propriété qu'il convient
d'étudier par le biais de la théorie de l'accession (§
1.5.2.1.) et de la prescription acquisitive ou usucapion (§ 1.5.2.2.).
§ 1.5.2.1. / La théorie de l'accession
Article 552 du code civil :
« La propriété du sol emporte la
propriété du dessus et du dessous ».
Article 555 du code civil :
« Lorsque les plantations, constructions et
ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux
appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le
droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit
d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers
à les enlever. Si le propriétaire du fonds exige la
suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est
exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour
lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des
dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement
subi par le propriétaire du fonds.
Si le propriétaire du fonds préfère
conserver la propriété des constructions, plantations et
ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme
égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le
coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés
à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se
trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.
Si les plantations, constructions et ouvrages ont
été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas
été condamné, en raison de sa bonne foi, à la
restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression
desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de
rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à
l'alinéa précédent».
Le code civil a appliqué au droit de la
propriété le principe selon lequel l'accessoire suit le principal
(accessorium sequitur principale) afin de soumettre l'accessoire et le
principal au même régime. Cependant ce principe n'établit
qu'une présomption simple qui peut être combattu par la preuve
contraire, c'est-à-dire un titre ou la prescription.
Ainsi, en application de l'article 555 du code civil,
le propriétaire du fonds sur lequel un ouvrage est construit par
un tiers avec les matériaux de ce dernier, devient propriétaire
de cet ouvrage au fur et à mesure de la construction et de
l'incorporation au terrain des matériaux lorsque le tiers est de
mauvaise fois. En pratique le tiers de mauvaise fois est celui qui a
construit un ouvrage sur une propriété qu'il savait ne pas lui
appartenir. Dans cette hypothèse, le propriétaire du fonds a le
choix entre :
- conserver la propriété de l'ouvrage en
remboursant au tiers soit une somme égale à celle dont le fonds a
augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix
de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement
- obliger le tiers à enlever les constructions à
ses frais, sans aucune indemnité pour lui.
Ce choix est discrétionnaire. Le propriétaire ne
peut se voir opposer l'argument selon lequel la construction ne semble pas lui
causer de gêne sérieuse et que ce léger préjudice
pourrait être réparé par des dommages et
intérêts, pour se voir refuser la
démolition73.
Quelque soit le choix du propriétaire du fonds, le
tiers peut être condamné à des dommages et
intérêts pour le préjudice éventuellement subit par
le propriétaire.
Lorsque le tiers est de bonne fois, c'est-à-dire
lorsqu'il croyait construire sur un fonds lui appartenant, le <<
véritable » propriétaire du fonds ne peut exiger la
suppression de l'ouvrage, mais il a le choix de rembourser au tiers soit une
somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur,
soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre.
« La bonne foi est toujours présumée, c'est à
celui qui allègue la mauvaise fois à la prouver
»74, Le possesseur cesse d'être de bonne fois
lorsque le propriétaire lui a déjà demandé de
supprimer l'ouvrage édifié ou lorsqu'il lui a communiqué
son titre de propriété, c'est ce qu'a jugé la 3e chambre
civile de la Cour de Cassation dans son arrêt du 30 novembre
198875. De même, est de mauvaise fois le constructeur qui
savait le terrain appartenir à autrui.
En pratique nous pouvons considérer que le constructeur
d'ouvrages dénommés << clapets » sur des parcelles
appartenant à des propriétaires privés ou publics dont il
est distinct, ne peut en réclamer de bonne foi la
propriété dès lors qu'il savait que le fonds sur lequel il
a établit la construction ne lui appartenait pas. Dès lors c'est
le propriétaire du fonds sur lequel est établit le clapet qui en
est le propriétaire. Cependant une convention a pu être
passée entre le propriétaire du fonds et le maître
d'ouvrage du clapet afin d'autoriser ce dernier à exercer une emprise
sur le fonds. Il convient, dans ce cas, de ce référer à
ladite convention afin de connaître la consistance du droit du
maître d'ouvrage sur le clapet. Celle-ci ne peut être qu'une
autorisation de gestion du clapet, une autorisation temporaire d'occupation du
sol, ou bien un transfert de propriété de l'emprise du clapet
avec un droit de passage attenant faisant alors du maître d'ouvrage le
propriétaire de l'ouvrage.
Le propriétaire du fonds sur lequel est implanté
l'ouvrage pourra voir engager sa responsabilité civile en cas de dommage
du fait soit de l'implantation irrégulière de l'ouvrage soit
d'une mauvaise gestion ou d'un défaut d'entretien de cet ouvrage,
à charge pour lui
73 Cour de Cassation, 1e chambre civile, 13
janvier 1965, Bulletin civil I, n°34.
74 Article 2268 du code civil.
75 Bulletin civil III, n°172.
d'engager ensuite une action récursoire à
l'encontre du maître d'ouvrage qui a procédé aux travaux de
manière unilatérale et en contradiction avec les titres de
propriété.
Concernant la nécessité ou non d'une autorisation
pour de tels ouvrages, voir le chapitre 2.4.
Cependant, la théorie de l'accession n'est pas la seule
qui peut être invoquée ici.
§ 1.5.2.2. / La prescription acquisitive ou usucapion
Article 2219 du code civil :
« La prescription est un moyen d'acquérir ou de
se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions
déterminées par la loi ».
La prescription acquisitive, également appelée
usucapion, est un mode d'acquisition de la propriété
immobilière.
Article 2262 du code civil :
« Toutes les actions, tant réelles que
personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue
cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse
lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ».
Pour Gérard Cornu « la possession est - avec ou
sans droit - l'imitation parfaite de la propriété, corps et
âme de la propriété, c'est la propriété
vécue en action et en intention, en acte et en pensée,
fût-ce par qui sait bien n'être pas propriétaire ». En
effet, pour qu'il y ait possession il doit y avoir présence de
l'élément intentionnel (l'animus) de la part de celui qui dit
posséder. Il s'agit pour ce dernier de se comporter en
propriétaire. L'animus ne se confond pas avec la bonne ou la mauvaise
foi. Il peut y avoir possession même de mauvaise foi, il ne s'agit
là que d'un vice. Le possesseur est de bonne foi lorsqu'il ignore qu'il
n'est pas propriétaire du bien. La possession de bonne foi conduit
à une prescription acquisitive de dix à vingt ans, alors que
c'est trente ans pour la possession de mauvaise foi. A défaut
d'élément
intentionnel les actes matériels ne sont pas
significatifs, ce ne sont dès lors que des actes de détention
pour autrui. Le code civil pose à l'article 2230 qu' (( On est
toujours présumé posséder pour soi, et à titre de
propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à
posséder pour un autre ». Cette présomption facilite la
preuve de l'élément intentionnel, ainsi les juges n'ont pas
à rechercher et caractériser spécialement cet
élément de la possession.
Outre l'élément intentionnel, la possession
suppose aussi un élément matériel. Il s'agit là de
la détention ou de la jouissance de la chose que l'on prétend
posséder. Le corpus correspond ici à l'accomplissement d'actes
matériels tels que les accomplirait le propriétaire du bien
possédé (occupation, entretien, puisage de l'eau, perception de
loyers,...).
Pour qu'il y ait prescription acquisitive, il doit d'abord y
avoir « possession continue et non interrompue, paisible, publique,
non équivoque, et à titre de propriétaire »
selon les termes de l'article 2229 du code civil. Par paisible,
publique et non équivoque il est entendu que la possession n'a pas
nécessité d'acte de violence, qu'elle n'était pas
particulièrement cachée aux riverains mais au contraire qu'il y
avait une croyance commune selon laquelle la propriété et la
possession était confondue en une seule et même personne, sans
soulever de doute particulier au regard de son comportement. Pour être
efficace, la possession doit être dépourvue de vices. Dans le cas
contraire, elle est sans effet, mais, seulement à l'égard du
titulaire des droits et biens objets de la possession viciée puisque ses
effets perdurent à l'égard des tiers. La prescription acquisitive
peut donc ne pas être adaptée au cas des clapets car comment
prouver l'intention du propriétaire du fonds sur lequel est
implanté l'ouvrage de se conduire en propriétaire dudit ouvrage
alors que bien souvent, dans les faits, il n'en maîtrise pas la gestion,
et il n'en profite pas directement. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'en
soit pas propriétaire...
En effet, en vertu de l'adage « superficies solo
cedit » instituant une présomption de propriété,
le propriétaire du sol est censé être propriétaire
de tout ce qui s'y est incorporé et qui est ainsi devenu immeuble par
nature. Le fait que les constructions aient été effectuées
par le propriétaire lui-même ou par un tiers est
indifférent. Ainsi selon Messieurs Bergel, Bruschi et Cimamonti dans
leur « traité de droit civil »76,
« la puissance attractive du sol implique l'acquisition de plein droit
immédiate et définitive des constructions et plantations par
son
76 « Traité de droit civil » de Jean-Louis
Bergel, Marc Bruschi et Sylvie Cimamonti, sous la direction de Jacques Gesthin
; 2000, LGDJ.
propriétaire, même sans la moindre
manifestation de volonté de sa part et indépendamment de la
possession qu'il en a ou non ». Dés lors nous pouvons
facilement admettre que la théorie de l'accession s'applique de
façon automatique au cas de figure des clapets construits par une
personne autre que le propriétaire du fonds bordant la rivière
sur lequel il est implanté. Ainsi la propriété du clapet
suit la propriété du fonds bordant sans qu'il soit besoin de
recourir à la prescription acquisitive, théorie qui, nous l'avons
vu, souffre de nombreuses conditions de mise en oeuvre et de problèmes
de preuves. Les clapets sont donc automatiquement propriété du
riverain du cours d'eau sur la parcelle duquel il a été
construit, en dehors de toute prescription trentenaire.
Outre les clapets dont le problème de
propriété peut se poser de façon prégnante, cette
question a aussi un impact particulier concernant les ouvrages dont la
propriété du tout n'est pas réunie en un seul
propriétaire mais au contraire, est séparée entre
plusieurs personnes.
Section 1.5.3. : Les ouvrages dépourvus d'unité
foncière entre les mains d'un seul propriétaire
Suite à l'abandon de l'exploitation de la force motrice
des moulins et usines, il est parfois arrivé que le propriétaire
de l'ouvrage vende une partie de sa propriété qui pouvait devenir
trop grande pour l'usage qu'il en faisait désormais (ou pour toute autre
raison). C'est ainsi que nous trouvons aujourd'hui des ouvrages dont la
chaussée (le seuil) appartient à un propriétaire distinct
du propriétaire du moulin. La question de la maîtrise de la
hauteur d'eau et du bénéficiaire du droit d'eau s'est donc
posée. Il s'agit ici d'une hypothèse que la jurisprudence ne
traite pas en particulier. Il semble alors que ce soit la jurisprudence
applicable à la perte du droit d'eau qu'il faille ici mettre en
oeuvre.
Dans la Revue Droit Immobilier77 l'auteur Jean-Louis
Bergel affirme dans ces observations78 à propos des droits
d'usages qu'ont les riverains des cours d'eau, que « sous
77 Revue Droit Immobilier 1999, page 366, note J-L
B.
78 À propos de l'arrêt de la
3ème chambre civile de la Cour de Cassation du 10
février 1999, Dumas contre consorts de la Cellery
réserve des limitations qu'ils subissent pour des
raisons d'intérêt général, ces droits de
riveraineté constituent des droits réels d'usage des eaux
particuliers considérés par certains auteurs comme des droits
réels sui generis79. Il rappel en outre que «
la Cour de Cassation décide expressément que « les droits
à usage de l'eau attachés à une usine
hydro-électrique autorisée ou fondées en titre sont
des droits réels immobiliers » 80 ».
Le Conseil d'Etat considère dans l'arrêt <<
SA Laprade Energie >> du 5 juillet 2004 que << la force motrice
produite par l'écoulement des eaux courantes ne peut faire l'objet que
d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété
>>. De cela le juge administratif suprême déduit que le
droit d'eau fondé en titre ne peut voir sa pérennité
remise en cause ni par << la circonstance que ces ouvrages n'aient pas
été utilisés en tant que tels au cours d'une longue
période de temps >>, ni du fait du << délabrement du
bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché
>>. En revanche, comme nous l'avons déjà vu plus haut, seul
<< la ruine ou le changement d'affectation des ouvrages essentiels
destinés à utiliser la pente et le volume du cours d'eau >>
sont de nature à faire perdre le droit fondé en titre dés
lors qu'ils rendent la force motrice du cours d'eau insusceptible d'être
utilisée par le détenteur du titre.
En citant ce même arrêt, le Commissaire du
Gouvernement M. Aguila dans ses conclusions81 rendues à
l'occasion de l'arrêt << Monsieur et Madame Sablé >>
du 7 février 2007, écrit que << cette solution se comprend
bien, puisqu'il s'agit d'un droit réel immobilier : le non usage ne
saurait avoir d'effet sur l'existence d'un droit >>. Revenant sur les
deux moyens de perdre un droit d'eau fondé en titre, Monsieur Aguila
estime cela << assez logique : l'objet même du droit d'eau est la
force motrice. Si elle disparaît, le droit d'eau n'a plus d'objet
>>.
Ainsi, il ne semble pas qu'une simple scission de la
propriété des différents éléments de
l'ouvrage entre plusieurs propriétaires soit de nature à faire
perdre un droit d'eau fondé en titre. L'ouvrage reste donc dans son
ensemble fondé en titre, et l'absence d'unité foncière
entre les mains d'un seul propriétaire ne saurait justifier la perte du
fondement en titre de l'ouvrage.
79 Planiol et Ripert, tome 3, Les biens, par Picard,
n°497.
80 Cour de Cassation, 3ème chambre
civile, 6 février 1985, bulletin civil III, n°24.
81 Revue Française de Droit Administratif 2007,
page 495.
De même, selon les propos cités plus haut de
Jean-Louis Bergel, les droits d'eau fondés sur titre sont
également des droits réels d'usage. L'arrêt de la
3ème chambre civile de la Cour de Cassation du 6
février 1985 juge que « les droits à usage de l'eau
attachés à une usine hydro-électrique
autorisée ou fondée en titre sont des droits
réels immobiliers »82. Le même
raisonnement que pour les droits d'eau fondés en titre trouve donc ici
à s'appliquer. Un ouvrage fondé sur titre ne voit alors pas son
règlement d'eau tomber du seul fait de la scission de ses
éléments essentiels destinés à l'exploitation de la
pente et du volume du cours d'eau entre deux ou plusieurs propriétaires.
L'ouvrage reste autorisé, son règlement est opposable à
tous les propriétaires d'un au moins des éléments du
moulin ou de l'usine hydraulique. Notons enfin, pour être complet, qu'un
règlement d'eau doit pour devenir caduc être expressément
dénoncé par l'administration, c'est-à-dire en
l'espèce le préfet.
Au final, le fait pour un ouvrage hydraulique de ne pas
être en sa totalité entre les mains d'un seul propriétaire,
n'a pas pour effet d'influer sur son autorisation ni même son existence
légale. L'ouvrage doit être considéré en
lui-même, en dehors de la qualité et du nombre de ses
propriétaires. Dès lors, il convient pour traiter du cas de ces
ouvrages de s'arrêter non pas sur leur maîtrise foncière,
mais sur leur caractère régulier ou irrégulier,
fondé en titre ou fondé en droit (sur titre).
Dans tous les cas, cette question reste sensible et ne peut
pas faire l'objet d'un traitement indifférencié. Il appartiendra
aux différents acteurs publics en présence de réagir au
cas par cas face à chaque situation, afin de tirer les conclusions qui
s'imposent d'un ensemble d'arguments de fait et de droit. La
réalité offrant une casuistique aussi diverse que variée,
il paraît fort inapproprié de vouloir établir des solutions
générales et intangibles. Si nous nous sommes attachés
à établir une certaine typologie du traitement des
différents cas, celle-ci doit faire l'objet d'une lecture
détachée et éclairée afin de pouvoir appliquer
à chaque situation rencontrée en pratique un peu de chaque «
cas type » que nous allons étudier maintenant.
82 Cour de Cassation, 3ème chambre
civile, 6 février 1985, bulletin civil III, n°24.
Partie 2 : TRAITEMENT DES
DIFFERENTS CAS
Le traitement des différents cas suppose de
connaître les interventions auxquelles peuvent prétendre les
administrations tant étatiques que territoriales (chapitre 2.1.), avant
d'étudier la situation plus particulière des usines et moulins
fondés en titre (chapitre 2.2.), des usines et moulins fondés sur
titre (chapitre 2.3.) et enfin des ouvrages irréguliers ou soumis
à une législation nouvelle (chapitre 2.4.).
Chapitre 2.1. : Les interventions possibles des
différentes administrations
L'administration doit le plus souvent, avant d'intervenir,
faire la preuve de l'intérêt général dans lequel
elle s'inscrit pour justifier de la légalité de
l'opération et donc de faire précéder les travaux d'une
déclaration d'intérêt général (section
2.1.1.). De même, l'administration doit, pour intervenir sur un cours
d'eau, et plus particulièrement sur un ouvrage hydraulique, respecter
les motifs d'action définis par la loi (section 2.1.2.). Enfin
l'intérêt général et le respect de la
légalité des travaux permettent en principe de conclure à
l'absence d'indemnisation du titulaire du droit évincé (section
2.1.3.).
Section 2.1.1. : La déclaration
d'intérêt général
La déclaration d'intérêt
général est une procédure instituée par la loi sur
l'eau. Elle permet à un maître d'ouvrage public d'entreprendre
l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, ouvrages
et installations présentant un caractère d'intérêt
général ou d'urgence, visant l'aménagement et la gestion
de l'eau. Elle apparaît comme un préalable nécessaire
à l'intervention des collectivités territoriales et/ou de leurs
groupements ainsi qu'à celle des syndicats mixtes dans le cadre de la
mise en oeuvre de l'article L211-7 du code de l'environnement. L'enquête
publique permettant au préfet de déclarer l'intérêt
général est prévue par le III de ce même
article.
Cependant il peut ne pas être procédé
à enquête publique dans deux hypothèses :
- lorsque l'exécution des travaux est rendue
nécessaire pour faire face à une situation de péril
imminent, qu'ils n'entraînent aucune expropriation et que le maître
d'ouvrage ne prévoit pas de demander de participation financière
aux personnes intéressées. Dans cette hypothèse, et
conformément à l'alinéa 4 de l'article L151-37 du code de
l'environnement, il convient de procéder comme indiqué à
l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés
à la propriété privée par l'exécution des
travaux public : L'occupation doit être autorisée par un
arrêté du préfet, indiquant le nom de la commune où
le territoire est situé, les numéros que les parcelles dont il se
compose portent sur le plan cadastral, et le nom du propriétaire tel
qu'il est inscrit sur la matrice des rôles. Cet arrêté
indique en outre d'une façon précise les travaux à raison
desquels l'occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle
doit porter, la nature et la durée de l'occupation et la voie
d'accès.
- lorsque les travaux portent sur un cours d'eau couvert par
un schéma d'aménagement et de gestion des eaux, qu'ils sont
directement liés à une inondation déclarée
catastrophe naturelle, qu'ils sont réalisés dans les trois ans
qui suivent celle-ci et enfin qu'ils visent à rétablir le cours
d'eau dans ses caractéristiques naturelles.
En dehors de ces deux cas, la déclaration
d'intérêt général est nécessaire. Elle a pour
premier objet de permettre au maître d'ouvrage d'intervenir en toute
légalité sur des propriétés privées. Seul
l'intérêt général ou l'urgence permettent aux
maîtres d'ouvrages
publics d'intervenir en matière d'aménagement et de
gestion de la ressource en eau sur des propriétés
privées.
La déclaration d'intérêt
général permet en second lieu d'éviter la multiplication
des procédures administratives en imposant une seule enquête
publique. En effet, l'enquête publique permettant la déclaration
d'intérêt général nécessaire à la mise
en oeuvre de l'article L211-7 du code de l'environnement se confond avec
l'enquête nécessaire à l'exécution des travaux dans
le cadre de l'article L151-36 du code rural et, à la mise en oeuvre des
articles L214-1 à 6 du code de l'environnement.
La déclaration d'intérêt
général permet enfin au maître d'ouvrage de faire
contribuer aux dépenses ceux qui les ont rendues nécessaires ou
qui y trouvent intérêt.
De plus, la déclaration d'intérêt
général n'a pas pour objet de permettre à toute personne
publique, de réaliser tout type de travaux. L'article L211-7 du code de
l'environnement (pour les collectivités territoriales, leurs groupements
ainsi que les syndicats mixtes) et L151-36 du code rural (les
départements, les communes ainsi que les groupements de ces
collectivités et les syndicats mixtes) (voire supra) fixent les
situations dans lesquelles ces personnes publiques peuvent se prévaloir
d'une déclaration d'intérêt général pour
intervenir sur des propriétés privées. Notons que,
contrairement à l'article L211-7 du code de l'environnement, l'article
L151-6 du code rural exclu les régions du champ des personnes publiques
pouvant intervenir.
Enfin, la déclaration d'intérêt
général préalable à l'intervention de
l'administration n'a pas pour objet de lui permettre de s'écarter des
motifs pour lesquels elle est légitime à intervenir.
Section 2.1.2. : Les différents motifs
légaux d'intervention
La remise en cause d'un droit d'eau intervient par le biais du
pouvoir réglementaire de l'administration. Or la mise en oeuvre de ce
pouvoir réglementaire est tantôt discrétionnaire,
tantôt légalement obligatoire pour l'autorité
compétente. Le Conseil d'Etat a par exemple jugé
que le maire commet une illégalité lorsqu'il
refuse de prendre un règlement de police nécessaire au maintient
de l'ordre ou de la salubrité83. Cet arrêt s'explique
par le fait que le maire est l'autorité administrative compétente
en matière, notamment, de police de l'ordre et de la salubrité
publique. Cette décision peut être transposée en
matière de police de l'eau, dès lors l'autorité
compétente en matière de police de l'eau pourrait voir sa
responsabilité engagée dans l'hypothèse où elle
refuserait de prendre les règlements qui s'imposent en la matière
notamment lorsque la loi prévoit une intervention en faveur de la
protection des écosystèmes (§ 2.1.2.1) ou de la
salubrité de l'eau (§ 2.1.2.2), ou lorsque le schéma
d'aménagement et de gestion des eaux lui-même prévoit des
actions (§ 2.1.2.3).
§ 2.1.2.1. / La protection des écosystèmes :
une compétence décentralisée
L'article L211-7 du code de l'environnement permet aux
collectivités territoriales (ainsi qu'aux EPTB, EPCI et syndicats) de
réaliser des travaux visant l'entretien et l'aménagement d'un
cours d'eau, la protection et la restauration des sites, des
écosystèmes aquatiques et des zones humides, l'exploitation,
l'entretien et l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants,...
dès lors que ces travaux présentent le caractère
d'intérêt général ou d'urgence, et qu'ils
s'intègrent dans le cadre du schéma d'aménagement et de
gestion des eaux s'il existe.
Cette disposition du code de l'environnement modifiée
par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006
permet ainsi à l'IIBSN et au SMVT de procéder chacun sur leur
bassin de compétence, aux travaux nécessaires au
rétablissement de la continuité écologique dès lors
que l'intérêt général sera établi par
l'adoption d'une déclaration d'intérêt
général par le préfet compétent. Ces travaux
comprennent notamment des interventions sur ouvrages hydrauliques entrant
pleinement dans le cadre de ce dispositif. Les collectivités peuvent
faire participer aux dépenses les riverains dans la mesure où ils
trouvent intérêts aux travaux ou bien dans la mesure où ils
les ont rendus nécessaires (L151-36 et L151-37 du code rural).
83 Arrêt du Conseil d'Etat du 23/10/1959, «
Doublet », Dalloz 1960, page 195.
Notons en outre que l'enquête publique nécessaire
à la déclaration d'intérêt général
vaut également enquête publique permettant la déclaration
d'utilité publique au cas ou une expropriation serait à
envisager. Cette disposition de l'article L151-37 du code rural permet
d'éviter d'avoir à effectuer deux enquêtes publiques et
ainsi de réduire les coûts et délais de
procédure.
L'article L151-37-1 du code rural permet aux
collectivités territoriales (et aux EPTB, EPCI, syndicats, ...)
d'instituer, dans le cadre de ces travaux, une servitude de passage sur les
propriétés riveraines du cours d'eau.
L'article L151-38 du code rural permet aux
départements, aux communes, leurs groupements et les syndicats
d'exproprier les propriétaire riverains, de leur droit d'eau,
exercé ou non, afin de procéder à des travaux
d'aménagement d'un bassin ou section de bassin hydrographique,
d'entretien et d'aménagement d'un cours d'eau, ...
La procédure d'adoption d'une déclaration
d'intérêt général est fixée aux articles
R214-88 à R214-105 du code de l'environnement ; laquelle soumet
l'enquête publique aux conditions fixées aux articles R11-4
à R11-14 ou R11-14-1 à R11-14-15 du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique.
Article L211-7 du code de l'environnement :
« I - Les collectivités territoriales et leurs
groupements ainsi que les syndicats mixtes créés en application
de l'article L5721-2 du code général des collectivités
territoriales sont habilités à utiliser les articles L151-36
à L151-40 du code rural pour entreprendre l'étude,
l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou
installations présentant un caractère d'intérêt
général ou d'urgence, dans le cadre du schéma
d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, et visant :
1° L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de
bassin hydrographique ;
2° L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau,
canal, lac, ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau,
à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ;
3° L'approvisionnement en eau
4° La maîtrise des eaux pluviales et de
ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols ;
5° La défense contre les inondations et contre la
mer ;
6° La lutte contre la pollution ;
7° La protection et la conservation des eaux
superficielles et souterraines ;
8° La protection et la restauration des sites,
des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des
formations boisées riveraines ;
9° Les aménagements hydrauliques concourant
à la sécurité civile ;
10° L'exploitation, l'entretien et
l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants
;
11° La mise en place et l'exploitation de dispositifs de
surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques ;
12° L'animation et la concertation dans le domaine de
la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques
dans un sous bassin ou un groupement de sous bassins, ou dans un système
aquifère, correspondant à une unité
hydrographique.
III - Il est procédé à une
seule enquête publique au titre de l'article L151-37 du code rural et des
articles L214-1 à L214-6 du présent code et, s'il y a lieu, de la
déclaration d'utilité publique ;
... ».
Article L151-36 du code rural :
« [...] Les personnes morales
mentionnées au premier alinéa (les départements, les
communes et leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes) prennent en
charge les travaux qu'elles ont prescrits ou exécutés. Elles
peuvent toutefois, dans les conditions prévues à l'article L.
151-37, faire participer aux dépenses de premier établissement,
d'entretien et d'exploitation des ouvrages les personnes qui ont rendu les
travaux nécessaires ou qui y trouvent intérêt.
Lorsque le montant de la participation aux travaux est
supérieur au tiers de la valeur avant travaux du bien immobilier qui en
bénéficie, le propriétaire peut exiger de la personne
morale qu'elle acquière son bien dans un délai de deux ans
à compter du jour de la demande. A défaut d'accord amiable sur le
prix à l'expiration du délai, le juge de l'expropriation, saisi
par le propriétaire ou la personne morale, prononce le transfert de
propriété et fixe le prix du bien ».
« Le programme des travaux à réaliser
est arrêté par la ou les personnes morales concernées. Il
prévoit la répartition des dépenses de premier
établissement, d'exploitation et d'entretien des ouvrages entre la ou
les personnes morales et les personnes mentionnées à l'article
L151- 36. Les bases générales de cette
répartition sont fixées compte tenu de la mesure dans laquelle
chacune a rendu les travaux nécessaires ou y trouve un
intérêt. Le programme définit, en outre, les
modalités de l'entretien ou de l'exploitation des ouvrages qui peuvent
être confiés à une association syndicale autorisée
à créer. Le programme des travaux est soumis à
enquête publique par le préfet, selon une procédure
prévue par décret en Conseil d'Etat.
L'enquête publique mentionnée
à l'alinéa précédent vaut enquête
préalable à la déclaration d'utilité publique des
opérations, acquisitions ou expropriations nécessaires à
la réalisation des travaux.
Le caractère d'intérêt
général ou d'urgence des travaux ainsi que, s'il y a lieu,
l'utilité publique des opérations, acquisition ou expropriation
nécessaires à leur réalisation sont prononcés par
arrêté ministériel ou par arrêté
préfectoral.
...
Les dépenses relatives à la mise en oeuvre de
cette procédure sont à la charge de la ou des
collectivités qui en ont pris l'initiative ».
Article L151-37-1 :
« Il peut être institué une servitude de
passage permettant l'exécution des travaux ainsi que l'exploitation et
l'entretien des ouvrages. Le projet d'institution de servitude est soumis
à une enquête publique. L'enquête mentionnée à
l'article L. 151-37 peut en tenir lieu. Les propriétaires ou occupants
des terrains grevés de cette servitude de passage ont droit à une
indemnité proportionnée au dommage qu'ils subissent,
calculée en tenant compte des avantages que peuvent leur procurer
l'exécution des travaux et l'existence des ouvrages ou installations
pour lesquels cette servitude a été instituée. Les
contestations relatives à cette indemnité sont jugées
comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique
».
« Les départements, les communes ainsi que les
groupements de ces collectivités et les syndicats mixtes
créés en application de l'article L. 5721-2 du code
général des collectivités territoriales sont, ainsi que
leurs concessionnaires, investis, pour la réalisation des travaux, de
tous les droits et servitudes dont disposent les associations syndicales
autorisées.
...
Lorsqu'il s'agit d'un des aménagements
mentionnés aux 1° et 2° du I de l'article L.
211-7 du code de l'environnement (l'aménagement d'un
bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique et l'entretien et
l'aménagement d'un cours d'eau, y compris les accès à ce
cours d'eau), il peut être procédé à
l'expropriation des droits d'eau, exercés ou non, des
propriétaires riverains, à l'exclusion de ceux qui sont
exercés dans le cadre de concessions de forces hydrauliques, en
application de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de
l'énergie hydraulique.
... ».
Article L151-39 :
« Lorsque le programme des travaux mentionnés
à l'article L. 151-37 a prévu que l'entretien et l'exploitation
des ouvrages sont confiés à une association syndicale
autorisée à créer, à laquelle seront remis ces
ouvrages, et au cas oil cette association ne peut être constituée
en temps utile, il pourra être pourvu à sa constitution d'office,
par décision préfectorale ».
Article L151-40 :
« Les dépenses d'entretien et de conservation en
bon état des ouvrages exécutés en application des articles
L. 151-36 à L. 151-39 ont un caractère obligatoire.
Les conditions d'application des articles L. 151-36 à
L. 151-39 sont fixées, en tant que de besoin, par décret en
Conseil d'Etat ».
|
Article R214-88 du code de l'environnement :
« Lorsque les collectivités publiques
mentionnées à l'article L. 211-7 recourent, pour des
opérations énumérées à ce même
article, à la procédure prévue par les deux derniers
alinéas de l'article L. 151-36 et les articles L. 151-37 à L.
151-40 du code rural, les dispositions de la présente section leur sont
applicables ».
Article R214-89 du code de l'environnement :
« I. - La déclaration d'intérêt
général ou d'urgence mentionnée à l'article L.
211-7 du présent code est précédée d'une
enquête publique effectuée, selon le cas, dans les conditions
prévues par les articles R. 11-4 à R. 11-14 ou R. 11-14-1
à R. 11-14-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique.
... ».
Article R214-90 du code de l'environnement :
« Lorsque la déclaration d'utilité
publique de l'opération est requise soit pour autoriser la
dérivation des eaux dans les conditions prévues par l'article L.
215-13, soit pour procéder aux acquisitions d'immeubles ou de droits
réels immobiliers, l'enquête mentionnée à
l'article R. 214-89 vaut enquête préalable à la
déclaration d'utilité publique ».
|
Cet article, rappelle, comme l'article L151-37 du code rural,
que l'enquête publique préalable à une déclaration
d'intérêt général vaut enquête
préalable à la déclaration d'utilité publique.
Cette disposition vise à simplifier la procédure et à en
réduire les coûts et les délais.
§ 2.1.2.2. / La salubrité publique
Contrairement à la protection des
écosystèmes qui est une compétence des
collectivités territoriales, la protection de la salubrité
publique dans le cadre de l'article L215-10 du code de l'environnement est une
compétence qui appartient au préfet, titulaire
des pouvoirs de police de l'eau.
L'article L215-10 du code de l'environnement fournit ainsi une
base légale à l'intervention de l'administration. Il autorise
l'Etat à modifier ou révoquer toute autorisation ou concession
(voire le II de l'article) sans indemnité, dans les quatre
hypothèses strictement énumérées en I parmi
lesquelles figure la salubrité publique. Les chutes d'eau fondées
en titre sont donc, du point de vue de ces hypothèses, assimilées
aux chutes autorisées avant ou depuis 1919, puisque cet article concerne
« toute autorisation..i. Ce pouvoir était
déjà reconnu antérieurement par le Conseil d'Etat dans
l'arrêt « Couplet » du 22 octobre 193084, dans
lequel il jugeait que « l'administration a le droit de régler
dans un but d'intérêt général le régime des
barrages ... si un moulin et le barrage existaient avant 1789 cette
circonstance ne fait pas obstacle à l'exercice des pouvoirs de
l'administration ».
L'article L215-10 du code de l'environnement prévoit
également des dispositions dont l'application est retardée dans
le temps. Ainsi, lorsque des usines ou moulins n'auront pas été
entretenus pendant plus de 20 ans à compter du 30 mars 1993, les
collectivités territoriales pourront, après mise en demeure par
le préfet, procéder aux travaux qui sont la conséquence de
la modification ou la révocation de la permission ou de l'autorisation,
et ce aux frais du permissionnaire ou titulaire de l'autorisation. Cette
disposition est également applicable tant aux ouvrages fondés en
titre qu'aux ouvrages fondés sur titre.
En outre l'article L215-10 du code de l'environnement
prévoit en son I bis qu'à compter du 1er janvier 2014,
l'Etat pourra, sans indemnité, révoquer ou modifier les
permissions ou autorisations des ouvrages établis sur les cours d'eau
classés au titre du I de l'article L214-17 du code de l'environnement
(ceux en très bon état écologique, ceux
identifiés par un SDAGE comme jouant le rôle de
réservoir biologique ,et ceux inscrit sur une liste de cours d'eau
dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des
sédiments et la circulation des poissons migrateurs), et ce
dès lors que leur fonctionnement ne permettra pas la préservation
des migrateurs amphihalins.
Enfin, le II de l'article L214-4 du code de l'environnement
reprend les hypothèses dans lesquelles l'autorisation peut être
retirée ou modifiée s'agissant des ouvrages soumis à
autorisations, en ajoutant l'hypothèse dans laquelle l'ouvrage est
abandonné ou ne fait plus
84 Publié au recueil Lebon, page 477.
l'objet d'un entretien régulier sans prévoir de
délais ou de mise en demeure comme dans l'article L215-10.
Rappelons que la modification ou la suppression d'un droit
ayant une existence légale par les pouvoirs publics n'est légale
que pour servir un intérêt public, c'est ce qu'a jugé le
Conseil d'Etat dans l'arrêt « Delhomme » du 27 mars
189785. Il en va de même en matière de chute
autorisée.
Article L215-10 du code de l'environnement :
« I. - Les autorisations ou permissions
accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines sur les
cours d'eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou
modifiées sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses
pouvoirs de police dans les cas suivants :
1° Dans l'intérêt de la
salubrité publique, et notamment lorsque cette
révocation ou cette modification est nécessaire à
l'alimentation en eau potable de centres habités ou en est la
conséquence ;
2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations
;
3° Dans les cas de la réglementation
générale prévue à l'article L. 215-8 ;
4° Lorsqu'elles concernent les ouvrages
établissant ou réglant le plan d'eau ou les
établissements ou usines qui, à dater du 30 mars 1993,
n'auront pas été entretenus depuis plus de vingt ans ; toute
collectivité publique ou tout établissement public
intéressé peut, en cas de défaillance du permissionnaire
ou du titulaire de l'autorisation, et à sa place, après mise en
demeure par le préfet, exécuter les travaux qui sont la
conséquence de la révocation ou de la modification de la
permission ou de l'autorisation, et poursuivre, à l'encontre du
permissionnaire ou du titulaire de l'autorisation, le remboursement de ces
travaux ;
I bis. - A compter du 1er janvier 2014, en
application des objectifs et des orientations du schéma directeur
d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau classés
au titre du I de l'article L. 214-17, les autorisations ou permissions
accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines peuvent
être modifiées, sans indemnité de la part de l'Etat
exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que leur fonctionnement
ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant
alternativement en eau douce et en eau salée.
|
85 Publié au recueil Lebon, page 487.
II.
- Les dispositions du I et du I bis sont
applicables aux permissions ou autorisations accordées en vertu des
articles L. 214-1 à L. 214-6, ou antérieurement à la mise
en vigueur de ces dispositions, ainsi qu'aux établissements ayant une
existence légale et aux entreprises concédées ou
autorisées en application de la loi du 16 octobre 1919 relative à
l'utilisation de l'énergie hydraulique. Les
modifications apportées en application du I bis du présent
article aux concessions visées par la loi du 16 octobre 1919
précitée n'ouvrent droit à indemnité que si elles
entraînent un bouleversement de l'équilibre économique du
contrat.
III. - Les conditions d'application du 4° du I sont
fixées par un décret en Conseil d'Etat. »
Article L214-4 du code de l'environnement :
« II. - L'autorisation peut être retirée ou
modifiée, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses
pouvoirs de police, dans les cas suivants :
1° Dans l'intérêt de la
salubrité publique, et notamment lorsque ce retrait ou cette
modification est nécessaire à l'alimentation en eau potable des
populations ;
2° Pour prévenir ou faire cesser les
inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique
;
3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique,
et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions
hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ;
4° Lorsque les ouvrages ou installations sont
abandonnés ou ne font plus l'objet d'un entretien
régulier ;
II bis. - A compter du 1er janvier 2014, en application
des objectifs et des orientations du schéma directeur
d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau, parties de
cours d'eau ou canaux classés au titre du I de l'article L. 214-17,
l'autorisation peut être modifiée, sans indemnité de la
part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que le
fonctionnement des ouvrages ou des installations ne permet pas la
préservation des espèces migratrices vivant alternativement en
eau douce et en eau salée ».
§ 2.1.2.3. / L'autorité du schéma
d'aménagement et de gestion des eaux
Le plan d'aménagement et de gestion durable de la
ressource en eau et des milieux aquatiques du schéma
d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) peut «
établir un inventaire des ouvrages hydrauliques susceptibles de
perturber de façon notable les milieux aquatiques et prévoir des
actions permettant d'améliorer le transport des sédiments et de
réduire l'envasement des cours d'eau et des canaux, en tenant compte des
usages économiques de ces ouvrages » selon les articles
L212-5-1 et R212-46 du code de l'environnement. L'article L212-5-1 dispose en
outre en son 2° du II que le SAGE comporte un règlement,
instauré par l'article 77 de la LEMA, qui peut « définir
les mesures nécessaires à la restauration et à la
préservation de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, en
fonction des différentes utilisations de l'eau » (et article
R212-47 du code de l'environnement). Il prévoit aussi en son II -
3° que ce règlement peut « indiquer, parmi les
ouvrages hydrauliques fonctionnant au fil de l'eau figurant à
l'inventaire prévu au 2° du I, ceux qui sont soumis,
sauf raisons d'intérêt général, à une
obligation d'ouverture régulière de leurs vannages afin
d'améliorer le transport naturel des sédiments et d'assurer la
continuité écologique ».
L'article R213-48-1586 du code de l'environnement
défini le caractère franchissable d'un ouvrage, ainsi que ce
qu'est un ouvrage qui assure le transport sédimentaire : « Le
caractère franchissable d'un ouvrage s'apprécie pour l'ensemble
des espèces piscicoles susceptibles d'effectuer des migrations et qui
sont présentes dans le cours d'eau ou font l'objet d'un programme de
réintroduction. Un ouvrage est considéré comme
franchissable par les poissons s'il est équipé de dispositifs
permettant la dévalaison et la montaison des espèces piscicoles
ou s'il respecte les règles de gestion définies en application du
3° du II de l'article L212-5-1 (le plan d'aménagement et de
gestion durable du SAGE peut indiquer, parmi les ouvrages hydrauliques
fonctionnant au fil de l'eau figurant à l'inventaire prévu au
2° du I, ceux qui sont soumis, sauf raisons d'intérêt
général, à une obligation d'ouverture
régulière de leurs vannages afin d'améliorer le transport
naturel des sédiments et d'assurer la continuité
écologique). Un ouvrage équipé d'un seul de ces
dispositifs est considéré comme franchissable dans un seul sens
par les poissons.
86 Cité par l'article L 212-5-1.
Un ouvrage assure le transport des sédiments si ses
équipements et, s'il y a lieu, ses règles de gestion
définies en application du 3° du II de l'article L212-5-1, en
permettent l'évacuation régulière ».
L'article L212-1-XI du code de l'environnement pose que
« tous les programmes et toutes les décisions
administratives intervenant dans le domaine de l'eau doivent être
compatibles avec le SDAGE ». La compatibilité
signifie en droit l'absence de contrariété entre la norme
supérieure et la norme inférieure. L'appréciation se fait
au cas par cas et relève donc de l'appréciation souveraine des
juges du fond, qui peut être variable d'un cas d'espèce à
un autre. La loi du 21 avril 200487 est venue atténuer la
portée juridique des SDAGE. Avant cette date, toutes les autres
décisions administratives devaient prendre en compte les dispositions du
SDAGE et non pas seulement, comme c'est le cas à présent, les
décisions administratives intervenant dans le domaine de l'eau. Le
Conseil d'Etat a par exemple jugé dans l'arrêt « association
pour l'étude et la protection de l'Allier et de la nappe alluviale
» du 15 mars 2006 qu'une autorisation de carrière n'a pas à
être compatible avec un SDAGE.
Les documents locaux de planification urbaine (schéma de
cohérence territoriale, plan local d'urbanisme, carte communale) doivent
quant à eux être compatibles avec le SDAGE.
Le SAGE quant à lui doit être compatible
avec le SDAGE ou rendu compatible avec lui dans les 3 ans de la
modification de ce dernier. Le SAGE impose un rapport de
compatibilité avec toutes les décisions administratives
intervenant dans le domaine de l'eau et applicables sur son
périmètre. Il en est de même concernant les
documents locaux de planification urbaine, lesquels doivent être
compatible avec le SAGE. Notons que si une opération soumise à
enquête publique n'est pas compatible avec le SAGE, le préfet doit
soumettre le dossier à la commission locale de l'eau, laquelle dispose
de quatre mois pour modifier le règlement ou les documents
cartographiques du SAGE. Le silence gardé pendant quatre mois vaut
approbation, et la déclaration d'utilité publique de
l'opération emporte alors modification du SAGE.
Qu'en est-il de la réparation du titulaire du droit
évincé ?
87 Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004.
Section 2.1.3. : L'absence d'indemnisation du titulaire du droit
évincé pour cause d'intérêt général
Le principe selon lequel « nul n'a de droit acquis au
maintient d'un règlement » permet à l'administration de
« retirer » les droits qu'elle avait précédemment
accordée. Cependant il ne s'agit pas là d'accorder à
l'administration un pouvoir discrétionnaire sans limite puisque les
administrés ont besoins de stabilité et de sécurité
juridique afin que leurs agissements soient fondés sur des
décisions qu'ils peuvent considérer comme « sûr
». Cela est d'autant plus vrai concernant les règlements d'eau,
lesquels créés des droits au profit des propriétaires
d'ouvrages auxquels ils s'appliquent. C'est pourquoi la loi est venue cadrer
l'utilisation de ce pouvoir règlementaire afin que ni la
discrétion absolue, ni l'intangibilité totale ne soient un mode
de gestion de la règlementation par l'administration. La loi du 8 avril
1898 est venue apporter une première restriction en posant en son
article 14 que les permissions pouvaient être
révoquées ou modifiées à tout moment, sans
indemnité, dans l'intérêt de la salubrité publique
ou pour prévenir ou faire cesser les inondations. La
jurisprudence a par la suite étendue l'application de cet article aux
usines fondées en titre88. Ce mouvement est conforté
par la loi du 16 octobre 1919 qui, même si elle confirme les droits des
usiniers fondés en titre, pose le principe selon lequel nul ne peut,
sans l'autorisation de l'Etat, disposer de l'énergie des marées,
des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement (sur ce point, A.
Hauriou, La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non
navigables ni flottables, thèse, Toulouse, 1921). La loi du 7 mars
196389 (article 7) relative à la réalisation de
certains travaux d'équipement rural ensuite codifiée à
l'article 109 du code rural puis à l'article L215-10 du code de
l'environnement ajoute encore que « les autorisations ou
permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines
sur les cours d'eau non domaniaux peuvent être révoquées ou
modifiées sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses
pouvoirs de police » dès lors que c'est pour des
motifs d'intérêt général (salubrité publique,
lutte contre les inondations, protection de l'environnement, voire, à
compter du 30 mars 1993 , absence d'entretien pendant plus de vingt ans). Le
paragraphe II de cet article précise que cette disposition s'applique
également aux établissements ayant une
88 Dans les arrêts du Conseil d'Etat du 11
décembre 1935, « Cabrol », publié au recueil
Lebon p. 1173 ; du 12 février 1936, « Boussiaux »,
publié au recueil Lebon p. 189 ; du 5 novembre 1948, « Garnier
», publié au recueil Lebon p. 412 ; et du 16 mars 1960, «
Guignard », publié aux tables du recueil Lebon p. 1005.
89 Loi n°63-233 du 7 mars 1963.
existence légale. Il apparaît dès lors que
l'intérêt général soit une motivation suffisante
pour que soit révoquée ou modifiée sans indemnité
une autorisation ou permission voire même le fondement en titre d'une
usine ayant une existence légale.
Notons en outre que le Conseil d'Etat a jugé dans
l'arrêt << Sieur Terrien >> du 22 décembre 1950
« qu'en vertu de l'article 14 [de la loi du 8 avril 1898],
les permissions peuvent être révoquées ou modifiées
sans indemnité, soit dans l'intérêt de la salubrité
publique, soit pour prévenir ou faire cesser des inondations, soit enfin
dans le cas de la réglementation générale prévue
par l'article 9 ; qu'a plus forte raison aucune indemnité ne saurait
être réclamée en cas d'atteinte portée pour un but
d'intérêt général à un ouvrage
irrégulièrement établi sans autorisation ».
L'absence d'indemnité, lorsque c'est l'intérêt
général qui est poursuivit, s'applique donc aux usines tant
fondées en titre, que fondées sur titre, et a fortiori
à celles irrégulièrement établies.
Pour illustration jurisprudentielle, le Conseil d'Etat a par
exemple confirmé le bienfondé d'une décision enjoignant
à l'exploitant d'une usine fondée en titre de supprimer les
« vannelles » installées en haut du barrage et de
nature à créer des dangers d'inondation en aval (CE 10
décembre 1982, << Lorette >>90). De même,
le juge administratif suprême a confirmé une décision
n'autorisant la remise en état d'une usine fondée en titre
qu'à la condition que la hauteur du barrage soit abaissée d'un
mètre afin de prévenir les inondations (CE 11 octobre 1985,
<< Lemoine c/ Ministre de l'Agriculture >>91 ; dans le
même sens, CAA Marseille 9 avril 2004, << SARL Saten >>).
Le juge civil est allé dans le même sens puisque
la première chambre civile de la Cour de Cassation a jugé
notamment dans un arrêt du 20 octobre 1942, << de Duras c/ Cie
hydroélectrique de la Cure >>92 que « par sa
nature la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes
n'étant pas susceptible d'appropriation, ne peut être l'objet que
d'un droit d'usage ». Cette jurisprudence semble désormais
consacrée puisque l'article L210-1 du code de l'environnement issu de
l'article 1er de la loi du 3 janvier 1992 dispose que «
l'usage de l'eau appartient à tous dans le cadre des lois et
règlements ainsi que des droits
90 Publié au Cahier Juridique de
l'Electricité et du Gaz, mars 1983, Jurisprudence p. 99.
91 Publié au Cahier Juridique de
l'Electricité et du Gaz, novembre 1986, Jurisprudence p. 401.
92 Publié au Sirey 1944.I.93.
antérieurement établis » lesquels
sont ceux fondés en titre. Dès lors ils ne peuvent être,
eux aussi, que des droits d'usage, selon Pierre
Sablière93.
Chapitre 2.2. : Les usines et moulins fondés en
titre
Les usines et moulins fondés en titre dont
l'activité a désormais cessé sont les plus nombreux sur
nos rivières non domaniales. En effet il s'agit ici des deux principales
caractéristiques que présentent la plus part des ouvrages
toujours existants sur le Thouet et la Sèvre Nantaise. Nombre d'entre
eux sont de construction antérieure à la Révolution, et la
quasi-totalité des moulins et usines est aujourd'hui en période
de chômage prolongé, c'est-àdire qu'ils ne tirent plus du
cours d'eau une quelconque force motrice. Cette situation de << paralysie
» des ouvrages constitue un état de fait qui, après des
années d'abandon et/ou d'oubli des pratiques qui étaient celles
des minotiers, tanneurs, et autre forgerons, résulte de l'absence de
manoeuvre des éléments mobiles des ouvrages. Ces
éléments mobiles telles les vannes ouvrières et les vannes
de décharge permettaient de toujours laisser passer une certaine
quantité d'eau, nécessaire aux moulins et usines situés en
aval.
Chaque site a évolué différemment, avec
une histoire qui lui est propre, cependant il est possible de retrouver
certains traits communs, souvent repris par la jurisprudence, pour en
déduire le droit applicable.
Ainsi le juge administratif a pu juger que les usines et
moulins fondés en titre perdaient cette qualité juridique
dès lors que la ruine ou le changement d'affectation était
constaté (voir infra). Au contraire, le simple délabrement ou
l'absence d'exploitation aussi prolongée qu'on le suppose ne sont pas
suffisant pour leur faire perdre ce fondement en titre.
93 Note de Pierre Sablière à l'AJDA 2004
page 2219 << Prises d'eau fondées en titre ou ayant une existence
légale ».
Enfin, la renonciation non équivoque est quant à
elle une des manières de faire tomber un droit d'eau, qu'il soit
fondé en titre ou sur titre.
Ces différentes hypothèses peuvent être
regroupées de manière à distinguer les cas d'usines ou de
moulins dont le fondement en titre est tombé (section 2.2.1.) et les cas
d'usines et de moulins dont le fondement en titre perdure (section 2.2.2.).
Section 2.2.1. : Les cas d'usines ou de moulins dont le fondement
en titre est tombé et les conséquences à en tirer
Il s'agit ici des usines et moulins entrant dans les
conditions jurisprudentielles évoquées plus haut (ruine,
changement d'affectation, renonciation, révocation par les pouvoirs de
police de l'eau). Ces ouvrages sont, de part leur situation, dépourvus
de tout fondement juridique, et ainsi rien ne justifie plus le maintient
d'éléments dans le lit de la rivière susceptibles
d'entraver son bon écoulement. Au contraire, un tel maintient se ferait
en contradiction avec l'obligation d'entretien du lit qu'ont les
propriétaires des fonds bordant les cours d'eau non domaniaux, puisque
le libre cours des eaux doit être assuré. Il convient dès
lors d'envisager quels sont les pouvoirs que les services de la police de l'eau
peuvent mettre en oeuvre (§ 2.2.1.1.) et de quelle manière les
collectivités territoriales peuvent intervenir (§ 2.2.1.2).
§2.2.1.1. / Les pouvoirs des services de la police de
l'eau
L'article L215-7 du code de l'environnement dispose que
« L'autorité administrative est chargée de la
conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes
dispositions pour assurer le libre cours des eaux ».
L'autorité administrative ici visé est le préfet, auquel
il revient depuis la Révolution d'exercer les pouvoirs de police
administrative de l'eau. L'article L214-3-1 dispose notamment que «
Lorsque des installations, ouvrages, travaux ou activités sont
définitivement arrêtés, l'exploitant ou, à
défaut, le propriétaire remet le site dans un état tel
qu'aucune atteinte ne puisse être portée à
l'objectif de gestion équilibrée de la
ressource en eau défini par l'article L211-1. Il informe
l'autorité administrative de la cessation de l'activité et des
mesures prises. Cette autorité peut à tout moment lui imposer des
prescriptions pour la remise en état du site,... ». Cet
article met à la charge du préfet le soin d'assurer le libre
cours des eaux. Il lui revient de mettre en oeuvre toutes les
prérogatives dont il dispose afin de réaliser cet objectif (mise
en demeure de rétablir le libre cours normal de la rivière,
etc...). L'objet de la police de l'eau est d'assurer le libre écoulement
de l'eau des cours d'eau non domaniaux. Elle porte donc sur les
opérations qui seraient susceptibles de réduire le volume d'eau
et donc la force motrice d'un cours d'eau et ainsi de nuire à la
répartition des eaux ou de modifier son débit. Cette police est
assurée en cherchant à préserver les droits de
propriété des riverains et à les concilier avec les
intérêts des différentes catégories d'utilisateurs
de l'eau des cours d'eau. Comme nous l'avons vu, c'est le préfet qui est
compétent dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et non
le maire dans le cadre de la police générale, pour décider
que la commune doit assurer l'entretien et la manoeuvre des empellements d'une
installation hydraulique abandonnée94. Les maires peuvent
cependant, sous l'autorité du préfet, prendre toutes les mesures
nécessaires pour la police des cours d'eau95.
Le préfet doit en outre veiller à la
préservation de la salubrité publique conformément aux
prescriptions des articles L215-10 et L214-4 du code de l'environnement.
Le préfet fait appel à différents
services déconcentrés pour exercer la police de l'eau. Les
directions départementales de l'équipement (DDE), sont
chargées de la police de l'eau des cours d'eau domaniaux non navigables,
Les services de la navigation sont chargés des cours d'eau domaniaux
navigables, les directions départementales de l'agriculture et de la
forêt (DDAF) sont quant à eux chargés de la police des
cours d'eau non domaniaux. Enfin, les directions
départementales pour les affaires sanitaires et sociales (DDASS)
contrôlent la qualité des eaux brutes destinées à
l'eau potable ainsi que la qualité des eaux distribuées. Sur le
plan régional interviennent également les directions
régionales de l'industrie et de la recherche (DRIRE) et les directions
régionales de l'environnement (DIREN). En pratique cette multiplication
des services concernés est sources de confusions. Les contrôleurs
sont souvent aussi les « conseillers » des activités qu'ils
contrôlent.
94 Jugement du Tribunal Administratif de
Dijon, 15 avril 2003, Commune de Urzy contre préfet de la Nièvre,
publié à la revue juridique de l'environnement 2004, page 80.
95 Article L215-12 du code de l'environnement.
Cependant les collectivités territoriales ne sont pas
démunies face à de telles situations.
§ 2.2.1.2. / Les prérogatives des
collectivités territoriales et de leurs groupements
Le maire détient un pouvoir de police
générale96 et n'est pas habilité à
intervenir en matière de police spéciale de l'eau, cette
compétence étant exercée par le préfet, en ce qui
concerne la conservation et la police des cours d'eau non
domaniaux97. Le maire n'est habilité à intervenir en
matière de police spéciale de l'eau qu'en cas d'urgence. Il a par
exemple été jugé que le préfet commet une erreur de
droit en invoquant les pouvoirs de police générale du maire pour
décider que la commune devait assurer l'entretien et la manoeuvre des
empellements d'un ouvrage hydraulique abandonné98.
Au contraire, le maire est seul compétent pour
réglementer, pour des motifs de sécurité et de
salubrité publique, les baignades et la navigation sur un plan d'eau,
qui sans appartenir au domaine public sont ouvertes au public99.
Les collectivités territoriales et leurs groupements
ont aussi une place non négligeable en faveur de la protection des
écosystèmes aquatiques. Ainsi l'article L211-7 confit aux
collectivités territoriales et à leurs groupements la
maîtrise d'ouvrage des travaux d'intérêt
général (dans le cadre du SAGE s'il existe) visant « la
protection et la restauration des écosystèmes aquatiques
», ainsi que « l'aménagement d'ouvrages hydrauliques
existants ». Cet article permet aux collectivités
territoriales et leurs groupements d'intervenir dans le cadre d'une
déclaration d'intérêt général sur des fonds
appartenant à des propriétaires privés.
L'intervention peut ne pas nécessiter de
déclaration d'intérêt général lorsque les
travaux se font dont le cadre d'une convention avec le propriétaire de
l'ouvrage. Dans cette hypothèse l'administration accède sur la
propriété privée en accord avec le propriétaire, il
n'est donc plus besoin de tirer ce droit de l'intérêt
général préalablement déclaré.
96 Article L. 2212-2 du code général des
collectivités territoriales (CGCT).
97 Article L. 215-7 du code de l'environnement.
98 Jugement du tribunal administratif de Dijon, 15
avril 2003, n° 021426, Commune de Urzy contre préfet de la
Nièvre, publié à la revue juridique de l'environnement
2004, page 80.
99 Arrêt du Conseil d'Etat, 28 nov. 1980,
Commune de Ardres, publié au recueil Lebon 1980, page 449 et à
l'AJDA 1981, page 95.
Enfin le maire peut également, sous le contrôle
du préfet, prendre des mesures en matière de police de l'eau, et
ce en vertu de l'article L215-12 qui dispose que « Les maires peuvent,
sous l'autorité des préfets, prendre toutes les mesures
nécessaires pour la police des cours d'eau ». Dés lors
le maire peut être assimilé à « autorité
administrative au sens du code de l'environnement, et ce notamment lorsque ce
dernier pose que « L'autorité administrative est chargée
de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend
toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux... ».
Le cas des ouvrages ne disposant plus de droits fondés
en titre est donc un des plus simple à régler puisqu'il rentre
parfaitement dans le cadre soit des pouvoirs de police administrative du
préfet, soit des prérogatives dont disposent les
collectivités en matière de protection des
écosystèmes aquatiques. Mais qu'en est-il des ouvrages dont les
fondements en titre perdurent ?
Section 2.2.2. : Les cas d'usines ou de moulins dont le fondement
en titre perdure et les conséquences à en tirer
Les ouvrages hydrauliques fondés en titre, comme nous
l'avons vu, ne perdent pas leur existence légale du fait de leur non
utilisation durant une période de temps même très longue,
ni du fait de leur délabrement ou de leur défaut d'entretien. De
même le changement de destination de l'usage de la force motrice (turbine
hydroélectrique remplaçant une roue entraînant une meule
à grain) n'a pas pour conséquence de faire tomber le fondement en
titre de l'ouvrage. Partant de ces constats, nombre des moulins fondés
en titre établit en bord de Sèvre mais aussi le long du Thouet
restent pourvus d'une existence légale. Il convient donc d'envisager les
pouvoirs dont disposent les services de police de l'eau (§ 2.2.2.1) mais
aussi les prérogatives des collectivités territoriales et leurs
groupements (§ 2.2.2.2) en matière d'ouvrages fondés en
titre.
§ 2.2.2.1. / Les pouvoirs des services de la police de
l'eau
Les lois du 20 août 1790 et du 6 octobre 1791 ont
attribué à l'autorité administrative un pouvoir
général de police des eaux concernant toutes les rivières
et ont instauré la pratique des règlements d'eau. Le
décret dit de décentralisation (en fait de
déconcentration) du 25 mars 1853 donne aux préfets le pouvoir de
statuer de manière définitive sur toutes les affaires
départementales et communales ce qui constitue un véritable
changement puisque jusque là les règlements d'eau, notamment,
étaient pris de manière définitive par le Chef de l'Etat
ou le Ministre de l'Intérieur. Cela ce traduit en pratique par un nombre
plus important de règlements d'eau pris par l'administration à
partir des année 1850, puisque ceux adoptés avant ces
années là, et donc le plus souvent signés du Roi Louis
XVIII (1814-1824), du Roi Charles X (1824-1830) ou du Roi Louis-Philippe Ier
(1830-1848) (sous forme d'Ordonnance Royale) mais aussi du Président de
la République Louis-Napoléon Bonaparte (1848-1852), sont
très peu nombreux, en l'état actuel des fonds conservés
aux archives départementales.
La loi du 8 avril 1898 dispose en son article 11 «
qu'aucun barrage, aucun ouvrage destiné à l'établissement
d'une prise d'eau, d'un moulin ou d'une usine ne peut être entrepris dans
un cours d'eau non navigable et non flottable sans l'autorisation de
l'administration ». Cette loi toujours en vigueur est aujourd'hui
applicable aux cours d'eau non domaniaux. Cette disposition témoigne des
pouvoirs étendus de l'administration en matière d'ouvrages
hydrauliques, même sur des cours d'eau non domaniaux pourtant largement
soumis aux règles du droit privé et aux relations entre
riverains.
L'article 12 de cette même loi prévoient que
« les préfets statuent après enquête, sur
les demandes ayant pour objet : 1° l'établissement
d'ouvrages intéressant le régime ou le mode d'écoulement
des eaux ; 2° la régulation de l'existence des usines et ouvrages
établis sans permission et n'ayant pas de titre légal ; 3°
la révocation ou la modification des permissions
précédemment accordées ;... ». Les
pouvoirs de l'administration ne s'arrêtent donc pas à
l'établissement des ouvrages hydrauliques mais ils perdurent tout au
long de la vie de l'ouvrage. Cet article n'est en fait que l'application du
principe selon lequel « nul n'a de droit acquis au maintient d'un
règlement », l'autorisation administrative approuvant
l'établissement d'un ouvrage et réglant ses principales
caractéristiques ayant valeur réglementaire.
L'application de ce principe se traduit également par
l'article 14 de la loi de 1898 qui dispose que « les
permissions peuvent être révoquées ou modifiées sans
indemnité, soit dans l'intérêt de la salubrité
publique, soit pour prévenir ou faire cesser des inondations, soit enfin
dans le cas de la réglementation générales prévues
à l'article 9. Dans tous les autres cas, elles ne peuvent être
révoquées ou modifiées que moyennant une indemnité
». L'administration peut révoquer ou modifier les
permissions sans indemnité soit dans l'intérêt de la
salubrité publique, soit pour prévenir ou faire cesser des
inondations, soit de manière à concilier les
intérêts de l'agriculture et de l'industrie avec le respect
dû à la propriété et aux droits et usages
antérieurement établis (selon l'article 9). Ces trois
hypothèses ne sont en faite que la traduction de l'esprit de la loi qui
vise au respect des droits des riverains, puisque touchant au droit de
propriété, il s'agissait là pour l'administration
d'être vigilante à la garantie d'un droit que la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (article 17) consacrait
dès 1789. En outre, l'article 17 de la loi de 1898 prend soin de
rappeler que « Dans tous les cas, les droits des tiers sont et
demeurent réservés ». C'est ce même souci que
l'on retrouve à la lecture de l'article L215-7 du code de
l'environnement, lequel dispose que « l'autorité administrative
est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non
domaniaux. Elle prend toutes les dispositions pour assurer le libre cours des
eaux. Dans tous les cas les droits des tiers sont et demeurent
réservés ».
L'usinier fondé en titre demeure, même dans les
limites de la consistance légale de son droit, soumis au pouvoir de
police de l'administration, qu'elle tient de l'article L 215-7 du code de
l'environnement pour assurer le libre cours des eaux (en matière d'eaux
non domaniales). En ce sens, l'arrêt du Conseil d'Etat du 16 mars 1960
<< Guignard »100 juge que « même des
usines fondées en titre peuvent être réglementées,
modifiées ou supprimées par la police des eaux ».
Les droits d'eau fondés en titre, droits réels
immobiliers, donne à leurs titulaires la faculté d'utiliser les
eaux courantes dans la limite de leur consistance légale sans avoir
à verser une quelconque redevance ni soumission à une
éventuelle autorisation préalable. Comme l'écrit Philippe
Marc dans son ouvrage << les cours d'eau et le droit
»101 « ces droits sont protégés
». Ainsi, sur les cours d'eau domaniaux, contrairement à une
prise d'eau de droit commun, une prise d'eau fondée en titre qui ferait
l'objet d'une modification ou
100 Publié au recueil Lebon page 500.
101 << Les cours d'eau et le droit » de Philippe Marc,
2006, éditions Johanet.
suppression de la part de l'administration ouvrirait droit
à une indemnité en application de l'article 26 du code du domaine
public fluvial. C'est en ce sens que le Conseil d'Etat a rendu l'arrêt
<< Bonnard >> le 14 février 1958102,
l'arrêt << Vautrin >> le 7 juillet 1939103 et
l'arrêt du 2 juin 1978104, (pour les cours d'eau non domaniaux
voir supra).
En outre le code de l'environnement prévoit plusieurs
dispositions traitant de manière analogue les droits fondés sur
titre et les droits fondés en titre.
Ainsi l'article L215-10 du code de l'environnement
prévoit la révocation ou la modification, sans indemnité,
des autorisations ou permissions accordées pour l'établissement
d'ouvrages ou d'usines sur les cours d'eau non domaniaux, par l'autorité
administrative exerçant ses pouvoirs de polices dans
l'intérêt de la salubrité publique notamment ; or, cet
article prévoit en son II que ces dispositions sont applicables aux
entreprises ayant une existence légales comme aux entreprises
concédées ou autorisées en vertu de l'article 16 de loi du
16 octobre 1919, les droits fondés en titre sont donc visés.
§ 2.2.2.2. / Les prérogatives des
collectivités territoriales et leurs groupements
Comme nous l'avons vu plus haut, les collectivités
disposent de prérogatives en matière de protection des
écosystèmes, cependant leurs pouvoirs peuvent se heurter aux
droits fondés en titre des propriétaires d'ouvrages hydrauliques,
surtout lorsque ceux-là perdurent. Plusieurs options s'offrent alors aux
collectivités :
La première solution d'intervention consiste à
établir avec le propriétaire consentant une convention par
laquelle ce dernier soit abandonnerait expressément son droit d'eau,
soit le céderait à la collectivité. S'agissant en
l'espèce d'un droit d'eau fondé en titre, le propriétaire
de l'ouvrage est totalement libre d'en disposer, l'article 16 de la loi du 16
octobre 1919 prévoyant une notification de la cession de l'autorisation
au préfet (pouvant donner acte ou adresser un refus motivé) ne
s'applique pas ici. Le propriétaire de l'usine ou du moulin dispose
alors d'un ouvrage sur le lit de la rivière sans en avoir les fondements
juridiques. La
102 Publié à l'AJDA de 1958 page 441.
103 Publié au recueil Lebon page 458.
104 Publié au recueil Lebon page 815.
collectivité doit donc accompagner cette renonciation ou
cession de titre en prévoyant les mesures de remise en état du
site afin de rétablir le libre écoulement des eaux.
La seconde solution, plus autoritaire, consiste pour la
collectivité à plaider auprès du préfet la
révocation ou la modification du droit fondé en titre afin de
pouvoir ensuite envisager les travaux de remise à l'état initial
du site.
Enfin, la solution d'une gestion des vannages est
également envisageable. Cette solution peut être mise en oeuvre de
plusieurs manières. Soit de façon autoritaire, le préfet
règlemente un ou plusieurs ouvrages afin de rétablir une certaine
continuité pendant des périodes déterminées. Les
ouvrages fondés en titre deviennent alors fondés sur titre. Soit
de manière conventionnelle, la collectivité établie avec
le propriétaire de l'ouvrage une convention de gestion des vannages par
laquelle sont fixées les règles d'ouverture et de fermeture des
vannes ainsi que les modalités d'application. L'ouvrage concerné
reste alors fondé en titre. Soit enfin de manière individuelle
dans l'hypothèse où l'instauration du règlement d'eau
n'était pas souhaitée par le préfet, et les rapports
conventionnels refusés par le propriétaire de l'ouvrage. Ici,
c'est le propriétaire de l'ouvrage qui de manière
unilatérale décide de rétablir la continuité
écologique du cours d'eau en réduisant l'impact de son ouvrage
fondé en titre. Cette dernière solution offre l'avantage pour le
propriétaire de ne pas le lier conventionnellement, mais la
collectivité ne dispose plus alors des garanties nécessaires
à assurer la pérennité d'une telle gestion et dès
lors hésitera davantage à engager des financements publics sur ce
type d'opération.
Notons aussi que le code de l'environnement prévoit en
son article L215-16 que « Si le propriétaire ne s'acquitte pas
de l'obligation d'entretien régulier qui lui est faite par l'article L.
215-14, la commune, le groupement de communes ou le syndicat compétent,
après une mise en demeure restée infructueuse à l'issue
d'un délai déterminé dans laquelle sont rappelées
les dispositions de l'article L435-5, peut y pourvoir d'office à la
charge de l'intéressé, ... ». Cette disposition semble
particulièrement bien adaptée aux ouvrages qui malgré leur
absence d'entretien de la part de leur propriétaire sont toujours
fondés en titre. En effet, l'article L215-14 auquel il est fait
référence pose que « Sans préjudice des articles
556 et 557 du code civil et des chapitres Ier, II, IV, VI et VII du
présent titre, le propriétaire riverain est tenu à un
entretien régulier du cours d'eau.
L'entretien régulier a pour objet de maintenir le
cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre
l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon
état écologique ou, le cas échéant, à son
bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des
embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par
élagage ou recépage de la végétation des rives. Un
décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application
du présent article ». Une fois ces objectifs rappelés
il apparaît que la situation de maintient en position fermée sans
aucune manoeuvre des vannages peut être en contradiction avec l'article
L215-14. Il appartient donc à la commune, au groupement de communes ou
au syndicat compétent de mettre en oeuvre l'article L215-16 du code de
l'environnement et d'obtenir une ouverture des vannages. Mais si la
collectivité souhaite aller plus loin, c'est-à-dire vers un
effacement de l'ouvrage, le non entretien allant jusqu'à la ruine et
donc la disparition du droit d'eau est à favoriser.
Enfin, comme nous l'avons vu plus haut, le maire peut, sous le
contrôle du préfet, prendre des mesures en matière de
police de l'eau, et ce en vertu de l'article L215-12 qui dispose que «
Les maires peuvent, sous l'autorité des préfets, prendre toutes
les mesures nécessaires pour la police des cours d'eau ».
Dés lors le maire peut être assimilé à «
autorité administrative au sens du code de l'environnement, et ce
notamment lorsque ce dernier pose que « L'autorité
administrative est chargée de la conservation et de la police des cours
d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours
des eaux... ».
La situation des usines et moulins fondés sur titre,
bien que sensiblement identique sur le terrain, peut ne pas se
révéler aussi proche juridiquement quant à une
éventuelle intervention publique
Chapitre 2.3. : Les usines et moulins fondés
sur
titre
Les usines et moulins fondés sur titre peuvent, comme
pour les ouvrages fondés en titre, faire l'objet d'une intervention des
services de la police de l'eau (section 2.3.1.) comme des collectivités
territoriales et leurs groupements (section 2.3.2.). En outre, les ouvrages
dont le règlement d'eau est introuvable (section 2.3.3.) doivent quant
à eux faire l'objet d'un traitement particulier.
Section 2.3.1. : Les pouvoirs des services de la police
de l'eau
Les ouvrages fondés sur titre, bien que moins nombreux,
sont malgré tout bien présents tant sur le Thouet que sur la
Sèvre Nantaise. Construits après la Révolution, ils font
l'objet d'un règlement d'eau individuel ou collectif fixant leur
consistance légale. L'exploitant ou, à défaut, le
propriétaire de l'ouvrage est tenu par les prescriptions de ces
règlements d'eau. Ils doivent notamment respecter la hauteur d'eau
indiquée, le nombre et la taille des vannages, leur mode de gestion
(chômage, entretien,...). Le non respect de ces prescriptions peut
être un motif de révocation du règlement d'eau, privant du
même coup l'ouvrage de fondement juridique et le condamnant donc à
la destruction. Il s'agit là d'un pouvoir de l'administration bien peu
souvent mise en oeuvre. En effet, en cas d'augmentation de la force motrice par
rehaussement de la ligne d'eau, c'est plus souvent une remise en
conformité qui était enjointe plutôt qu'une destruction
totale de l'ouvrage.
Le respect de ces prescriptions pose aujourd'hui la question
des conséquences à tirer par l'administration détentrice
des pouvoirs de police de l'eau lorsque l'absence de gestion des ouvrages
conduit à une fermeture totale et permanente des vannages, en
contradiction
avec le règlement d'eau. En effet, les
règlements d'eau105 prévoient
généralement en leur article 7 que lorsque le niveau d'eau
dépasse le niveau le niveau légal de la retenue, le fermier ou
à défaut le propriétaire doit ouvrir les vannages afin de
garder le niveau de la rivière au niveau légal fixé par le
règlement. Si le niveau de la rivière venait à
dépasser le niveau maximum légal de la retenu, le fermier ou
à défaut le propriétaire en serait tenu pour responsable
dans l'hypothèse où les vannages n'auraient pas été
ouverts en entier. Or nous constatons aujourd'hui que ces prescriptions ne sont
plus respectées, et ce parce que bien souvent elles ne sont pas connues
des propriétaires d'ouvrages. Le niveau légal de la retenue
étant même considéré par certains, comme le niveau
en dessous duquel ils ne doivent pas faire descendre le niveau de la
rivière.
Cette perte des savoirs s'explique par l'abandon
déjà ancien des pratiques des meuniers et autres exploitants de
moulins et usines hydrauliques. Si au XIXème siècle la
réglementation avait pour objet de limiter les conflits d'usage et de
garantir à tous les ouvrages autorisés la possibilité de
capter l'énergie hydraulique de la rivière sans que celle-ci ne
soit retenue en amont, cet objectif n'apparaît plus aujourd'hui
prioritaire compte tenu du très faible nombre d'ouvrages exploitants la
force motrice du cours d'eau. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur
la pertinence du maintient de règlements d'eau dont les titulaires ne
tirent plus aucun usage, et ce d'autant plus que, loin de tirer profit du droit
d'eau qui leur est octroyé, ces mêmes titulaires sont en
contradiction avec les prescriptions de ces mêmes règlements d'eau
en matière de gestion des vannages. Les propriétaires se trouvent
donc dans la situation de devoir respecter des obligations en contre partie
desquelles ils bénéficient de droits mais dont ils ne font plus
aucun usage. Si en matière de droit de propriété, ne pas
utiliser son bien c'est aussi se comporter en propriétaire, il convient
de relever ici que le droit d'usage de l'eau ne fait pas l'objet d'un droit de
propriété mais seulement d'un droit d'usage, comme nous l'avons
vu plus haut. Quel fondement permet alors à l'administration de
maintenir un droit d'usage en dehors de tout usage de ce droit ? Il
s'agit là d'une interrogation qu'il nous ait permis de soulever au
regard des pratiques administratives qu'il nous a été
donné d'observer. En effet, la réglementation ancienne à
laquelle s'ajoute un renouvellement récent assez intensif (loi sur l'eau
de 1992, loi de 2004 transposant la directive cadre sur l'eau de 2000, loi sur
l'eau et les milieux aquatique de 2006), dote l'administration de nombreux
outils permettant de faire respecter la limite des droits dont
105 Voir annexes 2 et 3.
chaque riverain de cours d'eau dispose, mais bien plus encore,
elle dispose des moyens normatifs nécessaires à l'atteinte des
nouveaux objectifs qui sont ceux du XXIème siècle. Plus
précisément ici, notons que si le XIXème siècle
était marqué par l'optimisation de l'utilisation de la force
hydraulique de la rivière, le XXIème siècle est quant
à lui marqué, sous la pression notamment des contraintes
environnementales et communautaires, par la nécessité d'un retour
au libre écoulement des eaux afin de reconquérir le bon
état écologique des rivières. Alors que le droit d'usage
de l'eau par les moulins et usines hydrauliques ne fait plus l'objet d'usage,
que le maintient en état de paralysie permanente de ces moulins et
usines contrevient tant aux prescriptions des règlements d'eau en vertu
desquels ils ont été établis, qu'aux objectifs de
continuité écologique et sédimentaire imposé par le
droit communautaire et la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, il
apparaît que les fondements juridiques en vertu desquels les
règlement d'eau sont maintenus sont plus qu'ébranlés,
surtout si l'on ajoute à cela le principe évoqué plus
haut, selon lequel nul n'a de droit acquis au maintient d'un règlement.
Le curseur est donc à placer, du côté de l'administration,
entre pouvoir discrétionnaire et compétence liée
concernant sa capacité de maîtrise de la police de l'eau.
Cependant l'évolution des politiques publiques peut, si
ce n'est déjà fait, faire de ce constat de l'histoire ancienne.
En effet, suite à la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 puis, sous la
pression de la directive communautaire du 23 octobre 2000, la loi du 21 avril
2004 et la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006
ont profondément remanié le code de l'environnement en ce qui
concerne la protection des écosystèmes aquatiques. Les pouvoirs
publics disposent alors des outils juridiques suffisant à l'atteinte du
bon état écologique à l'horizon 2015, reste aux
différents acteurs, que ce soient les services centraux et
déconcentrés de l'Etat ou encore les collectivités
territoriales et leurs groupements, à se saisir de ces moyens d'action
pour leur faire produire les effets qu'à entendu leur donner le
législateur, c'est-à-dire retrouver une rivière vivante
dont la continuité écologique et sédimentaire est
assurée.
Mais si l'action de l'Etat peut parfois s'avérer
insuffisante, les collectivités territoriales n'en sont pas moins
dotées de prérogatives leur permettant une action en la
matière.
Section 2.3.2. : Les prérogatives des collectivités
territoriales et leurs groupements
Comme dans le cas des ouvrages fondés en titre pour
lesquels le propriétaire ne satisfait pas à ses obligations
d'entretien telles qu'elles ressortent de l'article L215-14 du code de
l'environnement, il peut être fait application de l'article L215-16 du
même code afin que la commune, le groupement de communes ou le syndicat
compétent se substitue à lui, à ses frais.
Les collectivités territoriales et leurs groupements
peuvent également alerter le préfet du département
concerné sur les infractions à la réglementation commises
par l'absence de manoeuvre des vannages, dans l'hypothèse où il
s'agit d'un ouvrage qui n'est plus exploité, et de l'impact
négatif pour l'environnement. Ce dernier point pourra également
faire l'objet d'une communication au préfet lorsque, toujours en
service, l'ouvrage fondé sur titre constitue malgré tout un
obstacle à la continuité écologique du cours d'eau afin
que celui-ci puisse en tirer les conséquences qui s'imposent en faisant
usage de son pouvoir de police de l'eau. En effet, il lui appartiendra, comme
précédemment rappelé, de prendre les mesures qui
s'imposent afin de rétablir la continuité écologique du
cours d'eau, voire son libre écoulement.
Mise à part cette collaboration entre service de l'Etat
et administrations décentralisées, les collectivités
territoriales et leurs groupements peuvent, par le biais d'une
déclaration d'intérêt général, intervenir sur
des ouvrages privés soit par le biais de travaux soit par celui de
l'expropriation dans l'hypothèse où l'utilité publique
serait également déclarée.
Les collectivités peuvent aussi procéder par
voie de convention et établir avec le propriétaire de l'ouvrage
des prescriptions concernant des travaux à effectuer ou une
méthode de gestion des vannages à adopter. Cependant les limites
de la méthode conventionnelle restent celles du libre et
réciproque accord de volonté.
Enfin, comme dans les cas des ouvrages fondés en titre, le
maire peut toujours, sous le contrôle du préfet, prendre des
mesures en matière de police de l'eau et donc se charger de la
conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux en
prenant toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux.
Section 2.3.3. : Les ouvrages dont le règlement d'eau est
introuvable
Il s'agit ici des ouvrages qui, bien que non fondés en
titre, ne peuvent se prévaloir d'un fondement sur titre. Il appartient
à l'exploitant, ou à défaut au propriétaire de
l'ouvrage de faire la preuve de son droit à l'administration et donc de
lui présenter son règlement d'eau dès lors qu'il ne s'agit
pas d'un ouvrage fondé en titre. En l'absence d'un tel document,
l'ouvrage doit être regardé comme irrégulier et donc faire
l'objet d'une procédure de régularisation auprès de
l'administration (voir § 2.4.1.2). Si le propriétaire venait
à retrouver son règlement d'eau après que des mesures
nouvelles aient été adoptées par l'administration suite
à la procédure de régularisation, ce dernier s'en
trouverait dépourvu de valeur juridique puisque le règlement le
plus récent l'emporte sur le règlement antérieur
conformément à la hiérarchie des normes.
Si les moulins et usines fondés en titre et
fondés sur titre peuvent sembler constituer la part la plus importante
des ouvrages hydrauliques sur nos rivières, le traitement des ouvrages
irréguliers ou soumis à une législation nouvelle reste
très important de part la précarité du statut juridique
qu'ils présentent et leur impact souvent important sur le milieu
aquatique.
Chapitre 2.4. : Les ouvrages irréguliers ou
soumis
à une législation nouvelle
Ces ouvrages, comme les précédents, peuvent
faire l'objet d'une mise en oeuvre des pouvoirs des services de la police de
l'eau (section 2.4.1.), ainsi que des prérogatives des
collectivités territoriales en la matière (section 2.4.2.).
Section 2.4.1. : Les pouvoirs des services de la police
de l'eau
Sont visés ici les usines et moulins qui, bien
qu'établis postérieurement à la Révolution, n'ont
pas fait l'objet d'un règlement d'eau les autorisant. Il s'agit donc en
principe d'ouvrages illégaux dès lors qu'ils n'ont pas fait
l'objet soit d'une déclaration (pour les ouvrages constituants un
obstacle à la continuité écologique entraînant une
différence de niveau supérieure à 20 centimètres
mais inférieure à 50 centimètres pour le débit
moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage) soit d'une
autorisation (pour les ouvrages entraînant une différence de
niveau supérieure ou égale à 50 centimètres, pour
le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de
l'ouvrage) en l'état actuel de la nomenclature issue du décret du
17 juillet 2006106 modifiant le décret du 29 mars
1993107. Les ouvrages entraînant une différence de
niveau inférieure à 20 centimètres ne sont pas soumis
à procédure d'autorisation ni de déclaration par la
nomenclature IOTA108 dès lors qu'ils ne constituent pas un
obstacle à l'écoulement des crues, dans cette dernière
hypothèse ils seraient soumis à autorisation.
L'étude de l'esprit de la nomenclature (§ 2.4.1.1.)
permet de mieux appréhender la législation applicable tant aux
ouvrages irréguliers construits antérieurement à 1992
(§
106 Décret n°2008-881 du 17 juillet 2006.
107 Décret n°93-743 du 29 mars 1993.
108 Installations, Ouvrages, Travaux, Activités.
2.4.1.2.) qu'aux ouvrages irréguliers construits
postérieurement à 1992 (§ 2.4.1.3.) et enfin qu'aux ouvrages
réguliers mais soumis à la nomenclature du fait de son adoption
ou de sa modification (§ 2.4.1.4.).
§ 2.4.1.1. / L'esprit de la nomenclature IOTA
L'article L214-3 du code de l'environnement dispose que
« I - Sont soumis à autorisation de l'autorité
administrative les installations, ouvrages, travaux et activités
susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la
sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux,
de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque
d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou
à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements
piscicoles ; ... ». A la lecture de la nomenclature IOTA il s'agit
ici, nous concernant, des ouvrages hydrauliques entraînant une
différence de niveau supérieure ou égale à 50
centimètres, pour le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre
l'amont et l'aval de l'ouvrage, puisque ceux-là seuls sont soumis
à autorisation. Il s'agit là du seuil en dessous duquel, selon la
IOTA, les ouvrages hydrauliques ne sont pas susceptibles de nuire au libre
écoulement des eaux ni de porter gravement atteinte à la
qualité ou à la diversité du milieu aquatique.
Ce même article L214-3 dispose en sont II que «
Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et
activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de
tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions
édictées en application des articles L211-2 et L211-3
». Sont visées ici les installations entraînant une
différence de niveau supérieure à 20 centimètres
mais inférieure à 50 centimètres pour le débit
moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage.
La nomenclature issue du décret n°93-743 du 29
mars 1993 soumettait à autorisation les ouvrages «
entraînant une différence de niveau de 35 cm, pour le débit
moyen annuel, de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage ou de
l'installation, ou une submersion d'une des rives d'un cours d'eau ».
En deçà ni autorisation ni déclaration n'étaient
nécessaires. Dès lors les ouvrages compris entre 20 et 35 cm
deviennent soumis à déclaration, alors que ceux comprise entre 35
et 50 cm ne sont plus soumis à autorisation mais à
déclaration.
§ 2.4.1.2. / Les ouvrages irrégulièrement
établis, antérieurs à la nomenclature IOTA
Il s'agit des ouvrages établis antérieurement
à l'adoption de la nomenclature IOTA en 93, mais sans avoir fait l'objet
d'une autorisation de l'administration. Ces ouvrages sont irréguliers
puisque l'article 11 de la loi de 1898 dispose qu' « Aucun
barrage, aucun ouvrage destiné à l'établissement
d'une prise d'eau, d'un moulin ou d'une usine ne peut être entrepris dans
un cours d'eau non navigable et non flottable sans l'autorisation de
l'administration ».
En outre les anciens articles 106 et 107 du Code rural
imposaient une autorisation préfectorale pour l'établissement de
prises d'eau, moulins et usines. Ces dispositions ont été
abrogées en 1992 mais la jurisprudence interprétant les textes
anciens peut être encore invoquée dans la mesure où elle
est compatible avec les exigences et la philosophie des textes nouveaux.
L'article 109 établissait notamment les causes de révocation et
de modification sans indemnité des autorisations parmi lesquelles le
défaut d'entretien d'un barrage109. Cette jurisprudence peut
donc encore être invoquée à l'encontre des ouvrages
établis sans autorisation antérieurement à l'abrogation de
ces articles par la loi sur l'eau de 1992.
L'édification d'ouvrages sans autorisation constitue
une infraction. La chambre criminelle de la Cour de Cassation a par exemple
jugée que le remplacement de batards servant à la retenue d'eaux
d'un barrage par des vannes batardeaux mobiles et métalliques (ce qui
provoquait un exhaussement des eaux, et donc inondation) était
illégal110. Le Conseil d'Etat a en outre jugé que
« Ni le caractère modeste de l'ouvrage à
réaliser, ni la circonstance que le préfet a, dans sa
décision d'autorisation, prévu certaines dispositions relatives
à l'accomplissement des travaux d'aménagement ne sont de nature
à dispenser l'Administration de procéder à l'enquête
prescrite par les dispositions de l'article 107 du Code rural
»111.
Au droit de l'eau s'ajoutent les autres réglementations
concernant la construction en général (voir J.-B. Auby et H.
Périnet Marquet, << Droit de l'urbanisme et de la construction
», éditions Montchrestien, 6ème édition,
2001. Et B. Peignot, << Les usages de l'eau à des fins non
109 Arrêt du Conseil d'Etat du 3 mars 1982, publié
à la revue de droit rural 1983, page 360.
110 Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle,
20 juin 1983, revue de droit rural, 1984, page 345.
111 Arrêt du Conseil d'Etat, 9 novembre 1983, publié
à la revue de droit rural, 1984, page 345.
agricoles » publié à la revue Loyers, 1992,
page 23 et droit rural, 1992, page 45). Par exemple, le respect du
périmètre de protection d'un monument historique et construction
d'un pont112.
Concernant les ouvrages établis antérieurement
à l'adoption de la nomenclature IOTA en contradiction avec l'obligation
d'autorisation à laquelle il n'a pas été satisfait,
l'article L214-6 du code de l'environnement dispose que ces ouvrages entrent
désormais dans le cadre de la nomenclature IOTA (s'ils entraînent
une différence de niveau supérieure à 35 cm en 1993 pour
le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de
l'ouvrage et 20 cm depuis 2006). Il est notamment prévu qu'ils peuvent
<< continuer à fonctionner si l'exploitant, ou, à
défaut le propriétaire, a fourni à l'autorité
administrative les informations prévues par l'article 41 du
décret n° 93-742 du 29 mars 1993, au plus tard le 31
décembre 2006 »113. Ces informations sont relatives
au nom et à l'adresse du propriétaire (ou responsable de
l'activité), à l'emplacement de l'installation, de l'ouvrage, ou
de l'activité, à la nature, la consistance, le volume et l'objet
de l'installation, de l'ouvrage, ou de l'activité, ainsi qu'à la
ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles ils doivent être
rangés.
L'autorité administrative peut cependant exiger
le dépôt d'une déclaration ou d'une demande d'autorisation,
« s'il apparaît que le fonctionnement de ces installations et
ouvrages ou la poursuite de ces activités présente un risque
d'atteinte grave aux intérêts mentionnés
à l'article L. 211-1 »114. Ces
intérêts sont la prévention des inondations et la
préservation des écosystèmes aquatiques,
la protection des eaux, la restauration de la qualité de ces eaux et
leur régénération, la conservation et le libre
écoulement des eaux et de la protection contre les inondations.
<< Au-delà du 31 décembre 2006, les informations
mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent
être reçues et examinées par l'autorité
administrative. Si la preuve est apportée de la régularité
de la situation de l'installation, ouvrage ou activité à la date
à laquelle il s'est trouvé soumis à autorisation ou
à déclaration par l'effet d'un décret pris en application
de l'article L. 214-3, si l'exploitation n'a pas cessé depuis plus de
deux ans et si ces opérations ne présentent pas un danger ou un
inconvénient grave pour les intérêts mentionnés
à l'article L. 211-1, l'autorité administrative peut
accepter
112 Arrêt du Conseil d'Etat, 21 novembre 1994,
publié au jurisclasseur périodique édition
générale, 1995, IV, page 320.
113 Article L214-6 - III du code de l'environnement.
114 Article L214-6 - III alinéa 2 du code de
l'environnement.
la continuation du fonctionnement de l'installation ou de
l'ouvrage ou la poursuite de l'activité considérée
».
Concernant les ouvrages irréguliers construits avant
1993 dont le propriétaire (ou à défaut l'exploitant)
n'aurait pas transmis à l'autorité administrative les
informations prévues par l'article 41 du décret n° 93-742 du
29 mars 1993, au plus tard le 31 décembre 2006, l'autorité
administrative est en mesure d'exiger le dépôt d'une
déclaration ou d'une demande d'autorisation qu'elle pourra refuser en en
tirant les conséquences, c'est-à-dire en prescrivant une remise
en l'état du site afin de rétablir le libre écoulement des
eaux.
§ 2.4.1.3. / Les ouvrages irrégulièrement
établis, postérieurs à la nomenclature IOTA
L'article L216-1-1 du code de l'environnement prévoit
que « Lorsque des installations ou ouvrages sont exploités ou
que des travaux ou activités sont réalisés sans
avoir fait l'objet de l'autorisation ou de la déclaration requise par
l'article L214-3, l'autorité administrative met en
demeure l'exploitant ou, à défaut, le propriétaire de
régulariser sa situation dans un délai qu'elle
détermine en déposant, suivant le cas, une demande d'autorisation
ou une déclaration. Elle peut, par arrêté motivé,
édicter des mesures conservatoires et, après avoir
invité l'intéressé à faire connaître ses
observations, suspendre l'exploitation des installations ou ouvrages ou
la réalisation des travaux ou activités jusqu'au
dépôt de la déclaration ou jusqu'à la
décision relative à la demande d'autorisation.
Si l'exploitant ou, à défaut, le
propriétaire ne défère pas à la mise en demeure de
régulariser sa situation ou si sa demande d'autorisation est
rejetée, l'autorité compétente ordonne la fermeture ou
la suppression des installations ou ouvrages, la
cessation définitive des travaux ou activités. Si l'exploitant
ou, à défaut, le propriétaire n'a pas
obtempéré dans le délai imparti, l'autorité
compétente fait application des procédures prévues aux
1° et 2° de l'article L 216-1 (lequel prescrit des mesures
contraignantes, notamment financières, pour que le propriétaire
de l'ouvrage effectue les travaux nécessaires).
L'autorité administrative, après en avoir
préalablement informé le procureur de la République, peut
faire procéder par un agent de la force publique à l'apposition
des scellés sur des installations, ouvrages ou matériels
utilisés pour des travaux ou activités, maintenus en
fonctionnement, soit en infraction à une mesure de suppression, de
fermeture ou de
suspension prise en application des articles L214-3 et L216-1
ou des deux premiers alinéas du présent article, soit en
dépit d'un refus d'autorisation ».
Cet article ne vise que les ouvrages qui n'ont pas
donné lieu à déclaration ou autorisation alors qu'ils
auraient dû y être soumis. Ne sont donc pas visés par cet
article les ouvrages n'entraînant pas une différence de niveau
supérieure à 20 pour le débit moyen annuel de la ligne
d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage. Ces ouvrages semblent donc
laissés à la libre appréciation de leur
propriétaire en ce qui concerne leur maintient ou non.
§ 2.4.1.4. / Les ouvrages réguliers, soumis à
la nomenclature du fait de son adoption ou de sa modification
Il s'agit ici des ouvrages qui bien qu'établis
conformément à la législation en vigueur (lois de 1898 et
de 1919) viennent à être soumis à la nomenclature du fait
de son adoption, ou de sa modification.
L'article L214-6 du code de l'environnement traite en son II
des ouvrages établis avant l'adoption ou la modification de la
nomenclature IOTA, qu'ils aient été déclaré,
autorisé ou qu'ils soient fondés en titre. Il dispose que
«Les installations, ouvrages et activités
déclarés ou autorisés en application d'une
législation ou réglementation relative à l'eau
antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés
déclarés ou autorisés en application des dispositions
de la présente section. Il en est de même des installations et
ouvrages fondés en titre ».
Le IV de l'article L214-6 traite des ouvrages qui,
après avoir été régulièrement mis en service
ou entrepris, viennent à être soumis à déclaration
ou à autorisation en vertu d'une modification de la nomenclature IOTA.
Ces ouvrages peuvent « continuer à fonctionner, si
l'exploitant, ou à défaut le propriétaire, s'est fait
connaître à l'autorité administrative, ou s'il se fait
connaître dans le délai d'un an à compter de la date
à laquelle l'obligation nouvelle a été instituée
». Notons que dans le cas contraire ces ouvrages ne peuvent plus
continuer à fonctionner, le préfet doit alors les mettre en
demeure de régulariser leur situation...
Le V de ce même article précise que «
Les dispositions des II et III sont applicables sous réserve des
décisions de justice passées en force de chose jugée
intervenues avant la date de publication de l'ordonnance n° 2005-805 du 18
juillet 2005 ».
L'article 41 du décret du 29 mars 1993115
relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration
prévues par l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992116 sur
l'eau dispose que « Lorsque des ouvrages, installations,
aménagements, légalement réalisés ou des
activités légalement exercées sans qu'il y ait eu lieu a
application des textes mentionnés aux articles 1er-II et 40 viennent a
être soumis a autorisation ou a déclaration par un décret
de nomenclature, conformément a l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992
susvisée, l'exploitation, ou l'utilisation des ouvrages, installations,
aménagements ou l'exercice des activités peuvent se poursuivre
sans cette autorisation ou cette déclaration, a la condition que
l'exploitant ou, a défaut, le propriétaire ou le responsable de
l'activité fournisse au préfet les informations suivantes
:
1° Son nom et son adresse
2° L'emplacement de l'installation, de l'ouvrage, ou de
l'activité ;
3° La nature, la consistance, le volume et l'objet de
l'installation, de l'ouvrage, ou de l'activité, ainsi que la ou les
rubriques de la nomenclature dans lesquelles ils doivent être
rangés.
Ces indications doivent être fournies avant le 4
janvier 1995 pour les installations, les ouvrages ou les activités
existant au 4 janvier 1992 et dans le délai d'un an a compter de la
publication du décret de nomenclature pour les autres.
Le préfet peut exiger la production des pièces
mentionnées aux articles 2 ou 29 du présent
décret.
Il peut prescrire, dans les conditions prévues aux
articles 14 ou 32, les mesures nécessaires a la protection des
éléments mentionnés a l'article 2 de la loi du 3 janvier
1992 susvisé ».
Enfin, l'article R214-18 du code de l'environnement dispose
que « toute modification apportée par le
bénéficiaire de l'autorisation a l'ouvrage, a l'installation, a
son mode d'utilisation, a la réalisation des travaux ou a
l'aménagement en résultant ou a l'exercice de l'activité
ou a leur voisinage, et de nature a entraîner un changement notable des
éléments du
115 Décret n°93-742 du 29 mars 1993 relatif aux
procédures d'autorisation et de déclaration.
116 Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau
dossier de demande d'autorisation, doit être
portée, avant sa réalisation, à la connaissance du
préfet avec tous les éléments
d'appréciation.
Le préfet fixe, s'il y a lieu, des prescriptions
complémentaires, dans les formes prévues à l'article R.
214-17.
S'il estime que les modifications sont de nature à
entraîner des dangers ou des inconvénients pour les
éléments énumérés à l'article L.
211-1, le préfet invite le bénéficiaire de l'autorisation
à déposer une nouvelle demande d'autorisation. Celle-ci est
soumise aux mêmes formalités que la demande d'autorisation
primitive ». Dès lors toute modification qui ne suivrait pas
ces prescriptions aurait pour conséquence de rendre l'ouvrage
non-conforme à son acte d'autorisation ou de déclaration, le
préfet devrait alors demander au propriétaire de l'ouvrage, ou
à défaut à l'exploitant, de faire une demande
d'autorisation ou une déclaration afin de régulariser
l'ouvrage.
Section 2.4.2. : Les prérogatives des collectivités
territoriales et leurs groupements
Les collectivités territoriales et leurs groupements
peuvent entamer un travail de recherche afin de mettre en évidence ceux
des ouvrages qui sans être fondés en titre, n'ont jamais fait
l'objet d'un règlement d'eau. Une fois ces ouvrages listés, les
collectivités peuvent en faire état au préfet en lui
rappelant notamment qu'il peut/doit intervenir en faisant usage de ses pouvoirs
de police administrative. Ce processus sera d'autant plus efficace que seront
rappelés au préfet le contexte et les objectifs d'une telle
démarche, ainsi que son étendue au niveau du bassin.
L'accompagnement par la collectivité des travaux découlant de la
mesure de police prise par le préfet sera également un facteur
non négligeable puisqu'il permettra de diluer son impact a priori
négatif auprès des riverains réfractaires.
Les collectivités territoriales peuvent
également prendre contact avec le propriétaire d'ouvrage dit
« illégal » et étudier avec lui les mesures qu'il est
possible d'envisager. Il sera notamment possible de l'aider dans ces
démarches auprès de la police de l'eau pour régulariser la
situation soit en détruisant l'ouvrage soit en réduisant son
impact s'il vient à être régularisé. La
collectivité apportera sont expertise tant juridique que technique au
propriétaire,
afin que ce dernier ne reste pas dans
l'irrégularité et qu'il puisse participer au retour au bon
état écologique de la rivière.
CONCLUSION
Cette étude allie le droit à l'influence de
l'histoire et des changements que peut vivre une société passant
de la féodalité à la révolution industrielle puis
à la découverte de nouvelles sources d'énergies.
L'adaptation constante à un environnement sans cesse moins contraignant
pour l'homme lui a permis de passer d'une situation où il était
forcé de vivre avec la rivière et ses aléas à une
aire nouvelle sous laquelle il maîtrise l'énergie source de toute
activité industrielle. Cette modernisation progressive à permis
de quitter les fonds de vallées et ses risques de crues pour implanter
les activités dans des espaces plus protégés. Cependant,
si nous avons pu tirer profit des nouvelles sources d'énergies que la
science nous a donné, l'histoire nous laisse des rivières
aménagées, sous influences de nombreux ouvrages hydrauliques.
A l'heure où nous prenons conscience des enjeux
environnementaux que représentent les cours d'eau, leur qualité
et la maîtrise de leurs usages, il devient urgent de tirer les
conséquences des évolutions récentes et parfois rapides
à l'échelle générationnelle des changements
d'utilisation dont ont été l'objet les cours d'eau. Si la
recherche de sources d'énergie a pu être un enjeu
d'intérêt supérieur, celle-ci doit désormais
s'allier avec les contraintes environnementales et notamment la protection de
la ressource en eau, nouvel enjeu fort du XXI ème siècle. Il
apparaît alors que la renaturation des rivières et l'abandon d'une
artificialisation témoin de temps révolus doivent aujourd'hui
être privilégiés par les pouvoirs publics, garants de
l'intérêt général.
Cependant, bien que, comme nous l'avons vu, le droit donne aux
collectivités territoriales et aux préfets tous les pouvoirs
nécessaires à l'atteinte du bon état écologique,
les réticences que manifestes certains usagers de la rivière ne
peuvent être combattues efficacement non devant les tribunaux mais, dans
un but de paix social, que de manière pédagogique par
l'expérimentation et la communication. C'est d'ailleurs cette voie qui a
été privilégiée par l'Institution
Interdépartementale du Bassin de la Sèvre Nantaise et le Syndicat
Mixte de la
Vallée du Thouet dans le cadre de la mise en place d'un
outil d'aide à la décision sur cette problématique.
L'acceptation sociale d'une telle démarche s'avère indispensable
pour permettre aux élus d'engager les actions visant à repenser
l'aménagement des cours d'eau. Malgré cela, le droit reste
indispensable à la maîtrise globale d'une telle opération
sur les ouvrages hydrauliques car il a su s'adapter aux variations de la
société, que ce fussent sous l'influence des Seigneurs, des
révolutionnaires, des industrielles, ou enfin plus récemment, du
droit communautaire.
Cette étude, alliée au travail de concertation
et de pédagogie déjà engagé doit donc permettre aux
pouvoirs publics de conforter une position parfois difficilement tenable sur la
scène politique, c'est-à-dire, celle qui vise à
privilégier l'intérêt général face à
l'addition d'intérêts particuliers, et donc à
protéger l'environnement malgré des usages privés
d'agrément et de loisir voire parfois des intérêts
économiques qui peuvent savoir peser dans les conflits d'usages. Reste
donc, pour permettre une pleine efficacité de l'action publique en
matière environnementale, et plus précisément en ce qui
nous concerne, en matière de gestion de l'eau et des milieux aquatiques,
de lier droit et communication afin que la prise de conscience de situations
incompatibles tant avec la légalité qu'avec le bon état
écologique serve l'intérêt général et le
respect de l'environnement dans un souci de développement durable. Les
besoins en énergies propres et renouvelables risques cependant de faire
se reposer la question des ouvrages et de l'énergie hydraulique. Il ne
s'agira alors plus de trancher entre usages passés et contraintes
environnementales présentes, mais de poser les termes du débat de
manière plus nuancée, et peut-être d'envisager que de
nouveau la rivière puisse être source d'énergie propre ou
du moins renouvelable ... dans un but d'intérêt
général. Mais pour cela, il nous faudra être vigilant et
faire pleinement application du principe de précaution dont la valeur
constitutionnelle a été consacrée par l'adoption de la
Charte de l'environnement de 2004 par le Parlement en février 2005. Pour
cela il conviendra d'être attentif à l'étude du «
bilan coût - avantage », déjà effectué par le
juge, et de démontrer l'absence d'atteinte au bon état
écologique des cours d'eau afin que les enjeux économiques soient
compatibles avec la valeur de notre patrimoine environnemental.
BIBLIOGRAPHIE
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- Dalloz périodique.
- Sirey
- Actualité juridique du droit administratif
- Moulin de France
- Cahier juridique de l'électricité et du gaz
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- Revue trimestrielle de droit civil
- Revue de droit immobilier
- La semaine juridique - édition Générale
- La semaine juridique - édition administration des
collectivités territoriales - La semaine juridique - Code civil
- La semaine juridique - environnement
- La semaine juridique - immobilière
- La semaine juridique - Géomètre expert
- La semaine juridique - Répertoire Notarial
- La semaine juridique - propriétés publiques
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», Thémis, 13ème édition.
- Fabrice Dambrine, Rapport sur les perspectives de
développement de la production hydroélectrique en France,
ingénieur général des mines, Mars 2006.
- Nathalie Baillon, Nicolas Nahmias et Elsa Sacksick, <<
Pratique du droit de l'environnement », 2005, éditions le
Moniteur.
- Bernard Drobenko et Jacques Sironneau, << Code de l'eau
», 1ère édition, 2008, éditions
Johanet.
- Nadault de Buffon, ingénieur des ponts et
chaussées, << Des usines sur les cours d'eau », 1840.
- Gabriel Tochon, << De l'utilisation des cours d'eau
non navigables ni flottables en vue de l'établissement des usines
hydrauliques : thèse pour le doctorat », 1908 (éditeur :
Paris, imprimerie française - J. Dangon).
- Michel Durousseau, << environnement et utilisation
permissive de l'énergie hydraulique : l'exemple des usines
hydroélectriques autorisées », mémoire
présenté pour l'obtention du DESS << droit de
l'environnement et de l'aménagement du territoire », septembre
1984, université Strasbourg III.
- Jean-François Despages, << Le régime
juridique des moulins et usines hydrauliques de la Vienne au XIX ème
siècle, l'exemple de la Haute-Vienne », mémoire
présenté pour l'obtention du DEA d'histoire du droit, 1988,
université de Limoges.
- André Hauriou, << La mainmise de l'Etat sur
l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables »,
thèse, Toulouse, 1921, 112 pages.
- Répertoire méthodologique et alphabétique
de législation, de doctrine et de jurisprudence, Dalloz, Paris, 1852
Articles :
- Recueil Dalloz, 1993, page 35.
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Dalloz, 2007, page 2490.
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Revue trimestrielle de droit civil (RTDC), 1993, page 305.
- Jean-Louis Bergel, << droits réels :
énumération limitative », Revue de droit immobilier, 1992,
page 176.
- Frédéric Zénati, << Renonciation aux
droits réels par non-usage », RTDC, 1993, page 851.
- Jean-François Coënt, << Du bon usage des
moulins », commissaire du Gouvernement, à l'actualité
juridique du droit administratif, 2003, page 2318.
- René Hostiou, << La théorie du bilan
à l'épreuve de la protection de l'environnement », à
l'actualité juridique du droit administratif, 2004, page 1193.
- Yann Aguila, Commissaire de Gouvernement, La Revue
française de droit administratif, 2007, page 494, conclusions sur CE
07/02/2007 M. et Mme Sablé.
- Répertoire de jurisprudence générale de
1852 (pages 312 à 498).
- Maurice Hauriou, Sirey, 1908, III, page 65, note sur
arrêt du Conseil d'Etat du 25 mai 1906.
- Jean-Marc Février, << précisions sur les
prises d'eau fondés en titre », Droit administratif, avril 2007,
commentaire n°56,.
- Jean-Louis Bergel, Revue Droit Immobilier 1999, page 366.
- Philippe Billet, La semaine juridique - édition
administrations et collectivités territoriales, 2006, n°1210,
commentaire sur l'arrêt de la 3ème chambre civile de la
Cour de Cassation du 8 février 2006, << SCI Le Batifort contre
Fédération du Puy-de-Dôme pour la pêche et la
protection des milieux aquatiques ».
- Marie-Christine Rouault, << La non utilisation d'un
moulin ne remet pas en cause le droit d'usage de l'eau, fondé en titre,
attaché à cette installation », commentaire, La Semaine
Juridique - éditions administrations et collectivités
territoriales n° 53, 27 Décembre 2004, 1846,.
- Sironneau, observations à propos de l'arrêt
<< Arriau » du Conseil d'Etat du 16 janvier 2006, Revue Juridique
Environnement 2007,
- Thierry Lamarche, << L'imprescriptibilité et le
droit des biens », Revue trimestrielle de droit civil 2004, page 403,.
Textes législatifs, réglementaires et
circulaires :
- directive cadre sur l'eau n°2000/60/CE du 23 octobre
2000
- Code du domaine de l'Etat.
- Code du domaine public fluvial et de la navigation
intérieure. - Code général de la propriété
des personnes publiques.
- Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. -
Code général des collectivités territoriales.
- Code civil.
- Code de l'environnement.
- Code rural.
- loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre
2006
- loi n° 2004-338 du 21 avril 2004
- loi du 13 août 2004 relative aux libertés et
responsabilités locales
- la loi sur l'eau du 3 janvier 1992
- loi de 1964
- loi n°63-233 du 7 mars 1963 relative à la
réalisation de certains travaux d'équipement rural
- loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de
l'énergie hydraulique
- loi sur le régime des eaux du 8 avril 1898
- lois du 20 août 1790 et du 6 octobre 1791 (qui ont
attribué à l'autorité administrative un pouvoir
général de police des eaux concernant toutes les rivières
et ont instauré la pratique des règlements d'eau)
- lois des 4 août 1789 et 20 août 1790 (abolition des
droits féodaux)
- décret n°2007-1760 du 14 décembre 2007
<< portant dispositions relatives aux régimes d'autorisation et de
déclaration au titre de la gestion et de la protection de l'eau et des
milieux aquatiques, aux obligations imposées à certains ouvrages
situés sur les cours d'eau, à l'entretien et à la
restauration des milieux aquatiques et modifiant le code de l'environnement
»
- décret n°2008-881 du 17 juillet 2006 modifiant le
décret n°93-743 du 29 mars 1993 (nomenclature IOTA)
- décret n°2000-877 du 7 septembre 2000 relatif
à l'autorisation d'exploiter les installations de production
d'électricité
- décret n°95-1205 du 6 novembre 1995 approuvant le
modèle de règlement d'eau des entreprises autorisées
à utiliser l'énergie hydraulique
- décret n°93-742 du 29 mars 1993 relatif aux
procédures d'autorisation et de déclaration
- décret dit de décentralisation (en fait de
déconcentration) du 25 mars 1853 (donne aux
préfets le pouvoir de statuer de manière
définitive sur toutes les affaires départementales
et communales).
- circulaire n°2008/25 du 6 février 2008 <<
relative au classement des cours d'eau au titre de l'article L214-17-I du code
de l'environnement et aux obligations qui en découlent pour les ouvrages
»
- circulaire du 2 mars 2005 relative à la
définition de la notion de cours d'eau (publiée au BOMEDD
n°9, 2005)
- circulaire n° 68-112 du ministère de l'Equipement
et du Logement du 22 novembre 1968, applicable aux barrages fondés ou
non en titre (BOME n° 22-68, p. 865)
Services de ressources documentaires :
- Archives départementales des Deux-Sèvres,
série S et série continue (versement des dossiers de la DDA).
- Archives départementales du Maine-et-Loire, série
S et série Alpha.
- Archives départementales de la Vendée,
série S.
- Archives départementales de la Loire-Atlantique,
série S.
- Bibliothèque universitaire de la faculté de droit
de Tours.
- Bibliothèque universitaire de la faculté de droit
de Poitiers.
- Bibliothèque universitaire de la faculté de droit
de Nantes, et de son antenne de LaRoche-sur-Yon.
Sites Internet :
-
http://www.legifrance.gouv.fr
-
http://www.dalloz.fr
-
http://www.lexisnexis.fr
-
http://www.code-eau.com
-
http://texteau.ecologie.gouv.fr/texteau
-
http://www.valleeduthouet.fr/accueil/
- http://www.sevre-nantaise.com/
-
http:// www.lion1906.com
-
http://cassini.ehess.fr
-
http://cadastre.gouv.fr
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : LEXIQUE
ANNEXE 2 : REGLEMENT D'EAU DE L'USINE DE LA MAILLERAYE
ANNEXE 3 : REGLEMENT D'EAU DU MOULIN DE GRANGEARD
ANNEXE 4 : ARRET RENDU PAR LE CONSEIL D'ETAT LE 07 FEVRIER 2007
« MONSIEUR ET MADAME SABLE »
ANNEXE 5 : CARTE DU THOUET ET DES COMMUNES MEMBRES DU
SMVT ANNEXE 6 : CARTE DU THOUET EN DEUX-SEVRES
ANNEXE 7 : CARTE DE L'IIBSN ET DES SYNDICATS DE
RIVIERE
ANNEXE 8 : DETERMINATION DU MODE D'INTERVENTION EN FONCTION DU
STATUT DE L'OUVRAGE ET DE LA PERSONNE PUBLIQUE EN VUE DE L'ATTEINTE DU BON ETAT
ECOLOGIQUE
Annexe 1 : LEXIQUE
De la langue des usines
Issu du répertoire général de
jurisprudence de 1852
Affluents : on appelle ainsi les cours d'eaux
secondaires qui se réunissent à un cours d'eau principal. Depuis
le fleuve jusqu'au ruisseau, tous les cours d'eau ont leurs affluents ;
seulement, à mesure que l'on remonte dans des vallées plus
élevés, ils sont de moins en moins apparents. Il ne faut pas
confondre l'affluent avec le bras de la rivière, tout en lui appartenant
et en continuant à en faire partie : ils sont à un fleuve, par
exemple, ce que les bras de l'homme sont à son corps. L'affluent, au
contraire, ne fait pas partie du fleuve : il en est tout à fait
délaché ; seulement arrivé au terme de son cours, il
s'unit au fleuve, et ajoute au volume de ses eaux. Il se confond avec le fleuve
qui lui enlève jusqu'à son nom.
Affouillement : C'est l'excavation dangereuse
qui s'opère par le choc de l'eau courante, sous une digue, un
bâtiment ou un ouvrage hydraulique quelconque. Les affouillements ne sont
jamais apparents ; ils ne se révèlent que par la destruction
qu'ils attaquent. Il faut donc avoir soin de visiter les lieux que l'ont peut
croire menacés.
Amont, Aval : Ces deux mots qui ne s'emploient
jamais que relativement à un point donné, signifient l'un, en
remontant, l'autre, en redescendant le cours de l'eau. Ainsi en suivant le
cours de la Marne, Melun est à douze lieues en amont de Paris, et
Sèvres à deux lieues en aval en suivant le cours de la Seine.
Cependant les deux mots amont, aval sont souvent employés comme
équivalent de ceux-ci : au-dessus, en dessous, parce qu'en effet les
points auxquels ils se rapportent ne sont jamais au même niveau ; et en
effet le niveau ne peut pas exister entre deux point donnée, l'un en
amont, l'autre en aval, puisque la pente de l'eau est inséparable de
la pente du terrain. De là, l'expression de bateaux
montants et avalants qui se trouvent employés dans les anciennes
ordonnances.
Artifices . Vieux terme encore usité
pour désigner les constructions machines, et plus
particulièrement l'appareil hydraulique d'une usine. Ce mot est
employé dans l'ordonnance de 1669, en ce sens que l'ordonnance ne
considère comme dépendance du domaine public, que les
rivières qui sont navigables de leurs fonds et sans artifice.
Balisage . On donne le nom de balises sur les
fleuves et rivières navigables à des pieux, fascines ou autres
signaux, destinés à indiquer, soit les hauts fonds, soit au
contraire les passes les plus favorables à la navigation. Dans les
départements traversés par la Loire et l'Allier, on comprend
spécialement sous le nom de balisage l'enlèvement des bancs de
sable nuisible à la navigation. Ainsi balise, a comme on le voit, des
significations tout à fait opposées, tantôt il signifie la
passe qu'il faut suivre, tantôt la passe qu'il faut éviter, et le
balisage n'est qu'un moyen d'obtenir un tirant d'eau suffisant pour la passe
des bateaux.
Banalité . C'était le droit
existant au profil des seigneurs ou autre individu, d'exiger que les habitants
d'une localité se servissent de son moulin et de son four. Ces
banalités ont été supprimées par la loi du 15 mars
1790.
Barrage . C'est une digue établie
transversalement dans une rivière, dans le but, soit d'en dériver
les eaux dans un canal de dérivation, soit de les élever de
manière à obtenir une chute nécessaire indispensable au
roulement d'une usine. Les barrages sont fixes ou mobiles et sont
établis en terre, pieux et fascines, ou en maçonnerie. Quand ils
sont mobiles, ils se composent en général de poutrelles
posées horizontalement contre des montants verticaux, qui peuvent
s'enlever à volonté à mesure que l'état des eaux le
réclame.
Baveret . Petit canal en bois, conduisant l'eau
sur une roue au dessus.
Berges . La berge est une espèce de
talus de chaque côtés du cours d'eau, et qui en
général s'étend en pente douce depuis le niveau du sol
jusqu'au niveau des eaux coulant à plein bords, mais sans inondation sur
les terres riveraines.
Bief ou Biez : on appelle bief ou biez la
partie du ruisseau qui est la plus rapprochée de la roue. C'est un canal
formé de batardeau de maçonnerie qui joint immédiatement
le moulin dans lequel l'eau est plus resserrée afin qu'elle ait plus
d'action. Le biez, d'après cette définition, est donc la partie
essentielle de la constitution d'un moulin ; car sans la force motrice qu'il
ajoute artificiellement au cours d'eau, l'usine ne pourrait marcher ; aussi
est-il admis que les riverains n'ont pas le droit d'y faire des
saignées. La propriété de la partie du canal qui est en
quelque sorte adhérente à l'usine et à laquelle on donne
le nom de biez résulte des travaux même qui ont servi à
l'établir ; et comme le dit M. Merlin, le titre de
propriété est en quelque sorte écrit dans la chose
même. Mais le biez est presque toujours précédé d'un
canal ou ruisseau appelé canal alimentaire, ru, fausse rivière,
canal d'amenée, parce qu'il a pour but d'amener dans le biez les eaux,
soit d'une rivière, d'un lac ou d'un étang ; pour que les eaux
donnent le mouvement aux roues motrices de l'usine, à la suite du biez
se trouve le canal de fuite ou sous biez. On appelle ainsi la partie du cours
d'eau qui est en aval du vannage et des roues. Dans le département du
midi de la France le biez se désigne par le nom de béal ou
béalière. Dans toutes les localités ou les fabriques sont
nombreuses et rapprochées, le sous biez d'une usine forme le biez de
l'usine inférieur, ce qui donne lieu à de fréquentes
contestations sur la hauteur des eaux. Autrefois on l'appelait et encore
aujourd'hui on appelle quelquefois arrière biez la partie d'eau en
amont, ou le biez proprement dit, par opposition au sous biez ; mais c'est une
expression qui n'est ni claire ni juste, et il faut s'en tenir, suivant nous,
aux deux mots biez et sous biez.
Bords, Francs-bords : Le bord est
l'extrémité des propriétés riveraines qui touchent
et confinent à une rivière ou même un ruisseau. Le
franc-bord est un espace de terrain de largeur variable, qui est
réputé, à moins de preuve contraire, dépendance des
cours d'eau artificiels des canaux. Il en est autrement dans les fleuves et
rivières navigables. L'espace qu'on pourrait appeler franc-bord
constitue le chemin de halage sur lequel l'Etat a un droit de servitude, mais
non un droit de propriété.
Bras des rivières : Les bras d'un
fleuve ou d'une rivière sont, ainsi que nous l'avons dit en parlant des
affluents, ce que les bras de l'homme sont à son corps, mais, en
général, on n'appelle bras dans les rivières navigables
que les parties d'eau qui restent navigables comme la rivière
même. Si le bras non navigable ni flottable d'une rivière portait
ses eaux dans une autre région, et ne réunissait plus au corps de
la rivière, il cesserait dès son point de séparation, de
faire partie de la grande rivière, et n'appartiendrait plus à la
classe de celles qui
sont navigables et flottables. Il ne serait plus un bras, il
deviendrait l'affluent d'un autre cours d'eau.
Canal : un canal est un cours d'eau artificiel
qui a diverses destinations. Les canaux se divisent en plusieurs espèces
qui ont toute un caractère spécial en fait et en droit.
Canal de navigation : c'est une voie publique
confectionnée dans l'intérêt du commerce et de l'industrie
pour recevoir soit les eaux de la mer, soit les eaux des rivières ou des
ruisseaux, et faciliter, reliant ensemble les différents fleuves et
rivières, le transport des marchandises dans toutes les parties du pays
qu'il traverse. Cette espèce de canal est une rivière navigable
artificielle, et qui, en raison de sa navigabilité, doit faire partie du
domaine public, comme les rivières naturelles.
Canal de flottage : c'est celui qui est
particulièrement disposé aux abords des moulins et usines pour le
passage des bois flottés à bûches perdues.
Canal d'irrigation : destiné à
porter, en certaines localités privées d'eau et quelquefois sur
une très grande étendue de terrains, des eaux qui fertilisent des
terres arides et décuplent leur valeur.
Canal de dessèchement : destiné
à évacuer, à l'aide de fossés, saignées ou
rigoles, les eaux d'un terrain marécageux.
Canal de dérivation : c'est un terme
générique, qui sert à désigner tout canal
artificiel, dans lequel s'introduisent les eaux d'un lac, d'un fleuve, d'une
rivière ; mais on applique plus particulièrement ce mot, en
droit, à une prise d'eau opérée sur un petit cours d'eau,
et qui transporte ou dérive les eaux d'un lieu vers un autre, où
les eaux ne parviendraient pas sans ce canal. Un simple fossé peut
être un canal de dérivation.
Canal d'alimentation, d'amenée ou d'arrivage
: canal qui sert à amener les eaux sur une vanne ou un
déversoir.
Canal de fuite ou de décharge : c'est
un canal qui fait suite au canal d'amenée (l'un est en amont de l'usine,
l'autre en aval) et qui reçoit les eaux après qu'elles ont
passé sous une roue, dans un empellement ou un déversoir.
Chenal : C'est la voie comprise entre deux
jetées servant de passage aux vaisseaux pour l'entrée ou la
sortie d'un port de mer. On donne également ce nom par analogie aux
passes naturels ou artificielles établies dans la rivière pour le
service de la navigation.
Clayonnage : C'est le relèvement
formé de pieux ou piquets, entrelacés de branches flexibles qui
ont pour but et pour effet de modérer le choc des eaux contre les talus
des digues ou les berges naturelles des cours d'eau.
Coursier : c'est l'espace en maçonnerie
ou en charpente dans lequel s'effectue le jeu d'une roue hydraulique. La
construction des coursiers a subi les mêmes perfectionnements que celles
des roues. Ce n'est qu'à l'aide d'une bonne construction de ce genre
d'ouvrage qu'on peut parvenir à appliquer l'eau à la roue d'une
manière avantageuse ; car, dans toutes les roues en dessous, c'est lui
qui la tient et la dirige pendant tout le temps de son action.
Déversoir : c'est une espèce de
barrage établi presque toujours en maçonnerie, et donc le
caractère est d'avoir son couronnement dérasé à la
hauteur qui doit servir de limite à la retenue d'eau. La longueur
fixée pour le déversoir est déterminée par deux
murs qu'on nomme bajoyers, qui sont à chacune de ses
extrémités et dont le couronnement dépasse celui du
déversoir proprement dit ; la partie inclinée ou en talus est le
glacis. Un déversoir en maçonnerie, est le meilleur
régulateur des usines hydrauliques, parce qu'il est très
difficile d'y apporter des changements et d'en exhausser le niveau sans qu'on
s'en aperçoive. Les meuniers placent quelque fois sur la crête des
déversoirs des planches ou madrier qu'on nomme rehausses, mais ce fait
constitue une contravention qui doit être réprimé par
l'autorité municipale.
Digue, levée, turcie : ces expressions
sont synonymes, mais les deux dernières ne sont presque plus en usage.
Les digues sont des ouvrages en remblai, ordinairement en terre franche ou
argileuse, revêtu de gazon ou de clayonnage, quelque fois de
maçonnerie, et destinés, soit à retenir les eaux
élevées par les barrages à une hauteur
déterminée par le roulement des usines, soit surtout pour les
fleuves, à garantir la plaine voisine contre les
inondations. Les plaines qui longent la Loire sont
protégées par des digues qui ont conservé le nom de
turcies et levées dont on ignore l'origine ; elles longent le fleuve
dans une étendue immense ; mais malheureusement elles cèdent
quelque à la violence des eaux, et alors tous le pays est
inondé.
Ecluse : ouvrage fait sur une rivière ou
sur un canal pour retenir et lâcher l'eau suivant les besoins de la
navigation ou des usines.
Empellements : c'est un mot synonyme de
vannes, de sorte qu'empellement et vannes signifient absolument la même
chose. Les pièces constitutives d'un empellement sont : 1° le seuil
; 2° les poteaux montants, portant des feuillures dans lesquelles passent
les vannes ; 3° le chapeau ou pièce de couronnement.
Epis : ce sont de petites digues
composées ordinairement de pieux, fascines, terres ou pierres, et que
l'on construit sous des formes et des inclinaisons diverses, en saillie sur les
berges d'une rivière ou d'un torrent, pour en modifier le cours. La
science de l'ingénieur a obtenu dans les derniers temps des
résultats inespérés. Le cas le plus simple est celui
où, par le moyen des épis, il s'agit d'empêcher une rive
d'être minées par le choc de l'eau, ou de diriger la force du
courant vers un point déterminé. La science hydraulique a fait
sous ce rapport des progrès remarquables ; par des systèmes
d'épis convenablement disposés, on a forcé les torrents
à se combattre eux-mêmes et à restreindre par leur propre
travail leur lit aux moindres dimensions qu'ils puissent avoir...C'est une
belle application de l'art.
Etiage : c'est le niveau le plus bas des eaux
d'une rivière, et que l'on constate ordinairement pendant les
sécheresses de l'été. C'est ce niveau qui sert de point de
départ pour la mesure des eaux et l'état de tous les cours d'eau.
Ainsi, quand on dit par exemple, l'eau est à dix pieds, on entend dix
pieds au dessus de l'étiage.
Fascinage : ouvrage construits en fascines ou
fagots de branches vertes serrées solidement à deux ou trois
liens et dont on forme des épis que l'on fixe par des piquets. On fait
souvent usage du fascinage dans les terrains marécageux. On charge les
fascines de pierres ou de graviers et l'on peut ensuite construire dessus sans
danger.
Gord : percherie que l'on construit dans les
rivières, avec des rangs de perches et de piquets, et qui, aux termes de
l'ordonnance de 1669, ne peuvent y être établis sans
autorisation.
Jaugeage des eaux courantes : c'est
l'évaluation du produit ou de la défense par seconde du courant
d'eau. Comme il existe des relations théoriques et expérimentales
entre la section, la pente, les différentes vitesses d'un cours d'eau,
et le volume de liquide qui y coule dans un temps donné, on a des
formules qui font connaître cette dernière quantité. Dans
l'usage, il est plus simple et suffisamment exact, pour le plus grand nombre de
cas, de multiplier la section du cours d'eau par la vitesse moyenne.
Partage d'eau : ce mot a deux signification
très distinct en hydraulique, et notamment quand la construction des
canaux navigables. On nomme point de partage tout point sur lequel il y a
possibilité d'amener les eaux, pouvant de là être
dirigées par deux directions opposées. Dans les questions
relatives aux usines et aux irrigations, on nomme partage ou distribution
d'eaux, l'opération par laquelle on attribue à telle ou telle
destination, à tel ou tel intérêt privé, on volume
d'eau déterminé. On conçoit, du reste, que si
l'opération n'est pas juste, l'application du droit à
l'opération se trouve fausse. La régularité du travail est
donc d'une grande importance pour la justice, et il est nécessaire
dès lors de confier une pareille opération qu'à des
ingénieurs habiles.
Passelis : on appelle ainsi un ouvrage
étroit pratiqué dans un cours d'eau pour favoriser la navigation
et le flottage.
Patouillets : usine hydraulique
destinée au lavage ou à l'épuration des minerais de fer.
Il y en a de différentes formes ; ordinairement la mine est
placée dans une huche où l'eau se renouvelle, et où elle
est tenue en mouvement au moyen d'un agitateur, ayant la forme soit de larges
palettes, soit d'un châssis en fer, adapté à l'arbre de la
roue hydraulique ; l'eau chargées des parties terreuses avec lesquelles
la mine étant mélangée s'écoule seule, et celleci
se retrouve pure au fond du coffre où on la recueille quand le lavage
est suffisamment exécuté. Ces établissements
réclament de la part de l'administration une grande surveillance
à cause des contestations que font naître les eaux troubles et
boueuses provenant du large des mines, et qui se répandent dans les
rivières et souvent dans les prairies.
Pente : la pente, ou ce qui revient au
même, la force motrice des cours d'eau, n'est autre chose que
l'inclinaison du lit de l'eau, et c'est cette inclinaison qui détermine
le mouvement plus ou moins rapide des mol écules fluides dont l'eau se
compose. Celles-ci obéissant naturellement à l'action de la
gravité, deviennent susceptibles d'une action dynamique et
représentent des moteurs dont l'industrie met à profit la
puissance. Sur le plus grand nombre des cours d'eau qui ne sont pas pourvus de
barrages et dont le régime n'est pas torrentiel, la pente moyenne est de
0,20 à 0,80m par kilomètre. Suivant le Dictionnaire
d'administration, la pente réservée aux petits cours d'eau est de
3cent. par 100 mètres. La gravité, qui est le principe du
mouvement des eaux courantes, étant une force
accélératrice constante, les eaux acquerraient par leur pente une
vitesse susceptible de croître indéfiniment, si aucune
résistance ne s'opposait à cette action
d'accélération ; mais l'expérience démontre que
pour un état donné des eaux, leur vitesse est uniforme ; que,
même presque toujours, cette vitesse diminue vers la partie
inférieure du cours des fleuves. Les résistances qui produisent
ce résultat admirable (car si elles n'existaient pas, les fleuves
dévasteraient constamment leurs bords et même se frayeraient de
nouvelles route dans l'espace) sont le frottement contre les parois du lit, et
les divers obstacles qu'il renferme, les coudes et sinuosités, la
diminution de la pente, enfin, une certaine viscosité des
molécules liquides. On conçoit d'après cela qu'il existe
pour tous les cours d'eau une vitesse maximum à la surface, une vitesse
minimum au fond, et une vitesse moyenne qui peut se mesurer à une
certaine distance entre ces deux niveaux. La résistance des bords
exerçant une influence sensible, il y a à la surface des cours
d'eau une ligne de maximum absolu de toutes les vitesses ; c'est cette ligne
qu'on nomme communément le fil de l'eau.
Pertuis : c'est un passage étroit
pratiqué dans le barrage d'un cours d'eau pour favoriser les manoeuvres
de la navigation et du flottage. Ce mot vient de l'italien pertuso,
percé, ouvert. Avant l'invention des écluses à sas, on ne
connaissait que les pertuis, qu'on peut assimiler à des écluses
simples. Ils ont l'inconvénient de dépenser inutilement beaucoup
d'eau et de former des cataractes dangereuses. C'est l'enfance de l'art.
Cependant on en construit encore, soit par des motifs d'économie, assez
mal entendus, soit lorsqu'ils sont commandés par des circonstances
particulières, telles que les barrages en rivières. Les pertuis
se forment avec des bois debout en forme d'aiguilles ou avec des poutrelles
mise en travers, ou, enfin, avec des vannes que l'on manoeuvre à l'aide
de crics ou de verrins. Les pertuis ont différents noms suivant les
localités ; par exemple : pas, passelis, pas de roi, demi-écluse,
écluses simples, ganthières, portières, marinières,
etc.
Reflux ou remous : c'est le mouvement de l'eau,
qui, rencontrant quelque obstacle, remonte son cours.
Repère : c'est une marque faite sur un
pilier, représentant une échelle graduée en
centimètre et sur laquelle le point zéro indique le niveau
légal de la retenue. Un repère est pris quelque fois sur un point
fixe quelconque, situé a proximité de la retenue ; mais il est de
règle que le repère définitif d'une usine soit
placé dans le bief même dont il doit régler les eaux. Le
repère se compose d'une borne, colonne ou pilier en pierre de taille,
établi sur un massif de maçonnerie, ou bien fixé
latéralement au mur ou a la berge du bief. Quelque fois le repère
est formé d'une pièce de bois, battue a l'aide d'un mouton ou
d'une forte masse. Dans tous les cas, il convient qu'il soit baigné par
les eaux auxquelles il sert de règle, de manière a être
ostensible a tous les yeux. Car un repère dont la vérification
exige une opération de nivellement, n'est, par le fait, a l'usage de
personne. Les repères ainsi établis pouvant être
détruits ou dérangés par accident ou par malveillance, les
ingénieurs en les faisant poser ont soin de les rapporter a un contre
repère, pris sur une maçonnerie invariable, telle que le seuil
d'une porte, l'appui d'une fenêtre, le cordon d'un bâtiment,
etc.
Roue hydraulique : anciennement on ne
reconnaissait que deux espèces de roues, les roues en dessous a aubes ou
a palettes, et les roues en dessus a augets, a godets ou a pots. Celles de la
première espèce recevaient toujours l'eau en dessous, et celles
de la deuxième espèce la recevaient par un baveret a la partie
supérieure. Mais, dans ces derniers temps, où l'on a senti le
besoin d'économiser l'eau et d'employer avec discernement une force
aussi précieuse que celle de l'eau courante, on s'est aperçu
qu'avec les anciennes roues a aubes étroites et a grandes vitesse on
perdait la plus grande partie de la force de l'eau ; et de grands
perfectionnements ont été apportés dans ce genre de
machines. Aujourd'hui on construit encore des roues a aubes verticales se
mouvant soit dans un coursier, soit dans un courant libre, mais elles sont
généralement fort large, tournent lentement, et sont, en un mot,
disposée, d'une manière beaucoup plus avantageuse que celles qui
étaient en usage autrefois.
Seuil : c'est une pièce de bois
horizontale ou sablière, sur laquelle s'assemblent ou s'appuient toutes
les parties verticales d'un empèlement. On nomme seuil bayard celui des
vannes motrices, prenant l'eau a une hauteur variable ; seuil gravier celui qui
est établi au niveau du lit du cours d'eau, comme cela doit toujours
avoir lieu pour les vannes de décharge, seuil
baveret, celui des vannes qui, destinées à mouvoir
des roues à augets, ou en dessus, sont généralement
à une très faible profondeur, et correspondent à une forte
chute.
Tension des eaux : se dit de l'état des
eaux, de celles d'un bief quand elles sont à un niveau convenable pour
la marche d'une usine. La limite de l'élévation de ce niveau
résultant soit des lieux, soit d'un règlement administratif, se
désigne comme maximum de tension des eaux.
Thalweg : la ligne des points les plus bas
d'une vallée ; et par conséquent la ligne de la plus grande
profondeur des rivières, celle où la navigation trouve le plus
grand tirant d'eau. Quand les canaux sont ouverts artificiellement, ils sont
sujets à des filtrations, s'ils n'occupent pas le thalweg des
vallées. En effet, du moment où le point d'eau est plus
élevé que les vallées riveraines, les eaux du canal
doivent inonder les terres voisines. Thalweg vient de deux mots allemands qui
veulent dire weig, chemin, et thal, vallée, chemin de la
vallée.
Thou : dégagement pratiqué dans une
rivière pour assurer l'écoulement des eaux en cas de grandes
crues.
Tirant d'eau : c'est la profondeur dont s'enfonce
un bateau quand il est à pleine charge.
Vannes : ce sont des portes ou vanteaux de
dimensions variables, mobiles verticalement, par le moyen d'une tige ou queue,
contre les poteaux montants et dans des feuillures. Elles servent à
régler la distribution et la dépense de l'eau des biefs, des
usines, des étangs, et, en général, de toute retenue. Il y
a plusieurs sortes de vannes, celles qui sont plus immédiatement sous la
surveillance de l'administration sont celles qui font partie du système
régulateur de la retenue, et qu'on désigne sous le nom de
vanne de décharge. Ce sont les véritables voies
découlement des eaux accumulées dans le bief des usines.
Indépendamment des vannes de décharge, il y a des
vannes de mouvement ou vannes motrices
désignées plus généralement par les usiniers des
campagnes sous le nom de vannes ouvrières, mouleresses,
mouloires, et qui servent à mettre en mouvement les roues hydrauliques
d'une usine. Les vannes motrices sont quant à leur nombre,
quant à leur force et à leurs dimensions, à la disposition
des usiniers, comme faisant partie du mécanisme ou de la machine
proprement dite. Elles n'entrent donc point dans le calcul des moyens
d'écoulement que doivent présenter les barrages. En effet, les
vannes motrices ne servent à rien dans le temps des crues, et le
déversoir n'ayant qu'un produit superficiel, est principalement utile
pour régler ou régulariser
la hauteur de la retenue, tandis que les vannes fournissent un
déchargeoir de fond. Indépendamment des deux espèces de
vannes dont nous venons de parler, on connaît encore une espèce de
vannes, dite de compensation. C'est une vanne de décharge qui se
lève nécessairement, par l'effet d'un levier, lorsqu'une vanne
motrice correspondante se baisse. Cette disposition est assez souvent
réclamée par l'état des localités, là
où l'on ne pourrait établir de déversoir, et surtout
là où il est indispensable de conserver toujours dans le canal
qui fait la prolongation du sous bief un courant à peu prêt
régulier, soit en faveur des usines inférieures, soit par tout
autre motif. Il existe aussi des vannes de reversoir. C'est une vanne qui, mise
en jeu dans une rainure pratiquée verticalement au dessous du radier,
peut se lever ou se baisser selon le volume du courant, de manière
à maintenir toujours une égale retenue. C'est en quelque sorte un
radier mobile.
Annexe 2 : Règlement d'eau de l'usine de la
Mailleraye
Annexe 3 : Règlement d'eau du Moulin de
Grangeard
Annexe 4 : Arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 07
février 2007 << Monsieur et Madame Sablé >>
Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2005 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée
pour M. et Mme A, demeurant [...] ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat
:
1° d'annuler l'arrêt en date du 21 décembre
2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur
demande tendant à l'annulation des articles 3 et 4 du jugement du 5
décembre 2002 par lesquels le tribunal administratif de Rennes, statuant
sur le recours en interprétation dont il était saisi, a
jugé que la réserve d'eau située sur la rivière le
Gouessant, au lieu-dit La Ville Angevin, n'était pas fondée en
titre, et a rejeté le surplus de leurs conclusions ;
2° statuant au fond en application de l'article L. 821-2
du code de justice administrative, d'annuler les articles 3 et 4 du jugement du
5 décembre 2002 du tribunal administratif de Rennes et de juger que la
réserve d'eau située sur la rivière le Gouessant est
fondée en titre ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une
somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de
l'énergie hydraulique ; Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des
Requêtes,
- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M.
et Mme A, - les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme A, propriétaires d'un
moulin au lieudit << la Ville d'Angevin >>, situé sur le
territoire de la commune de Saint-Glen dans le département des
Côtes d'Armor, ont demandé au préfet de reconnaître
qu'ils disposaient d'un droit de prise d'eau fondé en titre à
raison de ce moulin, implanté sur la rivière << le
Gouessant >>, ainsi que d'un ancien étang actuellement
asséché dont ils sont également propriétaires,
situé en amont du moulin et en bordure de la même rivière ;
que le préfet des Côtes d'Armor, s'il a admis l'existence d'un tel
droit en ce qui concerne l'alimentation directe du moulin, a refusé de
le reconnaître s'agissant de l'étang, et a indiqué aux
intéressés que l'établissement d'une prise d'eau sur la
rivière pour alimenter l'étang était, par suite, soumise
à autorisation dans les conditions de droit commun ; que M. et Mme A ont
demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la
décision préfectorale et saisi ce tribunal d'un recours en
interprétation tendant à ce que celui-ci déclare qu'ils
disposaient d'un droit de prise d'eau fondé en titre à raison
tant du moulin que de l'étang ; que le jugement rendu par le tribunal
administratif de
Rennes le 5 décembre 2002 a, en son article 1er,
annulé la décision du préfet des Côtes d'Armor, en
son article 2, déclaré fondée en titre l'alimentation en
eau du moulin, en son article 3, déclaré non fondée en
titre celle de l'étang et, en son article 4, rejeté le surplus
des conclusions dont ce tribunal était saisi ; que M. et Mme A se
pourvoient contre l'arrêt en date du 21 décembre 2004 par lequel
la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'ils ont
formé contre les articles 3 et 4 de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la
requête :
Considérant que sont notamment regardées comme
fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d'eau
sur des cours d'eaux non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une
aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d'un
acte antérieur à l'abolition des droits féodaux ; qu'une
prise d'eau est présumée établie en vertu d'un acte
antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors
qu'est prouvée son existence matérielle avant cette date ;
Considérant que la force motrice produite par
l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit
d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété ; qu'il en
résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force
motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par
son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des
ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de
ce cours d'eau ; qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient
pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue
période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le
droit de prise d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de
nature, à eux seuls, à remettre en cause la
pérennité de ce droit ;
Considérant qu'en se fondant, pour juger que
l'étang situé sur la rivière << Le Gouessant
>>, à proximité du moulin dit de << la Ville Angevin
>>, ne pouvait être regardé comme fondé en titre, sur
la circonstance que cet étang n'a pas été entretenu et est
resté encombré de débris depuis au moins vingt ans, et se
trouve actuellement asséché, sans rechercher si la force motrice
de cet ouvrage était encore susceptible d'être utilisée par
son détenteur, la cour administrative d'appel de Nantes a entaché
l'arrêt attaqué d'erreur de droit ; que M. et Mme A sont
fondés à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de
l'espèces, il y a lieu pour le Conseil de l'Etat de faire application de
l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler
l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et
notamment du << plan-terrier >> de la seigneurie de Lamballe
établi entre 1785 et 1789, que l'étang existait avant
l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 1789 ayant aboli les
droits féodaux et que cette réserve d'eau, située en amont
du moulin dit de << la Ville Angevin >> et à
proximité immédiate de celui-ci, participait à
l'époque à son alimentation ; qu'alors même que celle-ci
n'a pas été entretenue durant plusieurs décennies et est
actuellement asséchée, elle n'est pas devenue impropre à
un tel usage ; que, dès lors, le droit de prise d'eau fondé en
titre dont bénéficient M. et Mme A pour l'alimentation de leur
moulin s'étend à celle de cet étang ;
Considérant qu'il y a lieu, par suite, pour le Conseil
d'Etat, statuant sur le recours en interprétation présenté
par M. et Mme , de déclarer qu'ils sont titulaires d'un droit
fondé en titre pour l'alimentation en eau de cet étang ;
Considérant qu'il résulte de ce qui
précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que
c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le
tribunal administratif de Rennes, qu'ils avaient saisi d'un recours en
interprétation, a déclaré qu'ils n'étaient pas
titulaires d'un droit fondé en titre à raison de l'étang
et a rejeté par voie de conséquence, par l'article 4 du
même jugement, leurs conclusions aux fins d'injonction ; qu'il y a lieu,
dans les circonstances de l'espèce, de faire application des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de
mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la
somme de 3 000 euros qu'ils réclament au titre des frais exposés
par eux et non compris dans les dépens ;
Décide :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de
Nantes du 21 décembre 2004 est annulé.
Article 2 : Les articles 3 et 4 du jugement du tribunal
administratif de Rennes du 5 décembre 2002 sont annulés.
Article 3 : M. et Mme A sont déclarés titulaires
d'un droit de prise d'eau fondé en titre pour l'alimentation de
l'étang situé sur la parcelle ZN 25 de la commune de
Saint-Glen.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M.
et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M.
et Mme A est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera
notifiée à M. et Mme A et au ministre de l'Ecologie et du
Développement durable.
Annexe 5 : carte du Thouet et des communes membres du
SMVT
Annexe 6 : carte du Thouet en Deux-Sèvres
Annexe 7 : carte de l'IIBSN et des syndicats de
rivière
Annexe 8 : détermination du mode d'intervention en
fonction du statut de l'ouvrage et de la personne publique en vue de l'atteinte
du bon état écologique
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