Les médiations esthétiques et d'appartenance sociale de Vodacom Congo RDC. Etude des stratégies de sublimation du public par les expressions symboliques et le mythe d'organisation( Télécharger le fichier original )par Issa ISSANTU TEMBE Université de Kinshasa - 2003 |
1. LES GRANDS TYPES D'ESTHÉTIQUE PUBLICITAIRE CHEZ VODACOMVodacom Congo RDC intervient d'une manière symbolique sur la réalité. Cette intervention symbolique revêt un aspect esthétique d'autant plus que cette entreprise tient toujours à occuper une place de choix dans l'imaginaire collectif des congolais. Que Vodacom intervienne dans la réalisation de certains projets à impact visible et immédiat, est un pas franchi dans cette démarche qui vise la conquête d'un public qui était déjà envahi par certains pourvoyeurs de services de téléphonie cellulaire. Suite aux médiations esthétiques, les formes matérielles ne doivent plus être là pour elles-mêmes, comme l'a dit Philippe Quinton79(*). « Beaux bureaux, beaux vêtements, belles voitures, beaux magasins, etc., la préoccupation esthétique est commune. C'est un besoin comme un autre qui procède d'un univers d'attentes et fait partie de la vie sociale. » En s'engageant sur cette voie, Vodacom Congo RDC ne fait que répondre à des attentes inexprimées d'un public silencieux, assoiffé pourtant de propagande et de séduction. a) La publicité par l'esthétique de la séduction Il s'agit de rechercher à construire des meilleures relations avec les êtres ou les choses, et que ces productions soient lisibles et accessibles. Vodacom a ainsi choisi de soigner les designs de ses communications, ses environnements matériels, sensoriels et symboliques. Surtout, ce qui compte pour Vodacom, c'est soigner sa marque et ses services situés en première ligne de ce commerce qui est esthétisé. L'esthétique de la séduction est la manière de mettre en oeuvre certaines formes de la communication dans des stratégies de séduction. Le dictionnaire encyclopédique des sciences de l'information et de la communication définit la séduction comme « une rhétorique reposant sur des stratégies d'image, au lieu de reposer sur des stratégies d'information. »80(*) A travers cette esthétique de la publicité qui sous-tend une esthétique de la séduction, Vodacom invite ses abonnés « à considérer le sensible comme une forme de discours et à prêter attention à toutes les manifestations non-verbales les plus discrètes dans ses communications, dans la mesure où elles fournissent des supports et des marges de manoeuvre essentielles aux médiations »81(*) Les interventions sur la réalité de Vodacom Congo RDC démontrent sans broncher qu'en tant que holding international, cette organisation serait entrain de quitter petit à petit la logique `produit' pour créer uniquement une relation dont le seul contenu est constitué des valeurs de la marque. Cette prééminence de la marque sur le produit, déjà évoquée en 1992 par Semprini82(*) et en 1996, renchérie par Kapferer83(*), « atteste l'amplitude du marketing symbolique des objets-signes et de l'importance économique des valeurs immatérielles. »84(*) b) La publicité par l'esthétique de la reproduction L'art auquel recourent les organisations pour faire prévaloir leur présence dans l'espace public, entretient des liens avec la réalité sur laquelle il tente de peser pour en modifier la perception. Pour agir sur la réalité, nous référant aux études menées par Bernard Lamizet85(*), les actions des organisations ou des entreprises suivant une triple dimension de stratégie : la stratégie réelle, la stratégie symbolique et la présence imaginaire. Néanmoins, pour ce qui est de l'esthétique de reproduction, les recherches renseignent que c'est « l'esthétique publicitaire qui fait appel à des reproductions d'oeuvre d'art connues ou à des reproductions déformées par humour. L'esthétique de reproduction s'inscrit dans la logique de la diffusion des formes artistiques»86(*) . « L'art comme les jeux est une traduction de l'expérience », disait Fred Foster87(*) « Ce que nous avons déjà senti ou vu dans une certaine situation, lorsque nous le retrouvons subitement incarné dans un nouveau matériau, (cela nous emballe) »88(*) C'est pourquoi nous recommandons cette esthétique de la publicité à Vodacom, à cause de sa double vocation séductrice (en tant que stratégie) et promotrice de l'art. En s'appropriant certaines oeuvres d'art plastique ou musicale par exemple, Vodacom sera entrain de s'approprier le succès qui se rattache à ces oeuvres, surtout s'il s'agit des artistes surs. c) La publicité par l'esthétique d'adhésion Cette forme particulière d'esthétique publicitaire est censée susciter l'adhésion du destinataire par le travail des formes, et non par la seule argumentation. Pour le duo Lamizet-Silem l'exemple le plus courant est celui de la calligraphie, ou d'une manière plus générale, du traitement esthétique des lettres ou des signes d'un discours ou d'un message.
Le modèle de simulation (voir figure ci dessus) avec lequel Vodacom apparaît au grand jour en tant qu'oeuvre d'art, n'a pas d'existence ou de fonction en dehors de ces effets sur les potentiels clients de Vodacom qui l'observent. La raison pour laquelle nous l'appelons design est qu'il apparaît comme un jeu ou un art populaire. Pareillement aux médias de communication, il apparaît avec le pouvoir d'imposer ses propres postulats à ceux à qui il s'adresse. Il place la communauté congolaise dans de nouvelles relations et des nouvelles attitudes. Pareils à des signaux annonceurs, les différentes affiches publicitaires étaient produites dans le but de placer le public, que Vodacom voulait conquérir, dans un état proche de ce que Daniel Bougnoux « état modifié de conscience ». C'est un état de non conscience dans lequel on croit à son propre univers. Puisqu'à certaines occasions Vodacom parlait aux congolais dans un langage qui lui était déjà familier, ces derniers ont vite fait d'adhérer à la famille Vodacom. En fait, Vodacom a affiché sans broncher le rêve des grandeurs dans lequel les congolais fantasmaient depuis déjà un temps. Dans ses apparitions dans l'espace public, Vodacom fait très souvent que `le jeu, le rêve, ou même l'imaginaire collectif' des congolais soient introduits dans la dimension du vécu. Une telle conception de l'art, ce que nous appelons le design, se heurte aux codes traditionnels et rend sa perception problématique. Le sens novateur de ce genre de communication est qu'il rompt avec l'ordre établi. Pour le grand public qui se nourrit et satisfait ses instincts dans les fantasmes et dans les rumeurs, l'irruption brutale de Vodacom dans cet autre champ de l'espace public a un effet d'entraînement escompté. Dans ce champ familier d'idiomes et des mythes, Vodacom et ses potentiels clients se sont découverts entrain de puiser à la même source. Les toutes premières annonces de Vodacom qui disaient : « Vodacom arrive ! » ou ce panneau géant affichant « un homme assis confortablement sur un fauteuil » ont eu un tel pouvoir d'attrait qui s'explique par le fait que, Vodacom les faisait suivre d'une annonce puisant sans nul doute dans les croyances populaires des kinois89(*). C'est ainsi que grâce à un art qui ne dit pas son nom et grâce aux couleurs de son design, Vodacom est visible dans l'espace public. Le public, à qui Vodacom s'adresse, a aussi acquis un moyen de décodage qui rend la visibilité de Vodacom lisible. Aujourd'hui, la visibilité de Vodacom dans l'espace public prend la forme aussi bien de représentations dans les médias que de participation symbolique à des manifestations culturelles ou à des compétitions sportives. Par ailleurs, de façon générale, les actions de mécénat, de parrainage et de sponsoring assurent quant à elles, une association symbolique aux activités qu'elles parrainent et auxquelles, Vodacom donne son identité. Bernard Lamizet90(*) souligne que le concept d'esthétique ne saurait se réduire à l'art. Selon lui, il s'agit de « ce qui permet aux objets, aux personnages et aux institutions de faire aussi l'objet d'une « aisthesis », c'est-à-dire, d'une reconnaissance symbolique qui les rend perceptibles et identifiables dans l'espace public. N'oublions pas aussi que pour ce qui est de ce travail le terme « art » doit être débarrassé de connotations idéologiques qui le lient encore dans notre esprit à une vision romantique et anachronique. Il s'agit là de cette trajectoire qui témoigne d'une lente " dématérialisation et désintégration " de l'objet de l'art91(*) d) La publicité par l'esthétique d'objet Si toutes les formes d'esthétique publicitaire que nous avons citées reposent sur une esthétique à deux dimensions, cette dernière forme trouve sa particularité dans le fait qu'elle est médiée par des objets à trois dimensions : il peut s'agir des objets publicitaires, de l'architecture ou d'objets usuels couverts de stratégies de communication publicitaire. Dans le lot ici, on place pêle-mêle tous les objets que Vodacom couvre de son label, toutes ces voitures qui circulent portant sa marque et bien tous ces agents en uniforme ou ces T-shirt et autres casquettes ou képis arborant les couleurs et le label de Vodacom... La dimension esthétique de cette représentation de Vodacom dans l'espace public et de sa visibilité tient à une certaine grammaire des formes symboliquement codées et matériellement apparentes. Les éléments de cette esthétique d'objet sont concrétisés dans les couleurs et les autres formes symboliques que peut utiliser Vodacom Congo RDC. Cette nouvelle sensibilité et les notions de sensibilité tiennent au fait que l'espace public congolais est prédominé par beaucoup d'acteurs sociaux qui tiennent tous à leur visibilité. La nécessité pour Vodacom de se détacher et d'avoir une visibilité autonome lui impose un dialogue prolongé avec son public qui lit sur toutes ses représentations symboliques et en déchiffre le message de puissance et de grandeur que sont cet « éclat » et cette « splendeur » de Vodacom, « c'est-à-dire, pour commencer, cela doit être un langage cohérent et sémiotiquement pertinent »92(*) Cependant, dans sa susceptibilité, Vodacom choisit de ne pas être présent n'importe où. Ce que Bernard Lamizet appelle « l'implantation symbolique »93(*) c'est le fait que chaque organisation qui désire s'implanter tient compte de l'endroit où elle désire apparaître sous un jour à son avantage. Encore faudra-t-il que cette représentation symbolique soit lisible et identifiable par les sujets sociaux présents dans l'espace public. Par ailleurs il faudra que la connotation qui en découle soit compatible avec l'identité symbolique que l'organisation, ici Vodacom, essaie de faire apparaître. C'est peut être pourquoi, les formes de publicité, les panneaux et les affiches de Vodacom ne sont pas implantés n'importe où ni présents dans n'importe quel média. Les médiations esthétiques de Vodacom sont donc en quelque sorte des traits de la dialectique entre les formes et l'espace. * 79 P. Quinton, « Stratégies esthétiques de l'organisation et pragmatique du sensible » in Recherches en communication n°17, Bruxelles, UCL, 2002, p.81 * 80 B. Lamizet et A. Silem, op. cit.462 * 81 P. Quinton, op.cit, p.81 * 82A. Semprini, Le marketing de la marque, Paris, Ed. Liaisons, 1992 * 83 J.-N. Kapferer, La marque, Ed. d'Organisation, 1996 * 84 P. Quinton, op.cit * 85 B. Lamizet, op. cit, p.17 * 86 B. Lamizet, et A. Silem, op. cit. , p. 462 * 87 F. Forest, op. cit. p.11 * 88 Mc Luhan, Pour comprendre les médias, Ed. du Seuil, Paris, 1968, p. 266. * 89 Quand en lingala on dit d'un tel qu'il arrive, on sous-entend qu'il apporte la solution. Dans un langage enfantin : « Papa ou Mama aye » pour dire « Papa ou Maman est là » signifie en fait : « Finis les pleurs », « finie la faim » * 90 Opt. cit, p. 20 * 91 Fr. Popper, Le déclin de l'objet d'art, Paris, Chêne, 1975, p.46 * 92 B. Lamizet, op. cit , p 23 * 93 Lamizet, B., « L'esthétique institutionnelle », op. cit., p 22 |
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