CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Après avoir présenté la théorie de
la libéralisation financière de Mac Kinnon et Shaw (1970), nous
avons fait une analyse de celle de l'intermédiation bancaire. Les
caractéristiques propres au système bancaire ivoirien ont
été exposées et les différentes mesures de
politique financière ont été également
présentées. Nous avons construit à l'aide de la
méthode de l'analyse en composante principale un indicateur qui
synthétise l'ensemble des mesures majeures de la politique de
libéralisation financière entamée depuis 1989 dans l'UEMOA
et particulièrement en Côte d'Ivoire, par les autorités
monétaires.
Nous avons tenté de mettre en évidence les
corrélations entre les indicateurs de développement financier
(mobilisation de l'épargne et financement bancaire de l'économie)
d'une part avec un indicateur de politique financière, les taux
d'intérêt (créditeur et débiteur) et d'autre part
avec certaines variables macroéconomiques. Les relations ont
été estimées par la méthode des moindres
carrés ordinaires.
Nos résultats nous laissent penser qu'en plus de
l'existence d'un impact indirect, il existe un impact direct
de la libéralisation financière sur la mobilisation de
l'épargne financière et du financement bancaire à
l'économie.
Nos résultats, par ailleurs, ont montré
également l'impact négatif de l'instabilité socio
politique dans notre pays sur le financement bancaire et une corrélation
positive entre le taux de dégradation du portefeuille bancaire (variable
Proxy qui a mis en évidence la fiabilité du système
d'information des banques ivoiriennes) et le financement bancaire.
Nos résultats démontrent bien que le processus
graduel de la libéralisation financière entrepris en Côte
d'Ivoire depuis plus de quinze ans, n'a pas atteint ses objectifs en
matière de développement financier et d'approfondissement
financier. Il semble donc que l'effet de court terme de la
libéralisation financière et la structure du système
d'information des banques ivoiriennes sont parmi les éléments qui
font obstacle à l'objectif final de la politique de
libéralisation financière. La conséquence immédiate
de ces obstacles est notamment le phénomène de
surliquidité du système bancaire ivoirien.
Nous voudrons à travers ces différents
résultats, apporter notre modeste contribution, en proposant quelques
recommandations de politique économique.
Sur le plan macroéconomique, il serait
intéressant de mettre en oeuvre une politique de libéralisation
financière sous contrainte par les autorités monétaires.
En effet, les marges d'intermédiation relativement importantes
dégagées par les banques (voir tableau I et II) d'une part et
l'insuffisance relative du financement à moyen et long terme du secteur
privé, engendrée essentiellement par un système
d'information bancaire pas assez fiable, d'autre part, indiquent que les
autorités monétaires semblent avoir une marge de manoeuvre pour
le financement administré sans pourtant revenir à celui de la
répression financière. Une telle politique permettra à
l'Etat et le secteur privé de ne pas se substituer, mais de se
compléter dans le cadre du développement du secteur financier et
du secteur réel. Quant n'est il de l'aspect
microéconomique ?
En effet, au niveau de la capacité des banques à
mobiliser l'épargne financière il serait intéressant que
les taux d'intérêt sur les dépôts soient totalement
libéralisés, de sorte que la concurrence entre les banques dans
le secteur financier améliore le niveau du taux créditeur
bancaire à fin de les rendre plus attractifs et permettre à
l'effet de substitution de dominer l'effet revenu. Elles se
doivent aussi de proposer des produits financiers nouveaux et attractifs. En
d'autres termes, promouvoir l'épargne à long terme. Il serait
donc souhaitable de développer davantage des produits d'épargne
contractuelle à des taux d'intérêt créditeur plus
intéressant. Les diverses formules de crédit aux ménages
doivent être liées à une épargne préalable ce
qui réduira sensiblement l'effet de revenu.
Au niveau du financement bancaire à l'économie,
les banques se doivent de reformer leur système d'information. En effet,
le faible niveau de ce dernier contraint les banques à ne pas s'engager
dans les financements de long terme à cause d'une forte asymétrie
d'information sur le marché des fonds prêtables. Elles devraient
réaliser un audit approfondit de leur système d'information afin
de définir un standard minimum commun. La bonne qualité des
ressources humaines qui sont chargées d'examiner les projets à
financer est de mise.
La politique de crédit des banques étant un
élément fondamental dans leur portefeuille, il importe pour
celles ci de respecter les treize principes cardinaux en matière
d'octroi de crédit tel que définis par Roger H. Hale (2001). Ces
principes sont les suivants :
1- La qualité des prêts doit absolument primer
sur la quantité ;
2- Il faut distinguer chez l'emprunteur deux sources
distinctes et indépendantes de remboursement.
3- L'intégrité de l'emprunteur ne doit faire
aucun doute ;
4- Il est indispensable de comprendre l'environnement et le
fonctionnement de l'entreprise ;
5- La décision du conseiller en crédit doit
être indépendante et libre de toute influence.
6- Le type de financement doit être en relation avec le
but du prêt ;
7- L'analyse doit prendre en compte les cycles
économiques ;
8- L'évaluation du management des entrepreneurs est
aussi importante que celle des états financiers.
9- Les garanties ne sont pas un substitut à la
capacité de remboursement ;
10- L'évaluation des garanties doit être faite de
façon professionnelle et impartiale ;
11- Le suivi des prêts et la documentation sont aussi
importants que l'analyse financière ;
12- Il faut prendre le temps de faire une analyse
complète ;
13- L'intégrité des déposants prime sur
celui des emprunteurs.
Les banques se devraient d'effectuer une prise de
participation active dans le capital des entreprises afin de réduire
l'asymétrie d'information entre elles et les entreprises. Aussi, elles
se doivent de mettre en place des relations de long terme avec leurs clients
à travers un traitement répété des contrats de
crédit, ce qui permettra de produire l'information nécessaire
à la gestion des risques.
Les pouvoirs publics se doivent de créer et
entretenir un climat de stabilité sociopolitique favorable à une
bonne conduite des affaires, ce qui augmentera la probabilité de
recouvrement des prêts. Elles se doivent également de renforcer le
système juridique et administratif à fin que soit bien
définit les règles du jeu et les droits de
propriété, ce qui permettrait aux banques de produire des
informations et de mieux cerner les garanties. Ces lois renforcées,
permettraient aussi de contraindre les débiteurs à rembourser les
prêts octroyés. En effet, ce n'est plus un secret car il est
constaté que la Justice ivoirienne est très lente et sans
spécialisation en matière bancaire (le même juge intervient
au pénal, au social, au commercial,...). Dans la pratique, les juristes
de banque estiment que l'avènement des textes de l'OHADA n'a pas
favorisé le saut qualitatif espéré. Ainsi, l'environnement
juridique (les textes, la justice et ses auxiliaires) ne parait pas assez
dissuasif pour prévenir le risque de défaut, et semble assez
lourd pour faciliter le recouvrement des créances.
Au terme de notre étude, il est nécessaire de
noter que des limites relatives à sa pertinence s'imposent.
En effet, notre étude a été fortement
tributaire de la qualité de nos données qui d'ailleurs, ont
été collectées en différentes sources. Il est aussi
important d'émettre des réserves sur la qualité de notre
indicateur de politique financière (IPF). D'ailleurs, l'estimation de la
relation qui met en évidence la capacité des banques à
mobiliser les dépôts bancaires montre que seulement 40 % des
fluctuations des variables de contrôle expliquent la variation de la
variable endogène. La significativité des constantes dans les
différentes équations nous prévient sur l'omission de
certaines variables qui expliqueraient davantage nos variables
endogènes. Pour une meilleure compréhension de la
libéralisation financière et de son impact sur le système
bancaire, il serait intéressant de mener une étude profonde sur
l'évaluation du système d'information des banques, d'analyser les
déterminants de la dégradation du portefeuille des banques de
l'UEMOA d'une part et d'analyser d'autre part, les nouvelles conditions de
financement du crédit de ces dernières.
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