Gestion durable des ressources naturelles en Afrique Centrale: Cas des produits forestiers non ligneux au Cameroun et au Gabon( Télécharger le fichier original )par Sandrine Carole TAGNE KOMMEGNE Université de Limoges - Master 2 en droit international et comparé de l'environnement 2007 |
PARAGRAPHE II: LA RECEPTION DES DISPOSITIFS FAVORISANT LA PROTECTION DURABLE DES PFNL PAR LES POPULATIONSProtéger durablement l'exploitation des PFNL suppose outre les initiatives de l'État, mais aussi la participation des populations concernées. Notre souci sera ici d'étudier la réception de ces dispositifs mise en oeuvre par l'État par les populations. A. LE DROIT DES POPULATIONS Que se soit au Cameroun ou au Gabon, la législation reconnaît le rôle des populations dans la gestion durable des ressources forestières. Les deux reconnaissent les droits coutumiers. Au Cameroun, les droits qu'exercent les populations sur la forêt se rapportent pour l'essentiel à: - la propriété forestière (Forêts communautaires); - aux droits d'usage coutumiers; - à l'exploitation forestière. Seulement, « dans la réalité, la propriété forestière n'est reconnue qu'aux seuls individus pris isolement, mais pas aux communautés villageoises »72(*). Par ailleurs, la définition de forêt que véhicule la législation en vigueur est significative. Au Cameroun, la forêt est définit comme tout terrain « comportant une couverture végétale dans laquelle prédominent les arbres, arbustes et autres espèces susceptibles de fournir des produits autres qu'agricoles ». Au Gabon, la forêt y est perçu comme étant « l'ensemble des périmètres comportant une couverture végétale capable de fournir du bois ou des produits végétaux autres qu'agricoles, d'abriter la faune sauvage et d'exercer un effet direct ou indirect sur le sol, le climat ou le régime des eaux ». Il convient de relever l'absence de toute référence aux activités agricoles parmi les droits d'usage reconnus aux populations. Or, pour l'immense majorité des populations pour l'essentiel agriculteur, le bois d'oeuvre par exemple ne représente qu'un intérêt limité. Plus, les textes réglementant l'exploitation des PFNL ne portent le plus souvent que sur l'exploitation des produits forestiers ayant un intérêt scientifique ou pharmaceutique, en d'autres termes, générateur de revenus pour le trésor public. Devant cette définition dans laquelle ils ne se retrouvent pas, les populations ont tendances à ne pas respecter la réglementation qu'ils jugent parfois coercitif. Dans leur imaginaire, la forêt reste un espace dont l'usage appartient à tous et la propriété à personne. En plus de ceci, la décentralisation est un autre facteur qui vient rendre les populations réticentes à l'observation des nouvelles réglementations. B. DÉCENTRALISATION COMME FACTEUR DE DÉSOBEISSANCE DES POPULATIONS Dans le contexte de la décentralisation démocratique de la gestion des revenus forestiers, les possibilités offertes aux populations villageoises pour l'accès aux revenus forestiers et à la participation à la prise des décisions sur la gestion des fonds et leur affectation aux actions de développement étaient censées être étendues. Au Gabon par exemple, la cellule nationale de coordination dans le cadre du programme d'action forestier tropical (PAFT) affirme que « le processus de planification est particulièrement basé sur la connaissance des réalités de terrain et sur la participation de tous aux réflexions ». Seulement, au Cameroun, comme nous l'avons vu plus haut, plusieurs populations ne se reconnaissent pas dans les lois en vigueur. « L'accès aux revenus forestiers et leurs affectations aux actions de développement ont été restreintes dans l'arrêté conjoint des ministres de l'environnement et des forêts et celui de l'administration territoriale. En réalité, l'arrêté conjoint MINEFI-MINETA, contrairement à la situation qui prévalait avant sa signature, contribuera à concentrer les dynamiques de gestion locale des revenus, au détriment d'une responsabilisation des communautés villageoises riveraines »73(*). Cette situation fait en sorte qu'on puisse déduire que la législation forestière en vigueur est non seulement coupée des modes de productions locales mais en plus, elle l'est également sur le plan social. Au Cameroun, on peut dire qu'elle fonctionne dans un cadre abstrait et désincarné des réalités locales, ce qui l'empêche d'avoir un impact direct et sensible du tissu social. En conclusion, nous pouvons dire que l'une des premières limites à l'efficacité de cette réglementation est à rechercher dans la perception négative qu'à le peuple sur elle. Il n'y a aucun intérêt majeur pour les populations de participer à un encadrement qui, quel qu'il soit, risquerait fort de se concrétiser par une restriction de leurs usages. Ensuite, une autre limite est la léthargie de l'administration et l'habitus autoritaire encore ancré dans les mentalités. Aussi, nous aimerions proposer quelques solutions pouvant permettre à remédier à l'état actuel des choses. * 72 Celestin Modeste BOMBA et Patrice BIGOMBE LOGO; « Les droits des populations dans la législation forestière camerounaise: quel acquis? quelles insuffisances? », Bulletin Arbres, Forêts et communautés rurales, n°22, decembre 2001, p.47. * 73 ibid, p.53. |
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