Les activitées armées du Rwanda sur le territoire de la République Démocratique du Congo: L'incompétence de la cour internationale de justice( Télécharger le fichier original )par Zébédée Ruramira B. Université Catholique de Louvain - Diplôme d'études spécialisées 2006 |
LES ACTIVITES ARMEES DU RWANDA SUR LE TERRITOIRE DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : L'INCOMPETENCE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE L'introductionLe Rwanda s'est engagé dans le conflit armé contre la RD Congo parce que, selon lui, des groupes rebelles y opéraient, particulièrement la milice Interahamwe, se composant des membres du pouvoir rwandais qui avait organisé le génocide en 1994. « Cette milice ayant recruté jusqu'à 40 000 hommes et se battant sur la ligne de front de la guerre, mène, jusqu'à l'intérieur du Rwanda, des opérations de guérilla à partir de la région orientale du Congo1(*) » avaient indiqué certaines sources. A cet effet, « le Rwanda, arguant d'un droit de poursuite d'éléments des anciennes forces armées rwandaises...2(*) » dans le but les neutraliser. Sans pouvoir s'interroger le droit international s'il y a eu ou non agression de la part de l'une ou l'autre des parties au conflit pouvant justifier un quelconque droit naturel à la légitime défense, de la nature internationale ou non du conflit, nous nous limiterons à l'analyse de la position de la Cour internationale de justice face aux requêtes de la RD Congo contre le Rwanda. L'affaire des activités armées sur le territoire du Congo devant la Cour internationale de justice introduite par la R D Congo contre le Rwanda s'est déroulée en deux étapes correspondant à deux requêtes dont les faits la procédure et les arguments seront successivement présentés. La première requête introductive d'instance a conduit au désistement de la RD Congo et, par conséquent, à la radiation de l'affaire sur le rôle (I) et la seconde a abouti au défaut de compétence de la Cour pour connaître de cette requête (II). I. La première requête : le désistement de la RD CongoAvant d'indiquer la décision prise par la Cour, il sied bien d'énoncer quel était le contenu de la requête. I.1. Le contenu de la requêteLa requête introductive d'instance contient un bref exposé des faits, précise la base de compétence sur laquelle la R D Congo fonde sa requête et détermine les griefs juridiques. I.1.1. Bref exposé des faitsDans une lettre adressée au greffier de la Cour3(*), la RD Congo soutient que, «en raison des actes d'agression armée perpétrés par le Rwanda sur le territoire de la République démocratique du Congo en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l'Organisation de l'unité africaine4(*)», la République du Rwanda a violé sa souveraineté et son intégrité territoriale et qu'il s'est rendu responsable des violations du droit international. En fait, « l'agression est l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies5(*) ». Il existe une présomption selon laquelle « l'emploi de la force armée en violation de la Charte par un Etat agissant le premier constitue la preuve suffisante à première vue d'un acte d'agression, bien que le Conseil de sécurité puisse conclure, conformément à la Charte, qu'établir qu'un acte d'agression a été commis ne serait pas justifié compte tenu d'autres circonstances pertinentes, y compris le fait que les actes en cause ou leurs conséquences ne sont pas d'une gravité suffisante6(*) ». Par cette requête, la République démocratique du Congo a demandé à la Cour qu'il soit mis fin au plus tôt à cette agression et qu'en conséquence, elle entend obtenir une réparation pour les dommages subis de ce fait. En effet, la notion de responsabilité « ne s'entend pas comme une nouvelle obligation à charge de l'Etat défaillant mais plus largement comme l'ensemble des nouvelles relations juridiques qui s'établissent entre lui et les autres Etats intéressés au respect de la légalité7(*)». L'illicéité internationale découle d'une violation du droit international ; c'est-à-dire « soit dans la violation d'une obligation conventionnelle, soit dans la violation d'une obligation coutumière, soit encore dans une abstention condamnable8(*)». Le fait internationalement illicite s'entend comme « une atteinte à la sécurité des rapports juridiques9(*) » entre sujets du droit international. Les faits soulevés par la RD Congo trouvent leur origine aux dates du 2 et du 3 août 199810(*) lors que les troupes rwandaises ont investi les villes de Goma et de Bukavu. Dans le même temps, à Kinshasa, un millier de soldats rwandais qui s'étaient soustraits à l'opération de rapatriement décrétée par le Gouvernement congolais, appuyés par des éléments dits Banyamulenge, ont pris d'assaut les camps militaires Tshatshi et Kokolo. Le mardi 4 août 1998, trois avions Boeing des compagnies congolaises (Congo Airlines, Lignes aériennes congolaises et Blues Airlines) ont été détournés au départ de Goma (Nord-Kivu) pour atterrir à la base militaire de Kitona (Bas-Congo) avec six cents à huit cents militaires rwandais11(*). Parmi les buts cités par cette requête, on peut citer notamment celle de s'emparer de Kinshasa par le Bas-Congo, pour renverser le gouvernement de salut public et assassiner le président Laurent Désiré Kabila, en vue d'y installer un régime tutsi ou d'obédience tutsi12(*). Corrélativement à ces faits, la RD Congo invoque à l'égard de la République du Rwanda les massacres humains, les viols, les tentatives d'enlèvements et d'assassinats contre les activités des droits de l'homme, les arrestations, détentions arbitraires, traitements inhumains et dégradants, les pillages systématiques des institutions publiques et privées, des expropriations des biens de la population civile et les violations des droits de l'homme commises par les troupes d'invasion rwandaises et leurs alliés «rebelles » dans les grandes cités de la Province orientale. I.1.2. La base de compétence de la Cour La République démocratique du Congo a invoqué plusieurs bases de compétence de la Cour. A titre indicatif, elle appuie ses arguments au fait que l'ex-Zaïre a reconnu la compétence de la Cour conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour internationale de Justice13(*). Cette déclaration reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour internationale de Justice pour tous les différends d'ordre juridique dont elle définit l'objet. La RD Congo fait remarquer que le Gouvernement rwandais, pour sa part, s'est abstenu de toute déclaration acceptant la compétence de la Cour. Elle invoque l'application le Règlement de la Cour14(*) qui permet à l'Etat contre lequel la requête est formée d'accepter la compétence de la Cour aux fins de l'affaire. Elle allègue en outre qu'au surplus, la Cour est en tout état de cause compétente à l'égard du Rwanda sur base de l'article 36, paragraphe 1, du Statut de la Cour15(*). I.1.3. Les griefs et la décision demandée par la République démocratique du Congo La RD Congo soutient qu'elle a été victime d'une agression, violation prévue par l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies16(*) et définie par la Résolution 3314 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 197417(*). La RD Congo a également invoque à titre indicatif la violation de l'article 3 de la Charte de l'OUA18(*), des règles énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme19(*) et du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et Violation des conventions de Genève de 1949 et des protocoles additionnels de 197720(*). A cet effet, la République démocratique du Congo prie, entre autres, la Cour de dire et juger que: a) le Rwanda s'est rendu coupable d'un acte d'agression au sens de l'article 1 de la résolution 3314 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1974 et de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, en violation de l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies ; b) de même, le Rwanda viole continuellement les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977, bafouant ainsi les règles élémentaires du droit international humanitaire dans les zones de conflits, se rendant également coupable de violations massives des droits de l'homme au mépris du droit coutumier le plus élémentaire ; En conséquence, et conformément aux obligations juridiques internationales susmentionnées, dire et juger que : 1) toute force armée rwandaise participant à l'agression doit quitter sans délai le territoire de la République démocratique du Congo ; 2) le Rwanda a l'obligation de faire en sorte que ses ressortissants, tant personnes physiques que morales, se retirent immédiatement et sans condition du territoire congolais21(*); 3) la République démocratique du Congo a droit à obtenir du Rwanda le dédommagement de tous les pillages, destructions, déportations de biens et des personnes et autres méfaits qui sont imputables au Rwanda et pour lesquels la République démocratique du Congo se réserve le droit de fixer ultérieurement une évaluation précise des préjudices, outre la restitution des biens emportés. I.2. La radiation de l'affaire sur le rôle Aux termes du Règlement de la Cour « si, à un moment quelconque avant l'arrêt définitif sur le fond, les parties, conjointement ou séparément, notifient à la Cour par écrit qu'elles sont convenues de se désister de l'instance, la Cour rend une ordonnance prenant acte du désistement et prescrivant que l'affaire soit rayée du rôle22(*) ». En effet, par lettre du 15 janvier 2001, la RDC a fait savoir à la Cour qu'il entendait se désister de son instance. La copie de cette lettre a été adressée au Gouvernement du Rwanda et a été informé que le président de la Cour avait fixé au 23 janvier 2001 la date d'expiration du délai dans lequel le Rwanda pourrait déclarer s'il s'opposait au désistement23(*). Par une lettre du 22 janvier 2001 le Rwanda a informé la Cour qu'il acceptait le désistement et ce conformément au Règlement de la Cour qui dispose que « Si, à la date de la réception du désistement, le défendeur a déjà fait acte de procédure, la Cour fixe un délai dans lequel il peut déclarer s'il s'oppose au désistement. Si, dans le délai fixé, il n'est pas fait objection au désistement, celui-ci est réputé acquis et la Cour rend une ordonnance en prenant acte et prescrivant la radiation de l'affaire sur le rôle. S'il est fait objection, l'instance se poursuit24(*) ». La Cour internationale de justice a annoncé le 1er février 2001 que l'affaire que la République démocratique du Congo (RDC) avait portée le 23 juin 1999 devant elle contre le Rwanda a été rayée du rôle de la Cour à la demande de la RDC. « Considérant que, par lettre du 15 janvier 2001, reçue au Greffe par télécopie le même jour, l'agent de la République démocratique du Congo, se référant au paragraphe 2 de l'article 89 du Règlement, a fait savoir à la Cour que le Gouvernement de la République démocratique du Congo souhaitait se désister de l'instance et a précisé que «celui-ci se réserv[ait] la possibilité de faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs de compétence de la Cour25(*)», par ordonnance du 30 janvier 2001, le président de la Cour a rendu dans l'affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Rwanda) une ordonnance prenant acte du désistement de l'instance et ordonnant que l'affaire soit rayée du rôle. II. La nouvelle requête : le défaut de compétence pour connaître de la requêteAprès qu'elle s'est désistée de son instance et que, par conséquent, la Cour a rayé du rôle la requête, la RD Congo a introduit à la Cour une nouvelle requête. Avant de parler des arguments de l'une et l'autre partie à l'affaire et de la décision de la Cour au fond, il convient de retracer d'abord le cadre historique de la procédure. * 1 Chris Talbot, Rôle offensif du Rwanda dans la guerre au Congo, 23 décembre 2000, www.wsws.org, consulté le 12 février 2008. * 2 Emmanuël Murhula A. Nashi, Médias et diplomatie : la guerre du Congo dans le journal, La Revue Nouvelle, n° 9, tome 117, sept. 2003, pp. 96-109. * 3 La requête introductive d'instance a été enregistrée au Greffe de la Cour le 23 juin 1999 * 4 La lettre du Vice-ministre des affaires étrangères de la République Démocratique du Congo au Greffier de la Cour Internationale de Justice, Kinshasa, le 8 juin 1999. * 5 Article premier de la Résolution 3314 de l'AG des NU du 14 décembre 1974portant définition de l'agression. * 6 Article 2 de la même résolution. * 7 Jean Combacau et Serge Sur ; Droit international public, 4è éd., Montchrestien, Paris, 1999, p. 518. * 8 Dominique Carreau ; Droit international, 2è éd., Ed. A. Pedone, Paris, 1988, p. 405. * 9 Patrick Dailler et Alain Pellet, Droit international public, 7è éd., L.G.D.J., Paris, 2002, p. 796. * 10 Il est à noter que la RD Congo n'invoque pas les faits relatifs au conflit armé de 1996. Les raisons sont souveraines à l'Etat. * 11 Selon l'annexe de la lettre du Vice-ministre, M. James Kabarehe (reproduction de la lettre), agent ayant agi pour le compte du Gouvernement rwandais, était l'instigateur principal de cette opération. * 12 La même lettre. * 13 L'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour internationale de Justice dispose que « les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre juridique... ». * 14 L'article 38, paragraphe 5, du Règlement de la Cour, adopté le 14 avril 1978 et entré en vigueur le 1er juillet 1978, dispose que « lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l'Etat contre lequel la requête est formée, la requête est transmise à cet Etat. Toutefois, elle n'est pas inscrite au rôle général de la Cour et aucun acte de procédure n'est effectué tant que l'Etat contre lequel la requête est formée n'a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de l'affaire ». * 15 L'article dispose que « la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur ». * 16 Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. * 17 L'agression est l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu'il ressort de la présente définition. * 18 L'article 3 de la Charte de l'OUA dispose que « Les Etats Membres, pour atteindre les objectifs énoncés à l'Article II, affirment solennellement les principes suivants : Egalité souveraine de tous les Etats membres; Non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats; Respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence indépendante; Règlement pacifique des différents, par voie de négociations, de médiation, de conciliation ou d'arbitrage; Condamnation sans réserve de l'assassinat politique ainsi que des activités subversives exercées par des Etats voisins ou tous autres Etats... ». * 19 Ses règles ne sont pas contraignantes même si elles ont une autorité morale * 20 convention (i) de Genève pour l'amélioration du sort des blesses et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, la convention (ii) de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufrages des forces armées sur mer, 12 août 1949, la convention (iii) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949, la convention (iv) de Genève relative a la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949 et le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif a la protection des victimes des conflits armes internationaux (protocole i), 8 juin 1977. * 21 A quelles personnes physiques (sûrement pas les militaires visés dans le point précédent) ou morales la requête fait référence ? * 22 L'article 88, paragraphe 1, du Règlement de la Cour internationale de justice, précité. * 23 L'article 89, paragraphe 2, du Règlement de la Cour internationale de justice précité prévoit que « si, à la date de la réception du désistement, le défendeur a déjà fait acte de procédure, la Cour fixe un délai dans lequel il peut déclarer s'il s'oppose au désistement. Si, dans le délai fixé, il n'est pas fait objection au désistement, celui-ci est réputé acquis et la Cour rend une ordonnance en prenant acte et prescrivant la radiation de l'affaire sur le rôle. S'il en fait objection, l'instance se poursuit ». Or, la Cour, compte tenu de l'accord intervenu entre les Parties, avait décidé que les pièces de la procédure écrite porteraient d'abord sur la question de la compétence de la Cour et de la recevabilité de la requête, et avait fixé des délais pour le dépôt de ces pièces. Le Rwanda avaient déposé leurs mémoires dans les délais fixés à cet effet. * 24 L'article 89, paragraphe 2, du Règlement de la Cour internationale de justice, précité. * 25 Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Rwanda), Ordonnance du 30 janvier 2001, C.I.J., Recueil 2001, p. 1. |
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