II Le recours à une législation
Limiter par la loi le recours à l'emprunt peut être
un instrument efficace pour prémunir les pays pauvres du surendettement.
L'emprunt doit être réservé pour financer les
investissements. S'endetter pour investir comme nous l'avons souligné au
chapitre quatre, ne pose pas de problème particulier à condition
que le choix ces investissements puissent faire l'objet a priori d'une
évaluation quant à leur impact sur la croissance, devant
permettre le remboursement à l'échéance. Cette idée
n'est pas par ailleurs nouvelles, aussi bien en Allemagne pour ce qui concerne
le budget fédéral, en France pour ce qui les collectivités
territoriales, qu'au niveau de l'Union européenne, la soumission du
recours à l'emprunt à des règles particulières est
formelle.
1- Le cas Allemand :
En Allemagne, l'article 115 de la Loi Fondamentale dans sa
rédaction originale, est libellé ainsi : «Il ne peut
être recouru aux ressources de trésorerie qu'en cas de besoins
exceptionnels et, en principe, uniquement pour couvrir des dépenses
productives, exclusivement en vertu d'une loi fédérale.
Des crédits ne peuvent être accordés et des
sûretés ne peuvent être constituées à la
charge de la fédération lorsque leur effet s'étendrait
au-delà d'un exercice, qu'en vertu d'une loi fédérale.
Cette loi doit préciser le montant du crédit ou l'étendue
de l'obligation dont la fédération assume la
responsabilité ».
Il ressort du contenu de cet article (réaffirmé
lors de la révision constitutionnelle de 1969) que le recourt à
l'emprunt ne peut avoir pour objet que de financer les investissements. Ainsi,
en Allemagne, l'emprunt doit être autorisé et chiffré par
le législateur.
2- Le cas des Collectivités territoriales en
France :
Les collectivités locales en France doivent à la
différence de l'Etat, respecter un principe d'équilibre
budgétaire. Cet équilibre consacré par plusieurs
jurisprudences dont celle du Conseil d'Etat (CE, 23 décembre 1988,
Département du Tarn), est une obligation qui s'impose non seulement au
budget primitif des collectivités locales, mais aussi au budget
résultant de tout acte administratif ultérieur.
Cette exigence ancienne est traditionnellement justifiée
par le souci de protéger à la fois la situation financière
des collectivités locales et celle de l'Etat le plus souvent
appelé en garantie.
Elle se traduit par l'obligation de présenter le budget en
équilibre et d'en résorber un éventuel déficit
d'exécution.
Au terme de la loi du 2 mars 1982, codifié actuellement
sous les articles L.1612-4, L.1612-6 et L.1612-7 du code général
des collectivités territoriales, les collectivités locales
peuvent équilibrer leur budget par l'emprunt, qui est
budgétisé à la différence des emprunts de
l'Etat.
Le remboursement de l'emprunt étant
budgétisé, les collectivités locales doivent être en
mesure de rembourser le capital des emprunts arrivant à
échéance dans l'année par des ressources
définitives. Ce qui constitue une interdiction de « rembourser
l'emprunt par l'emprunt ». L'équilibre par section, est par
ailleurs une règle qui complète ce dispositif, car chacune des
deux sections (fonctionnement et investissement) doit être votée
en équilibre. La section d'investissement peut être
équilibrée par des prélèvements sur la section de
fonctionnement.
Le contrôle de cet équilibre budgétaire est
effectué par les chambres régionales des comptes et par le
préfet qui procèdent en cas de non respect à des
redressements.
3- Le cas de l'Union
européenne :
Le principe d'équilibre budgétaire est un principe
posé par les traités de l'Union, il implique que dans le budget
de l'Union, le plafond des dépenses est limité par les ressources
propres. Les articles 268 du TCE, 171 du traité Euratom et 20 du traite
dit de « fusion des exécutifs » de 1965, disposent
que « le budget doit être équilibré en recettes
et en dépenses ». Le principe d'équilibre
budgétaire interdit donc le déficit ou l'excédent. Par
ailleurs, cet équilibre doit être atteint sans recours à
l'emprunt : l'article 269 du TCE prévoit en effet que
« le budget est, sans préjudice aux autres recettes,
intégralement financé par des ressources propres ».
L'union n'est en effet pas autorisée à recourir à
l'emprunt que pour éventuellement financer des prêts hors budget.
En fin, l'article 14 du Règlement financier général de
2002, indique que les Communauté « ne peuvent souscrire des
emprunts ».
L'équilibre budgétaire prôné par la
conception classique est assurément à la mode : aux
Etats-Unis, plusieurs Etats ont adoptés de règle visant à
rendre obligatoire l'adéquation des dépenses aux recettes.
En effet, depuis le sommet du G8 de Gleneagles au Royaume Uni en
été 2005, portant l'annulation de la dette multilatérale
des pays pauvres très endettés, les idées de
réglementer le recours à l'emprunt fait son chemin.
A la sixième conférence annuelle du réseau
parlementaire sur la Banque mondiale (PNOWB), du 21 au 23 octobre 2005 à
Helsinki (Finlande), quelques deux cents législateurs de quatre
vingt-et-dix pays environ se sont joints à des représentants
d'organisation de la société civile, d'institut de recherche et
d'organismes multilatéraux pour y réfléchir.
Les législateurs devraient suivre les emprunts
contractés par le pouvoir exécutif pour éviter d'accumuler
de nouveau une dette insoutenable. Charles Mutasa représentant le Forum
et réseau africain sur la dette et le développement, a
suggéré la mise en place d'un bureau de gestion de la dette
placé sous le contrôle du parlement.
A l'instar des collectivités locales en France, un
contrôle parlementaire efficace de l'endettement comme l'a
réclamé la conférence annuelle du réseau
parlementaire sur la Banque mondiale, passe par une budgétisation des
opérations d'emprunt et d'amortissement de dette.
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