Chapitre VII : La politique
d'austérité budgétaire comme instrument de
désendettement public
Jusque là, nous avons abordé des
stratégies qui tenaient plutôt à des circonstances
particulières, la disponibilité d'une réserve de change
importante pour ce qui concerne les remboursements anticipés
constatés, la prise en compte du fait historique pour la
répudiation ; qu'à une réelle stratégie
s'inscrivant dans une démarche de réforme structurelle capable
d'assurer le financement futur des investissements dont les pays ont besoin.
La récession économique du début des
années 1990 dans les pays développés membres de l'OCDE, a
nécessité dans nombre de pays membres de cette organisation des
réformes économiques et notamment budgétaires qui sont
riche d'enseignements.
En effet, la récession a accentué la
détérioration de la situation budgétaire de la plupart des
pays membres. En 1993, le déficit des administrations publiques
s'élevait à 4,2 % du PIB, pour l'ensemble des pays membres. Pour
rééquilibrer leur situation budgétaire, beaucoup de pays
ont entrepris des réformes budgétaires structurelles visant
à réduire leurs ratios d'endettement.
Vue comme la condition première d'une politique de
réduction du fardeau de la dette, la nécessité d'une
économie dynamique et en croissance seule capable de soutenir un niveau
élevé d'endettement et, éventuellement, de le
réduire est devenu un consensus. Pour se désendetter, le recours
à «l'effet de dénominateur» c'est à dire la
marginalisation de la dette par rapport à la production totale, visant
à diminuer progressivement le ratio grâce à la croissance,
est apparu comme la stratégie viable pour nombre de pays. Cette
stratégie est à la différence des autres stratégies
de désendettement que nous avons abordées, une politique
basée sur des réformes budgétaires structurelles. Cette
démarche que nous appelons de politique d'austérité
budgétaire comme instrument de désendettement, apparaît
à certains égards comme la principale politique viable pour un
pays de sortir de la dette. Avant de déduire les enseignements pour les
pays de l'UEMOA de cette stratégie qui consiste à stabiliser
l'encours de la dette pour obtenir une baisse progressive du ratio Dette/PIB,
à titre illustratif, nous présentons ce qui suit quelques
expériences réussies servant d'exemple en la matière.
I. Les politiques de réduction du déficit
structurel
Plusieurs exemples réussis sont riches
d'enseignements en matière de stratégie de désendettement
public par réduction du déficit structurel. Nous analyserons, en
particulier, le cas du Canada, de l'Espagne, de la Suède. Une
synthèse de ces enseignements nous permettra d'illustrer les
caractéristiques essentielles d'une consolidation budgétaire
réussie.
Depuis le milieu des années quatre-vingt pour les premiers
d'entre eux et le début des années quatre-vingt-dix pour
d'autres, beaucoup de pays se sont engagés dans la voie du
désendettement public en concentrant les réformes sur le
contrôle des soldes publics et, en particulier, des dépenses.
Tableau n° 5 : Exemples de consolidation
budgétaire réussie
Pays
|
Année
pic du ratio de dette
|
Niveau pic ratio de dette (1)
|
Ecart pics ratio de dette et 2005
|
Pic ratio de
dépenses
|
Niveau pic ratio de dépenses
|
Ecart pics ratio de dépenses et 2005
|
Année de déficit maximum
|
Niveau de déficit maximum
|
Solde public en 2005
|
Début
ajustement
|
Belgique
|
1993
|
140,7
|
42,4
|
1983
|
62,0
|
11,9
|
1981
|
- 15,3
|
- 0,1
|
1983
|
Canada
|
1995
|
100,8
|
31,5
|
1992
|
53,3
|
14
|
1992
|
- 9,1
|
1,7
|
1993
|
Espagne
|
1996
|
75,6
|
25,2
|
1993
|
48,6
|
10,4
|
1993
|
- 6,9
|
1,1
|
1994
|
Suède
|
1996
|
84,4
|
25,1
|
1993
|
72,4
|
16,0
|
1993
|
- 11,3
|
2,7
|
1994
|
Finlande
|
1996
|
66,0
|
17,4
|
1993
|
63,6
|
12,8
|
1993
|
- 7,2
|
2,4
|
1993
|
(1) : Les données utilisées dans ce tableau
sont celles de l'OCDE. La dette publique brute, ici présentée,
correspond au total des engagements financiers des administrations publiques.
Elle ne comprend que la dette certaine et n'intègre pas les engagements
implicites (retraite, etc.) et conditionnels (garanties données par
l'administration). Elle est évaluée en valeur de marché au
sens de la comptabilité nationale et non en valeur nominale comme la
dette au sens de Maastricht.
Remarque : les chiffres contenus dans ce
tableau sont en pourcentage du PIB, les rubriques Ecart pics ratio de (...) et
2005, signifient l'écart entre le niveau maximal atteint et le niveau de
2005 et traduisent le niveau de baisse en point de l'indicateur
concerné.
Source : OCDE, perspectives économiques n°79, juin
2006 pour les données chiffrées.
1- L'exemple Canadien : audit exhaustif des dépenses
publiques
Au cours de la récession de 1982-84, les
dépenses publiques ont augmenté à un rythme
accéléré, les recettes ont baissé et le
déficit a connu un niveau important atteignant 6,8 % du PIB en 1984.
Face à ce dérapage, l'élimination du déficit a
constitué un objectif que les gouvernements canadiens successifs se sont
fixés depuis le début des années 1980.
Au début des années quatre-vingt-dix, le Canada
connaît à nouveau une crise profonde qui a fait apparaître
de façon évidente le déséquilibre budgétaire
resté latent jusque-là. La dette totale a dépassé
100 % du PIB en 1995, dont les trois quarts imputables aux finances
fédérales. La structure et le niveau des dépenses
publiques se sont révélés insoutenables dans un contexte
de faible croissance et de taux d'intérêt élevés.
A la suite d'une campagne de communication comme ce fût le
cas en France avec le rapport Pébereau sur la dette, la population
canadienne et les gouvernements des provinces ont pris conscience du lien entre
la persistance de déficits élevés, le niveau des taux
d'intérêt et l'augmentation de la pression fiscale
inévitable dans un futur proche. Dès lors, une réforme
profonde a été mise en oeuvre dès 1993, par application du
Fiscal Spending Control Act de 1992 (la loi sur le contrôle des
dépenses). Cette réforme s'est articulée autour de trois
principaux axes stratégiques :
- Se doter d'un objectif de déficit public de moyen terme
raisonnable, ce qui est jugé plus efficace qu'annoncer le retour
à un déficit nul à un horizon plus éloigné.
Cet objectif est associé à l'engagement ferme de respecter des
cibles intermédiaires de déficit.
- Afin de pouvoir procéder à des coupes drastiques
dans les dépenses publiques et respecter la limite de progression
nominale, un vaste processus d'audit a permis de sélectionner celles qui
s'avèrent efficaces, d'identifier les secteurs où des gains de
productivité sont possibles et ceux où les dépenses ne
sont pas justifiées. L'analyse exhaustive a pris six mois au terme
desquels une baisse des dépenses d'environ 20 % à partir des
niveaux de 1994 a été réalisée en trois ans. Six
critères ont permis de sélectionner les dépenses publiques
autorisées : l'intérêt public du programme de
dépenses, son efficacité, la contribution du programme à
l'exercice des missions régaliennes de l'État, la capacité
des provinces à l'assumer en lieu et place de l'État, la
capacité des contribuables à le financer et la
disponibilité de services privés alternatifs.
Etude sur « Les stratégies de
désendettement du secteur public : enjeux économiques et
enseignements des expériences étrangères » parue
dans le Bulletin de la Banque de France N° 154, Octobre 2006.
- Recueillir l'adhésion à la réforme de tous
les acteurs économiques grâce à la réalisation de
consultations de grande ampleur dans le secteur public avant d'établir
le budget. Les coupes budgétaires ont concerné toutes les
catégories de dépenses et représentent environ 4 points de
PIB d'économies entre 1993 et 1995.
Elles se sont particulièrement concentrées sur les
transferts aux provinces et les prestations sociales, notamment les allocations
chômage et l'assurance maladie. Le nombre de fonctionnaire a
diminué de 15 %, soit 60 000 agents partis en retraite anticipée,
licenciés (avec forte indemnité) ou reclassés dans le
secteur privé. Les salaires publics ont été gelés
pendant trois ans, et certaines subventions aux entreprises ont
été fortement réduites. Pour certains ministères
(industrie, transports), il s'agit d'une diminution en termes absolus des
dépenses et pas seulement d'un ralentissement de croissance.
Par ailleurs, le marché du travail a été
réformé pour accroître la flexibilité et
l'accès à la formation. Le régime d'assurance
chômage a également été modifié afin de
favoriser l'encouragement au travail.
Enfin, le Canada a profité de la dévaluation de sa
monnaie face au dollar américain et du dynamisme du PIB des
États-Unis. La progression de son commerce extérieur a, dans un
premier temps, contrebalancé l'impact de l'ajustement budgétaire
sur la croissance, puis dynamisé celle-ci qui est demeurée
très élevée à la fin des années
quatre-vingt-dix. Outre l'action menée sur les dépenses
publiques, un des facteurs clé de la réussite canadienne semble
être la forte adhésion des agents privés à cette
démarche.
Or, ceci n'a été possible que parce que les actions
mises en oeuvre ont semblé relativement justifiées et
équitables (grâce à l'audit) et conformes à la
restauration à moyen terme de la croissance et de l'emploi. Si aucun
ajustement des dépenses primaires n'avait été entrepris,
le ratio de dette canadien, toutes choses étant égales par
ailleurs, aurait atteint aujourd'hui près de 140 %.
En réalité, le retour à des finances
publiques saines, dans un contexte de baisse des taux d'intérêt, a
permis de ramener le ratio de dette totale de près de 100 % en 1993
à environ 70 % du PIB en 2005. Le Canada est souvent
présenté comme le meilleur exemple d'un ajustement
budgétaire réussi, grâce à la combinaison d'une
totale refonte des dépenses publiques et d'une réforme profonde
des institutions budgétaires accompagnée d'autres réformes
structurelles.
Les enseignements qu'on peut tirer de la conception et de la mise
en oeuvre de la stratégie canadienne du désendettement sont entre
autres :
- un audit exhaustif des dépenses publiques, permettant de
réaliser des économies et d'orienter celles-ci vers des objectifs
bien définis ;
- fixer des objectifs de court terme (ramener le déficit
à 3 % du PIB en trois ans), a constitué un moyen efficace pour
progresser vers la réalisation des objectifs finals ;
- le choix de priorités en matière de
réduction de dépenses semble préférable à
une approche de réduction générale qui est plus radicale,
mais peut entraîner des réductions dans les programmes à
forte priorité comme dans ceux à faible priorité.
La combinaison, essentiellement, de ces différents
instruments, a permit au Canada de baisser de manière continue son
déficit, ce qui permet de stabiliser la dette. La dette se stabilisant
et la croissance du PIB faisant, le ratio de l'encours de la dette en
pourcentage du PIB diminue et tend vers zéro.
La réforme canadienne est donc riche d'enseignements et
peut inspirer les pays confrontés à une situation
budgétaire fortement déséquilibrée comme les pays
de l'UEMOA. Toutefois, les spécificités du pays (État
fédéral, économie développée, politiques
monétaire et de change autonomes...) diffèrent des
caractéristiques des pays de l'UEMOA.
2- L'exemple espagnol
Depuis les années soixante-dix, l'Espagne a connu une
croissance prononcée de ses dépenses publiques, notamment en
raison de la montée en puissance des systèmes de protection
sociale. En dépit de la hausse de la pression fiscale, accentuée
par une première tentative de consolidation budgétaire dans les
années quatre-vingt, des déficits importants sont apparus. Mais
le financement de la dette par monétisation avait réussi à
empêcher que celle-ci n'explose jusqu'à la grave récession
du début des années quatre-vingt-dix.
L'Espagne a alors été confrontée de nouveau
à une dégradation insoutenable de ses finances publiques. C'est
alors qu'a été décidé un assainissement
budgétaire d'ampleur, à la fois pour initier un cercle vertueux
associant forte croissance économique et inflation
modérée, et pour parvenir à satisfaire aux critères
de Maastricht en 1997. Les caractéristiques de la réforme de 1994
ont été déterminées afin de maximiser la
crédibilité de l'ajustement (composition des dépenses,
ancrage du retour à la discipline budgétaire dans un cadre
institutionnel solide, lutte contre la fraude fiscale) et permettre d'en tirer
rapidement les fruits en termes de croissance et d'emploi. Les efforts
budgétaires réalisés, quoique très significatifs (3
points de PIB en deux ans), ont bénéficié dès le
début du soutien d'une croissance très forte de
l'activité, largement supérieure à celle de la zone euro
pourtant en phase de reprise, et du bénéfice tiré de la
baisse des taux d'intérêt nominaux. Ainsi, la réduction
massive des dépenses courantes (transferts sociaux en particulier les
allocations chômage et la réforme du financement de la
santé en liant les augmentations de dépenses de santé
à la croissance économique et en retenant comme critère
d'affectation des ressources la proportion de la population assurée,
masse salariale publique, subventions) a pu être réalisée
rapidement sans induire un coût de court terme trop prononcé sur
la croissance.
Parallèlement, d'autres réformes structurelles ont
été mises en oeuvre : réforme des retraites, de la
fiscalité des sociétés (1995) et des ménages (1998)
afin de simplifier le système fiscal et de le rendre plus incitatif tout
en augmentant les élasticités budgétaires, réforme
du marché du travail (libéralisation et flexibilisation accrues
notamment en 1997). Enfin, l'Espagne a bénéficié, au
début du processus de consolidation budgétaire, d'un afflux de
recettes exceptionnelles liées à la réforme du secteur
public (privatisations d'entreprises du secteur de l'énergie et des
télécommunications) et aux importants versements des fonds
structurels européens.
En l'absence d'ajustement des dépenses primaires à
partir de 1994, le ratio de dette espagnol serait aujourd'hui proche de 110 %
du PIB selon les estimations de l'OCDE. Cependant, la réduction
effective du ratio de dette, ramené de 65 % en 1993 à environ 50
% du PIB en 2005, aurait pu être plus forte si une partie des gains
n'avaient pas été orientée vers la diminution des recettes
fiscales après 1997, en lien notamment avec la décentralisation
massive des décisions fiscales et budgétaires. La Loi de
stabilité budgétaire votée en 2003 vise à
garantir institutionnellement le prolongement de l'effort et à
éviter, comme cela s'est produit au Canada, de voir déraper les
finances publiques locales.
Ce qu'on peut retenir de l'exemple espagnol pouvant inspirer les
pays de l'UEMOA, c'est que la politique budgétaire consistant à
réduire le niveau d'endettement, se justifiait avant tout par le respect
des objectifs de réduction du déficit fixés dans le
programme de convergence pour l'union monétaire européenne. Ce
cadre quasiment institutionnel de contrainte dans un but de respect aux
engagements pris comme à ceux du traité de Maastricht pour
l'Espagne, est analogue pour les pays de l'UEMOA qui partagent la même
monnaie, doivent par principe, comme l'Espagne, respecter leurs critères
de convergence notamment budgétaire définis en commun accord (un
déficit public inférieur ou égal à 3 % du PIB et le
ratio de l'encours de la dette publique inférieur ou égal 60 % du
PIB). Par ailleurs, l'existence même d'une contrainte de nature
communautaire peut permettre à certains niveaux d'initier des
réformes structurelles de manière durable.
3- L'exemple suédois :
Au début des années quatre-vingt-dix, la
Suède s'est trouvée confrontée simultanément
à une grave crise bancaire et à une forte récession
économique. Cette situation a coïncidé avec la croissance
des déficits publics, du ratio de dette et du chômage. En 1994, le
gouvernement suédois a décidé de réagir en
engageant un processus d'assainissement massif renforcé par la
réforme des procédures et institutions budgétaires.
L'ajustement budgétaire s'est concentré, comme ce
fut le cas dans d'autres pays, sur la réduction des dépenses (une
baisse de 16 points du PIB depuis 1994), en priorité les transferts
sociaux, les subventions et la consommation publique.
Dans le même temps, la pression fiscale est restée
forte, tandis qu'un programme de privatisation du secteur des
télécommunications contribuait à réduire la dette
par ses recettes affectées.
Cependant, la pérennité de l'effort a, avant tout,
été garantie par la transformation définitive des
institutions et des procédures budgétaires. Le but était
de réduire la taille du secteur public et d'en accroître
l'efficacité et le contrôle. Ainsi, celui-ci a été
réformé afin d'être constitué d'un petit nombre de
ministères (treize) et de 300 agences publiques ou mixtes qui regroupent
99 % des fonctionnaires.
En ce qui concerne les procédures budgétaires, la
réforme permet d'imposer des plafonds de dépenses primaires
nominales (hors pensions) pour trois ans glissants sur vingt-sept
catégories de dépenses.
La fixation est dite « top-down »,
c'est-à-dire que le budget global est établi, il sera
ensuite réparti entre les différents programmes, avec
l'impossibilité de dépasser les limites imposées.
Tout programme de dépenses supplémentaires doit
être financé par des coupes dans d'autres domaines.
De plus, les plafonds de dépenses ont été
scindés en 1997 pour séparer les objectifs de l'État
central, des collectivités locales et des systèmes de
retraite.
La priorité est donnée aux dépenses
productives (éducation, certaines prestations de santé, services
liés à l'enfance) plutôt qu'aux dépenses dites
« palliatives » (transferts sociaux). Le processus
budgétaire aboutissant au vote de la loi de finances a été
simplifié et implique davantage le Parlement, y compris sur les
objectifs triennaux. Enfin, la discipline budgétaire s'inscrit dans le
cadre d'un objectif de moyen terme de surplus budgétaire de 2 % du PIB.
Au total, la stratégie suédoise, favorisée par le retour
rapide d'une croissance dynamique du PIB via l'essor des exportations,
a permis de ramener le ratio de dette de près de 85 % du PIB en 1996
à près de 60 % en 2005. De plus, la sensibilité du budget
à l'activité économique, autrefois très
marquée, a été réduite ce qui limite les erreurs de
prévision et stabilise les finances publiques.
L'expérience suédoise basée sur la
réforme institutionnelle et simplification des procédures
budgétaires, suppose l'existence d'un contrôle efficace pour
limiter les abus dans la souplesse de gestion des crédits ce qui pour le
cas des pays pauvres en général et en particulier des pays de
l'UEMOA n'est pas le cas. Au demeurant, cette stratégie de
rationalisation peut inspirer, dans la mesure où elle permet comme dans
de nombreux exemples réussis de recentrer la puissance publique sur des
objectifs clairs.
II Les caractéristiques nécessaires d'un
ajustement budgétaire réussi
En dépit de spécificités nationales
complexes et diverses, l'analyse des principales caractéristiques des
réformes budgétaires ayant conduit des pays à
réduire leur taux d'endettement permet de dégager plusieurs
points communs dont la présence semble nécessaire à la
réussite du projet.
1- Éléments de contexte :
- Les déséquilibres budgétaires durables
sont généralement d'origine structurelle et découlent
essentiellement de l'impossibilité d'infléchir facilement les
tendances croissantes et incontrôlées des dépenses
publiques. La solution peut se trouver dans des réponses structurelles
et des améliorations permanentes des finances publiques et non dans une
réaction conjoncturelle inadaptée.
- Un ajustement budgétaire sera d'autant moins
coûteux d'un point de vue social et politique qu'il sera entrepris dans
un contexte macroéconomique favorable. Ainsi, une période
marquée par une reprise de la croissance et de faible taux
d'intérêt peut être un moment favorable pour réaliser
les réformes structurelles nécessaires.
2- Contenu et mise en oeuvre de l'ajustement
- Les expériences réussies se sont appuyées
sur une maîtrise durable de la dépense publique plutôt que
sur la hausse des prélèvements obligatoires.
- La baisse des dépenses publiques s'est, la plupart du
temps, concentrée sur les transferts sociaux, les subventions et la
masse salariale publique.
Les gouvernements ont du sélectionner les dépenses
prioritaires, qui peuvent progresser, et restreindre les autres. Les
réformes se sont accompagnées de la recherche de gains de
productivité dans le secteur public, de l'amélioration de
l'organisation des institutions (création d'agences
spécialisées, transferts de personnel, modes de
rémunération liés à la performance, davantage de
contrôle de la réalisation des objectifs, nouveaux modes de
recrutement, déplacement de la frontière entre les
dépenses publiques et privées etc.).
- La plupart des programmes de consolidation budgétaire
ont cherché à répartir le coût de l'ajustement sur
l'ensemble des agents privés afin d'obtenir l'adhésion la plus
large au projet.
- L'ajustement budgétaire s'est la plupart du temps
inscrit dans une logique de rupture. La réforme a été
globale, de taille importante et a été mise en oeuvre d'un seul
coup afin de montrer la cohérence d'ensemble du projet, de gagner en
crédibilité et d'inciter les agents privés à
anticiper une baisse future de la pression fiscale.
- Les consolidations réussies ont fait l'objet d'un
programme précis et d'engagements politiques fermes incluant des
objectifs budgétaires de court et/ou moyen terme, des cibles ou des
plafonds de dépenses, la définition de règles de
comportement rigoureuses notamment en ce qui concerne l'allocation de recettes
exceptionnelles ou inattendues, une implication plus forte du Parlement et une
responsabilisation accrue des gestionnaires publics.
- Enfin, ces réorientations ont cherché à
rendre symétrique le jeu des stabilisateurs automatiques en maintenant
le niveau des prélèvements obligatoires et en récusant la
création de nouvelles dépenses non financées en phase
ascendante du cycle économique tant que les finances publiques ne sont
pas revenues sur une trajectoire soutenable.
3- Accompagnement et communication autour de l'ajustement
budgétaire
- Les gouvernements ont cherché à rendre les
processus d'ajustement aussi transparents et compréhensibles que
possible afin d'éviter des réactions indésirables des
marchés, un manque de crédibilité ou de soutien de la
population.
- Les réformes doivent être encadrées par un
cadre légal qui les rend plus robustes aux pressions de groupes sociaux
qui refusent de perdre des avantages acquis, aux changements de gouvernement ou
aux clivages politiques.
- Les ajustements budgétaires ont été
accompagnés d'autres réformes structurelles, principalement dans
le but d'augmenter la flexibilisation du marché du travail, de
réduire les distorsions et la complexité de la fiscalité
et de modifier le système des retraites.
4- Ajustement budgétaire et désendettement des
pays de la zone UEMOA
A l'issue de la crise économique de années 1982
entrainant des difficultés de paiement du service de la dette,
l'ensemble des économies des pays de la zone ont été sous
ajustement structurel en vu de rééquilibrer les grands
indicateurs macroéconomiques et dont ceux concernant l'endettement
public. Si ces mesures ont permis aux pays en question de continuer le
remboursement, elles n'ont pas permis d'adopter une vraie stratégie de
désendettement consistant à une réforme du cadre
budgétaire permettant de réduire le déficit structurel.
Les coupes budgétaires ont eu lieu dans la majorité des cas dans
les programmes d'investissement plutôt que dans les dépenses de
fonctionnement. A plusieurs égards, les quelques expériences de
réduction du déficit structurel doit inspirer les pays souhaitant
se désendetter et favoriser la croissance pour permettre de lutter
contre la pauvreté. Un audit des dépenses publiques
conjugué à une réforme fiscale permettant d'élargir
l'assiette fiscale (effet, plusieurs activités économiques
échappent à l'impôt dans les pays de l'Union), peut
permettre de réduire de manière durable le déficit public
source essentielle de dette.
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