UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON 3
FACULTE DE DROIT
Analyse comparée des stratégies de
désendettement public
Présenté par :
SANGARE Drissa
Dirigé par :
Mr. Jacques BICHOT, Professeur d'Université
à Lyon 3
Mémoire présenté et soutenu en vue de
l'obtention du
Master 2 DROIT PUBLIC RECHERCHE
Mention
FINANCES PUBLIQUES ET SOCIALES ET FISCALITE
Année universitaire 2006/2007
SOMMAIRE
Introduction
générale...............................................................1
Partie I
Délimitation et Mesure de la Dette publique
Chapitre I : Concept de la dette
publique........................................5
Chapitre II : Structure et spécificités de la
dette publique des pays en
développement.....................................................................18
Chapitre III : Origines et Crises de
l'endettement.............................35
Chapitre IV : Problèmes de la dette
publique..................................53
Partie II
Les politiques de désendettement
Chapitre V : Le remboursement par
anticipation..............................67
Chapitre VI : La doctrine de la dette odieuse et
répudiation.................74
Chapitre VII : La politique d'austérité
budgétaire comme instrument de désendettement
public.......................................................................83
Chapitre VIII : Le désendettement dans le cadre de
l'initiative PPTE et le
recours à une
législation...................................................92
Conclusion........................................................................106
INTRODUCTION
Le problème de la dette des pays
pauvres est devenu l'un des problèmes de premier plan dans les relations
internationales et se pose de plus en plus dans des termes de justice
d'où la notion de la dette odieuse ou dans des considérations
humanitaires, sortant ainsi du champ qui est le sien, c'est-à-dire un
problème économique. Désormais un sujet majeur dans les
instances internationales au sens où la Banque mondiale s'y
intéresse dans son rôle de lutter contre l'extrême
pauvreté et la promouvoir le développement, le FMI en prend
partie dans le cadre de sa mission de surveillance monétaire
multilatérale ; le problème de la dette des pays pauvres
semble consensuellement perçu comme un obstacle à leur
développement.
Les crises répétitives de la dette
commencées dans les pays d'Amérique latine, ont été
précurseur d'une prise de conscience des créanciers de la
fragilité des pays endettés, ce qui nécessitera des
traitements allant des réaménagements dont le plus connu en la
matière est le rééchelonnement, jusqu'aux abandons massifs
de créances au cours de la décennie écoulée. La
politique du rééchelonnement ayant montré ses limites, la
stratégie d'abandon de créance obéit le plus souvent
à des considérations géopolitiques, chaque grand pays
créancier étant très actif en la matière dans sa
zone d'influence. Un problème aussi majeur que le problème de la
dette des pays pauvres aux regards des domaines connexes et notamment de son
impact sur les perspectives économiques des pays concernés, ne
doit pas rester l'apanage exclusif des relations internationales, mais
redevenir dans le champ de l'analyse économique afin de comprendre ses
contours et ses enjeux. Si le recours à l'emprunt peut être
justifié du point de vu économique, son traitement quand il y a
problème ne doit pas lui échapper. Si le poids de la dette des
pays pauvres est de telle que son remboursement par leur propre effort
économique pourrait leur amputer les moyens d'un développement
rapide, une aide internationale permettant un allègement doit
s'accompagner des réformes économiques de sorte que si
souscription d'emprunt il y a, qu'elle soit investie dans des dépenses
d'investissement.
Le problème de la dette, bien qu'il soit un
problème économique majeur pour les pays concernés, il
n'en demeure pas moins un problème politique au sens large du terme.
L'absence d'évaluation des investissements nécessitant l'emprunt
et notamment de leurs effets structurants, la nature des régimes
politiques qui souscrivent les emprunts et l'usage qu'ils en font, le
traitement budgétaire de la dette et son remboursement, sont entre
autres des facteurs qui font du règlement du problème de la dette
des pays pauvres, une approche d'ensemble. Notre étude se limitant
à l'aspect économique et juridique de la dette, nous nous
intéresserons dans un souci de précision à l'endettement
des pays à faible revenu et notamment ceux de la zone Union Economique
Monétaire Ouest Africaine abrégée tout au long du travail
sous le sigle UEMOA. Le choix d'un ensemble comme l'UEMOA constitué de
huit pays, a plusieurs raisons dont entre autres :
- Ces huit pays ont adopté et ratifié
l'institution d'un espace économique (UEMOA) dans lequel circule une
monnaie commune (le Franc CFA en parité fixe avec l'euro et dont la
convertibilité est garantie par le Trésor français),
- Historiquement liés et politiquement
homogènes, a quelques différences près, les
différentes Lois Fondamentales (Constitutions) présentent
quasiment les mêmes termes quant à l'autorisation accordée
à l'exécutif pour la gestion de la trésorerie et
l'émission d'emprunt d'Etat (autorisation donnée parfois aux
Président ou au Ministre en charge des Finances, selon les pays),
- Homogénéité juridique par les
différentes directives appelées à être
transposées dans les différentes législations nationales
pour l'harmonisation des procédures budgétaires et
judiciaires,
- Economiquement homogène, de part leur appartenance
à la catégorie de pays en développement (en terme de
PNB/Hbt), leur structure économique (largement orientée vers
l'exportation des matières premières) et de la politique
d'intégration des différentes économies,
- Cinq parmi les huit pays de la zone
bénéficient l'annulation de dettes multilatérales au titre
de l'initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés -PPTE-
(Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal),
- Homogénéité en fin par rapport
à la structure de la dette publique, détenue essentiellement par
des créanciers publics bilatéraux et multilatéraux.
L'endettement au sens large du terme, n'est pas un
phénomène nouveau, il n'est pas spécifique aux pays
pauvres et sera rythmé tout au long de l'histoire par des crises et des
périodes d'euphorie. Si la crise de la dette n'est pas elle aussi un
phénomène récent, la période récente marque
un tournant décisif en la matière.
Ainsi, depuis le recourt massif à l'emprunt pour
financer l'effort de guerre de 1914 à 1918, en passant par les
remèdes adoptés durant la crise des années trente et le
plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe après la guerre de
1945, le problème de la dette publique n'a cessé de constituer
une pierre d'achoppement dans les relations internationales jusqu'à
l'éclatement de la crise de la dette des pays du tiers monde,
début 1980.
La hausse constante de l'endettement des pays du tiers-monde,
depuis trente ans, et les crises répétées de la dette
expliquent en partie l'importance et la récurrence du
phénomène. Jusqu'à la fin des années des
années 1970, l'endettement massif des pays en développement
auprès des banques commerciales, a été encouragé
par un fort effet de levier durant toute la décennie soixante-dix. A
cette époque, les taux d'intérêt sont très faibles.
En outre, la croissance des exportations des pays en voie de
développement vers les pays industrialisés et le prix soutenu des
matières premières renforcent la capacité d'endettement
des pays en voie de développement en les rendant attractifs aux
investisseurs. L'apparition des pétrodollars explique par ailleurs
l'abondance des capitaux dont ont bénéficié les pays en
voie de développement. Enfin, la faiblesse de l'épargne interne
et la faible capacité de mobilisation, ont contraint les pays en
développement à recourir au financement externe.
Au début de la décennie 1980 se produit un effet de
ciseau : hausse des taux d'intérêt réels (poids du
remboursement) et baisse du cours des matières premières
(capacité de remboursement) ; créant une situation de
surendettement de certains pays.
Recourant massivement à l'emprunt dans des conditions
favorables au motif de financer les infrastructures jugées
nécessaires pour le développement des économies naissantes
post colonisation, les pays du tiers monde se sont enfoncés dans des
crises financières aigües lors du retournement de la conjoncture
économique et financière internationales.
La crise financière éclatée en 1981-1982 au
Mexique, des suite du durcissement de la politique monétaire
américaine, qui marquai la fin d'une période de flux de capitaux
extérieur et bon marché vers les pays en développement,
signifiait aussi le début de la crise de l'endettement, accentué
en 1994 puis en 1997 par la crise financière asiatique, avec des
caractéristiques différentes certes, mais le problème de
la dette est devenu un phénomène récurent
n'épargnant aucune catégorie de pays. Le ralentissement
économique de la fin des années 1970 et début 1980, porta
atteinte gravement aux économies des pays mono-exportateurs de
matières premières comme ceux de l'UEMOA. Ces pays ne tarderont
pas à connaître des difficultés financières dues
à la baisse des recettes d'exportations pour tenir leurs engagements
financiers. Ces difficultés financières obligeront ces pays
à demander des rééchelonnements de leur dette.
Les grands pays de l'Union Européenne sont en dessus du
seuil de 60% (proportion du stock de la dette publique dans le PIB),
définie par le traité de Masstricht de 1992. Les Etats-Unis aussi
bien que le Japon ne font pas exception à la matière.
Récemment, la commission présidée par Michel
Pébereau , dressait un constat alarmant de la dette publique en
France.
Dans les pays pauvres du Sud, le fardeau de la dette est
dénoncé par tous les acteurs (sociétés civiles
religieuses et altermondialistes, et économistes), immoral et injuste
pour les premiers, faisant obstacle à la lutte anti- pauvreté ou
pour atteindre les objectifs de développement du Millénaire
définis par les Nations unies pour les seconds.
La nécessité de diminuer son encours fait
l'unanimité, pourtant les stratégies ou politiques
adoptées par les pays ou pour les pays diffèrent, du paiement par
anticipation à l'annulation pure et simple sous parfois des
conditionnalités (comme ce fût le cas pour les 18 pays élus
au titre du Programme de l'annulation de la dette multilatérale des Pays
Pauvres Très Endettés de l'été 2005), plusieurs
démarches sont adoptées.
Certains pays autrefois lourdement endettés (Canada,
Espagne etc.) s'en sont remis par une politique de réformes
économiques, d'autres en revanche notamment ceux de l'UEMOA demeurent
largement surendettés et ce malgré les retraitements
effectués et l'ajustement financier. L'intervention d'organisations
internationale (du type G7 ²) est alors devenue nécessaire pour
équilibrer le fardeau de l'ajustement entre les créanciers, les
débiteurs et les institutions multilatérales.
Notre travail a pour but, à partir d'une analyse succincte
des différentes stratégies de désendettement, de montrer
en quoi telle ou telle stratégie serait favorable pour la croissance
économique dans les pays de la région étudiée.
Ce travail sera composé de deux parties. Une
première consacrée à la délimitation et à la
mesure du concept de dette publique tant du point de vu juridique
qu'économique. A partir d'une définition du concept de la dette
publique, nous décriront la structure, les spécificités,
les origines de la crise de la dette des pays du tiers monde en
général et en particulier celles des pays de l'UEMOA, et les
effets économiques qui en découlent.
Dans une seconde partie, après avoir passé en revu
les différentes stratégies de désendettement, nous
montrerons par la suite laquelle de ces stratégies peut être
adoptée par les pays de la zone UEMOA pour se désendetter et
promouvoir la croissance.
Président du Conseil de surveillance du Groupe
BNP-PARIBAS.
² G7, groupe des sept pays les plus
industrialisés (Allemagne, Canada, États-Unis, France,
Grande-Bretagne, Italie et Japon) organisant des réunions annuelles
consacrées à l'économie.
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