La représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA( Télécharger le fichier original )par Patrice Hubert KAGOU KENNA Université de DSCHANG-CAMEROUN - DEA 2007 |
§2 : l'utilisation des moyens de télétransmissionL'utilisation des moyens de télétransmission dans les assemblées générales est une option pour la modernité. En effet, le corollaire de la dématérialisation des valeurs mobilières est la multiplication des inscriptions en compte et par conséquent le développement du traitement électronique et automatique de l'information. Les moyens de télétransmission ou de télécommunication sont l'ensemble des procédés de transmission d'informations à distance101(*). On peut citer notamment la radio, le téléphone, le télex, la télécopie. Certains moyens sont difficilement utilisables puisqu'ils posent de sérieux problèmes de preuve, à l'instar du téléphone et de la radio. En effet, toute personne peut simuler la voix d'un actionnaire pour émettre un vote à sa place et contre ses intérêts. Pour les autres moyens de télétransmission et surtout Internet, la question de leur applicabilité reste posée en OHADA. Le législateur a amorcé timidement l'utilisation de certains moyens de télécommunication dans la participation des actionnaires aux décisions collectives (A), mais il est souhaitable que cette utilisation soit étendue aux autres (B). A : L'AMORCE TIMIDE DE L'UTILISATION DES MOYENS DE TÉLÉTRANSMISSION L'art. 456 AUSCGIE dispose que « sauf clause contraire des statuts, un administrateur peut donner, par lettre, télex ou télécopie mandat à un autre administrateur de le représenter à une séance du conseil d'administration ». C'est dire que le formalisme dans la représentation des actionnaires aux assemblées générales est contourné au profit d'une technique plus souple. Ainsi, si au jour de la réunion du conseil, un administrateur se trouve éloigné du lieu de tenue ou est tout simplement empêché, il pourra envoyer un mandat par télex à un autre administrateur afin que son point de vue soit pris en compte au cours de la réunion. La timidité du législateur vient de ce que cette possibilité n'est ouverte que pour la représentation d'un administrateur au conseil et non pas pour la représentation aux assemblées générales. Peut être que cette prudence est justifiée par le nombre réduit des administrateurs qui se connaissent nécessairement, alors que les actionnaires peuvent même être des millions. Les problèmes de preuve restent toutefois intacts. La transmission a longtemps été manuelle ou postale. Aussi, le droit prévoyait-il des mentions adéquates en cas de transmission en main propre et le cachet de la poste, notamment pour dater un accord. Le droit est assez malhabile à appréhender les transmissions de documents faits par télex, télécopie102(*), et le droit camerounais en la matière est d'autant plus vieux qu'inadapté. En effet, le Code Civil applicable au Cameroun n'a accordé qu'une force probante très limitée aux copies, mais l'évolution des techniques de reproduction des documents nécessite une reforme profonde du droit de la preuve, ce qui n'a pas encore certainement été le cas. Donc la confiance qui caractérise le monde des affaires restera, on ne sait pour combien de temps encore la seule garantie des parties à la transmission d'informations. La timidité tient également de ce que l'outil informatique, notamment Internet n'a pas été envisagé, pourtant, il est possible de l'inclure dans les moyens pouvant servir à l'expression du vote de l'administrateur ou de l'actionnaire. B : LA POSSIBLE EXTENSION AUX NTIC Les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication sont le fait marquant de ce début de siècle. Dans tous les domaines d'activité, ses avantages ont permis de faciliter les échanges. Dans la représentation des actionnaires, notamment en France, Internet a notablement facilité l'information et le vote des actionnaires en assemblée générale103(*). Il a surtout permis le vote des non-résidents, qui détiennent une part importante, 35 à 40 % de la capitalisation boursière en France. À la lumière de cet exemple et au regard du vent de privatisation qui continue de souffler sur le Cameroun, on peut estimer que les actionnaires des sociétés privatisées au Cameroun qui résident à l'étranger ne feront pas toujours le déplacement pour assister aux assemblées générales. A défaut de pouvoir suivre les débats en assemblée sur un site, ils pourraient participer à distance, ceci en exprimant leur vote. L'avantage d'un tel système réside dans la facilité de l'accès à l'information qui est rendue immédiatement disponible, ce qui allège la tâche quant à l'impression et à l'envoi des différents documents par la poste. D'ailleurs, les journaux officiels sont considérés comme les instruments de travail des professionnels, plutôt que des particuliers, car rares sont ceux là qui les achètent. Les faiblesses sont nombreuses. La plus importante est l'inadaptation des textes pour la prise en compte de ces évolutions, notamment en matière de preuve. On peut également mentionner le faible niveau de développement technologique des Etats africains sur les capacités de réaliser et d'entretenir un système fiable. Peuvent-ils disposer d'un réseau de connections crédible pouvant permettre de mettre en oeuvre les moyens de vote par télétransmission ? D'autre part, la consécration de la représentation des actionnaires par des moyens des NTIC ne sera-t-elle pas une reforme élitiste sans grande importance, puisque n'intéressant que certains professionnels initiés à l'outil informatique ? Combien d'africains font d'Internet un véritable outil de travail ? Ce sont autant de questions qui font que la réforme proposée soit jugée inopportune pour certains. Toutefois, au regard de objectif de l'OHADA qui est de promouvoir l'investissement en Afrique, ceci en assurant une « unité de culture juridique avec la France et l'Europe »104(*) et en permettant aux investisseurs européens « d'évoluer dans un environnement juridique familier »105(*), on pourrait soutenir la réforme de la représentation des actionnaires en y incluant l'utilisation des NTIC. A défaut, la représentation collective des actionnaires devrait être encouragée. * 101 ROBERT (P.) : Le petit ROBERT, 1990, P.1933. * 102 TERRE (F.) : Op. Cit., n°490 et s, P.427 et n°542 et s, P.462. * 103 BISSARA (P.) : « L'utilisation des moyens de télétransmission et les assemblées générales d'actionnaires ». Rapport d'un groupe de travail de l'ANSA, : http://www.ansa.asso.fr. * 104 PAILLUSSEAU (J.) : "Le droit de l'OHADA, un droit très important et original". JCP, cahier de droit de l'entreprise, n° 5, P.3. * 105 Idem. |
|