2. ELABORATION DE LA CARTE
Projection des éléments de la
banque de données
Les données gravimétriques disponibles dans la
banque de données, avant d'être utilisées pour des
traitements ultérieurs doivent être converties en
coordonnées cartésiennes et nécessitent une interpolation.
La conversion des coordonnées géographiques en distances
kilométriques se fait par projection UTM (Universal Transverse Mercator
) sur l'ellipsoïde de Clarke (1880) avec le méridien central
13°E.
Interpolation des valeurs d'anomalies de
Bouguer
La méthode d'interpolation est basée sur
les éléments finis (Inoué, 1986). Par cette méthode
l'ajustement entre la surface calculée et les données
mesurées est obtenu en minimisant une norme composée des
résidus des données, des dérivées premières
et secondes qui représentent respectivement les écarts, les
fluctuations et les rugosités de la fonction de lissage. Le choix du pas
de grille dépend à la fois de l'extension latérale et de
la profondeur de la caractéristique géologique à localiser
(Neumann, 1967 ; Astier, 1971 ; Sharma, 1982). De plus, la profondeur
jusqu'au toit de la structure anomalique doit être supérieure ou
égale au pas de grille (Sharma, 1982).
Les données ainsi traitées ont permis
d'établir une carte d'anomalies de Bouguer obtenue en joignant suivant
un plan tangent au géoïde les points ayant la même valeur de
l'anomalie de Bouguer. Une courbe joignant des points de même anomalie
est appelée courbe iso-anomale. Le tracé de la courbe se fait par
ordinateur pour un besoin d'objectivité.
Pour la présente étude, nous avons obtenu
une carte d'anomalie avec des équidistances de 5 mgal. L'analyse de
cette carte permettra de déterminer la structure du sous- sol en nous
appuyant sur la géologie.
Fig. 6a : Carte d'anomalies de
Bouguer
N
3. INTERPRETATION QUALITATIVE DES DONNEES
GRAVIMETRIQUES
La carte d'anomalies de Bouguer (Fig.6a) permet de
faire une interprétation qualitative des anomalies en s'appuyant sur les
connaissances géologiques de la région. Une vue d'ensemble de
cette carte fait ressortir la répartition de la carte en plusieurs
secteurs gravimétriques qui laisseraient entrevoir la structuration en
profondeur de la zone d'étude. Un examen approfondi de la carte permet
de la repartir en secteurs gravimétriques négatifs et positifs.
On distingue ainsi :
- Les zones d'anomalies
positives
On distingue quatre secteurs gravimétriques
positifs dans la zone d'étude.
La partie occidentale de la carte est
constituée d'une zone d'anomalies positives caractérisée
par des iso-anomales de direction générale N-S et d'amplitudes
modestes. On a un minimum local de -5 mgal au sud-est d'Edéa. Ce domaine
correspond à la zone côtière.
Dans la partie méridionale de la carte,
située entre les méridiens 12° et 13° E, on observe une
anomalie positive avec un minimum de - 40 mgal au NE de la localité
d'Ambam. Cette anomalie est caractérisée par une direction
générale WSW-ENE et correspond à l'unité
archéenne du Ntem. L'anomalie serait associée à la
présence de plutons lourds dans la zone mis en place à
l'Archéen ; elle corrèle bien avec les granitoïdes
charnockitiques du complexe du Ntem.
Le Nord-Est de la carte, au-dessus du
parallèle 4°N, est occupé par un panneau
gravimétrique positif. Ce domaine est caractérisé par des
iso- anomales étendues de direction générale presque W-E
et de faible amplitude. On observe une anomalie fermée de courte
longueur d'onde et d'amplitude - 25 mgals dans la localité de Mbama. La
présence de ce panneau positif serait due à une forte intrusion
de matériaux lourds dans la croûte ou à un
relèvement du socle panafricain.
La zone située à l'ouest du panneau
gravimétrique NE est marquée par un alignement d'anomalies
positives et négatives fermées, de courte longueur d'onde et de
forme presque circulaire. On remarque quatre anomalies : la
première située au nord de Ngambe a une amplitude de - 45 mgals,
la seconde dans la localité de Monatélé a une amplitude de
- 60 mgals, la troisième et le quatrième respectivement au nord
de Yaoundé et à l'est de Monatélé ont des
amplitudes de - 50 mgals et - 30 mgals. Ce chapelet d'anomalies suggère
de nombreuses intrusions de matériaux dans la croûte
témoignant d'une intense activité magmatique. L'origine de ces
anomalies pourrait être attribuée aux effets d'une suture de
plaque.
- Les zones d'anomalies
négatives
On distingue dans la zone d'étude deux
secteurs gravimétriques négatifs.
Dans la partie centrale de la carte, au sud de l'axe
Yaoundé- Abong-Mbang, on observe une anomalie négative de grande
dimension ; cette anomalie de direction W-E possède une extension
au sud du 3° N qui s'étale entre les localités de Djoum et
de Ngoila. Cette anomalie est caractérisée par des iso-anomales
de grande longueur d'onde, avec une amplitude de - 95 mgals au sud de la
localité d'Ayos. Cette vaste anomalie pourrait être due à
l'intrusion de matériaux légers dans la croûte, à
l'effondrement du socle dans la région ou à
l'épaississement de la croûte sous-jacente. L'anomalie
négative centrale, se prolonge vers l'Est, s'atténuant en
amplitude et prenant une direction générale WNW-ENE. Ce domaine
est caractérisé par des iso-anomales étendues de faible
amplitude (- 70 mgals). L'extension dans la région de
l'aulacogène de la Sangha pourrait être à l'origine de
cette anomalie. On note dans cette région la présence de deux
anomalies de courte longueur d'onde. La première anomalie située
au sud de Yokadouma est caractérisée par des iso-anomales
circulaires et de faible amplitude (minimun local de - 90 mgals) ; cette
anomalie semble indiquer la présence d'une cuvette dans la
région. La seconde anomalie d'amplitude plus modeste (- 60 mgals)
située à l'est de Ngoila est caractérisée par des
iso-anomales fermées ne définissant pas une forme
géométrique particulière. Cette anomalie serait due
à la présence de la tillite de Mouloundou. Au niveau de la
frontière Cameroun-R.C.A les nombreuses anomalies circulaires qu'on
observe se superposent aux roches basiques de la série de Nola.
A l'est du gradient côtier, entre les
méridiens 10 et 11° E, on observe une zone d'anomalie relative
positive (- 50 mgals) caractérisée par des anomalies de courte
longueur d'onde et de forme presque ellipsoïdale. Ces anomalies
correspondent à la série éburnéenne du Nyong et
à la terminaison occidentale de l'unité du Ntem. L'allure de ces
iso- anomales pourrait traduire la présence en profondeur de structures
lourdes de forme bidimensionnelle. Il s'agirait de roches intrusives
(orthogneiss et syénites) qui ont été affectées par
l'orogenèse éburnéenne vers 2050 Ma (Toteu et
al., 1994) et remontées à la faveur de
l'intensité du magmatisme panafricain. La présence de
dolérites dans la série du Nyong marquerait à l'ouest du
craton du Congo, l'ouverture d'un fossé
paléoprotérozoïque qui recueille les formations du Nyong.
- Les zones de gradient
Les différents domaines gravimétriques mis
en évidence sont séparés par des zones de gradient. Ces
gradients représentent des discontinuités gravimétriques
matérialisant des fractures allant des faibles aux grandes profondeurs.
Le domaine positif septentrional et l'anomalie
négative centrale sont séparés par une zone de gradient
latéral élevé formé par une succession d'anomalies
filiformes serrées de direction W-E placée au-dessus des
formations panafricaines à la latitude de Yaoundé. Ce gradient
s'étend depuis l'axe Yaoundé-Abong-Mbang jusqu'en R.C.A en
s'affaiblissant. Il dénote une structure tectonique majeure
pénétrant la croûte, et marque la transition entre le
craton du Congo au Sud et la chaîne panafricaine au Nord. Cette structure
aurait favorisé l'effondrement du socle dans la partie centrale de la
région.
Le bassin côtier de Douala est
séparé des formations éburnéennes du Nyong par une
zone de gradient qui indique une structure linéaire qui peut être
interprétée comme un accident en bordure du bassin. Cette faille
aurait favorisé l'effondrement du socle au Protérozoïque
lors de la formation d'un fossé qui recueille les sédiments de la
série du Nyong.
Sur l'axe Mbalmayo-Ebolowa, on observe une zone de
faible gradient ; cette zone sépare le plateau négatif
central d'une zone lourde à l'ouest de celui-ci. Ce gradient semble
traduire le chevauchement de la série du Nyong par la nappe de
Yaoundé.
La zone de gradient séparant le plateau
négatif central et le domaine positif Sud-Ouest (reposant sur
l'unité du Ntem) se caractérise par des iso anomales
linéaires filiformes serrés à gradient relativement fort
par endroits donc à forte variation des roches sous-jacentes. Elle se
subdivise en trois segments :
- le premier de direction SW-NE part de la
région Nord d'Ambam vers la localité de Nlobessé. Il
suit le contact entre les charnockites au Sud et les granites au Nord.
- le second, dans la direction Nlobessé -Djoum. Il
traduit une zone sous-jacente à
variation latérale de densité importante, de
direction NW-SE. Cette zone semble
correspondre à la limite entre les unités du
Ntem et celles de l'Ayina.
- le troisième segment de direction ENE-WSW
partant de Djoum sépare la plage positive méridionale d'une zone
négative à l'extrême sud de la carte.
Dans l'ensemble, la direction générale des
iso-anomales parait suivre celle des contacts géologiques
observés dans la région. Au Nord, la direction des iso anomales
semble suivre le contact entre les formations du craton au Sud et les
formations de la chaîne panafricaine au Nord. L'allure sinueuse de ces
iso anomales au Nord marque l'importance du phénomène de
plissement et de la tectonique lors du remaniement de la croûte
panafricaine.
L'analyse de la carte de Bouguer a permis d'envisager
une structuration complexe du socle de la région en profondeur et
d'identifier les principales formations géologiques de la région
d'étude. La zone de gradient située le long du parallèle
4°N semble indiquer le contact entre les formations du craton au Sud et
les formations de la chaîne panafricaine et la zone de gradient
côtier indique une faille en bordure du bassin côtier. La
complexité de la structuration du socle en profondeur
suggérée par l'analyse serait la conséquence de la
collision entre les deux blocs structuraux. A la suite de l'analyse nous allons
à présent procéder à l'interprétation
quantitative des données gravimétriques ; elle permettra de
proposer un modèle du sous-sol de la région.
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